Annie Rey-Goldzeiguer

Annie Rey-Goldzeiguer, née le à Tunis et morte le à Massiac[1], est une historienne, spécialiste de l'Algérie coloniale. Elle a soutenu une thèse sur les initiatives du Second Empire en Algérie et l'évolution des sociétés traditionnelles sous la colonisation : Le Royaume arabe. La politique algérienne de Napoléon III (1861-1870) en 1974.

Annie Rey-Goldzeiguer
Biographie
Naissance
Tunis (Protectorat français de Tunisie)
Décès
Massiac
Nationalité Française
Thématique
Formation Université d'Alger, puis université de Paris-Sorbonne
Titres Professeur agrégée d'histoire (1947), docteur ès lettres (1974), professeur honoraire à l'université de Reims
Profession Historien
Travaux

Le Royaume arabe. La politique algérienne de Napoléon III, 1861-1870 (1977).

Aux origines de la guerre d'Algérie, 1940-1945, 2002.
Approche Histoire de l'Algérie coloniale
Données clés

Elle a aussi publié un ouvrage, reconnu important par tous les spécialistes de la période : Aux origines de la guerre d'Algérie, 1940-1945. De Mers-el-Kébir aux massacres du Nord-Constantinois, en 2002.

Napoléon III visite la Casbah d'Alger, 1865.

Biographie

Repères

Annie Rey-Goldzeiguer est née en 1925 à Tunis. Rey est son nom d'épouse, Goldzeiguer son nom de jeune fille.

Famille

Son père, David Goldzeiguer[2], est un immigré russe, fils d'un industriel juif du port d'Odessa, arrivé en France en 1905[3],[4]. Il suit des études de médecine à Montpellier et devient docteur en 1913. Engagé volontaire, « à titre étranger », il sert dans les formations sanitaires au front, particulièrement à l'ambulance 5/16 de la 32e division d'infanterie[5].

Tunis, rue d'Angleterre où habitait la famille Goldzeiguer.

Sa mère, issue d'une famille de petits vignerons du Midi, est institutrice à Bar-sur-Aube et infirmière pendant la Première Guerre mondiale. C'est dans un hôpital de campagne qu'elle rencontre le médecin Goldzeiguer[3]. En 1919, ils s'installent à Tunis où ils se marient[3],[6],[n 1].

Jeunesse

En 1940, Annie Goldzeiguer découvre Alger, lors de vacances[7] : « elle repart bien vite à Tunis pour échapper à la tutelle directe du régime de Vichy. Son père est cependant déporté en Grande Allemagne au camp d'Oranienbourg »[3],[n 2].

Université d'Alger, années 1920.

En 1943, avec sa mère, elle s'installe à Alger et s'inscrit à l'université : « j'ai vécu alors à Alger dans le milieu, fortement politisé, des étudiants de l'université. J'y ai participé à la manifestation du  : j'ai été traumatisée par la manifestation nationaliste et sa répression brutale. Mais le véritable choc fut le 8 mai 1945, quand j'ai vu et compris la riposte violente de l'aviation française sur la Petite Kabylie. J'ai alors vécu intensément la ruine de mes illusions »[8]. De ces événements, date une prise de conscience anti-coloniale :

  • « Avant guerre, ma famille habitait Tunis, où je suis née. J'appartenais à un milieu libéral, anti-raciste, laïque [...] Jusqu'alors [], je voyais plutôt dans la colonisation une "mission civilisatrice". D'autant que, en Tunisie, mon père était médecin et avait accès à ceux qu'on appelait les "indigènes". À mon arrivée à Alger, ma première impression a été épouvantable. J'ai vu pour la première fois ce qu'était la colonisation. Elle était très différente de celle qui existait en Tunisie »[7].

Mariage

En 1948[4], elle épouse Roger Rey (1925-2010)[9], saint-cyrien, officier d’active de l’armée française de 1944 à 1952 en Indochine et à Madagascar, devenu militant au service du FLN à partir de 1957[10]. Elle l'avait rencontré à l'université d'Alger en 1943. Mariée, ayant deux enfants, elle le suit à Madagascar jusqu'en 1952[3].

Études

Elle obtient son bac à Alger en 1943[4] puis son agrégation d'histoire en 1947[11] à la Sorbonne à Paris.

Après les événements de , Annie Goldzeiguer avait pris une décision : « Je me suis jurée de quitter l'Algérie et de n'y revenir qu'après l'indépendance. J'ai tenu parole » a-t-elle déclaré à Gilles Perrault en 1983[3]. À Alger, en 1962, sous l'influence de Charles-André Julien[12], « elle consacre ses recherches, sa thèse sur le Royaume arabe et ses publications à l'histoire coloniale de l'Algérie, tout en revenant à la maison familiale près de Tunis »[3].

Elle soutient sa thèse en Sorbonne, le , sous le titre Royaume arabe et désagrégation des sociétés traditionnelles en Algérie[13],[14]. Le directeur en est Charles-André Julien[14].

Carrière professionnelle

Au retour de Madagascar, en 1952, Annie Rey-Goldzeiguer enseigne à Paris[3]. Après sa thèse, elle devient maître de conférence, puis professeur, puis professeur émérite et enfin honoraire à l'université de Reims.

Selon sa fille, Florence Rey, Charles-André Julien : « souhaitait qu'elle quitte la fac de Reims pour celle de Tunis. Mais c'est à ce moment-là qu'on lui a signifié qu'elle n'y serait pas la bienvenue. Mais maman ne lâche jamais. Quand Bourguiba l'a reçue en lui disant : "vous êtes une dangereuse gauchiste", elle lui a répondu : "oui, une dangereuse gauchiste mais comme vous !". Ils ont discuté pendant deux heures et il lui a dit : "toi, tu repars plus". Elle est restée deux ans et elle dit toujours qu'elle a passé les plus belles années de sa vie en Tunisie »[4].

Annie Rey-Goldzeiguer a dirigé 13 thèses de doctorat[15]

Opinions politiques

À partir de 1952, Annie Rey-Goldzeiguer milite au PCF[3].

  • « Elle est affectée à la cellule du XIe arrondissement [de Paris] qui est aussi celle de Gérard Spitzer et de Victor Leduc, qui sont critiques, à travers la publication oppositionnelle L'Étincelle, du refus du débat sur les crimes de Staline et sur le vote des pouvoirs spéciaux en Algérie par les députés communistes en . Elle a aussi des échos des protestations de la cellule Sorbonne-Lettres par André Prenant, alors assistant de géographie à la Sorbonne, spécialiste de l'Algérie avec lequel elle partage un intérêt passionné pour tout ce qui se passe dans ce pays. Avec un grand ressentiment à l'adresse du PCF, Annie Rey-Goldzeiguer se joint au groupe de La Voie communiste et participe à l'aide au FLN »[3].

En 2011, elle est signataire d'un manifeste intitulé : « Non à un hommage national au général Bigeard »[16].

En 2014, elle participe à l'« Appel des 171 pour la vérité sur le crime d’État que fut la mort de Maurice Audin »[17].

Don de sa bibliothèque

Annie Rey-Goldzeiguer a fait don de sa bibliothèque personnelle (3 500 ouvrages) à l'Institut d'histoire de la Tunisie contemporaine[4].

Publications

Ouvrages

Bougainville à Tahiti.
  • Le Royaume arabe. La politique algérienne de Napoléon III, 1861-1870, Alger, Sned, 1977.
  • Histoire de la France coloniale, tome 1, « Des origines à 1914 »[18], Jean Meyer, Jean Tarrade, Annie Rey-Goldzeiguer, Armand Colin, 1991. Elle est l'auteur de la troisième partie : « La France coloniale de 1830 à 1870 ».
  • Aux origines de la guerre d'Algérie, 1940-1945. De Mers-el-Kébir aux massacres du nord-constantinois, La Découverte, 2002.

Articles

Préfaces

  • Élisabeth Mouilleau, Fonctionnaires de la République et artisans de l'empire. Le cas des contrôleurs civils en Tunisie (1881-1956), L'Harmattan, 2000.
  • Charles-André Julien, L'Afrique du Nord en marche. Algérie, Tunisie, Maroc, 1880-1952, éd. Omnibus, 2002 (« Charles-André Julien (1891-1991). Une pensée, une œuvre, une action anticoloniales », p. III-XIII).

Voir aussi

Notes et références

Notes

Références

  1. « Disparition de notre collègue Annie Rey-Goldzeiguer (1925-2019) - Société française d’histoire des outre-mers », sur www.sfhom.com (consulté le )
  2. « Les Juifs et la franc-maçonnerie en terre coloniale : le cas de la Tunisie », Claude Nataf, Archives juives, 2010/2 (vol. 43), p. 90-103.
  3. Notice REY-GOLDZEIGUER Annie, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, Maghreb, dir. René Gallissot, les éditions de l'Atelier, 2006, p. 532-533.
  4. Interview de Florence Rey (fille de Annie Rey-Goldzeiguer) par Séverine Perrier, La Montagne, 30 octobre 2015.
  5. « Renseignement sur l'ambulance 5/15 et son personnel », Éric Mansuy, forum.pages14-18, 21 janvier 2013. Cette page contient une photographie de l'ambulance 5/16.
  6. Le médecin David Goldzeiguer habitait : 9, rue d'Angleterre à Tunis ; cf. Liste des francs-maçons de Tunisie stigmatisés par le régime de Vichy.
  7. Annie Rey-Goldzeiguer, Libération, 11 avril 2002, propos recueillis par José Garçon et Jean-Dominique Merchet.
  8. Annie Rey-Goldzeiguer, Aux origines de la guerre d'Algérie, 1940-1945, La Découverte, 2002, p. 6.
  9. « Dernier hommage à Roger Rey », Ines Amroude, lemidi-dz, 18 décembre 2010.
  10. Notice REY Roger, Dictionnaire Algérie, Le Maitron.
  11. Les agrégés de l'enseignement secondaire. Répertoire 1809-1950. La même année, sont notamment reçues à l'agrégation d'histoire (jeunes filles) : Claude Mossé et Suzanne Citron.
  12. En exergue du livre publié à partir de sa thèse, elle écrit : « À mon maître, Charles-André Julien pour son exigeante et amicale autorité », Le Royaume arabe. La politique algérienne de Napoléon III, 1861-1870, Sned, 1977, p. 5.
  13. Catalogue du Système Universitaire de Documentation (Sudoc).
  14. « Choix de thèses intéressant les sciences sociales [note bibliographique] », Revue française de sociologie, 1975, 15-4, p. 656.
  15. « Thèse.fr », sur thèse.fr
  16. PCF, Le chiffon rouge, Morlaix, 21 novembre 2012.
  17. Blog les invités de Médiapart, 26 mars 2014.
  18. Le titre de ce premier tome est devenu « La conquête » dans l'édition de poche, Pocket, 1996 ; troisième partie, p. 441-781.

Liens externes

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