Bronzes du Lorestan
Les bronzes du Lorestan (ou Luristan selon les sources) sont des sculptures en bronze du début de l'âge du fer qui ont été trouvées en grand nombre dans la province de Lorestan et à Kermanshah, dans l'ouest de l'Iran. Ils comprennent un grand nombre d'ornements, d'outils, d'armes, d'accessoires pour chevaux et d'un plus petit nombre d'ustensiles de vaisselles, dont des situles. Ceux découverts lors de fouilles documentées proviennent généralement de sépultures. L'origine ethnique de leurs fabricants reste incertaine, bien qu'il s'agisse peut-être de Perses, probablement liée aux Lurs modernes qui ont donné leur nom à la région. Leur période de production date probablement entre 1000 et 650 avant J.-C.
Les objets ont tendance à être plats et ajourés, comme le travail du métal dans l'art scythe. Ils représentent l'art d'un peuple nomade ou transhumant, pour qui tous les biens doivent être légers et facilement transportables, privilégiant des objets utiles tels que des armes, des fleurons (peut-être pour des piquets de tente), des harnais pour chevaux, des épingles, des tasses et des petits accessoires décoratifs. Les représentations des animaux sont courantes, en particulier les chèvres et les béliers, et les formes et les styles sont singuliers et inventifs. Le motif du « Maître des animaux », montrant un humain placé entre deux prédateurs apparaît souvent et de manière stylisée. Il existe également des variantes féminines de ce modèle.
Découverte
Les objets en bronze du Lorestan attirent l'attention du marché de l'art à partir de la fin des années 1920, encourageant des fouilles clandestines et un trafic d'antiquités considérable ; par conséquent emportés par le biais de réseaux de revendeurs en Europe ou en Amérique, sans aucune information sur les contextes de leur exhumation[1] .
Depuis 1938, des archéologues, majoritairement américains, danois, britanniques, belges et iraniens, ont procédé à des fouilles scientifiques dans les cimetières, notamment dans les vallées du Pish-e Kuh et du Pusht-e Kuh, respectivement au nord et sud du Lorestan. Le contexte de création de ces lieux de sépultures est encore mystérieux[2].
Contexte, style et datation
Le terme « bronze de Lorestan » n'est normalement pas utilisé pour les artefacts de l'âge de bronze iranien, en dépit de leur ressemblance[3]. Ces objets en bronze ressemblent à ceux trouvés en Mésopotamie et sur le plateau iranien, bien qu'ils se remarquent par la forte présence des motifs animaliers.
Avant la période des bronzes, le Lorestan se trouve sous la domination des Mèdes, succédant à celle des Kassites[4]. L'empire néo-assyrien domine en principe cette région difficile d'accès à l'époque en raison de son relief fortement accidenté. Les quelques pièces attribuées au Lorestan portant des inscriptions sont des pièces non authentifiées issues du marché des antiquités[4].
Les périodes de fabrication des bronzes se subdivisent en trois périodes[5], non rigides, correspondant à une évolution stylistique vers une asbstraction toujours plus poussée.
Typologie
Embouts décoratifs et sculptures tubulaires
Parmi les bronzes les plus caractéristiques se trouve une gamme d’objets avec une douille creuse ou un anneau, conçus pour être fixés au sommet d’une perche ou de tout autre support vertical, souvent à l’aide d’un accessoire intermédiaire indépendant. Ils peuvent avoir été utilisés avec d'autres éléments disparus[6]. Si leur fonction reste sujet à controverse, il s'agit sans doute d'emblèmes personnels de guerriers [7]. Comparées à des motifs plus récents, les sculptures animales se distinguent par leur naturalisme, en particulier le groupe des bouquetins[8]. Il existe également des tubes antropomorphes, dont certaines forment une tête de Janus[9]
Mors
Les mors à plaques ornées forment un autre groupe important des bronzes du Lorestan. Munis d'anneaux de harnachement, ces plaques ajourées sont munies d'un trou central pour le passage de l’embout buccal. Les animaux forment le motif principal, souvent dans des versions fantastiques avec des ailes. Il existe aussi des dessins de maîtres des animaux, de cochers et un sujet avec deux personnages encadrant une forme ressemblant à un arbre.
Formant normalement une paire, de nombreuses plaques sont isolées, peut-être séparées lors de leurs découvertes. Bien que la pratique de l’équitation soit alors très répandue alors parmi les élites du Proche-Orient, ce style de plaque large ne se trouve qu’au Lorestan. L'embout de la barre centrale du mors est également inhabituel par sa rigidité[10].
Tête d'épingle
De grandes têtes d'épingles décorées constituent le troisième type répandu et distinctif des bronzes du Lorestan. Elles se répartissent en deux groupes : les motifs sculptés et ajourés, dont beaucoup utilisent le répertoire iconographique des autres objets, et les têtes de disques plates et rondes. Leur utilisation reste incertaine, bien qu'elles servaient probablement d'offrandes votives, comme le suggère leur nombre élevé trouvé dans le temple de Surkh Dum, mais aussi de décoration ou d'arrache vestimentaire[11].
De nombreux motifs prennent la forment d'un visage. Le diamètre du disque est généralement compris entre 6 et 9 centimètres, et la hauteur de la broche atteint jusqu'à 20 centimètres. Des motifs similaires de grande taille se retrouvent sur certaines autres plaques dont le but est incertain[12].
Les faces, généralement arrondies pour remplir un espace circulaire, prennent souvent une allure féminine. Certaines pièces figurent des jambes ouvertes et des vulves, sans doute des idoles votives destinées à améliorer la fertilité. Le visage occupe parfois la plus grande partie du disque ou n'est qu'un élément central entouré d'autres sujets. D'autres dessins couvrent un large éventail de motifs, décoratifs ou religieux[3].
Bibliographie
- (en) Henri Frankfort, The Art and Architecture of the Ancient Orient, Penguin, , 4e éd. (1re éd. 1954), 456 p. (lire en ligne)
- (en) Oscar White Muscarella, Bronze and Iron : Ancient Near Eastern Artifacts in the Metropolitan Museum of Art, New York, Metropolitan Museum of Art, , 501 p.
- Nicolas Engel (dir.) (trad. de l'anglais), Bronzes du Luristan : énigmes de l'Iran ancien, IIIe-Ie millénaire av. J.-C., Paris, Paris-Musées, , 235 p. (ISBN 978-2-7596-0026-7)
- Ernie Herinck et Bruno Overlaet, « Les montagnards du Luristan et leurs bronzes énigmatiques », dans Laurence Mattet, Le profane et le divin : arts de l'Antiquité de l'Europe au Sud-Est Asiatique : fleurons du Musée Barbier-Mueller, Vanves, Hazan, , 538 p. (ISBN 978-2-7541-0309-1, lire en ligne), p. 146-153
Webographie
- (en) Oscar White Muscarella, « Bronzes of Luristan », sur Encyclopædia Iranica, (consulté le )
- (en) Bruno Overlaet, « Luristan Bronzes 1. The Field research », sur Encyclopædia Iranica, (consulté le )
- (en) Bruno Overlaet, « Luristan Bronzes 2. Chronology », sur Encyclopædia Iranica, (consulté le )
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Luristan bronze » (voir la liste des auteurs).
- Frankfort 1970, p. 340.
- White Muscarella 1988, p. 116.
- (en) Oscar White Muscarella, « Bronzes of Luristan », sur Encyclopædia Iranica, (consulté le )
- White Muscarella 1988, p. 117.
- De 1000 à 900 av. J.-C. pour la première, vers 900 à 750 av. JC. pour la seconde et de 750 à 650 pour la dernière.
- White Muscarella 1988, p. 136-140.
- Herinck et Overlaet 2008, p. 151.
- White Muscarella 1988, p. 142-146.
- White Muscarella 1988, p. 148.
- White Muscarella 1988, p. 155-157.
- White Muscarella 1988, p. 122-132.
- White Muscarella 1988, p. 202-206.
- White Muscarella 1988, p. 184-191.
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