Centre d'essais et d'évaluation de l'innovation

Le Centre d'essais et d'évaluation de l'innovation ou Center for Innovation Testing and Evaluation (dont l’acronyme anglais est CITE) [1] parfois simplement dénommé « Center » est une ville sans habitants conçue comme une vraie ville, proposée par la société américaine « Pegasus Global Holdings »[2], puis devant être construite à partir de 2015 en plein désert (dans le comté de Lea) au Nouveau-Mexique . Cette ville-laboratoire de 1,6 km2 qui pourrait être opérationnelle fin 2018, équivaudrait à une ville moyenne de 35 000 habitants (équivalent de Lens en France).

Selon son promoteur, cette ville permettra aux chercheurs et développeurs du secteur privé, public ou associatif de s'affranchir des réglementations et des risques d'accidents humains et tester sans risque ce qu’il estime être la « prochaine génération de technologies et innovations »[3].

Elle ne sera pas habitée afin de pouvoir tester « en toute sécurité » dans les bâtiments, voies de circulation (voies rapides, « canyon urbain » et réseau routier de banlieue et rural) les habitats et les réseaux de communication et les infrastructures de l’eau et énergétiques… différentes technologies dites innovantes, liées - selon le porteur de projet - à l'urbanisme et au développement durable et à la sécurité[4]. Parce qu’elle n’aura pas d’habitants, cette ville est souvent qualifiée de « ville-fantôme » [5],[6],[7].

Histoire

Ce projet est issu des propres besoins du groupe Pegasus. Ce dernier qui manquait de lieux où tester en vraie grandeur certains de ses matériels et résultats de recherche appliquée ou de R & D[1],[5],[8].

Antécédents : Il existe déjà des « maisons d'essais » (sans habitants), dont au CSTB en France. Il existe aussi de fausses petites villes destinées à l'entrainement de militaires (dont en France avec une cité-fantôme construite en 2006 dans l'Aisne comme "Centre d'entraînement aux actions en zone urbaine", qui reproduit une ville de 5 000 habitants (Jeoffrécourt) ou comme le faux village de Beauséjour (bourg d’une soixantaine de maisons, avec ses rues, immeubles, zone commerciale, camping et bidonville) ou le cinéma[9]. Ici, le groupe Pegasus a envisagé une ville beaucoup plus grande et représentative de l’environnement physique urbain moyen aux États-Unis.

Choix du site : Parmi les sites retenus par le promoteur du projet figurait deux lieux : Le premier, non retenu était Las Cruces, également au Nouveau Mexique dans le comté de Doña Ana[10]. L'autre site, préparé en concertation avec les autorités publiques régionales et locales a été confirmé en 2011 pour une construction devant initialement débuter en 2012 ; il s’agissait d’une zone désertique située à l’ouest de Hobbs.

Travaux : ils étaient annoncés pour mai 2012 [11] mais cette même année le projet a été ensuite repoussé par l’opérateur [12],[13], pour des questions de droits miniers concernant le terres qu’il voulait acheter[14]). Le projet semblait abandonné en 2013 [15], mais Pegasus a repris la planification de la construction en mai 2015 [16].

En 2015, ce projet a le soutien du gouverneur du Nouveau-Mexique (Susana Martinez) et Pegasus dit avoir conclu un protocole d'entente avec le département d’État chargé du développement économique. Le promoteur annonce 350 nouveaux emplois directs puis peut-être 3 500 de plus en lien avec ce projet, ainsi qu'une étude de marché/faisabilité (de 5 mois) est annoncée en octobre 2015.

Objectifs, usages annoncés

Cette ville laboratoire devrait permettre de tester « de bout en bout » et en vraie grandeur les avantages, inconvénients ou coûts de nouvelles technologies (matérielle et/ou logicielles).

Ces technologies pourront être relatives à l'énergie, aux transports (gestion de trafic, véhicules sans chauffeurs, livraison de colis par drones…), aux matériaux de construction, télécommunications, à la gestion de réseau, à l’agriculture ou encore à la sécurité.

Il s'agit notamment de pouvoir y tester des solutions aujourd’hui incompatibles avec la réglementation en vigueur dans une vraie ville ou aujourd’hui impossible à mettre en œuvre « pour des raisons pratiques, ou bureaucratiques »[17].

La ville sera équipée d’une nouvelle génération d'infrastructure sans fil à large bande passante (terrestre et satellitaire) dont l’intérêt en matière de « sécurité intérieure » pourra être testé in situ (de la fiabilité des cyber-puces à la vulnérabilité d’une ville aux actes de terrorisme).

Selon le Figaro[18], le Thorium pourrait éventuellement y être testées comme combustible nucléaire alternatif (solution proposée par le français Edgard Nazare dans les années 1950 [19].

Géolocalisation et surface projetée

Cette ville-laboratoire doit être construite à l'ouest de Hobbs dans le désert mexicain. Cette zone est située entre le site d’essai de la première bombe atomique et l’actuelle frontière du Mexique et non loin d’Albuquerque, qui abrite déjà des structures de Recherche (national labs), des universités d’État et des installations militaires et diverses ressources utiles au projet [20].

La surface totale du projet au sol pourrait atteindre 40 km2 !

Forme urbaine

L’échelle et la forme urbaine de ce laboratoire de 40 km2 s'inspirent de celles de Rock Hill, une ville moyenne de Caroline du Sud considérée par le porteur du projet comme ville américaine moyenne typique.

Avec des locaux administratifs, commerciaux et de faux habitats (dont tour, banlieues résidentielles), une zones commerciale, une zone industrielle, une église, un faux commissariat, un petit aéroport, la ville sera aussi entourée d'une véritable agriculture périphérique (pour tester la gestion de l’eau, dont avec une unité de désalinisation, et la production d'énergie verte (issue de la biomasse, de la géothermie, de l'énergie solaire et éoliennes, qui pourront bénéficier de nouvelles technologies et de smartgrids innovants).

Gestion de la ville-laboratoire

Un réseau souterrain de galeries et de laboratoires souterrains (inspiré des dessous de Disney World où les infrastructures de maintenance sont également très largement souterraines[17],[7] permettra aux chercheurs de travailler sous la ville elle-même[21].

Modèle économique du projet

La ville doit être construite avec des financement privés pour environ un milliard de dollars[3]. Elle pourra ensuite être « louée » à des laboratoires fédéraux ou universitaires, à des centres de technologie sans but lucratif, à des ministères et organismes fédéraux, ainsi qu'aux secteurs privés intéressés.

L’opérateur compte aussi se rembourser d'une partie des coûts de construction et de fonctionnement par la vente de la production excédentaire d'électricité, du service d'épuration ou dessalinisation de l’eau et par l’utilisation des infrastructures sans fil qui seront développées à cette occasion.

Critiques ou limites

  • Dans le contexte de sécheresse qui a touché plusieurs grands États américains, on peut se demander si l'opérateur ne manquera pas d'eau (mais ce problème pourrait être retourné en un défi à relever, via par exemple des systèmes collecteur d'eau et de recyclage et d'agriculture à faible consommation d'eau).
  • Une autre limite est liée à l'absence d'habitants et d'usagers, d'animaux domestiques, etc. qui fera qu'on ne pourra pas tester des systèmes socio-techniques complexes hors des conditions normales de vie urbaine, alors que l’on sait que le comportement de habitants a une grande importance sur l’utilisation ou le mésusage des systèmes domotiques ou écodomotiques. Les comportements humains face à ces solutions innovantes devront-ils ou pourront-ils être correctement simulés ? s’interrogent certains scientifiques et commentateurs dont Steve Rayner (co-directeur du Programme d'Oxford pour l'avenir des villes) selon qui « les technologies ne sont pas de simples artefacts, mais des systèmes sociaux intermédiés par les matériaux et dispositifs » . Selon lui Des tests en vraie grandeur physique, mais sans de vrais habitants risquent de conduire à résultats trompeurs parce vrais gens interagissent souvent avec les matériaux et les appareils d’une manière qui n’avait pas été prévues par leurs concepteurs [22].
    Brumley, le directeur responsable du projet estime que si cela est nécessaire, des gens pourraient être introduits dans la ville à pour la durée de certaines expériences, mais Rayner considère que cela ne suffira pas (« les habitants des villes ne sont pas seulement des individus interchangeables pouvant être introduits dans les paramètres expérimentaux ; ils sont des communautés diverses avec des cultures variées, et ont des attentes et des comportements qui évoluent au fil du temps »).
  • En outre, le projet ne contient pas de voie ferrée, de ligne de métro, tramway ou canal et semble très orienté vers des villes exploitables par des drones et voitures sans conducteur alors que l'intermodalité est un paramètre habituellement considéré comme important pour les solutions « douces » et durables.

Le porteur du projet

Il s’agit du groupe multinational Pegasus dont le siège est à Washington (district de Columbia). Cette entreprise se présente comme spécialisée dans les technologies nouvelles (R&D) appliquées aux systèmes, produits, services, véhicules à usages spéciaux, dont dans le domaine de la défense et de la sécurité (via sa filiale Pegasus Global Solutions stratégiques ou «PGSS» http://www.pegasusglobalholdings.com/defense-and-security-solutions.html s qui fournit l’amée américaine, des forces de sécurité privées et civiles, les polices locales).

Elle opère également dans le secteur des télécommunications sans fil, y compris satellitaires et notamment via les technologies de communication optique/laser (http://www.pegasusglobalholdings.com/laser-light-communications.html, http://www.pegasusglobalholdings.com/press.html).

Elle opère enfin aussi dans la recherche de l’innovation, et la gestion de la propriété intellectuelle, la facilitation de l'innovation et des systèmes d'incubateurs [23].

Références

  1. « Pegasus Global Holdings Announces Plans to Develop World's Largest Tech Testing and Evaluation Center », Pegasus Global Holdings (consulté le )
  2. Pegasus Global Holdings ; dirigeants de Pegasus
  3. Une ville fantôme high tech à 1 milliard de dollars ; Par G.N pour Batiactu, publié le 12/10/2015, consulté le 13/10/2015,
  4. Communiqué de presse de Pegasus Installation au Nouveau-Mexique d’un centre de tests – unique au monde - pour les technologies vertes et du 21e siècle (en anglais)], 2011-09-01 consulté 2015-10-13
  5. Matylda Czarnecka, « Ghost Town To Be Built As A Green Tech Test Bed », AOL Inc. (consulté le )
  6. Cameron Scott, « New Mexico will build renewable energy ghost town », Hearst Communications Inc. (consulté le )
  7. Rebecca Boyle, « New Mexico Building a 20-Square-Mile Empty City in Which to Test Renewable Energy », Popular Science (consulté le )
  8. Brid-Aine Parnell, « Inside the Skynet ghost town built by bunker-based boffins: Brainiacs beaver beneath barren burg called CITE », The Register, (lire en ligne, consulté le )
  9. Batiactu 2015, Une ville fantôme high tech à 1 milliard de dollars ; L'Aisne aussi a sa ville fantôme, Par G.N le 12/10/2015, consulté 2015-10-13
  10. Steve Ramirez, « City stung by loss of Pegasus to Hobbs », Las Cruces Sun-News, (lire en ligne, consulté le )
  11. Emily Badger, « America's Most Innovative Neighborhood: 15 Square Miles In New Mexico, Population: 0 », FastCompany, (lire en ligne, consulté le )
  12. Billion-Dollar Ghost Town Being Built in New Mexico for Self-Driving Car Research
  13. Eri Clausing, « Developers pull plans for New Mexico ghost town », The Desert Sun, Associated Press, (lire en ligne, consulté le ) :
    « (Brumley) said the group was pulling out “due to some very complicated and unforeseen issues with acquiring the land.” The deal involved both public and private parcels. »
  14. Foxnews (2012) Delay in plans for a $1B science ghost town raises eyebrows, publié 2012-08-06
  15. Ferraro, Nicole, « So Much for That Billion-Dollar Test City », Future Cities,
  16. « CITE: A Giant, Fake City In The Middle Of The Desert », The Atlantic, may 19, 2015 author=beauchamp, scott
  17. Golla, Mathilde (2015), article intitulé Cette ville qui vaut un milliard ne sera jamais habitée, publié 07/10/2015
  18. "Savants maudits, chercheurs exclus", tome 1, Pierre Lance, Ed. Trédaniel
  19. Megan Kamerick, « Pegasus Global Holdings plans massive technology testing center in New Mexico », New Mexico Business Weekly, (lire en ligne)
  20. Pegasus Global Holdings: Center for Innovation, Testing and Evaluation, vidéo mis en ligne le 9 nov. 2011/ You tube, http://www.pegasusglobalholdings.com
  21. The brand new $1billion ghost city in New Mexico where NOBODY will ever live, 7 oct. 2015
  22. Pegasusglobalholdings.com )

Voir aussi

Article connexe

Liens externes

Vidéographie

Bibliographie

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