Aquamation

L’aquamation est un néologisme désignant une pratique funéraire recourant au procédé physico-chimique d’hydrolyse alcaline mis en œuvre en phase aqueuse. La matière des corps est réduite en ses composants organiques et minéraux essentiellement solubles. Ce procédé est couramment utilisé pour éliminer des déchets animaux, et récemment développé à usage funéraire pour les humains et les animaux de compagnie, dans une optique écologique se rattachant à d'autres pratiques funéraires d’inhumation en eau plus ou moins anciennes.

Le secrétaire américain à l'agriculture Tom Vilsack examine une cuve d'aquamation industrielle à Manhattan (Kansas) en avril 2012.

Histoire

Brevetée aux États-Unis en 1888, l’aquamation est développée pour éliminer les restes des animaux d’abattoirs, de façon moins coûteuse et surtout pour éviter la dissémination des maladies car elle détruit très efficacement les virus et prions[1]. Depuis 1992, elle est utilisée pour combattre les maladies de la vache folle, la gale et est à présent considérée plus sûre sanitairement que la crémation.

Description

L’aquamation (funéraire) consiste à plonger le cadavre dans de l'eau chaude (93 °C) agitée et contenant des agents facilitant la dissolution des chairs, en quelques heures (3 ou 4 heures). Certains protocoles opèrent à 150−180 °C, sous pression pour éviter l’ébullition ; on parle dans ce cas de « résomation »[2]. Les agents comprennent notamment des carbonates et hydroxydes (hydroxyde de sodium ou de potassium). La combinaison du mouvement de l'eau, de sa température, et de son alcalinité accélère le processus de dissolution et décomposition des tissus, qui après 3-6 heures de traitement, disparaissent donnant un liquide coloré riche en amino-acides, peptides, glucides, savons d'acides gras, nucléotides et sels[3]. Selon les conditions d'hydrolyse, les os deviennent souples, produisent des résidus floconneux ou des restes friables (phosphate calcique ; 2-3 % du volume/poids initial).

Processus d'aquamation funéraire.[4]

Aquamation funéraire

L’usage de l’aquamation à but funéraire, pour l’être humain, est autorisée notamment en Australie et au Canada[5],[6]. En France, où le corps doit obligatoirement être enfermé dans un cercueil, l'usage de cette technique impliquerait de développer un cercueil écologique adapté, dans un matériau pouvant se dissoudre en même temps que le corps, par exemple en amidon de maïs[6]. Elle s'applique aussi aux animaux de compagnie[réf. nécessaire].

Le procédé moderne d’aquamation est mis en avant par les sociétés qui se veulent écologiques, il émet environ un tiers de moins de gaz à effet de serre que la crémation classique. Les produits de l'aquamation pourraient même être utilisés comme fertilisants[1]. L'aquamation fonctionne à l'électricité[6].

Il occupe moins de place que les cimetières, et ne rejette pas de fluides contaminant le sol, ni de déchets comme ceux laissés par enterrement et crémation (poignées métalliques des cercueils). Les métaux des prothèses (titane, plomb, mercure) peuvent être récupérés au contraire de la crémation et de l’enterrement. Toutefois, l'absence d'étude sur le cycle de vie complet de ce processus empêche de constater l'ensemble des impacts sur l'environnement[7].

D’un point de vue éthique, l'aquamation est compatible avec les religions bouddhistes (il en découle même) mais non islamiques ou juives. Elle est acceptée par certaines églises chrétiennes, mais pas par leur majorité. Ainsi, l'Église catholique la condamne comme incompatible avec le respect dû aux corps[8]. Diverses expériences ont montré une bonne acceptation de l'aquamation funéraire (148 sur 150 personnes d'une clinique[9]; 68 % de 2 062 personnes dans un sondage australien du Sydney Morning Herald[10], et de l'adoption par la UK Cremation Society 2008[11]). L'aquamation est légalisée dans sept États aux États-Unis[12], en Australie et dans la province de Québec au Canada[13].

La pratique d’aquamation funéraire s’apparente avec certaines pratiques ancestrales voire plus récentes[14]. Par exemple, l’inhumation dans l’eau des rivières est largement pratiquée en zone Pacifique Sud, avec des embarcations funéraires. L’inhumation en eaux marines était pratiquée par les Vikings (Oseberf), en Angleterre et Irlande aux VIIe-VIIIe siècle (culture scandinave), lors d’expéditions maritimes longues (colonialisme occidental), et est encore pratiquée, le plus souvent à titre honorifique dans la marine pour des officiers supérieurs, ou à titre symbolique par des artistes, pécheurs, aventuriers… Signalons aussi l’inhumation céleste pratiquée au Tibet (surtout dans le Sud et Est), qui combine tout un rituel pré- et post-mortem.

Sous-jacent, la pratique s’ancre dans le mythe d’une Ablution/purification (corps immergé), d'une transformation/immortalité (en eau riche) et d'un retour à la nature : la dispersion de l'hydrolysat et des « cendres » d’un défunt relève d’une recherche de fusion de l’être avec la nature, une simple accélération de l'ordre naturel des choses plus discrète que d’anciennes pratiques funéraires (dans les Salomon, corps défunt exposé sur les récifs et laissé à la nature, aux requins… ; dans d’autres îles, corps défunt vêtu remis aux fonds marins avec un lest de pierre ; corps découpé exposé sur les montagnes et aux vautours au Tibet). La notion de voyage (funéraire, spirituel) transparait également par celui de l'hydrolysat dans l'environnement, porteur d'une symbolique du voyage de l'âme fort naturel (différent de l’usage d’embarcations parfois élaborées [égyptiens, vikings…]).

Aquamation en médical et en industrie d’élevage

Le procédé d'hydrolyse alcaline a été introduit en médecine pour éliminer les matières biologiques infectieuses, puis en élevage pour éliminer les animaux infectieux. Son usage s'est étendu dans les abattoirs, en raison de son faible prix, sa rapidité, la réduction des odeurs[15],[3]... Il est à présent légalisé le en Europe[16]. Le traitement opère à 150 °C à 4 bars, 3 à 6 heures selon les besoins sanitaires. L'hydrolysat peut être éliminé dans les égouts, après éventuelle neutralisation (injection de CO2). Hormis les éventuels indigestibles (paille, plastique...), le résidu représente 3 % du volume initial et est éliminé comme additif pour les sols.

L'aquamation est enfin une solution adaptée[3]:

Notes et références

  1. Lise Loumé, « Plutôt que la crémation, les Californiens pourront choisir la liquéfaction », sur sciencesetavenir.fr, (consulté le ).
  2. « La résomation, alternative écologique à la crémation », Écologie, (consulté le ).
  3. http://www.alnmag.com/article/alkaline-hydrolysis-process "Carcass Disposal: A Comprehensive Review" . National Agricultural Biosecurity Center Consortium, USDA APHIS Cooperative Agreement Project, August 2004
  4. « L'aquamation, une histoire d'eau funéraire et écolo », sur tv5monde.com, (consulté le )
  5. http://www.aquamationindustries.com/investor-opportunities.html et "... company was overwhelmed last year with requests..."
  6. Kheira Bettayeb, « La nouvelle vogue des enterrements "écologiques" », Sciences et Vie, no 1227, , p. 46-47 (lire en ligne, consulté le ).
  7. Alex Martin, Analyse des impacts environnementaux des différentes méthodes de disposition des corps au Québec, Sherbrooke (Québec), , 89 p. (lire en ligne), p. 78
  8. Commission pour la Doctrine de la Conférence des Évêques catholiques du Canada, « Déclaration sur l'hydrolyse alcaline », 31 juillet 2018
  9. The MAYO Research Clinic, when first installed, had 150 donated cadavers to dispose. As the original MAYO agreements had said that final disposition of the bodies would be cremation, the Mayo Clinic felt obliged to consult relatives before using a different method. Out of the 150, an overwhelming 148 opted to use the aquamation method instead of cremation. Cité par le bulletin de Aquamation.info
  10. Article "Aquamation: A Greener Alternative to Cremation?" de Marina Kamenev / Sydney Tuesday, septembre 28, 2010
  11. Ceci est un extrait de la déclaration écrite en 1874 par la UK Cremation Society: we desire to substitute some mode which shall rapidly resolve the body into its component elements, by a process which cannot offend the living, and shall render the remains perfectly innocuous. Until some better method is devised we desire to adopt that usually known as cremation. At an Extraordinary General Meeting on 17th June 2008 members of the society voted to change its constitution to allow it to support for aquamation since they viewed it as a superior means of disposal. Cité par le bulletin de Aquamation.info bulletin
  12. (en) Neil Bowdler Neil, « Une unité de liquéfaction des corps dévoilé en Floride », (consulté le )
  13. Zone Environnement- ICI.Radio-Canada.ca, « Nouveau moyen moins polluant de disposer du corps d'un défunt », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
  14. « information sur les pratiques passées d’inhumation aquatique par http://www.aquamation.info »
  15. « Files/CH 6 - Alkaline Hydrolysis.pdf Revue technique sur l'hydrolyse alcaline pour l'élimination des carcasses animales, 2004 »
  16. Règlement (UE) no 142/2011 du 25 février 2011 portant application du règlement (CE) n ° 1069/2009 sur les règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine en ce qui concerne certains échantillons et articles exemptés des contrôles vétérinaires / eur-lex.europe.eu

Voir aussi

Articles connexes

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