Chiralité

La chiralité (du grec χείρ, ch[e]ir : main) est une importante propriété reliant les notions de symétrie et d'orientation, intervenant dans diverses branches de la science.

Un objet ou un système est appelé chiral s’il n'est pas superposable à son image dans un miroir. Cet objet et son image miroir constituent alors deux formes différentes, qualifiées d'énantiomorphes (du grec formes opposées) ou, en se référant à des molécules, des énantiomères. Le groupe des isométries laissant globalement l'objet initial ne possède que des rotations.

Un objet non chiral est dit achiral. Il est superposable à son image miroir. Autrement dit, le groupe des isométries laissant globalement invariant l'objet possède au moins une isométrie indirecte.

Chiralité en mathématiques

Définition

En mathématiques, un polyèdre est chiral s'il n'est pas superposable à son image par réflexion. Un objet chiral et son image miroir sont dits être énantiomorphes. Le mot chiralité est dérivé du grec χείρ (kheír), la main, l'objet chiral le plus familier; le mot énantiomorphe est formé à partir des mots grecs ἐναντίος (enantíos) 'opposé' et μορφή (morphe) 'forme'. Une figure non chirale est appelée achirale. Si un polyèdre est chiral, il possède deux formes énantiomorphes : une lévogyre  qui tourne à gauche », en latin lævus : gauche) et une dextrogyre  qui tourne à droite », en latin dexter : droit), comme les deux cubes adoucis ci-dessous.

Plus formellement, une figure est achirale si et seulement si son groupe de symétrie contient au moins une isométrie indirecte. En géométrie euclidienne, toute isométrie peut être écrite comme une application avec une matrice orthogonale et un vecteur . Le déterminant de est alors soit 1 ou -1. Si c'est -1, l'isométrie est indirecte. Une telle isométrie inverse l'orientation de l'espace, sinon elle est dite directe et est une matrice de rotation.

Il existe une définition mathématique générale de la chiralité dans les espaces métriques, qui ne sont pas supposés être euclidiens ni orientables. Elle s'appuie sur l'existence ou non d'une isométrie indirecte (qui ne peut pas s'écrire comme un produit de carrés d'isométries) laissant invariant l'objet[1].

Forme chirale

Les deux énantiomères d'un dé.

La chiralité peut être comparée à un simple problème de gants. Tous les enfants ont déjà été confrontés à un problème de chiralité en mettant la main droite dans le gant gauche et inversement. Un gant est un objet chiral car il n'est pas superposable à son image dans un miroir. Tout comme les pieds.

La distribution d'éléments différents dans l'espace, par exemple autour d'un point, peut conduire à des situations non identiques, donc des objets différents. Ainsi les dés à jouer sont des objets chiraux : la règle de construction veut que la somme des faces opposées soit égale à sept. Posons le six sur la face supérieure et par conséquent le un sur la face inférieure, puis le cinq devant donc le deux derrière. Il reste deux façons non équivalentes de terminer : le quatre à gauche et le trois à droite, ou inversement. On obtient deux formes énantiomorphes images l'un de l'autre dans le miroir.

L’hélice (et par extension les cordes/ficelles tournées, pas de vis, tire-bouchons, poignées de porte, etc) et le ruban de Möbius, de même que les tétrominos de forme S et Z du jeu vidéo populaire Tetris, montrent aussi la chiralité, bien que ces derniers soient seulement en deux dimensions.

Beaucoup d’autres objets familiers montrent la même symétrie chirale du corps humain (ou énantiomorphe) — gants, verres, chaussures, jambes d'une paire de bas, ciseaux, guitare, etc. — Une notion de chiralité similaire est considérée en théorie des nœuds, comme expliqué ci-dessous. Ou encore en biochimie pour la conformation et la réplication des protéines et pour expliquer le comportement pathogène et difficile à traiter de certains virions ou de maladies auto-immunes, et en physique subnucléaire pour les phénomènes de spin.

Achiralité en trois dimensions

Un objet achiral sans centre de symétrie ni plan de symétrie. Il est invariant par une isométrie indirecte, composée d'une réflexion et d'une rotation.

En trois dimensions, chaque figure qui possède un plan de symétrie ou un centre de symétrie est nécessairement achirale, puisque la réflexion par rapport à ce plan, ou la symétrie centrale selon le centre de symétrie sont des isométries indirectes laissant globalement invariante la figure :

  • Un plan de symétrie d'une figure est un plan , tel que est invariant avec l’application , lorsque est choisi comme étant le plan - du système de coordonnées.
  • Un centre de symétrie d’une figure est un point , tel que est invariant par l’application , lorsque est choisi comme étant l’origine du système de coordonnées).

Il existe néanmoins des figures achirales qui manquent de plan et/ou de centre de symétrie. Un exemple est la figure :

qui est invariante sous l’isométrie de renversement d’orientation  ; elle est donc achirale, mais ne possède ni plan de symétrie, ni centre de symétrie.

La figure

est également achirale ; elle a l’origine pour centre de symétrie, mais elle n'a pas de plan de symétrie.

Chiralité en deux dimensions

En deux dimensions, chaque figure qui possède un axe de symétrie est achirale, et il peut être montré que chaque figure achirale bornée doit avoir un axe de symétrie. (Un axe de symétrie d'une figure est une droite , tel que est invariante par l'application , lorsque est choisie comme étant l'axe du système de coordonnées).

Considérons le motif suivant :

< < < < < < < < < <
 < < < < < < < < < <

Cette figure est chirale, elle n’est pas identique à son image miroir suivant un axe ou l’autre :

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> > > > > > > > > >

Mais, si on prolonge le motif dans deux directions vers l'infini, on récupère une figure achirale (non-bornée) qui ne possède pas d'axe de symétrie. Son groupe de symétrie est un groupe de frise engendré par une réflexion glissée.

Théorie des nœuds

Un nœud chiral : le nœud de trèfle.

Un nœud est dit achiral (ou amphichiral) s’il peut être déformé continument en son image miroir ; sinon, il est dit chiral (en). Par exemple, le nœud trivial et le nœud de huit (en) sont achiraux, alors que le nœud de trèfle est chiral.

Chiralité en physique

En physique

Un champ vectoriel a la symétrie miroir : Exemple : le champ électrique produit par un « électron miroir » est l'image dans le miroir du champ produit par l'électron. En revanche le champ magnétique produit par le mouvement de l'« électron miroir » est inversé : le champ magnétique Bm derrière le miroir s'obtient en prenant l'antisymétrique du champ B devant le miroir. Cela provient de la définition du champ magnétique par un produit vectoriel ; le produit vectoriel n'est pas un vecteur, mais un tenseur antisymétrique qui ne comporte que trois composantes non nulles dans un espace à trois dimensions et qui peut donc être représenté par trois composantes : un pseudo-vecteur.

En physique des particules

Les lois fondamentales de la physique doivent être achirales, sauf l'interaction faible, qui n'est pas invariante dans la symétrie miroir, sauf à remplacer les particules par leurs antiparticules ; et la désintégration du kaon semble ne pas vérifier cette symétrie.

La chiralité est importante en physique des particules du fait que l'univers est asymétrique pour les spins.

Or jusqu'à présent, les neutrinos détectés ont une hélicité gauche (valeur de spin projeté sur la direction du mouvement = -1/2 < 0 ) et les antineutrinos une hélicité droite (valeur de spin projeté sur la direction du mouvement = +1/2 > 0) ; on peut comprendre cette rupture de la parité (invariance pour l'inversion du système de coordonnées spatiales) par le fait que le neutrino a une masse quasiment nulle (donc un comportement cinématique proche de celui de la lumière dans les laboratoires) et n'interagit que par la force faible.

Chiralité en chimie

Deux énantiomères d'un acide aminé, qui est chiral.

En chimie, un composé chimique est chiral s'il n'est pas superposable à son image dans un miroir. Si une molécule est chirale, elle possède deux formes énantiomères : une lévogyre  qui tourne à gauche », du latin laevus : gauche) et une dextrogyre  qui tourne à droite », du latin dexter : droite) qui font tourner un rayonnement polarisé de manière opposée.

Notes et références

  1. Michel Petitjean, « Chirality in metric spaces. In memoriam Michel Deza », Optimization Letters, vol. 14, no 2, , p. 329--338 (DOI https://doi.org/10.1007/s11590-017-1189-7)


Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

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