Bahira

Bahira[1] (arabe : بحيرى), parfois aussi appelé Serge[2], est un moine chrétien arabe ou syriaque qui aurait, selon les traditions musulmanes reconnu le rôle prophétique de Mahomet. Son nom vient de bekhira, l'"élu" en araméen[3].

Sa figure est utilisée, dans le sens contraire, par les musulmans et par les chrétiens dans leurs apologétiques.

Dans la tradition islamique

Récit traditionnel

D'après la tradition musulmane, alors que Mahomet étai enfant (entre 9 et 12 ans selon les versions), celui-ci aurait accompagné son oncle Abu Talib[4] (ou Abu Bakr[4]) en Syrie à Bosra dans un trajet caravanier mecquois à des fins commerciales. A Bosra, le campement des voyageur aurait été près de l'ermitage de Bahira[3]. Lorsque la caravane passa devant lui, il invita tous les commerçants à un repas. Ils acceptèrent l'invitation mis à part Mahomet qui devait garder les chameaux mais Bahira insista pour qu'il se joigne à eux[5].

Après que celui-ci eut été cherché, Bahira le questionna et aurait découvert la « marque du prophète » entre les deux omoplates de Mahomet[3]. Bahira aurait reconnu cette marque, dite "Sceau de la prophétie", à partir de descriptions présentes dans des manuscrits anciens. Ceux-ci aurait évoqué la venue d'un nouveau prophète reconnaissable à certains signes, comme un nuage qui suivait Mahomet, lui faisant ombrage pendant toute la durée de la journée[3].

Selon Ibn Ishaq, Abu Talib serait alors rapidement rentré à La Mecque. Selon d'autres récits comme Tirmidhi, Bahira aurait présenté Mahomet à tous les Quraysh présents comme étant un prophète et leur aurait décrit les signes[3]. Une tradition rapportée par Ibn Ishaq évoque une seconde rencontre de Mahomet avec un moine en Syrie avant son mariage avec Khadidja, sans que le nom de celui-ci ne soit explicité[3].

Analyse

La plus ancienne version de ce récit est celle d'Ibn Ishaq, mise par écrit par Ibn Hisham au IXe siècle. Plusieurs recensions, comme celles de Ibn Sa'd al-Baghdadi et de Tabari, sont connus. Elles différent par des détails[3],[4]. Pour les auteurs musulmans, ce récit de la rencontre avec Bahira s'inscrit dans une série d'évènements qui se seraient passés pendant l'enfance de Mahomet et qui annonceraient sa mission prophétique et l'authenticité de sa mission. Cet épisode possède une place particulière dans le récit de la sira, puisqu'il clos le récit de l'enfance de Mahomet[3].

Au delà de son rôle explicatifs vis à vis des autres récits de l'enfance, cet épisode met en avant deux caractères importants pour l'apologétique musulmane : l'idée d'une annonce de la venue de Mahomet par Jésus et la doctrine de la falsification des écritures, qui aurait fait disparaitre le nom de Mahomet de celles-ci[3].

Si cette figure est reconnues comme historique par les historiens musulmans du IXe siècle, des objections ont été soulevées[4] et différents auteurs questionnent cette historicité[6]. Ainsi, on peut voir dans l'age de Mahomet une possible influence de la vie de Jésus, 12 ans étant aussi l'âge du premier évènement d'ordre surnaturel, sa discussion avec les docteurs[4]. Pour Nöldeke, l'histoire de Bahira est une légende[7].

Dans la tradition chrétienne

Monastère dit de Bahira à Bosra (Syrie).

Bahira apparait aussi dans des textes chrétiens orientaux. Ainsi, il est décrit par Jean Damascène, dans sa réfutation de l'islam, comme un arien et Barthélémy d'Edesse comme un nestorien. Celui-ci aurait fréquenté Mahomet et l'aurait instruit. Au IXe siècle, un traité chrétien anonyme, connu sous le nom de Risala de Kindi, développe l'idée selon laquelle ce moine aurait enseigné à Mahomet et lui aurait dicté une partie du Coran. . Il aurait, en effet, dicté des passages conformes au dogmes chrétiens, passages qui aurait été altérés par deux disciples de Mahomet[3]. Si son nom varie selon les sources[4], dans ce récit, il possède le nom de Serge[3].

D'après l'Apocalypse de Bahira[8], un texte qui connait quatre versions plus ou moins longues, en arabe et en syriaque, Bahira aurait tenté d'instruire le jeune Mahomet pour qu'il puisse évangéliser sa tribu[9]. Sous l'influence de deux juifs convertis, le texte aurait été perverti après la mort de Bahira pour y introduire l'idée que Mahomet était le Paraclet[3].

Ce thème de la rencontre entre Mahomet et un moine est régulier dans les vies de Mahomet, écrite en Occident avant les croisades. Il permet de mettre en avant l'idée que Mahomet est un imposteur, que le Coran provient d'un moine et que celui-ci aurait été perverti[3].

Notes et références

Références

  1. Il peut être orthographié ainsi: Baʿhîrâ (Chronique de Tabari, traduction de Zotenberg) page 244.
  2. Bignami Odier J. Levi Della Vida. Une version latine de l'Apocalypse syro-arabe de Serge-Bahira. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire, tome 62, 1950. pp. 125-148.
  3. C.A., "Bahira", Dictionnaire du Coran, Mohammad Ali Amir Moezzi, Paris, éditions Robert Laffont (2007), (ISBN 978-2-221-09956-8), extrait du livre, présentation du livre p. 105 et suiv.
  4. Abel, A. "Baḥīrā". Encyclopædia of Islam. Brill. Brill Online, 2007
  5. William Montgomery Watt, Muhammad: Prophet and Statesman', p. 1. Oxford University Press (1964).
  6. Muntasir F. al-Hamad, John F. Healey, "Late Antique Near Eastern Context: Some Social and Religious aspects", The Oxford Handbook of Qur'anic Studies, 2020, p. 83
  7. "Waraka b. Nawfal", Encyclopedia of islam, vol 11, p. 143.
  8. Levi Della Vida. Une version latine de l'Apocalypse syro-arabe de Serge-Bahira. Mme J. Bignami-Odier-G. Mélanges de l'école française de Rome Année 1950/62 p. 125-148. Persée (portail).
  9. Légende du moine Bahira. data.bnf.fr.

Voir aussi

Bibliographie

Liens externes

Articles connexes


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