Bosniaques
Les Bosniaques (en bosnien : Bošnjak, pl. Bošnjaci, /bɔˈʃɲaːt͡si/) sont un peuple slave du sud, de langue bosnienne, vivant majoritairement en Bosnie-Herzégovine et dans certaines régions de Serbie et du Monténégro comme le Sandjak. Il y a aussi des minorités bosniaques au Kosovo, en Autriche, en Allemagne, en Suède, en Turquie et en Croatie. Ils forment un peu plus de la moitié de la population de Bosnie-Herzégovine, soit 50,11 % (2013)[2].
Pour les articles homonymes, voir Bosniaque et Bosnien (homonymie).
Bošnjaci
Bosnie-Herzégovine | 2 159 508 |
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Turquie | 2 000 000[1] |
Allemagne | 280 000 |
Serbie | 170 000 |
États-Unis | 160 000 |
Autriche | 120 000 |
Monténégro | 90 000 |
Suède | 64 000[réf. nécessaire] |
Suisse | 46 000 |
Australie | 38 490 |
France | 30 000 |
Canada | 30 000 |
Pays-Bas | 25 000 |
Slovénie | 21 500 |
Belgique | 21 000 |
Danemark | 21 000 |
Croatie | 21 000 |
Macédoine | 17 000 |
Norvège | 12 000 |
Royaume-Uni | 10 000 |
Russie Ukraine Biélorussie |
5 000 |
Luxembourg | 5 000 |
Irlande | 2 000 |
Nouvelle-Zélande | 1 000 |
Population totale | 5 millions. |
Langues | Bosnien |
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Religions |
Islam sunnite Islam sans dénomination |
Ethnies liées | Slaves méridionaux (Serbes, Croates, Gorans en particulier) |
Dénomination
Origine du terme
La plus ancienne appellation est le terme historique Bošnjanin (en latin : Bosniensis), qui désignait un habitant de l'État médiéval de Bosnie. Les bans (vice-rois) et rois de Bosnie ont toujours utilisé ce terme dans leurs missives pour désigner le peuple dont ils font partie. Les Ottomans reprirent cette dénomination qui devint Boşnak dans leur langue, le suffixe « ak » propre à la langue turque remplaçant alors le suffixe slave « anin ». Au cours du règne ottoman, les Slaves de Bosnie s'approprièrent la désignation turque qui devint Bošnjak (pl. Bošnjaci), toujours pour désigner n'importe quel habitant de Bosnie, quelle que soit sa confession.
C'est ce terme qui fut repris au XIXe siècle par les Allemands (« Bosniake »), les Français (« Bosniaque ») et les Anglais (« Bosniak ») pour nommer l'habitant de Bosnie. Il garda ce sens premier jusqu'à l'éclatement de la Yougoslavie dans les années 1990.
En Bosnie en revanche, la dénomination Bošnjak tomba en désuétude au début du XXe siècle pour céder la place à Bosanac, car les catholiques et les orthodoxes ne se reconnaissaient plus dans le terme « Bosniaque / Bošnjak »[3],[4]. Aujourd'hui encore, Bosanac désigne tout habitant de Bosnie-Herzégovine. Bien qu'il ait été traduit en français par « Bosniaque » jusque dans les années 1990, la résurgence de l'appellation Bošnjak pour désigner les seuls Slaves musulmans de Bosnie a conduit à l'utilisation en français du terme de « Bosnien » comme traduction de Bosanac.
Histoire
Les premiers Slaves ont colonisé le territoire de la Bosnie-Herzégovine et des régions avoisinantes au VI et au début du VIIe siècle et se composaient de petites unités tribales tirées d'une seule confédération slave désignée par les Byzantins sous le nom de Sclaveni (tandis que les Antes associés colonisaient les parties orientales des Balkans)[5]. À leur arrivée, les Slaves assimilèrent les tribus paléo-balkaniques, majoritairement romanisées, génériquement connues sous le nom d'Illyriens sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine d'aujourd'hui, mais aussi la population celtique romanisée qui s'était mêlée à celles-ci depuis le IVe siècle av. Dans une moindre mesure, les Ostrogoths de langue germanique qui avaient pénétré dans la région à la fin du IVe siècle de notre ère.
Étant une région éloignée et montagneuse, la Bosnie semble avoir été colonisée par un plus petit nombre de colons slaves que la région en général et a peut-être servi de zone de refuge pour les peuples autochtones[6]. Les tribus désignées sous les ethnonymes de « Serbe » et de « Croate » sont décrites comme une seconde migration de différentes tribus au cours du deuxième quart du VIIe siècle qui ne semblent pas avoir été particulièrement nombreuses[7],[8]. Les premières tribus « serbes » et « croates », dont l'identité exacte fait l'objet d'un débat savant[9], sont venues à prédominer sur les Slaves dans les régions voisines. La Bosnie proprement dite semble avoir été un territoire en dehors du royaume serbe et croate et n'est pas énumérée comme une des régions colonisées par ces tribus.
Avec le temps, la Bosnie en vient à former une unité indépendante sous l'autorité d'un dirigeant, Ban Kulin, se nommant bosniaque. Au XIVe siècle, un royaume bosniaque centré sur la rivière Bosna émergea. Ses habitants, quand ils n'utilisent pas des noms plus locaux (comté, régional), se sont appelés Bosniaques[10]. Sous le Ban Kulin, la très grande majorité des habitants se convertit au christianisme bogomile (ou encore patarin), courant qui a été souvent persécuté par le catholicisme romain, ce qui explique entre autres pourquoi, aujourd'hui, les Bosniaques sont majoritairement musulmans.
Au Moyen Âge, la Bosnie rassemble essentiellement des Bosniaques de religion patarine (Église bosnienne) et catholique. En 1232, le ban Ninoslav fait du patarinisme la religion d'État[11]. Après la conquête ottomane et la chute du royaume de Bosnie, les Bosniaques patarins se convertiront graduellement à l'islam, promu par les turques. Au début des années 1600, environ deux tiers des Bosniaques étaient musulmans[12]. Les nouveaux maîtres ottomans feront venir des Valaques de religion orthodoxe comme force de travail ainsi que pour repeupler les territoires désertés à cause de la guerre ou de divers fléaux. C'est à partir de ce moment que s'implante plus sérieusement le courant chrétien orthodoxe en Bosnie alors qu'il n'était que très peu présent auparavant[13]. Lors de la période de l'éveil des nationalismes, les catholiques de Bosnie vont commencer à s'identifier comme Croates alors que les orthodoxes vont rejoindre le camp serbe. Ces entreprises de croatisation (en) et serbisation (en) de la population chrétienne, menées par les idéologues et missionnaires des pays voisins, seront vivement décriées par le frère franciscain Antun Knežević (en), lui-même s'identifiant comme Bosniaque et étant partisan d'un nationalisme bosniaque multiconfessionnel[3],[4]. Ainsi, avec le temps, seuls les musulmans garderont un sentiment envers la Bosnie et resteront Bosniaques.
Génétique
L'analyse des séquences microsatellites autosomiques n'a révélé aucune différence significative entre la population de Bosnie-Herzégovine et les populations voisines[14].
Musulman par nationalité
En 1918, lorsque la Bosnie est annexée par le Royaume de Yougoslavie, les Bosniaques deviennent des citoyens de seconde catégorie: leur peuple n'est plus reconnu par le pouvoir en place et leurs droits sont bafoués. À cause de leur adhésion à l'islam, ils deviennent les boucs émissaires de la haine que certains peuples voisins avaient accumulée pour les Ottomans durant leurs quatre siècles de règne dans la région. Cette situation perdure jusqu'en 1974, en Yougoslavie communiste, où les Bosniaques obtiennent finalement un semblant de reconnaissance. En effet, à ce moment, s'il existait officiellement les nationalités croate, macédonienne, serbe, monténégrine et slovène, la nationalité bosniaque n'avait pas de reconnaissance officielle et lors des recensements, la plupart des musulmans de Bosnie-Herzégovine en particulier et de Yougoslavie en général ne déclaraient pas d'appartenance nationale. En 1974 cependant, la nouvelle constitution yougoslave introduit la nationalité de Musulman (le M majuscule indiquant bien qu'il s'agit d'une nationalité), qui sera adoptée par la très grande majorité des musulmans slaves de Yougoslavie. Malgré la volonté des intellectuels bosniaques à un retour au nom historique Bosniaque, le président Tito refusa. Cette dénomination restera utilisée jusque dans les années 1990, lorsque les musulmans de Bosnie demandent la reconnaissance de leur peuple en tant que nation. Au début de la guerre de Bosnie-Herzégovine, les dirigeants des Musulmans de Bosnie choisissent de substituer à l'appellation « Musulman » le terme historique de Bosniaque / Bošnjak.
Utilisation du terme aujourd'hui
Aujourd'hui, les Bosniaques sont quelquefois désignés par le terme Bosniens, ou Bosniens musulmans. Cependant dans ce contexte, ces termes sont imprécis car Bosnien/ne(s) désigne les citoyens de Bosnie-Herzégovine, quelle que soit leur origine ethnique : Bosniaques, Serbes, Croates et les autres minorités de Bosnie-Herzégovine (Roms, Juifs...). Quant au terme Bosnien musulman, il est souvent considéré comme péjoratif, car il implique une désignation religieuse malgré les revendications historiques des Bosniaques pour une reconnaissance en tant que nation. Bien que le recensement de la population de 2013 montre les Bosniaques comme presque exclusivement musulmans (à cause de la politisation du recensement), il existe tout de même beaucoup de Bosniaques athées ou agnostiques et une petite minorité chrétienne, mais il est impossible d'en connaitre les chiffres exacts.
En français, le terme Bochniaques (transcription phonétique du terme Bošnjak) est apparu parfois en raison de la confusion fréquente entre Bosniaque et Bosnien pour désigner les Bosniaques lorsqu'il est question de musulman slave de langue bosnienne n'habitant pas la Bosnie-Herzégovine, notamment dans le Sandjak de Serbie, au Monténégro et au Kosovo.
Selon le Congrès bosniaque mondial, tous ceux qui ont pour langue maternelle le bosnien sont, de fait, Bosniaques, peu importent leur religion ou leurs croyances[15].
Emblème
Un symbole fréquent des Bosniaques est la fleur de lys représentant le lys bosniaque (ou Lilium bosniacum). Il était présent sur le premier drapeau de la Bosnie-Herzégovine indépendante mais ne figure pas sur le nouveau drapeau, plus ouvert vis-à-vis des autres composantes de la population de Bosnie-Herzégovine. Cet emblème est en fait le blason du premier roi bosniaque, Tvrtko Kotromanić.
Bosniaques notoires
- Kulin Ban : ban de Bosnie qui donna une grande indépendance à son pays et écrivit une charte considérée comme le plus vieux document en langue bosnienne. Cette charte délimite les frontières de la Bosnie.
- Tvrtko Kotromanić : d'abord ban et devient ensuite le premier roi de la Bosnie. Il agrandit de façon notable le territoire de la Bosnie.
- Muhamed Hevai Uskufi : écrivain et poète, auteur du premier dictionnaire en langue bosnienne (1632).
- Husein Gradaščević (en) : résistant connu pour sa révolte contre les Ottomans et son désir d'indépendance pour son peuple.
- Ivan Franjo Jukić : moine franciscain qui lutta pour l'éveil national et les droits des Bosniaques. Il était partisan d'un nationalisme bosniaque multiconfessionnel.
- Safvet-beg Bašagić (en) : écrivain et poète bosniaque, père de la Renaissance bosnienne.
- Mehmed Spaho : homme politique qui défendait les droits des Bosniaques dans le royaume de Yougoslavie. Il fut empoisonné par des Serbes à Belgrade en 1939, à cause de son objection à une partition de la Bosnie.
- Mak Dizdar (en) : poète bosniaque, inspiré notamment par les écrits présents sur les tombes médiévales bosniaques (stećci) des patarins de l'Église bosnienne
- Muhamed Filipović : intellectuel et historien qui lutta pour le retour du nom historique Bosniaque. Il est également président de l'Académie bosniaque des sciences et des arts.
- Alija Izetbegović : premier président (1992-2000) de la République indépendante de Bosnie-Herzégovine. Il a redonné son indépendance à la Bosnie après cinq siècles d'occupations étrangères.
- Dino Merlin : chanteur pop rock.
- Vahida Maglajlić : Héroïne du peuple de Yougoslavie
- Edin Džeko : joueur professionnel de football de l'AS Roma en ligue italienne et de l'équipe nationale de Bosnie-Herzégovine.
- Duda Balje, députée à l'Assemblée nationale du Kosovo
Notes et références
- Turcs d'origine bosniaque
- « CENZUS OF POPULATION, HOUSEHOLDS AND DWELLINGS IN BOSNIA AND HERZEGOVINA, 2013: FINAL RESULTS », sur popis2013.ba, p. 54
- (bs) Antun Knežević, Kratka povijest kralja bosanskih,
- (en) Antun Knežević, « Bosnian Friend (1870) », sur spiritofbosnia.org.
- (en) Hupchick, Dennis P. The Balkans from Constantinople to Communism, p. 28–30. Palgrave Macmillan (2004)
- (en) John VA Fine, Jr. (1983; 1991) The early medieval Balkans: A critical survey from the sixth to the late twelfth century, p. 37–38
- (en) Robert Donia et John VA Fine, Bosnia and Hercegovina : A Tradition Betrayed, Columbia University Press, (lire en ligne), p. 14–16
- Hupchick, Dennis P. The Balkans from Constantinople to Communism, p. 28–30. Palgrave Macmillan (2004)
- (bs) Heather, Peter, Empires and Barbarians: The Fall of Rome and the Birth of Europe, Oxford University Press, (lire en ligne), p. 404–406
- (bs) Pinson, Mark (1994). The Muslims of Bosnia-Herzegovina : Their Historic Development from the Middle Ages to the Dissolution of Yugoslavia. Harvard University Press. p. 19. (lire en ligne)
- Edina Bozoky, « Patarins », sur universalis.fr.
- (bs) Gábor Ágoston et Alan Masters, Encyclopedia of the Ottoman Empire, Infobase Publishing, (lire en ligne), p. 146
- (en) Noel Malcolm, Bosnia : A Short History, New York University Press, , p. 71–72
- (bs) Marjanović / International Congress Series 1288 (2006) 243-245 Damir et al., « Preliminary population study at fifteen autosomal and twelve Y-chromosome short tandem repeat loci in the representative sample of multinational Bosnia and Herzegovina residents », Institute for Genetic Engineering and Biotechnology, , p. 245 (lire en ligne)
- Svjetski Bošnjački Kongres (World Bosniak Congress): http://www.sbk.eu.com/izdvojeno/govor-predsjednika-banu-akademika-ferida-muhica-na-osnivackoj-skupstini-sbk/