Bartleby
Bartleby (titre original : Bartleby, the Scrivener: A Story of Wall Street) est une nouvelle de Herman Melville parue une première fois en 1853 dans le Putnam's Monthly Magazine[1] et reprise en 1856 dans le recueil Les Contes de la véranda.
Pour les articles homonymes, voir Bartleby (homonymie).
Bartleby | ||||||||
Publication | ||||||||
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Auteur | Herman Melville | |||||||
Titre d'origine | Bartleby, the Scrivener - A Story of Wall Street
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Langue | Anglais américain | |||||||
Parution | ![]() Novembre et décembre 1853 Putnam's Monthly Magazine |
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Recueil | ||||||||
Traduction française | ||||||||
Traduction | Pierre Leyris | |||||||
Parution française |
1951 | |||||||
Intrigue | ||||||||
Genre | Nouvelle | |||||||
Nouvelle précédente/suivante | ||||||||
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Historique
Elle a été publiée en français sous de nombreux titres différents : Bartleby l'écrivain, Bartleby le scribe, Bartleby : une histoire de Wall Street, et plus simplement Bartleby.
Bartleby est une œuvre éminemment atypique, qui a marqué au XXe siècle les écrivains de l'absurde, entre autres.
Résumé
Le narrateur est un notaire qui engage dans son étude un dénommé Bartleby pour un travail de clerc, chargé de copier des actes.
Au fil du temps cet être qui s'est d'abord montré travailleur, consciencieux, lisse, ne parlant à personne, révèle une autre part de sa personnalité : il refuse certains travaux que lui demande son patron. Il ne les refuse pas ouvertement, il dit simplement qu'il « préférerait ne pas » les faire, et ne les fait pas. Et cette phrase revient alors systématiquement dans sa bouche : « I would prefer not to », traduite en français par « je ne préférerais pas », « je préférerais ne pas », « j'aimerais mieux pas »[2] ou encore « j'aimerais autant pas »[3]. Peu à peu, Bartleby cesse complètement de travailler, mais aussi de sortir de l'étude, où il dort. Il ne mange rien d'autre que des biscuits au gingembre, et refuse même son renvoi par son employeur.
Résonance philosophique et politique
Ce personnage de Melville a inspiré de nombreux théoriciens de ce qu'on a appelé les théories de l'« antipouvoir »[4]. Ainsi Bartleby et sa fameuse phrase « Je préférerais ne pas » (qui conduit son employeur à ne plus rien lui demander) constituent-ils l'illustration de la stratégie de la fuite qui, selon certains théoriciens actuels (Toni Negri, notamment), doit remplacer la lutte directe. Ces penseurs s'approprient souvent la célèbre phrase de George Jackson reprise par Gilles Deleuze : « Fuir, mais en fuyant, chercher une arme »[5]. Il s'agit de combattre l'appareil d'État à distance plutôt que de l'affronter directement. La fuite s'impose non plus comme simple défection mais comme une nouvelle stratégie de lutte[6].
Postérité
Adaptations au cinéma
La nouvelle a été adaptée cinq fois au cinéma sous le même titre :
- 1970 : Bartleby réalisé par Jean-Pierre Bastid et Jean-Pierre Lajournade
- 1970 : Bartleby réalisé par Anthony Friedman, avec John McEnery, Paul Scofield
- 1976 : Bartleby réalisé par Maurice Ronet, avec Maxence Mailfort (Bartleby), Michael Lonsdale
- 1993 : Bartleby ou les Hommes au rebut (court-métrage) par Véronique Taquin, avec Daniel Gélin
- 2001 : Bartleby réalisé par Jonathan Parker, avec Crispin Glover, David Paymer, Glenne Headly
Adaptations au théâtre
- En 1989 : adaptation et mise en scène de René Dupuy, au Théâtre Essaïon, avec Pierre Clémenti
- En 2004, adaptation et mise en scène de David Géry au Théâtre de la Tempête puis repris au Théâtre de la Commune d'Aubervilliers en 2005 et en tournée, avec Yann Collette, Claude Lévèque, Jean-Claude Bolle-Reddat, Raphaël Almosni, Joachim Salinger
- En 2006, adaptation et mise en scène de Bartleby le Scribe par Stéphanie Chévara, avec Jean-Pascal Abribat, Maxime Bourotte, Sylvain Ferrandes, Vincent Leenhardt, Hocine Choutri, Igor Nermond, création de la Compagnie Mack et les gars
- En 2009, dans une lecture-spectacle mise en scène par François Duval, avec Daniel Pennac à La Pépinière théâtre (Paris). Un documentaire sur la préparation du spectacle, Bartleby en coulisses, a été réalisé par Jérémie Carboni (Zerkalo production).
Références à Bartleby dans les arts
- Un des personnages du roman La Vie mode d'emploi de Georges Perec porte le nom de Bartlebooth, condensé du Bartleby de Melville et du Barnabooth de Valery Larbaud.
- Bartleby est aussi le nom d'un ange déchu dans le film Dogma.
- On retrouve le personnage de Bartleby dans Bartleby et compagnie, œuvre romanesque d'Enrique Vila-Matas. Le narrateur de ce roman se lance dans l'étude de ce qu'il nomme le « syndrome Bartleby » : « Ce mal endémique des lettres contemporaines, cette pulsion négative ou cette attirance vers le néant, qui fait que certains créateurs, en dépit (ou peut-être précisément à cause) d’un haut niveau d’exigence littéraire, ne parviennent jamais à écrire. »
- Bartleby est le nom d'un personnage dans la bande dessinée Bone.
- Dans Des chrétiens et des maures, l'un des volumes de La Saga Malaussène de Daniel Pennac, l'un des personnages est atteint de "Bartlebisme", et il est fortement question de Bartleby.
- Artistes sans œuvres de Jean-Yves Jouannais, livre directement inspiré par Bartleby dans lequel l'auteur recense ceux qui auraient pu faire de « I would prefer not to » leur devise[7].
- Dans son roman Quelque chose en lui de Bartleby, paru en 2009, Philippe Delerm se réfère directement à Bartleby pour son personnage principal.
- Gisèle Berkman : L'Effet Bartleby. Philosophes lecteurs, coll. « Fictions pensantes », Éditions Hermann, 2011
- Enrique Vila-Matas, Bartleby y compañía (2001) Bartleby et compagnie (trad. Éric Beaumatin), Paris, Ch. Bourgois, 2002, rééd. 2009, est un parcours empreint de mélancolie vers le non-agir et l´ascétisme littéraire.
- Dans une séance de thérapie de l'épisode Adele: Week 2 (S3xE8) de En analyse, le personnage principal, Paul Weston, mentionne Bartleby.
- Dans l'essai Mon frère, de Daniel Pennac, paru en 2018.
- À la fin du film Alice et le Maire de Nicolas Pariser, l’héroïne offre le livre Bartleby au Maire.
- Julien Battesti, L'imitation de Bartleby, Gallimard, 2019.
- Thierry Bouchard, La Fin de Bartleby, Fario, 2020[8].
- I would prefer not to est le titre d'une chanson du groupe punk Zabriskie Point, dans lequel chantait François Bégaudeau.
Autres
- Une rubrique prétendument signée par Bartleby est proposée dans l'hebdomadaire économique The Economist. Elle évoque les conditions modernes de travail.
Éditions françaises
- Bartleby, une histoire de Wall Street, éditions Amsterdam, 2007 (ISBN 978-2-915547-58-0) traduit en français par Jérôme Vidal.
- Bartleby, le scribe, une histoire de Wall Street, éditions Allia, 2003 (ISBN 2-84485-123-1) traduit en français par Jean-Yves Lacroix.
- Bartleby, le scribe, Herman Melville – Stéphane Poulin, traduit par Anne-Sylvie Homassel, collection « Grands Classiques illustrés », éditions Sarbacane, 2013.
- Bartleby, le scribe, Herman Melville, éditions Libertalia (ISBN 978237-7290932) traduit en français de l'américain par Noëlle de Chambrun & Tancrède Ramonet, 2020.
Notes et références
- Putnam's monthly magazine 1853
- trad Bernard Hœpffner - éd Mille et une nuits 1994
- trad. Noëlle de Chambrun & Tancrède Ramonet, éd. Libertalia, 2020
- Razmig Keucheyan, Hémisphère Gauche, une cartographie des nouvelles pensées critiques, éd Zones, 2010
- Gilles Deleuze, Claire Parnet, Dialogues, Flammarion, 1974
- Melville (préf. Linda Lê), Melville : Bartleby, Paris, Flammarion, , 201 p. (ISBN 978-2-08-127529-4), p. 11
« Interview de Linda Lê : [...], le «spécimen le plus solitaire du genre humain», n'a pas fini de nous remettre en question en faisant, à sa façon, la révolution. »
- Article en ligne de la revue Le Matricule des anges http://www.lmda.net/din/tit_lmda.php?Id=4276
- « Éditions Fario », sur editionsfario.fr (consulté le )
Annexes
Bibliographie sur la nouvelle
- Gilles Deleuze, Bartleby ou la formule dans Critique et clinique.
- Giorgio Agamben, Bartleby ou la création.
Liens externes
- à propos du texte de Gisèle Berkman, Bartleby le préféré des philosophes, sur laviedesidees.fr, 2011
- Sylvette Ego, Dire que non : portrait de Bartleby en révolutionnaire, Sur savoirs-et-cliniques, 2011
- Doris Viprey, Bartleby d’Herman Melville, La lecture de Deleuze : Bartleby, ou la Formule, 2016
- François Bon, sur remue.net à propos de la nouvelle traduction par Jérôme Vidal (2007)
- Marie Blaise, Bartleby. « I would prefer not to » ou la disparition des possibles, sur fabula.org, 2017
- Le spectacle de Daniel Pennac au cœur d'un documentaire télévisuel vendredi soir, La Voix du Nord, , en ligne.
- Dossier pédagogique Teatro Argentina, en ligne.
- Histoire de la paresse (en 15 livres), sur senscritique.com
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