Chapelle de Mincé
La chapelle de Sainte-Barbe de Mincé est une ancienne chapelle de procession du XVIIIe siècle située à Echemiré. Elle fut érigée sur l'ancienne petite chapelle de Saint-Hubert de Mincé qui datait au moins du XVe siècle et qui fut désacralisée au XVIe siècle.
Localisation
La chapelle est située dans le département français de Maine-et-Loire, sur la commune de Echemiré située sur la propriété privée du château du Haut-Mincé[1].
Historique
Au Moyen-âge, la petite chapelle de Saint-Hubert de Mincé possédait un petit cloître qui permettait d'accueillir les processionnaires qui ne pouvaient assister aux offices depuis l'intérieur ou qui attendaient tout simplement leur tour pour y prier.
Jusqu'au XVIIe siècle, les croyants y priaient Saint-Hubert. Ce saint était invoqué afin d'éloigner les chiens enragés, les loups et les maladies lycanthropes de la paroisse. À Noter que vers 1350, les habitants de la région pratiquaient encore la chasse au loup (et parfois du loup-garou) sous les mobilisations traditionnelles de la famille de Rohan et ce, jusqu'à la Révolution française[2].
En 1680, l'expertise foncière du fief de Mincé relate que le seigneur Boysard de Mincé n'était plus en mesure d'entretenir ses biens. Elle détaille notamment que la petite chapelle avait été désacralisée et remaniée en chambre de nulle valeur tandis que le cloître servait d'antichambre et était relié à la grange.
En 1697, la chapelle est resacralisée depuis quelque temps et est tenue par Dom Jean-Baptiste Hardouineau, un religieux de l'ordre de Saint-Benoit.
En 1738, le maître fondeur d'Angers, Pierre Trony dit Labry, fond une cloche en bronze pour la chapelle de Mincé d'une hauteur de 26 cm et d'un diamètre de 34 cm. le seigneur de l'époque demande d'y inscrire : "Je suis Barbe de Mincé, par monseigneur Louis Frain de la Vrillière, cher seigneur de Mincé, de Chemans et président lieutenant général à Baugé et dame Louise Lucresse de Larsé son épouse en 1738". Il y fait placer ses armoiries (blasons doubles ovales sous couronne de marquis le premier d'azur à un chevron d'or accompagné en tête de deux têtes de buffles et en pointe d'un croissant d'argent qui est Frain de la Vrillière, supporté par deux palmes[3]).
Le et avec l'autorisation de monseigneur le Révérend évêque d'Angers Jean de Vaugirault, le seigneur de Mincé fait bénir la cloche de la chapelle de procession. Son parrain Charles Nouchet, marchand fermier du château d'Échemiré et Marie Moncousu sa marraine, bénissent la cloche sous l'invocation de Sainte Barbe en présence de Gabriel-Louis de Gauffredeau, curé d'Échemiré et de maître Joseph-Juste Caillot, notaire royal de Baugé (registres paroissiaux - année 1748 - vue 50/85[4]).
En 1757, après le décès du marquis de Broc, le fermier du Mincé prend la décision d'aménager la chapelle en étable et se fait résilier son bail en 1759 par la dame de Broc. Très dégradée, la cheminée de la chapelle est à démolir ainsi qu'une partie du cloître qui a également servi d'étable[5]. Les processions y sont malgré tout toujours actives car les processionnaires et la dame de Broc refusent qu'elle soit à nouveau désacralisée. On ne sait pas si des travaux furent prévus pour la restaurer mais elle resta en l'état jusqu'à la Révolution.
La cloche de Mincé va mystérieusement disparaître de la chapelle durant la Révolution française et se retrouver à Trémentines où elle servira d'abord à célébrer les offices clandestins de Charles Papin dit "l'Invincible"[6] (de 1793 à 1802), Grand Aumônier du Généralissime des Révoltés, vicaire insermenté de Trémentines et l'un des meneurs de l’insurrection angevine[7],[8]. La cloche servira à sonner la prière du soir dans l'église dès 1814.
En 1986, un membre du Patrimoine de France vient expertiser et inventorier rapidement le Mincé. Il découvre, mais n'arrive pas dater avec exactitude la chapelle qui n'était plus qu'une ruine sans toiture[9]. Les propriétaires du moment, pour une raison inconnue, détruisent les restes majeurs de la chapelle qui avait pourtant survécu à la Révolution Française.
En 2020, lors des travaux engagés pour restaurer la grange du château, un morceau de bénitier du XVe siècle, des restes ouvragés de tombeaux et deux bancs de pierre issus de la chapelle et du cloître furent trouvés dans les décombres. Ils avaient servi de matériaux de construction vers 1640 pour maçonner l'épais mur du bâtiment agricole.
En 2021, lors de recherches approfondies portant sur l'étude historique d'Échemiré, la cloche oubliée est finalement redécouverte à Trémentines où elle repose désormais dans le chœur de l'église Saint-Euvert, devenue la paroisse Sainte-Marie-des-Sources-de-l'Èvre[10]. Depuis environ 225 ans, la cloche de Mincé, bien qu'inventoriée dans les années 80, était toujours considérée dans le Baugeois comme perdue, détruite ou fondue. Sa redécouverte dans le Choletais est inestimable d'un point de vue historique, tant pour le château de Mincé que pour le passé révolutionnaire d'Échemiré et de Trémentines.
La cloche de Mincé a-t-elle été achetée, saisie, donnée ou volée ?
Des recherches sont actuellement en cours pour découvrir le responsable du démontage et de l'envoi de la cloche Barbe de Mincé à Trémentines près de Cholet, ville natale du Général Tranquille. L'issue de ces recherches pourrait permettre de soit faire revenir la cloche à Échemiré, soit légitimer officiellement sa place à Trémentines.
L'hypothèse d'un achat communal
Rien n'indique à ce jour que la cloche aurait été achetée par la commune de Trémentines.
En effet, aucune archive communale n'a encore été découverte pour valider cette hypothèse. Celle-ci est très peu crédible compte tenu du contexte historique de l'époque et du destin des cloches saisies.
L'hypothèse d'une saisie nationale
Rien n'indique à ce jour que la cloche aurait été saisie par la nation française au débuts de la Révolution.
En effet, aucune archive n'a été découverte pour valider cette hypothèse. Celle-ci est assez peu crédible car il est attesté que la chapelle avait justement échappé au pillage républicain et survécu à cette période parce qu'elle était encore à l'état d'étable et passait inaperçue, malgré son clocher[11]. De plus, si la cloche avait été saisie, elle aurait été directement transportée à Angers et fondue, soit pour faire de la monnaie de mauvaise qualité, soit des canons.
L'hypothèse d'un don à l'église
Rien n'indique à ce jour que la cloche aurait été donnée à l'église de Trémentines.
En effet, une première archive diocésaine du XIXe siècle mentionne sa présence en 1814 lors de la destruction des ruines de la très vieille chapelle de Notre-Dame de Toutes-Vertus située dans l'ancien cimetière pour adultes de Trémentines qui n'était plus utilisé depuis 1807. Une seconde archive du diocèse de Maine-et-Loire confirme que l’Archevêque Fruchaud donna la bénédiction aux trois nouvelles cloches de Trémentines en 1869, sauf Barbe de Mincé. Il est aussi précisé que les deux anciennes cloches communales aux origines floues furent fondues pour fabriquer la troisième, épargnant à Barbe de Mincé une funeste destinée.
Comme ces archives ne dévoilent pas son origine, cela n'est pas suffisant pour appuyer cette hypothèse. Celle-ci est donc à ce jour peu crédible vu le contexte historique car entre janvier et février 1792, Louis-Marie de la Réveillière-Lépeaux passe à Trémentines, fait enlever toutes les cloches et les fait envoyer à Angers[12]. En novembre 1793, un commissaire vient pour saisir tous les objets et ornements, sans exception, des lieux du culte catholique et les faire transporter à Cholet.
En définitif, en 1793 la paroisse ne semble plus avoir de cloche et ensuite, l'église et le bourg furent incendiés et pillés par les colonnes infernales du général républicain Louis-Marie Turreau. Ces éléments démontrent clairement que Barbe de Mincé ne pouvait pas s'y trouver avant 1794 vu l'emplacement de la chapelle dans le bourg (située à l'intersection de la route de Cholet et du May, un croisement très fréquenté (armées républicaines, vendéenne, chouannes, brigands, etc...)[13].
Si au moins un acte du clergé pouvait valider cette hypothèse, se serait celui de l'autorisation de bénédiction de la cloche pour la paroisse de Trémentines (acte déjà présent dans les registre d'Échemiré en 1748 et introuvable dans ceux de Trémentines). Dans le cas où cette cérémonie, autorisée par l'évêque d'Angers, n'aurait pas eu lieu, la cloche aurait donc été profane, désacralisée et donc inutilisable en l'état.
Les données actuelles prouvent sans ambiguïté que l'affectation cultuelle de la cloche est toujours rattaché au Mincé à Échemiré.
L'hypothèse d'un pillage par les chouans
Cette dernière hypothèse est la plus crédible au vu des données historiques retrouvées à ce jour.
Le 2 mars 1795, l'armée du colonel Henri-René Bernard de la Frégeolière, ancien seigneur de la Besnerie (un fief situé à environ 450 mètres du Mincé) et de la Frégeolière à Trémentines pille Échemiré et le Baugeois. Les 16 et 17 septembre 1799, le colonel Henri-René Bernard de la Frégeolière, lève la 13e Légion après l'appel du général Bourmont. Durant ces deux jours, ses chouans, pillent avec une violence inouïe la commune d'Échemiré. D'après les anciens et les professionnels locaux, ils auraient fait une entrée fracassante au Mincé (incendie de la porte cochère, de la grange et d'une partie du logis seigneurial, ainsi qu'un rapide combat à leur avantage dans la cour). Sur place, ils auraient dérobé tous les objets de valeur appartenant au domaine de la marquise de Broc et jeté le corps du garde de Mincé dans le puits-piège. Ces butins de guerre sont par la suite, dans la grande majorité des cas, partagés et dispersés dans la région pour financer la chouannerie et galvaniser les royalistes[14],[15].
De 1793 à 1802, Charles Papin dit "l'Invincible"[16] est Grand Aumônier du Généralissime des Révoltés, vicaire insermenté de Trémentines et l'un des meneurs de l’insurrection angevine[17],[18],[19]. Dans son cercle privé se trouve le terrible Prosper Barbotin, ancien vicaire de Saint-Georges-du-Puy-de-la-Garde et aussi Aumônier du Généralissime, un fanatique toujours armé d'un sabre et de deux pistolets, accusé d'assassinats et d'avoir menacé Cholet d'être pillée si elle n'ouvrait pas ses portes aux insurgés[20]. Tous deux seront mis aux arrêts en 1802 sur ordre de l'évêque d'Angers (qui accorde un traitement de faveur à Barbotin) et de Napoléon 1er, et emprisonnés à Turin (Papin) et Rimini (Barbotin) dans une prison ecclésiastique[21],[22],[23]. Il est malheureusement notoire que l'abbé Papin et ses confrères fanatiques prêchaient le meurtre (de républicains) et le pillage (pour financer l'effort de guerre) en Anjou[24].
Au vu de toutes ses informations, il est assez évident que la cloche fut pillée et ensuite apportée à Papin qui la gardera précieusement.
À propos des processions
Jusqu'au XVIIe siècle, les croyants y venaient en processions pour « prier dieu d'écarter de la paroisse les chiens atteints de la rage ». En réalité ils y priaient Saint-Hubert via la présence éventuelle d'une relique sacrée.
Le XVIIe siècle est une période encore mystérieuse car on sait que la chapelle fut resacralisée mais on ne sait pas à quel saint elle fut dédiée entre Saint-Hubert et Sainte-Barbe. Il est possible que ce soit Saint-Benoît mais sans réelle certitude.
À partir du XVIIIe siècle, les prieurs invoquaient Sainte Barbe de les protéger de la foudre. En effet, la cloche de Mincé avait été nommée et bénie en son nom. Voilà donc la fameuse chapelle d'Échemiré qui protégeait la paroisse de la rage et de l'orage[25].
Après la disparition de la cloche de Mincé, les processions cessèrent et la chapelle tomba en ruine, entraînant l'abandon de la chapelle de Sainte-Catherine de Rougé à Échemiré.
Les chapelles sœurs
Les chapelles de procession étant traditionnellement bâtie par paire, la chapelle sœur de celle de Mincé (située au nord d'Échemiré) était celle de Rougé (située au sud d'Échemiré). Cette dernière, dédiée à Sainte-Catherine, dépendait de l'ancien château de Rougé.
Totalement rasée en 1860 (tout comme le château de Rougé plusieurs années auparavant), sa cloche, nommée "Catherine de Rougé" en l’honneur de la vierge et martyre d'Alexandrie, portait également les noms de ses parrains et fut transférée dans l'église Saint-Martin d'Échemiré[26].
Autrefois, les processionnaires célibataires y imploraient la patronne de leur permettre de trouver un époux tandis que les mères allaitantes souhaitaient guérir de leurs migraines. Il n'est pas précisé si l'on y priait également afin de se préserver des naufrages.
Restauration
À ce jour, la priorité est axée sur la consolidation des deux derniers murs (est et sud) de la chapelle qui font partie intégrante des murs de clôtures de la propriété du Haut-mincé qui étaient "déjà vieux et sur le point de s'écrouler" en 1758. Les propriétaires actuels n'écartent pas l'idée de faire restaurer au moins le rez-de-chaussée de la chapelle (en tant que ruine figée) et le cloître, en partenariat avec les Bâtiments de France.
Cette possibilité s'offre car il existe toujours les encarts de poutres, de solives et l'emprunte des deux autres murs rasés dont celui de façade ouest sur lequel était maçonné le clocher qui culminait à environ 7,50 mètres. À noter qu'après examen approfondi de la ruine, le style architectural de la chapelle devait être très proche voire semblable à celle de la chapelle Notre-Dame-de-la-Garde de Seiches-sur-le-Loir (en version plus petite, d'où l’intérêt du cloître). Il ne serait pas surprenant que les architectes les ayant fait bâtir soient les mêmes ou liés (maître/apprenti).
La mémoire locale des anciens d'Echemiré du XXe siècle garde le souvenir d'une vieille chapelle possédant toujours un vitrail, sa charpente et une majeure partie de sa couverture d'ardoise. Elle était dotée d'une petite surface mais possédait une haute façade et un faîtage de pignon brisé qui gardait les restes d'un ancien clocher de pierre. Ce détail conforte l'idée de ressemblance entre ces deux chapelles.
Références
- « Manoir », sur www.pop.culture.gouv.fr (consulté le )
- Marguerite Cécile Albrecht, Marie-Rose Albrecht et Pierre Dabin, Anjou insolite, FeniXX réédition numérique, (ISBN 978-2-307-09913-0, lire en ligne)
- « Cloche », sur www.pop.culture.gouv.fr (consulté le )
- « Archives départementales de Maine-et-Loire: Archives en ligne », sur www.archives49.fr (consulté le )
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- Andegaviana, (lire en ligne)
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- Christophe Belser et Aurélie de Cacqueray, Les noms de famille en Poitou-Charentes Vendée, Archives & Culture, (ISBN 978-2-911665-18-9, lire en ligne)
- « Monuments à Manoir lieu dit le Haut Mince », sur patrimoine-de-france.com (consulté le )
- Julien Daïffi, Échemiré: Lieux et Momuments, Independently Published, (ISBN 979-8-5304-5460-8, lire en ligne)
- « Google », sur www.google.com (consulté le )
- « Le pillage des églises du district de Cholet par les républicains - Vendéens & Chouans », sur www.vendeensetchouans.com, (consulté le )
- « Cahier de l'abbé Guénet : chronique paroissiale de Trémentines durant la tourmente révolutionnaire (1789 - 1802). Don de M. Lallemand (mars 1985). », sur FranceArchives (consulté le )
- (en) Daniel Colasseau, Histoire de Baugé: Baugé sous la Révolution, Cingla, (lire en ligne)
- Revue de l'Anjou, Cosnier et Lachèse, (lire en ligne)
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- France Comité des travaux historiques et scientifiques, Bulletin philologique et historique: (jusqu'à 1715)., Impr. nationale, (lire en ligne)
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- Gaston Louis Michel Marie baron de Carné, Revue historique de l'Ouest, Bureaux de la Revue., (lire en ligne)
- Félix Deniau, Histoire de la Vendée d'après des documents nouveaux et inédits, Lachèse et Dolbeau, (lire en ligne)
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- « Baugé En Anjou Votre Magazine N°19 », sur calameo.com (consulté le )
- Célestin Port, Dictionnaire historique géographique et biographique de Maine-et-Loire, (lire en ligne)
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