Autoneige

Une autoneige est un véhicule qui a une cabine pouvant transporter plusieurs personnes dans des régions recouvertes de neige ou de glace sans nécessiter de route. Elles servent par exemple au transport d'équipes de travail sur des chantiers isolés, au travail sur les pentes de ski (dameuse) ou au transport de matériel. Elles sont en général mues par des chenilles mais parfois par des pneus. Elles ne doivent pas être confondues avec les motoneiges.

Origine

Les premiers véhicules motorisés conçus pour le déplacement sur la neige datent du début du XXe siècle. En Europe en 1910, à la demande du tsar de Russie, Adolphe Kégresse met au point des autochenilles originales (à partir de véhicules Packard, Mercedes-Benz et Delaunay-Belleville) capables de se déplacer facilement, particulièrement dans la neige. Il expérimente divers matériaux légers et souples comme des cordes, des courroies de cuir tressé et du caoutchouc armé. Il avait ainsi inventé le principe de l'autochenille. À la veille de la révolution russe, il retourne en France et travaille pour Citroën.

En 1908, Igor Sikorsky obtient un brevet pour un aéroglisseur (snowplane) équipé d’un moteur Anzani de dix chevaux (Alessandro Anzani : pionnier des moteurs en étoile), monté sur skis et propulsé par une hélice d'avion, l'Aerosani. Il fut utilisé pour les communications (liaison), pour des distributions de courrier (transport), pour patrouiller sur la frontière au nord de la Russie (reconnaissance), l'évacuation sanitaire en condition extrême et pour les loisirs. Les aerosanis ont été employés par l'Armée rouge soviétique pendant la guerre d'Hiver et la Seconde Guerre mondiale. Mais l'aéroglisseur ne fonctionne que sur la neige compactée comme sur les lacs et ne peut pas gravir de pentes.

Aux États-Unis, un système autochenille est breveté par Ray H. Muscott, de Waters au Michigan, le (brevet #1,188,981). D'autres constructeurs se lancèrent sur cette voie vers la même époque en modifiant des automobiles, surtout des Ford Modèle T, où le train roulant était remplacé par des skis et des chenilles. Bien qu'il ne fut pas le seul à y travailler, Joseph-A. Landry[1] fait breveter l'invention en 1923, au Canada et aux États-Unis. Il avait transformé une automobile et fait le voyage de 40 km entre Mont-Joli et Rimouski avec son procédé. De 1924 à 1948, une centaine de véhicules de la même série sont produits, surtout pour l'industrie forestière.

En 1934, l'explorateur américain Richard Byrd utilise trois autochenilles Citroën équipée du système Kégresse-Hinstin prêtées par André Citroën pour son expédition en Antarctique[2]. Elles résisteront tant bien que mal à des froids de −70 °C. Il s'agit là encore de l'adaptation d'un véhicule pour le transport sur la neige mais qui n'est pas adapté aux grands froids. Par contre, les autochenilles de Citroën ont eu beaucoup de succès dans les sables du désert ou les terrains boueux et le principe a été repris par les militaires (half-track).

Évolution

Voici quelques-unes des compagnies qui ont suivi et les innovations qu'elles ont introduites aux autoneiges.

Bombardier

Autoneige B-12 de Bombardier
Intérieur d'une B-12
Autoneige B-7

Joseph-Armand Bombardier[3], de Valcourt au Québec, a eu l'ambition de faire de l'hiver une saison où il est aussi facile de se déplacer que pendant les trois autres saisons. Après avoir construit un aéroglisseur, il opte pour l'autochenille. Il remplace les roues avant d'une auto par des skis et ajoute des chenilles métalliques à l'arrière. Il constate immédiatement les limitations d'une direction lourde et de chenilles d'acier. Il choisit d'installer le moteur et la transmission à l'arrière ; il invente une chenille à deux courroies de caoutchouc renforcé, reliées par des travers d'acier formés et qui est entrainée par un barbotin au centre des courroies (engrenage recouvert de caoutchouc), système qui est toujours utilisé de nos jours. En 1936, il réduit encore le poids en remplaçant le châssis et la carrosserie automobile par un châssis monocoque avec une carrosserie artisanale pour créer l'autoneige B7.

Durant l'hiver 1936-1937[4],[3], il vend ses premières autoneiges B7 (B pour Bombardier et 7 pour sept passagers). Le B7 utilise son brevet du barbotin-chenille (, brevet canadien no 367104[5]). C'est ce système de traction à chenilles légères et portance élevée qui rend instantanément les véhicules de Bombardier beaucoup plus efficaces sur neige que tous les autres véhicules à chenilles de métal utilisées à l'époque. Le B7 est un succès et le B12 lui succède rapidement en 1942.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il produit une série d'autoneiges pour les militaires[6] dérivées du B-12 avec des chenilles plus larges et une voie élargie. Après la guerre, le modèle militaire est doté d'une carrosserie plus large et devient le C-18 qui servira comme ambulance, autobus scolaire et transport local en hiver en zone rurale[7]. L'avènement du déneigement des routes coupe drastiquement ce créneau de vente. Les Industries Bombardier se tournent alors vers le travail en forêt et produisent de grosses chenillettes de transport.

Muskeg

De tous ces véhicules, le tracteur Muskeg[8], marécage en amérindien, est la plus grande réussite de ces années-là. Ce tracteur se démarque par ses chenilles larges à double roue et faible pression au sol qui lui donne accès aux terrains marécageux. Il sortit des usines de Valcourt en 1953 et remporte un grand succès commercial, répondant à de multiples besoins de travaux et de transport en terrains difficiles. On l’utilisera autant dans les Alpes pour le transport de skieurs, que dans le Sahara pour le dégagement des routes. En versions modifiées, le tracteur Muskeg se vend encore aujourd’hui dans tous les coins du monde.

Plus tard, on produit également de gros véhicules qui servent à damer les pistes de ski et des petits comme le tracteur SW chasse-neige de trottoir[8], en plus d'inventer la motoneige moderne. La division des véhicules industriels de Bombardier, qui fabrique les autoneiges, a été achetée en août 2004 par la compagnie Camoplast[9] de Sherbrooke au Québec.

Sno-Cat de Tucker

Un Tucker de 1949 avec 2 skis + 2 chenilles
Modèle restauré de Tucker 342 de 1967 avec chenille en acier
Tucker utilisé en antarctique.

La compagnie Tucker fabrique depuis les années 1940 des autoneiges et leurs remorques pour toutes conditions de neige[10]. Ils ont été utilisés, entre autres, lors d’expéditions dans l’Arctique et l’Antarctique, comme dameuse et pour le transport. La caractéristique principale de ces machines est l’utilisation de quatre chenilles d'acier roulant sur des pontons pivotants pour mouvoir un véhicule de type quatre roues motrices. Malgré le coût élevé d'entretien des roulements à billes des chenilles, le Sno-Cat est demeuré populaire grâce à sa mécanique 4 roues motrices très fiable, sa grande efficacité en neige profonde avec sa servo-direction qui faisait pivoter les deux essieux rigides en directions opposées, sa haute garde au sol, sa bonne stabilité grâce à l'écartement des chenilles et sa grande capacité de remorquage.

Tucker a produit de nombreuses variantes allant de la berline, au camion fermé ou ouvert. Les modèles ont été identifiés par leur série, leur nombre de chenilles et leur nombre de portes. Ainsi le Modèle 342 fait partie de la série « 300 » à « 4 chenilles » et « 2 portes ». Les modèles les plus anciens ont des chenilles en acier tournant autour d’un cadre en acier munis de roues dentées (barbotins) à chaque extrémité. Les cadres seront fait plus tard en fibre de verre pour éviter la rouille. Finalement les chenilles furent faites de caoutchouc clouté d'acier tournant sur un ensemble de roulettes-guides et roues dentées. Plus récemment, dans le système Terra Track, les chenilles sont faites entièrement de caoutchouc, même les clous[10].

Système Terra Track
Un Tucker Kitten à porte courbe

L’explorateur britannique Sir Vivian Fuchs utilisa quatre Tucker Sno-Cats pour la première traversée du continent antarctique. Les Tucker ont ainsi acquis une très forte réputation de fiabilité et de robustesse dans les conditions extrêmes ce qui en fait le choix encore aujourd’hui pour ce type d’exploration[10].

Bien qu’en général les autoneiges Tucker utilisent quatre chenilles, certains modèles expérimentaux du début de la compagnie étaient montés sur deux chenilles à l’arrière pour la propulsion et deux skis pour la direction à l’avant. Il y a même eu trois modèles de production montés sur deux chenilles, dont la direction se faisait, comme pour un char de combat, en ayant une vitesse différente de roulement de ces dernières. Il s’agissait de petites autoneiges avec moteur à l’avant, ou au centre, appelées Kitten (chaton).

Thiokol

Autoneige Modèle 601 de Thiokol pour la US Air Force
LMC 1500

La compagnie Thiokol est un fournisseur de matériel militaire et aérospatial. Elle est particulièrement connue pour son rôle dans les programmes de la NASA, en particulier dans le désastre de la navette spatiale Challenger. Durant les années 1950, elle mit sur pied une division de production d'autoneiges pour les forces armées américaines. Elle se diversifia ensuite dans la production de dameuses pour les centres de ski mais en 1978 vendit cette division à John DeLorean qui la renomma DeLorean Motor Company (DMC). Elle devint Logan Machine Company (LMC) en 1988 et cessa ses opérations en 2000.

Toutes les machines produites par Thiokol utilisent deux chenilles servant à la propulsion et à la direction. Elles étaient particulièrement bonnes dans les pentes raides au transport de matériel, de personnel et autres fonctions.

Snow Trac

Snow Trac avec moteur de Volkswagen de 54 chevaux-vapeur à 4 vitesses manuelles
Version militaire pour les Royal Marines avec un canon sans recul WOMBAT (en).

En 1954, l'ingénieur chef de AB Westerasmaskiner, une compagnie suédoise d'équipement de ferme, développe un véhicule à chenilles pour aller avec son frère à la pêche blanche en hiver. La compagnie reprend son idée et met en production sa première autoneige Snow Trac en 1957. Il s'agit d'un petit véhicule à deux chenilles de la grosseur d'une auto compacte. Une des nouveautés est l'utilisation d'un volant au lieu de leviers pour le diriger. Ce volant est relié à un variateur de courant qui répartit la vitesse de déroulement des chenilles selon la position du volant. Le conducteur est le seul à faire face vers l'avant, les six passagers sont assis de chaque côté et l'entrée est à l'arrière.

Le Snow Trac fut produit en Suède mais a été exporté à travers le monde dont en Alaska et dans le nord du Canada pour le transport des équipes de réparations et d'entretien des télécommunications et des routes. En particulier, ils ont servi le long de la route Al-can (Canada-Alaska) pour l'entretien du réseau à micro-onde.

La polyvalence de cette autoneige permit de la retrouver comme transport avec cabine pour deux et aire de chargement ouverte, décapotable, comme base mobile de canon et même comme véhicule tout-terrain. Il fut un véhicule très utilisé par l'OTAN durant la Guerre froide. Une version plus longue et large, appelée Trac Master, permit le déplacement en neige profonde et servit comme dameuse. On l'a retrouvé aux Jeux olympiques de Sapporo pour le travail des pistes de ski et le transport. On a utilisé avec succès des Snow Trac en Antarctique également. La production cessa en 1981.

Kristi

Dessin du concept des chenilles ajustables du Kristi
Version KT3 toujours utilisée pour atteindre les tours de relais micro-onde en montagne

La compagnie Kristi de l'État du Colorado (États-Unis), produisit des autoneiges très spéciales de la fin des années 1950 au début des années 1970[11]. C'était de petits véhicules pour le transport de quelques personnes dont la caractéristique principale était l'ajustement en hauteur des chenilles. Grâce au mécanisme vu dans l'image de droite, les chenilles pouvaient suivre la pente de telle sorte que la cabine demeurait horizontale en traversant des dénivelés. Le devant et l'arrière des chenilles pouvaient également être relevés ou abaissés ce qui permettait encore une fois de garder la cabine horizontale lors de montée ou descente[11].

Bien que techniquement intéressants, les autoneiges Kristi ne devinrent jamais populaires et la compagnie ne vendit au cours de ses douze ans de vie autant que chacune des autres compagnies concurrentes en une seule année.

Autocar Terra Bus

Le Terra Bus original, sans suspension et donc très inconfortable
Version moderne dont quatorze exemplaires ont été produits (2005) et deux servent en Antarctique

La compagnie canadienne Foremost Industries LP est l'une des rares à produire des autocars pour le transport collectif de personnes. Le Terra Bus original était un autocar monté sur quatre chenilles pour la visite touristique du glacier Athabasca dans le Parc national Jasper. Les nouveaux modèles utilisent six énormes pneus très larges et gonflés à faible pression. Ils peuvent confortablement transporter 56 passagers, sur et hors-route, dans toutes les conditions de neige.

Voir aussi

Notes

  1. (fr) « Qui a inventé la motoneige », Les archives de Radio-Canada, Société Radio-Canada (consulté le )
  2. (fr) Georges Gadioux, « Richard BYRD, en 1934, utilise du matériel français en Antarctique », Transpolair, (consulté le )
  3. (fr) « La motoneige de Bombardier », Les archives de Radio-Canada, Société Radio-Canada (consulté le )
  4. (fr) « De 1926 à 1938 : Premiers succès », Musée J-Armand Bombardier (consulté le )
  5. (fr) « Liste de brevets de J. Armand Bombardier », Musée J-Armand Bombardier (consulté le )
  6. (fr) « De 1939 à 1945 : Les années de guerre », Musée J-Armand Bombardier (consulté le )
  7. (fr) « De 1946 à 1948 : Essor d'après guerre », Musée J-Armand Bombardier (consulté le )
  8. (fr) « De 1949 à 1958 : Les véhicules industriels », Musée J-Armand Bombardier (consulté le )
  9. (fr) « Marchés et Produits », Camoplast (consulté le )
  10. (en) Bill Siuru, « Tucker Sno-cat », This Old Truck (consulté le )
  11. (en) « The Official Kristi Snowcat Webpage », The Kristi Corporation (consulté le )

Articles connexes

Liens externes

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