Censure au Canada

Cet article recense les différentes activités de censure au Canada dans les domaines du cinéma, de la littérature et des bibliothèques.

Cinéma

Le contrôle cinématographique au Québec remonte au [1], avec la création du Bureau de censure des vues animées de la province de Québec. La Semaine religieuse de Québec souligne, en 1934, un point intéressant entre le livre et le cinéma : « Pèche-t-on contre la loi de l'Index en assistant à l'adaptation cinématographique d'un livre condamné, comme Les Misérables de Victor Hugo, ou Jocelyn de Larmartine ?[2]. » Arthur Douville répond à cette question en puisant dans le droit canon et décrète qu'un film et un livre sont distincts et que les lois prohibitives de l'Index sont trop strictes pour s'appliquer aux dérivés cinématographiques. Il souligne toutefois que les adaptations filmiques demeurent des « prohibitions communes à la morale[3]. » En 1967, le Bureau de censure devient le Bureau de surveillance du cinéma qui classifie les films plutôt que de les censurer. Aujourd'hui, c'est la Régie du cinéma qui s'en occupe.

Le film Après-ski de Roger Cardinal, adapté d'un roman érotique de Philippe Blanchont, est connu comme le seul film québécois condamné par un tribunal en vertu du Code criminel en 1971 et 1973[4].

Le prêtre Robert-Claude Bérubé est le principal auteur des cotes morales des films au Québec, une fonction qu'il occupe jusqu'en 1991[5].

L'Office national du film (ONF) a censuré des films pour des raisons politiques. Le film On est au coton, documentaire décrivant les conditions de travail difficiles dans l’industrie textile au Québec, de Denys Arcand a été censuré une vingtaine d'années par l'ONF[3]. Gilles Groulx a également subi la censure de cet office.

Le projet de loi C-10 proposé en mars 2008 attribue à la ministre du Patrimoine l'autorité d'annuler le financement public de films et d'émissions de télévision jugés « contraires à l'ordre public », et autorise le Patrimoine canadien à retirer des crédits d'impôt octroyés à des producteurs ou à en exiger le remboursement[6].

Le film Les ennemis du cinéma : une histoire de la censure au Québec, de Karl Parent et Yves Lever, sort à la même époque ()[7].

Littérature

La censure est d'abord un enjeu qui relève du pouvoir religieux, mais qui se sécularise à partir des années 1950 autour de la question de l'obscénité[8]. Le premier cas de censure en Nouvelle-France est associé à un pamplet, L'Anticoton, qui dénonce les Jésuites et qui est brûlé en 1625[9].

Le contrôle littéraire est également pratiqué sous le couvert de la recommandation par le biais de guide comme celui de Blanche Gagnon, qui fait paraître sous un pseudonyme, Bibliophile, un ouvrage intitulé Guide bibliographique pour la constitution d'une bonne bibliothèque en 1934 et qui propose une sélection d' « une irréprochable moralité[10]. Ce livre s'inspire de l'œuvre de l'abbé Louis Bethléem et de son répertoire intitulé Romans à proscrire (1904) et de la Revue des lectures[11].

  • Les Demi-civilisés de Jean-Charles Harvey, paru en 1934, qui a connu une censure cléricale officielle[12].
  • Le crime ne paie pas (Thugh with Dirty Mugs) (1939), film réalisé par Tex Avery, banni par des procédures judiciaires ayant eu lieu en 1967.
  • Noir Canada (2008), livre écrit par Alain Deneault avec Delphine Abadie et William Sacher, banni par des procédures judiciaires ayant eu lieu de 2008 à 2011. Ce livre a déclenché l'apparition de la loi anti-SLAPP du Québec, mais cette loi n'aurait pas pu s'appliquer à la poursuite en question parce que celle-ci a eu lieu en Ontario.

Bibliothèques et écoles

La censure est un enjeu incessant dans les bibliothèques publiques québécoises, et sous diverses formes : religieuse, politique et judiciaire[13].

En Ontario, en 2019, prétextant opérer un geste visant à la réconciliation avec les premiers peuples, le Conseil scolaire catholique Providence procède, sous l'égide de Suzy Kies, à la destruction de 5 000 œuvres littéraires. Cette action s'inscrit notamment par la destruction d'une trentaine d'entre-elles par autodafé en 2019 lors d'une cérémonie de purification. Les œuvres mises à l'index, incluant des bandes dessinées d'Astérix, Lucky Luke et Tintin, sont accusées de propager des stéréotypes et du racisme. Les gestes sont dénoncés par plusieurs auteurs, sans être unanimement dénoncés par l'ensemble des leaders politiques canadiens, notamment le Premier ministre Justin Trudeau[14].

Pour Jean-Philippe Uzel, spécialiste de l’art autochtone à l’UQAM, « brûler des livres, c’est réécrire l’histoire. Et le faire devant des enfants dans un but éducatif, c’est une aberration totale[15]. »

Publications

Il existe un certain nombre d'essais hors Québec qui dénoncent le censure du clergé et le contrôle littéraire au Canada français[16].

  • Clerical control in Quebec, par Edward McChesney Salt
  • Le cléricalisme au Canada, par R. de Marmande
  • The Rise of Ecclesiastic control in Quebec, par Walter Alexander Riddell

Références

  1. Un demi-siècle de censure cinématographique au Québec (29 janvier 2004).
  2. « Causerie de la semaine », Semaine religieuse de Québec, .
  3. Pierre Hébert, Kenneth Landry et Yves Lever, op. cit., p. 342.
  4. Pierre Hébert, Kenneth Landry et Yves Lever, Dictionnaire de la censure au Québec : littérature et cinéma, Fides, (ISBN 2-7621-2636-3 et 978-2-7621-2636-5, OCLC 63468049, lire en ligne).
  5. Pierre Hébert, Kenneth Landry et Yves Lever, op. cit., p. 73.
  6. Projet de loi C-10 : les conservateurs ne bronchent pas sur radio-canada.ca (3 mars 2008).
  7. Marc Cassivi, Petite histoire de la censure sur lapresse.ca ().
  8. Pierre Hébert, Kenneth Landry et Yves Lever, op. cit., p. 15.
  9. Pierre Hébert, Kenneth Landry et Yves Lever, op. cit., p. 40-41.
  10. Pierre Hébert, Kenneth Landry et Yves Lever, op. cit., p. 56-57.
  11. Pierre Hébert, Kenneth Landry et Yves Lever, op. cit., p. 56.
  12. Pierre Hébert, Kenneth Landry et Yves Lever, op. cit. (lire en ligne), p. 179.
  13. Pierre Hébert, Kenneth Landry et Yves Lever, op. cit., p. 78-83.
  14. Thomas Gerbet, « Des écoles détruisent 5 000 livres jugés néfastes aux Autochtones, dont Tintin et Astérix », sur Radio-Canada (consulté le ).
  15. Catherine Lalonde et Boris Proulx, « L’autodafé de livres jugés racistes envers les Autochtones s’invite dans la campagne électorale », ledevoir.com, 8 septembre 2021.
  16. Pierre Hébert, Kenneth Landry et Yves Lever, op. cit., p. 131-134.

Voir aussi

Bibliographie

  • Pierre Hébert, Yves Lever et Kenneth Landry (dir.), Dictionnaire de la censure au Québec, littérature et cinéma, Fides, Montréal, 2006, 715 p.
  • Yves Lever, Anastasie ou la censure du cinéma au Québec, Septentrion, Québec, 2008, 328 p.

Liens externes


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