Battage (agriculture)

En agriculture, le battage est une opération consistant à séparer de l'épi ou de la tige les graines des céréales, à extraire de leurs gousses des graines de légumineuses comme les haricots secs et plus généralement à séparer les graines mûres du reste de la récolte quel que soit le type de plante. Le battage se fait au fléau sur une aire à battre. Il se rapproche du dépiquage (ou dépicage), terme réservé au travail effectué seulement par foulage, généralement avec des bêtes[1],[2]. On a aussi utilisé les mots battaison[3] et batteries (au pluriel, en Poitou, par exemple). Au Moyen Âge, une batterie était un salaire reçu pour un battage de grains[4].

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Le battage au fléau

Le battage peut être réalisé manuellement à l'aide d'un fléau. Cette opération, pratiquée durant des siècles, est aussi l'occasion d'une expression artistique.

Le battage mécanique

Le battage évolue à partir de la fin du XIXe siècle avec l'aide de batteurs mécaniques incorporés dans une batteuse à poste fixe ou une moissonneuse-batteuse. L'emploi de cette dernière est général dans les pays industrialisés à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale.En dehors des très grandes exploitations qui peuvent engager suffisamment d'ouvriers, le battage mécanique donne lieu à un travail solidaire entre voisins, et souvent dans la parenté, et à l'établissement de tours de rôles. La batteuse et la locomobile peuvent être louées à un entrepreneur mais sont de plus en plus souvent acquises en syndicat[5]; entre 1882 et 1892, le nombre de locomobiles à usage agricole augmente de 30 %[6] C'était un travail dur mais aussi une fête autour d'énormes repas où la boisson ne manquait pas.

Par la suite, le ramassage du blé et son battage ont été proposés sur une même machine (moissonneuse-batteuse). Les moissonneuses-batteuses sont aujourd'hui des machines polyvalentes qui sont adaptées au battage de la plupart des récoltes moyennant le changement ou la modification de la table de coupe et le réglage du batteur et des systèmes de vannage et triage.

Opérations voisines

Il existe d'autres opérations voisines :

  • le foulage, par piétinement humain ou animal; le foulage par des animaux est aussi appelé dépiquage[1],
  • le chaubage, battage à la main contre un corps solide.
  • le dépiquage, à l'aide d'une planche à dépiquer.

L'écrivain Pierre Jakez Hélias donne une description complète de cette opération telle qu'elle était effectuée dans les campagnes françaises dans la première moitié du XXe siècle. Il évoque le passage du fléau à la batteuse[7].


Le dépiquage « animal »

C'est une méthode qui était jusqu'au début du XIXe siècle plutôt pratiquée dans le sud de la France et de l'Europe. Dans les régions sèches, le dépiquage détache le grain par froissement ; dans les régions humides, il faut joindre le choc du fléau pour ce faire[2].

Selon l’Encyclopédie des gens du monde[8], le dépiquage animal se pratiquait généralement sur une « aire » ou « place » de terre battue avec régularité et force. On y amenait les gerbes de céréales (dont les pailles étaient alors plus longues qu'aujourd'hui). On en coupait les liens de manière à former des cercles, où la paille occupe la partie supérieure, alors que les épis reposent sur le sol. Deux ou trois couples de chevaux, bœufs, ânes, baudets ou mulets, attachés deux à deux et les yeux bandés, étaient alors guidés au moyen d'une longe assez longue par un conducteur debout au centre de l'aire. Armé d'un fouet, le conducteur faisait tourner les animaux « dépiqueurs ». Aux extrémités du cercle, avec des fourches en bois des « valets » repoussaient sous les sabots des animaux la paille incomplètement brisée et l'épi non dépouillé de son grain.

Le cheval et la mule étaient préférés aux bœufs, leur trot dépiquant le grain plus rapidement. Que le nombre des paires soit de deux, de trois ou de quatre, selon l'importance de la récolte ou la nécessité de presser le dépiquage, on les mettait de front et l'opération pouvait durer du lever au coucher du soleil. Chaque quart d'heure, les animaux avaient droit à un court repos, avec une pause un peu plus longue aux heures des repas. L'inconvénient de cette méthode était que la paille était systématiquement salie par les déjections des animaux et qu'elle ne pouvait alors être conservée correctement.

En 1861, une étude de zootechnie décrit ainsi le dépiquage avec des chevaux de race Camargue :

« Dès que le jour commence, vers trois ou quatre heures du matin, les chevaux montent sur les gerbes posées verticalement l'une à côté de l'autre, et là, marchant comme dans le plus grand bourbier possible, ils suivent péniblement les primadiers enfoncés dans la paille, ne sortant que la tête et le dos : cela dure jusqu'à neuf heures. Ils descendent alors pour aller boire. Une demi-heure après, ils remontent, et trottent circulairement jusqu'à deux heures, moment où on les renvoie encore à l'abreuvoir. Ils reprennent le travail à trois heures jusqu'à six ou sept, et ne cessent de tourner au grand trot sur les pailles, jusqu'à ce qu'elles soient brisées de la longueur de 3 à 6 pouces. On peut supputer que dans cette marche pénible, les chevaux font de 16 à 18 lieues par jour, quelquefois plus, sans qu'on leur donne une pincée de fourrage, réduits qu'ils sont à manger à la dérobée quelques brins de paille et quelques-uns des épis qu'ils ont sous les pieds. Ce travail se renouvelle assez ordinairement tous les jours pendant un mois et plus. On a souvent essayé d'y soumettre des chevaux étrangers ; ceux-ci n'ont jamais résisté au même degré que les camargues »

 M. Truchet cité par Eugène Gayot, La connaissance générale du cheval : études de zootechnie pratique

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Le chaubage

Le chaubage est un procédé de battage par lequel on égrène les épis en les frappant par poignées sur un corps solide (rebord de table par exemple) afin de laisser la paille intacte. Ce procédé était employé principalement avec le seigle dont les pailles sont très longues pour faire des liens (de gerbes en particulier) ou du chaume de couverture[9]. Lors des moissons à la faux ou à la moissonneuse-javeleuse, des enfants étaient chargés de disposer un lien préparé (toron de pailles de seigle chaubées) auprès de chaque javelle à terre. Une personne expérimentée liait ensuite cette javelle qu'on appelait dès lors une gerbe. Cette pratique a disparu avec la moissonneuse-lieuse.

Notes et références

  1. Mazoyer, Marcel, 1933-, Larousse agricole, Paris, Larousse, , 767 p. (ISBN 2-03-091022-8, 978-2-03-091022-1 et 2-03-591022-6, OCLC 77097500, lire en ligne)
  2. Marcel Lachiver, Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé, Fayard, 1997, rubrique « dépiquage », p. 609.
  3. Dictionnaire encyclopédique Quillet, 1946
  4. « Batterie », sur cnrtl (consulté le )
  5. Les syndicats sont autorisés depuis la loi de 1884. Leur objet pouvait être seulement économique.
  6. Agulhon, Maurice (1926-2014)., Specklin, Robert., Duby, Georges (1919-1996). et Wallon, Armand (1911-1999)., Histoire de la France rurale. Tome 3, Apogée et crise de la civilisation paysanne : 1789-1914 (ISBN 978-2-02-004413-4, 2-02-004413-7 et 2-02-005150-8, OCLC 489253516, lire en ligne), p. 234, 449
  7. Le Cheval d'orgueil, chapitre VI, p. 341-358.
  8. Artaud de Montor, Encyclopédie des gens du monde : répertoire universel des sciences, des lettres et des arts; avec des notices sur les principales familles historiques et sur les personnages célèbres, morts et vivans, volume 8, Librairie de Treuttel et Würtz, 1837.
  9. Marcel Lachiver, Dictionnaire du monde rural. Les mots du passé, Fayard, 1997, rubrique « chaubage », p. 434.

Voir aussi

Bibliographie

  • Guy Marchadier, L'éloge de la batteuse en Creuse, Éditions Alan Sutton, 2004.

Articles connexes

Liens externes

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