Bajo sexto et bajo quinto

Le bajo sexto (basse sixte en espagnol), et le bajo quinto sont des instruments de musique texans et mexicains qui appartiennent à la famille des guitares. Le bajo sexto possède six chœurs de deux cordes qui le rendent fortement parent de la guitare à douze cordes. Le bajo quinto n'est doté que de cinq chœurs et est en quelque sorte, un bajo sexto dont le chœur de cordes le plus grave a été supprimé.

Bajo sexto et bajo quinto

Bajo quinto (détail).
Le bajo sexto compte un chœur de cordes supplémentaire.

Classification Instrument à cordes
Famille Instrument à cordes pincées
Instruments voisins Bajo quinto, guitare à douze cordes, tres

Depuis le milieu du XXe siècle, le bajo sexto est devenu un instrument emblématique de la musique norteña, plus particulièrement du style norteño, et avec l'accordéon, de la mexicanité. Il est également utilisé, dans une moindre mesure, dans la musique traditionnelle des États d'Oaxaca et de Puebla. Il ne faut pas le confondre avec le guitarron, la guitare basse caractéristique des groupes de mariachis.

Histoire

Le Bajo quinto Mixtèque

Selon certains musicologues, la présence de bajo quinto est attestée depuis le début du XVIIe siècle dans les traditions musicales régionales des États de Veracruz, Puebla, Guanajuato, Michoacán, Oaxaca et Jalisco. Selon le musicologue Víctor Hernández Vaca[1], comme beaucoup d'instruments dit typiques, il a d'abord été utilisé dans un environnement religieux avant de passer dans l'univers festif pour l'exécution de huapangos, fandangos ou jarabes. Le fait qu'il soit équipé de cordes doubles l'apparente aux bandurrias et luths espagnols. Selon le musicologue Guillermo Contreras qui a collectionné les bajo quinto anciens des états de Puebla, de Morelos et de Guerrero, il serait une adaptation par les luthiers locaux de la Guitare Battante dont il aurait hérité les six jeux de double cordes et l'accordage.

Il est notamment utilisé pour exécuter la musique traditionnelle de l'ethnie Mixtèque.

Le bajo sexto norteño

Au Texas, l'accordéon s'était imposé au début du XIXe siècle comme le principal instrument populaire auprès des Texans de langue espagnole. Il était destiné à animer les évènements festifs, collectifs ou privés, pendant lesquels le musicien interprétait polkas, scottishes, mazurkas et redovas et des « vals bajito »). L'accordéoniste exécutait à la fois la mélodie et les basses, et était quelquefois accompagné par un musicien qui rythmait le morceau à l'aide d'une « tambora de rancho », un tambour fabriqué de manière artisanale à partir d'éléments peu coûteux qui avait la réputation d'être trop sonore.

Vers la fin des années 1920, la plupart des duos avaient adopté le bajo sexto en remplacement de la tambora de rancho. Ce dernier pouvait fournir la rythmique, et les accordéonistes découvrirent rapidement qu'il pouvait les affranchir de l'exécution des notes basses[2]. Une transcription de la polka La bella Italia vers 1935 par l'accordéoniste tex-mex Bruno Villarreal met en évidence le rôle alors principalement rythmique du bajo sexto[3].

L'un des premiers artistes qui a enregistré des chansons sur lesqelles il s'accompagnait au bajo sexto, est Ramon Jazo que l'on ne connait que pour les sessions d'enregistrement qu'il a réalisées, dès le début des années 1930, notamment à Chicago, pour Victor, Bluebird Records et Vocalion Records[note 1].

Bajo sexto

À Monterrey et dans sa région, dans les années 1930, le duo accordéon et bajo sexto n'était pas populaire. Un orchestre populaire y était alors plutôt composé d'un violon, d'une flûte, d'un bajo sexto et d'un tololoche[5]. Parmi les pères du style norteño, l'accordéoniste Narciso Martínez « El Huracán del Valle » (L'ouragan de la vallée)[note 2], le guitariste Santiago Almeida[3] qui l'accompagnait sur ses disques, et le duo Carmen y Laura qui l'accompagnait en direct à la radio sont réputés être les pionniers du genre[6].


L'association entre la musique norteña et le bajo sexto, qui est aujourd'hui un lieu commun, découle peut-être aussi, en partie, du caractère historiquement contestataire de l'instrument, et révèle en quelque sorte le caractère urbain d'une musique que l'on a eu tendance à considérer comme rurale à cause de l'origine et de l'attachement à leurs racines de beaucoup de ses plus brillants représentants[note 3].

Le bajo sexto a été utilisé pour composer et interpréter des romances au cours de la phase indépendantiste de l'histoire mexicaine, puis des corridos pendant la période révolutionnaire. Il a été utilisé notamment dans les années 1930 par Los Madrugadores[8], un groupe de musiciens originaires de l'État de Sonora, qui ont été parmi les premières grandes vedettes de la musique mexico-américaine[9],[10].

Dans les années 1950, le groupe emblématique Los Alegres de Terán a réenregistré une grande partie du répertoire de Los Madrugadores, qui tiennent une place importante dans l'histoire du Norteño, mais Tomás Ortiz, qui tenait dans ce duo le rôle de guitariste, a indiqué dans une interview, qu'il avait utilisé la guitare jusqu'au milieu des années 1940, et qu'en accord avec Ramiro Cavazos[11] qui travaillait alors avec eux[12], il l'avait remplacée par le bajo sexto.

Ramiro Cavazos a lui indiqué qu'il avait utilisé à la fois la guitare et le bajo sexto jusqu'en 1954, mais qu'il avait abandonné ensuite la première car son associé, au sein du duo norteño Los Donneños, l'accordéoniste Mario Montes n'en aimait pas le son trop faible[13]. L'ethnomusicologue Cathy Ragland a écrit que le bajo sexto est caractéristique de la région frontalière entre le Texas et le Mexique, et que cet instrument est orginaire de l'état de Durango[14], mais elle ne fournit aucune source documentaire qui viendrai étayer cette thèse néanmoins assez vraisemblable.


La création en 1963 par Alfonso Poncho Villagómez, lui-même virtuose reconnu de bajo sexto[15], originaire de General Terán (en), du label Discos Norteños, a joué un rôle important dans la reconnaissance du duo accordéon-bajo sexto comme noyau des groupes de musique norteña[16]. L'instrument a été rendu populaire en Colombie par le groupe Las Hermanas Calle et l'auteur compositeur interprète Alirio Castillo[17].

Accordage

Le bajo sexto compte 6 chœurs de 2 cordes (soit un total de 12 cordes) qui sont accordées en quartes parfaites : mi - la - ré - sol - do - fa.

Le bajo quinto, version à 5 chœurs, est accordé la - ré - sol - do - fa[18].

Jeu

Le bajo sexto est surtout utilisé comme guitare rythmique ou guitare d'harmonie. Les musiciens de Norteño font souvent usage de notes mortes ou de demi-accords étouffés afin de rendre le rythme de manière plus agressive. Ceci n'est toutefois pas caractéristique de l'instrument car les mêmes techniques sont souvent utilisées avec des guitares à six ou à douze cordes.

Trois styles de jeu principaux existent aujourd'hui[19] :

  • Le style traditionnel dans lequel le guitariste de bajo sexto utilise les cordes graves de l'instrument pour jouer les temps forts des mesures, en alternant généralement la basse primaire et la basse secondaire de l'accord, et les cordes aiguës pour jouer les temps faibles des mesures.
  • Le style limpio (propre), développé par les guitaristes de bajo sexto et de bajo quinto Eliseo Robles et Fidencio Ayala, du groupe Los Bravos Del Norte, qui tient aussi au fait que l'accordéoniste Ramon Ayala a intégré de nombreux morceaux de cumbia dans le répertoire du groupe. Il consiste à n'utiliser que les cordes aigües du bajo sexto pour jouer les temps faibles des mesures, les temps forts sont exécutés par le bassiste à l'aide d'une basse électrique.
  • Le style contemporain qui est une adaptation des deux précédents, et qui recourt abondamment aux ornements et à l'exploration des gammes de l'instrument. Il est influencé par le style de la musica campirana et celui du serieño banda qui ont tendance à emprunter des habitudes du rock et du hard-rock (la répétition des riffs et les ponts au sein des chansons, par exemple).

Luthiers

  • La famille Acosta, originaire de Lagos de Moreno, dans l'état de Jalisco, au Mexique, a produit, depuis 1920 jusqu'au milieu des années 1070, à San Antonio, au Texas, des bajo sexto réputés pour la clarté de leur ton[20], qui faisaient partie des instruments favoris de Santiago Jimenez et de ses fils Santiago Jimenez Jr. et Flaco Jimenez[21].
  • La famille Macias produit depuis trois générations (Martin Macias, son fils Alberto, puis son petit fils George) des bajo sexto et des bajo quinto à San Antonio, au Texas[22].
  • Bajoquintos Marro produit à Santiago (es) au Nuevo León des bajo quinto de facture artisanale qui ont la faveur, notamment, d'Eliseo Robles Jr. du groupe La Leyenda.
  • Le distributeur d'instrument de musiques Fortaleza Guitars[23], créé par Miguel Gaxiola, bajoquintiste du groupe Voz de Mando et Ariel Avilez[note 4] distribue des bajo sexto et des bajo quinto fabriqués par le luthier « Carlos Garcia e Hijos » à Tijuana[25] qui ont séduit, notamment Rolando Pérez, seconde voix du groupe Conjunto Primavera (es).
  • Le maître luthier Jésus Sevillano à Tijuana produit des bajo quinto, des bajo sexto, des toloches et des guitares artisanaux de haute qualité.

Variantes

Jorge Loayzat du groupe Buyuchek a expérimenté la connexion d'un bajo sexto avec des pédales de distorsion et l'utilise sur certains enregistrements[26].

Le bajo bass est une adaptation d'un bajo sexto dont la marque a été déposée par Angel Ruiz, le guitariste de bajo sexto du groupe Los Rojos. Elle consiste à ne pas installer les cordes d'octave des trois cordes graves (mi - la - ré) du bajo sexto, et à doter celui-ci d'un double micro afin de pouvoir égaliser de manière différente le son des cordes graves et des cordes aigües[27],[28].


Emploi dans d'autres genres musicaux

Flaco Jimenez et Max Baca interprètent, à l'accordéon et au bajo sexto, une chanson de Buck Owens au Café Flamingo Cantina, à Austin (Texas)
  • Flaco Jiménez et son bajosextiste, Max Baca ont été invités par The Rolling Stones, à enregistrer avec eux la chanson « Sweethearts Together » sur leur album Voodoo Lounge. Keith Richard, qui s'est toujours fortement intéressé aux musiques traditionnelles, était passionné par le bajo sexto de Max Baca[29].
  • Le bassiste et contrebassiste cubain Carlos del Puerto (es), le bassiste basque espagnol Jose Agustín Guereñu “Gere”, et le bassiste américain de jazz Anthony Jackson ont joué du bajo sexto sur l'album « No Es lo Mismo » d'Alejandro Sanz[31].
  • Le groupe de musique populaire colombienne Grupo Dominio, créé par Eliseo Pabón et Fabián Correa, et dont Jessi Uribe a été l'un des chanteurs depuis 2010 jusqu'au début de sa carrière de soliste, comprend le bajosextiste Leonel Ruiz[32].
  • Le bassiste colombien Iván Calderón joue du bajo sexto notamment sur l'album La « Otra Mitad » du groupe de Vallenato Los Chiches Vallenatos[33], et avec le guitariste Luis "Kako" Alvarez. sur l'album « Vallenato 2000 » du duo Ruben & Alvis[34].
  • Héctor Buitrago (es), le bassiste du groupe de rock alternatif colombien Aterciopelados (en) a utilisé le bajo sexto, en particulier sur l'album « Rio » de ce groupe.
  • César Pliego, bassiste du groupe de rock mexicain Kinky (groupe de rock) (en) est aussi bajoquintiste[35].

Instrumentistes

Bajo sexto

  • Angel Ruiz (Los Rojos).
  • Arnulfo López (Los Traileros del Norte).
  • Carlos López (Los Traileros del Norte).
  • Beto Zapata (Pesado[note 5]).
  • David Bocanegra (El poder del norte).
  • Eduardo Hernandez (Los Tigres del Norte).
  • Eliseo Robles.
  • Eloy Bernal (Los Hermanitos Bernal, Conjunto Bernal).
  • Gustavo Quintana Dávila (Los Hermanos Quintana).
  • Isaias Ramirez (Masizzo).
  • Ramon Jazo.
  • Jennifer Degollado (Grupo Control).
  • Johnny Lee Rosas (Intocable).
  • Jorge Loayzat (Buyuchek)
  • José Guadalupe Degollado (Grupo Control).
  • Juan García [note 6].
  • Luis Hernandez (Los Tigres del Norte).
  • Luis Aguillón (El poder del norte).
  • Rogelio Pedroza (El poder del norte).
  • Salomón Robles (Los Piratas Del Norte, Los Legendarios).
  • Santiago Almeida.
  • Sergio Degollado (Grupo Control).
  • Tomás Sánchez Ayón (Los Titanes de Durango).

Bajo quinto

Bibliographie

Ouvrages

  • (es) Miguel Olmos Aguilera, Músicas migrantes. La movilidad artística en la era global, Tijuana, El Colegio de la Frontera Norte,, , 394 p. (ISBN 978-607-7588-75-7 et 978-607-4790-795, lire en ligne). .
  • (es) Rogelio Maya, Bajo Sexto : Acordes y Progresiones, Alfred Publishing Company, , 32 p. (ISBN 978-1-928827-33-7).
  • (es) Luis Diaz-Santana Garza, « El bajo sexto: Símbolo y unificador cultural en la frontera México-Estados Unidos », Acta Musicologica, Bâle, International Musicological Society Bärenreiter, vol. LXXXVIII/1 (2016), , p. 14 (lire en ligne). .
  • (en) Manuel H. Peña, The Texas-Mexican Conjunto : History of a Working-class Music, Austin, University of Texas Press, , 234 p. (ISBN 978-0-292-78793-3 et 978-0-292-75983-1, lire en ligne).
  • (en) Catherine Ragland, Musica Nortena : Mexican Americans Creating a Nation Between Nations, Philadelphie, Temple University Press, , 268 p. (ISBN 978-1-59213-746-6 et 978-1-59213-747-3, lire en ligne).
  • (en) Joe S. Graham et James C. McNutt, « Miguel Acosta & The Acosta family tradition », dans Hecho en Tejas : Texas-Mexican Folk Arts and Crafts (Hand made in Texas), Denton, University of North Texas Press, , 358 p. (ISBN 1-57441-038-5, lire en ligne).

Ressources en ligne

Notes et références

  • Références :
  • Notes :
  1. Ces seuls enregistrements suffisent en réalité à démontrer les qualités de l'instrument[4].
  2. Son producteur Enrique Valentine l'avait baptisé ainsi à cause de la rapidité avec laquelle il jouait de l'accordéon
  3. Eliseo Robles qui est un bajosexiste emblématique à cause de ses cinquante ans de carrière, a raconté dans de nombreuses interviews comment sa famille, dont la ferme avait été détruite par un ouragan tropical, s'était réfugiée à Reynosa, et la difficulté que les jeunes de son âge, dotés d'un niveau d'éducation minimal, avaient à trouver du travail. Eliseo Robles vit toujours la plupart du temps dans sa ferme et répète qu'être fermier est resté sa première passion avant celle d'être chanteur.[7]
  4. Créateur et président du label discographique ViVoMusika[24].
  5. Beto Zapata est surtout connu en tant qu'accordéoniste et l'une des deux voix du Grupo Pesado, mais il apparait souvent dans des boeufs où il joue du Baja Sexto
  6. L'un des pionniers de l'enregistrement de cet instrument qui accompagne avec l'accordéoniste Isaac Figuorea et le contrebassiste (Tololoche) Jesus Garcia, le duo Carmen y Laura, sur le premier disques produit par Armando Marroquín à Alice (Texas), au Texas[36],[37].


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