Chronologie des médias

La chronologie des médias est la règle définissant l'ordre et les délais dans lesquels les diverses exploitations d'une œuvre cinématographique peuvent intervenir. Cette réglementation a essentiellement pour but la sauvegarde de l'exploitation en salle des films. Ce n'est en effet qu'après une durée déterminée que les autres formes d'exploitation (vidéo, télévision...) sont autorisées.

Au niveau de l'Union européenne, c'est une recommandation de 1987 qui l'évoque pour la première fois, puis la directive dite « télévision sans frontières » du 3 octobre 1989[1] qui en pose les premiers jalons. Une nouvelle directive du [2] prévoit que la chronologie des médias sera fixée d'un commun accord entre les ayants droit et les diffuseurs.

Aucun autre pays n'a adopté une réglementation nationale de chronologie des médias. Celle-ci passe le plus souvent et plus simplement par des contrats entre les différents intéressés pour chacun des films. Ce système plus libéral est notamment celui en vigueur aux États-Unis.

En France

Historique

Le téléviseur se popularise dans les années soixante.

C'est avec la télévision que l'idée d'une chronologie des médias émerge. Dans les années soixante, on constate une baisse constante de la fréquentation des salles. Peu à peu, les ménages s'équipent de postes récepteurs et la télévision devient une menace concurrentielle sérieuse pour les salles de cinéma.

C'est d'abord un usage qui détermine la diffusion sur l'ORTF des films cinématographiques, le délai étant de cinq ans après la sortie en salle. Tant que l'audiovisuel demeure public et jusqu'à l'arrivée de la vidéo chez les particuliers, le législateur n'éprouvera pas le besoin de fixer les choses. C'est en effet à compter des premières exploitations des films sur supports vidéographiques que, le , des arrêtés ministériels instaurent pour la première fois un délai pour l'édition vidéographique et la télédiffusion. Une loi du sur la communication audiovisuelle vient définitivement entériner le principe, et son décret d'application du détermine des délais obligatoires[3]. Plusieurs modifications de ces dispositions suivront au gré des avancées technologiques et de la diversification des médias (chaîne cryptée, télévision par câble, vidéo à la demande...). Sous l'impulsion de l'Union européenne, la chronologie des médias cessera néanmoins d'être déterminée par la voie législative ou réglementaire, pour être l'objet d'accords interprofessionnels.

Ainsi, selon la loi, « Les contrats conclus par un éditeur de services de télévision en vue de l'acquisition de droits de diffusion d'une œuvre cinématographique prévoient le délai au terme duquel la diffusion de celle-ci peut intervenir. ». Le texte dispose encore que « Lorsqu'il existe un accord entre une ou plusieurs organisations professionnelles de l'industrie cinématographique et un éditeur de services portant sur les délais applicables à un ou plusieurs types d'exploitation télévisuelle des œuvres cinématographiques, les délais de diffusion prévus par cet accord s'imposent à l'éditeur de services. »[4].

Au besoin, depuis la loi Création et Internet du 12 juin 2009, le ministre chargé de la culture peut prendre un arrêté d'extension de l'accord qui a pour effet, sous certaines conditions, de le rendre obligatoire pour tous, y compris pour les organisations et acteurs du milieu qui ne l'auraient pas signé[5].

Dispositif

La chronologie française des médias court à compter de la sortie en salle. Depuis le , l'ordre est le suivant :

Délai pour la
première exploitation
Délai pour les films ayant réalisé moins de
100 000 entrées après 4 semaines d'exploitation
mode d'exploitation
Dès l'obtention du visa d'exploitation-exploitation en salle
4 mois3 moisvente et location de supports vidéographiques, vidéo à la demande avec paiement à l'acte
8 mois6 moispremière fenêtre payante : télévision payante de cinéma ayant signé un accord avec les organisations du cinéma (Canal+, OCS)
17 mois15 moisdeuxième fenêtre payante : télévision payante de cinéma
17 mois15 moisvidéo à la demande par abonnement : plates-formes dites « vertueuses* »
22 mois 20 mois première fenêtre gratuite : télévision en clair investissant au moins 3,2 % de son CA (part antenne) dans le financement d'œuvres européennes (TF1, France Télévisions, M6...)
30 mois 28 mois deuxième fenêtre gratuite : télévision en clair n'ayant pas d'engagement d'investissement dans le financement d'œuvres européennes
30 mois 28 mois vidéo à la demande par abonnement : plates-formes « non vertueuses* » ayant signé un accord avec les organisations du cinéma
36 mois34 moisvidéo à la demande par abonnement : plates-formes « non vertueuses* » (Netflix, Disney+, Amazon Video)
44 mois42 moismise à disposition en vidéo à la demande gratuite

* Une plate-forme est considérée comme « vertueuse » si elle respecte une série d'engagements assez stricts en termes de financement de la création française[6].


Entre le [7] et le , l'ordre était le suivant :

Délai pour la
première exploitation
Réduction accordée
à titre dérogatoire
mode d'exploitation
Dès l'obtention du visa d'exploitation-exploitation en salle
4 mois4 semaines au plus avant le délai légal[8]vente et location de supports vidéographiques, vidéo à la demande avec paiement à l'acte
10 mois-télévision payante de cinéma ayant signé un accord avec les organisations du cinéma
12 mois-télévision payante de cinéma
22 mois-télévision payante (hors cinéma) ou non payante et investissant 3,2 % de son CA (part antenne) dans le financement d'œuvres européennes
30 mois-télévision payante (hors cinéma) ou non
36 mois-vidéo à la demande par abonnement
48 mois-mise à disposition en vidéo à la demande gratuite


Les délais imposés par la chronologie des médias ont un caractère impératif, c'est-à-dire, qu'on ne peut procéder à la communication de l'œuvre cinématographique par le mode d'exploitation visé avant que le délai soit écoulé, sous peine de sanctions. Toutefois, le CNC peut parfois autoriser, à titre dérogatoire, une exploitation plus avancée lorsqu'un film n'a pas eu de succès commercial. Dans le cas contraire, et pour des raisons marketing, s'agissant de délais minima[9], les producteurs et exploitants d'un film peuvent aussi décider entre eux d'allonger les délais (exemple : Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet).

Exception dans le cadre de la crise du covid-19

Dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire liée au covid-19, le Gouvernement prend la décision de faire fermer le au soir l'ensemble des bars, restaurants et commerces non essentiels, ce qui inclut les cinémas[10],[11]. Le de la même année est publiée au Journal Officiel la loi adoptée la veille instaurant l'état d'urgence sanitaire[12]. L'article 17 de cette loi prévoit que le Président du CNC peut, pour les films qui étaient encore exploités en salle au , décider de réduire les délais prévus par la chronologie des médias.

Notes et références

  1. « Directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle »
  2. « Directive 97/36/CE du Parlement Europeen et du Conseil du 30 juin 1997 modifiant la directive 89/552/CEE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle »
  3. Décret n°83-4 du 4 janvier 1983 relatif à la diffusion des œuvres cinématographiques
  4. Article L232-1 du Code du cinéma et de l'image animée (anciennement art. 30-5 du Code de l'industrie cinématographique)
  5. Article L234-1 du Code du cinéma et de l'image animée (anciennement art. 30-7 du Code de l'industrie cinématographique)
  6. « Ce rapport qui entend moderniser la chronologie des médias en France », sur Challenges (consulté le )
  7. cf. Accord pour le réaménagement de la chronologie des médias du 6 juillet 2009, annexé à l'arrêté d'extension du ministère de la culture en date du 9 juillet 2009 pris en application de l'article 30-7 du code de l'industrie cinématographique
  8. Accordé par le CNC, cette dérogation ne peut réduire le délai de plus de quatre semaines. Les films concernés sont ceux réalisant moins de 200 entrées durant leur quatrième semaine d'exploitation en salles.Voir l'ANNEXE Art. 1. 3. de l'ARRETE DU 9 JUILLET 2009 - Site du CNC
  9. Ibid.
  10. Arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 (lire en ligne)
  11. « Coronavirus : la France ferme bars, restaurants et commerces non essentiels », sur Les Echos, (consulté le )
  12. LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, (lire en ligne)

Annexes

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