Arthur Buies

Arthur Buies (Montréal, - Québec, ) est un journaliste et essayiste canadien-français. Après s'être longuement opposé au clergé catholique, il s'est rallié à la cause de la colonisation du curé Labelle.

Arthur Buies
Arthur Buies, vers 1860
Naissance
Montréal, Bas-Canada, Empire britannique
Décès
Québec, Québec, Canada
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture Français

Biographie

Né en janvier 1840 sur la Côte-des-Neiges, à Montréal, il est l'enfant d'une Canadienne-française et d'un Écossais. À la suite du décès de sa mère, il est élevé par ses grand-tantes maternelles.

Les biographes de Buies semblent avoir ignoré un détail relativement important concernant sa famille. En effet, la mère de Buies, Marie-Antoinette-Léocadie d'Estimauville, née à Québec le 13 mars 1811, était la sœur de Joséphine-Éléonore d’Estimauville, née le 30 août 1816. Le 16 juillet 1834, cette dernière épousa à Québec Louis-Paschal-Achille Taché, propriétaire d’une partie de la seigneurie de Kamouraska. Celui-ci devait être assassiné par l'amant d'Éléonore d'Estimauville, le docteur George Holmes, le 31 janvier 1839. Cette histoire a inspiré Anne Hébert pour son roman Kamouraska[1].

Dans sa jeunesse, Buies est exclu pour indiscipline de deux établissements scolaires, d’abord du Séminaire de Québec puis du Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. C’est dans ce dernier établissement qu’il se noue d’amitié avec l’abbé Pierre-Henri Bouchy, pédagogue français venu au Québec entre 1842 et 1855 et qui, selon l’historien Marcel-Aimé Gagnon, « réussit à gagner [la] confiance »[2] de l'écolier. Le jeune Arthur, entré au Collège Sainte-Anne-de-la-Pocatière le 4 septembre 1848 à l’âge de 8 ans, ne s’ennuie pas à entendre et à suivre partout ce prêtre venu de France. Selon l’historien Raymond Douville, Buies trouve chez l’abbé Bouchy plus qu’un simple tuteur : « Le Préfet Bluchy [sic : Bouchy] prit l’enfant [Buies] sur ses genoux et lui parla d’une façon si tendre, si affectueuse, que la bonne veuve [Casault] se sentit rassurée : son neveu avait enfin trouvé un père. Le Préfet s’attacha le jeune Buies et lui inculqua le goût de la culture française. Il forma sa jeune imagination et lui ouvrit des horizons nouveaux. »[3] Le 13 décembre 1853, tout juste après le départ de l’abbé Bouchy, le jeune Buies quitte à son tour le Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Il étudie ensuite au Séminaire de Nicolet (1854-1855) et au Petit Séminaire de Québec (1855-1856).

À l'âge de seize ans, il est envoyé en Guyane auprès de son père remarié. En 1856, son père l'envoie en Irlande pour y finir ses études. Il passe quelques mois à Dublin, puis se révolte contre l'autorité paternelle et s'installe à Paris, où il étudie au Lycée Saint-Louis. Étudiant dissipé, Buies fréquente les cafés parisiens et s'initie à l'idéologie libérale et républicaine. Le 25 avril 1858, il rencontre à Paris son ancien professeur Pierre-Henri Bouchy, rentré en France depuis 1855[4]. Il part ensuite se joindre à l'expédition des Mille aux côtés des Chemises rouges de Giuseppe Garibaldi, qui luttent contre les Autrichiens, les Bourbons et la papauté, pour l'unification de l'Italie au profit du roi de Piémont. En 1862, il retourne à Montréal.

Il devient membre de l'Institut canadien de Montréal, lequel regroupe les éléments intellectuels les plus dynamiques du Québec. Ses membres sont anticléricaux et partisans de la séparation de l'Église et de l'État. Ils sont aussi favorables à l'éducation primaire obligatoire, tout en étant admirateurs de la république américaine et de son idéal démocratique. Confronté à l’hostilité que vouent Mgr Bourget, évêque de Montréal, et les milieux ultramontains à l’Institut canadien, Buies radicalise son libéralisme.

Buies s'oppose farouchement à l'Évêché de Montréal, tout comme au projet de Confédération canadienne. L'historien Jacques G. Ruelland affirme que ses écrits de l'époque sont à forte tendance maçonnique, alors qu'il prenait la défense des frères[5].

En 1868, après un passage de quelques mois à Paris, il lance un journal satirique, La Lanterne canadienne, qui disparaît en mars 1869. Pendant les années 1870, il publie de nombreuses chroniques, pour la plupart disponibles aujourd'hui en trois recueils. Elles lui assureront la notoriété littéraire.

Les années 1870 sont marquées chez Buies par une crise existentielle qui se poursuit jusqu'en 1879. Sa santé est minée par l'alcoolisme. Sa vie prend un nouveau tournant lorsqu'il rencontre le curé Labelle en 1879. Le célèbre promoteur de la colonisation des Laurentides convainc Buies d'adopter une nouvelle conduite : il se rend désormais à la messe à tous les matins et renonce presque complètement à l'alcool.

Dans les années 1880, il rédige des opuscules pour le ministère de la Colonisation, réalisant ainsi deux de ses plus chers désirs : faire œuvre « scientifique » et voyager partout au Québec, dont il chante à la fois la beauté et les richesses potentielles.

La décennie suivante, sa santé décline et sa famille connaît le deuil. Il a des difficultés financières, mais continue néanmoins à promouvoir la colonisation. Il continue à rédiger des critiques de la société religieuse dirigée par l'Église. Toutefois, l'historien Gérard Tougas a pu affirmer qu'il n'avait jamais vraiment quitté le catholicisme.

Il meurt à Québec le , deux jours après son soixante et unième anniversaire et repose au cimetière Notre-Dame-de-Belmont à Sainte-Foy (Québec), à quelques pas de la tombe de son neveu, le peintre Edmond LeMoine (1877-1922).

Le fonds d'archives d'Arthur Buies est conservé au centre d'archives de Québec de Bibliothèque et Archives nationales du Québec[6].

Survol de son œuvre

L’œuvre d’Arthur Buies peut être divisée en trois périodes distinctes. La première s’étend de 1862 à 1870, époque où ses écrits sont frappés du sceau du libéralisme radical. Le jeune homme cherche à provoquer le scandale, la polémique, par des pamphlets enflammés.

La seconde période de l’œuvre débute en 1871 et prend fin en 1878. Buies produit alors des textes de littérature plus personnels. Plongé dans une crise existentielle, l’écrivain se replie sur lui-même tout en prônant le rôle actif de l’homme de lettres au sein de la société.

Finalement, à partir de 1879, après sa rencontre avec le curé Labelle, il se fait chantre de la colonisation. Ses œuvres portent alors sur la géographie, l’industrialisation, l’éducation, sans pour autant renoncer au libéralisme.

Le radicalisme de Buies prend son inspiration de plusieurs auteurs français dont Adolphe Thiers, René Descartes, François Guizot ainsi que du philosophe anglais John Locke et du dominicain français Henri Lacordaire, partisan d’un catholicisme moderne.

La première période de son œuvre de pamphlétaire est frappée du sceau de l'anticléricalisme. Membre de l'Institut canadien, Buies répond aux attaques dont l'Institut fait l'objet de la part des ultramontains, pour qui l'autorité du pape doit prédominer, et de leur chef de file, l'évêque Ignace Bourget. C'est à cette époque que Buies rédige ses trois Lettres sur le Canada qui dénoncent l'obscurantisme et la main mise du clergé.

En 1868-1869, il publie le journal La Lanterne canadienne, feuillet particulièrement anticlérical et radical où il s'en prend entre autres aux Jésuites, à Ignace Bourget, aux zouaves pontificaux, au parti conservateur de George-Étienne Cartier et aux journaux conservateurs ou ultramontains comme La Minerve, L’Ordre, le Nouveau Monde et le Journal de Québec[7].

À partir des années 1870, Buies prend un intérêt croissant dans la colonisation des régions inexploitées du Québec (les Laurentides par exemple) mais aussi par l'avancée des progrès technologiques comme le chemin de fer et le bateau à vapeur. Entre 1871 et 1878, ses écrits portent essentiellement sur le développement économique, social et culturel du Canada français.

Après 1880, il poursuit ses ouvrages sur la colonisation et les régions du Québec (il produit plusieurs études géographiques). Il publie aussi quelques pamphlets anticléricaux. En 1884 par exemple, il fait rééditer La Lanterne dans un recueil de toutes ses parutions. À partir de la fin des années 1870 et jusqu’à sa mort en 1901, le nationalisme de Buies supplante progressivement son libéralisme, sans qu’il y renonce.

Le style de Buies se caractérise notamment par son sens de l'humour, dont il use pour réduire à néant les arguments de ceux qu'il critique. Par contre, « ceux qui ont voulu occulter la critique de Buies ont toujours insisté sur l’aspect souvent léger et pétillant de son œuvre afin d’en diminuer l’impact. » [8] Un autre déclassement de l'œuvre de Buies « relève de l’histoire culturelle québécoise : l’intégration d’Arthur Buies interprété par Paul Dupuis au téléroman Les Belles Histoires des Pays d’en Haut (1956-1970), écrit par Claude-Henri Grignon[9],[10]. Dans la version Les Pays d'en haut (2016-2021), Paut Doucet reprend le rôle d'Arthur Buis.[11] Pour Jean-Pierre Tusseau (1973b, 1973a, p. 32), Arthur Buies est le Joachim Du Bellay de la littérature québécoise et « [l]’épisode du curé Labelle, que [Tusseau ne remet pas en cause] n’est pas un dénouement mais un intermède. »[12] Quant à Laurent Mailhot (1978, p. 3), Buies « est le plus souple, le plus engagé, le plus complet des écrivains du XIXe siècle ici. »

Œuvres

Hommages

Plusieurs toponymes au Québec sont nommés « Arthur-Buies » en son hommage dont une avenue et une place à Montréal, un boulevard à Rimouski, un parc à Sherbrooke, un pavillon de l'école Équinoxe à Laval, un carré à Boisbriand ainsi que des rues à Alma, Blainville, Gatineau, Sainte-Julie, Lévis, Montréal, Laval, Saint-Jérôme, Saguenay et Québec[17].

Notes

  1. Sylvio Leblond, « Le drame de Kamouraska d'après les documents de l'époque », Les Cahiers des Dix, no 37, , p. 273 (lire en ligne, consulté le ).
  2. Gagnon, 1965, p. 38
  3. Douville, 1933, p. 27
  4. Arthur Buies, lettre à Ernest Gagnon, Paris, 23 avril 1858, Archives nationales du Québec à Québec, Fondes Hector Langevin, p. 134-boîte7
  5. Grande Loge du Québec M. A. F. & A. - Historique de la Grande Loge du Québec
  6. Fonds Arthur Buies (MSS421) - Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).
  7. Estérez, 2005, p. 40
  8. Simard, 1981, p. 265.
  9. ICI.Radio-Canada.ca, « La petite histoire des Pays d’en haut », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
  10. Livernois, 2011, p. 364. »
  11. « Les pays d’en haut – Les personnages », sur Les pays d’en haut – ICI Radio-Canada Télé (consulté le )
  12. Cf. à ce sujet LIvernois, 2011, p. 374.
  13. « Détails sur le document pour La lanterne », sur bac-lac.on.worldcat.org (consulté le )
  14. « La Lanterne : journal politique quotidien », sur Gallica, (consulté le )
  15. « BAnQ numérique », sur numerique.banq.qc.ca (consulté le )
  16. Laurent Mailhot, L'Essai québécois depuis 1845, Éditions Hurtubise, (ISBN 978-2-89647-773-9, lire en ligne)
  17. « Recherche de noms de lieux », sur Commission de toponymie du Québec (consulté le )

Annexes

Bibliographie

  • Douville, Raymond (1933), La vie aventureuse d’Arthur Buies, Montréal:Albert Lévesque.
  • Estérez, Emmanuel (2005), Arthur Buies, un écrivain québécois en mission au xixd siècle, Mémoire de M. A. (Histoire), Université de Montréal.
  • Gagnon, Marcel-Aimé (1965), Le ciel et l’enfer d’Arthur Buies, Québec: Presses de l’Université Laval.
  • Livernois, Jonathan (2011), » Le pouvoir démiurgique d’un critique: Arthur Buies, personnage de Claude-Henri Grignon Henri Grignon », Analyses, vol. 6, no 1, p. 362-383.
  • Mailhot, Laurent (1978), Anthologie d'Arthur Buies, Hurtubise HMH.
  • Simard, Sylvain (1981), « L’essai québécois au XIXe siècle », Voix et images, vol. 6, no 2, p. 261-268.
  • Tusseau, Jean-Pierre (1973a), « La fin "édifiante" d’Arthur Buies », Études françaises, vol. 9, no 1, p. 45-54.
  • Tusseau, Jean-Pierre (1973b), « Les renaissances du fait français: quelques perspectives sociolinguistiques », Recherches sociographiques, vol. 14, no 1, p. 125-130.
  • Tusseau, Jean-Pierre (1976), « Le fait linguistique et national dans La lanterne d'Arthur Buies », Philosophie au Québec. Montréal: Bellarmin; Paris: Desclée.
  • Vachon, Georges-André (1970), « Arthur Buies, écrivain », Études françaises, vol. 6, no 3, p. 283-296 (en ligne).
  • Annik-Corona Ouelette (2007) « 300 ans d'essais au Québec », Beauchemin, p.41-45. (ISBN 9782761647052).

Article connexe

Liens externes

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