Autocensure
L'autocensure est la mise en œuvre préalable d'une censure que s'applique à elle-même une personne, une institution, une organisation... Elle devance ce qui est perçu comme une menace (réelle ou supposée) de censure par une autorité (politique, financière, religieuse) ou plus largement par ce que l'on appelle l'opinion publique, le politiquement correct. Elle est liée à la notion de conformisme (l’illusion de la libre parole).
Les relations sociales sont marquées par une forme d'autocensure car elle permet aux individus et aux sociétés d'éviter l'explosion ou l'implosion par la non-énonciation d'une vérité qui ne peut être entendue par l'autre ou par les autres.
Différentes formes d'autocensure
Intérêts des actionnaires et des annonceurs
La survie de la presse dépend largement de ses recettes publicitaires. Le poids des annonceurs pèse sur la liberté d'expression.
La plupart des grands médias sont détenus par des sociétés privées actives dans d'autres secteurs économiques.
Les journalistes ou les responsables des rédactions peuvent avoir la tentation de ne pas développer une information portant préjudice aux intérêts des actionnaires ou des annonceurs, voire développer un journalisme de connivence à la limite du publireportage[1].
Intérêts politiques
Les journalistes peuvent craindre (à raison) de diffuser une information qui porte préjudice aux pouvoirs politiques[2] (risque d'être placés sur une liste noire, pressions sur la hiérarchie du média, etc).
Au Japon, le tabou du chrysanthème a contribué à instaurer un climat d'autocensure dans la monde de la presse nippone quant aux critiques à l'égard de l'empereur du Japon.
Intérêts religieux
Certains médias pratiquent l'autocensure afin d'éviter d'éventuelles représailles de groupes religieux.
Si le blasphème a été aboli en France par la Révolution française en 1792, il provoque encore des réactions violentes : caricatures de Mahomet dans le journal Jyllands-Posten, incendie de l'hebdomadaire Charlie Hebdo, attentat dans les locaux de Charlie Hebdo le , etc.
Conséquences
Ce type de censure est subtil : il permet d'éviter au pouvoir la forme contraignante d'une censure effective, qui serait mal perçue par l'opinion. Elle permet à la fois de s'affranchir des coûts de surveillance, mais aussi de la contre-publicité engendrée par la perception de la censure dans l'opinion publique.
Le développement de l'autocensure rend cependant la presse sujette au politiquement correct, et donne l'impression que les journaux développent les mêmes sujets et les mêmes idées. Il existe alors un déficit de pluralisme dans les médias, et une perte de crédibilité.
De leur côté, les agences de presse valident l'essentiel des informations et économisent d'autant le besoin d'autocensure sur un contenu pré-validé. L'autocensure se pratique donc essentiellement dans le choix rédactionnel des sujets abordés, la manière de traiter une interview ou de rendre compte d'un sujet.
L'autocensure enfin valide implicitement l'absence de censure apparente, et donc la crédibilité à accorder à des sujets qui ne circulent que sur Internet, qualifiés de « rumeurs » et de ce fait purement et simplement ignorés des médias de masse.
Bibliographie
Pascal Durand (éd.), Médias et censure. Figures de l'orthodoxie, Éditions de l'Université de Liège, coll. "Sociopolis", 2004
Voir aussi
Articles connexes
- Code Hays, autocensure au cinéma
- ORTF
- Censure
- Liberté de la presse
- Politiquement correct
- Les nouveaux chiens de garde, livre de Serge Halimi, journaliste et sociologue
- Caricatures de Mahomet du journal Jyllands-Posten
- Désinformation
- Radio edit (clean version)
Liens externes
- Concentration des médias et perte du pluralisme
- La recherche "auto-censure" sur le site de l'Observatoire des médias
Notes et références
- Serge Halimi, Les Nouveaux Chiens de garde, 1997 ; nouvelle édition actualisée et augmentée en 2005. (ISBN 2912107261)
- Un exemple parmi d'autres, l'information sur l'existence d'une fille naturelle du président François Mitterrand connue par nombre de journalistes mais longtemps non publiée
- Un exemple à Libération : Laurent Joffrin supprime une chronique de Daniel Schneidermann Observatoire des médias
- Exemple : Pierre Carles lors d'un reportage (Pas vu à la télé) filme une conversation privée entre Patrick Le Lay et Gérard Longuet. La chaîne Canal+ ne le diffuse pas alors qu'elle l'avait commandé et cesse de travailler avec ce journaliste.
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