Alfried Krupp von Bohlen und Halbach

Alfried Felix Alwyn Krupp von Bohlen und Halbach, né le à Essen et mort le dans la même ville, dit également Alfried Krupp[1], est un industriel allemand, criminel nazi, sportif de voile olympique et un membre de la famille Krupp qui a joué un rôle important en Allemagne au début du XXe siècle. Il est le dernier Krupp à la tête de l'empire industriel fondé par son arrière-grand-père.

Pour les articles homonymes, voir Bohlen et Krupp.

Biographie

Vie familiale et jeunes années

Bertha et Gustave, en 1927.
Arnold, le jeune frère d'Alfried, Bertha, et Alfried en 1912

La mère d'Alfried Krupp, Bertha Krupp (1886-1957), qui a donné son nom au fameux canon,la Grosse Bertha, hérite de l'entreprise en 1902 à l'âge de 16 ans lorsque son père, Friedrich Krupp, se suicide[2]. En , par l'entremise de l'empereur Guillaume II, Bertha épouse Gustav von Bohlen und Halbach (1870-1950), un diplomate allemand membre de la noblesse. Afin de maintenir la lignée Krupp, l'empereur Guillaume II accorde à Gustav le droit d'utiliser le nom de Krupp et de le transmettre. Alfried Krupp est l'aîné d'une fratrie de huit enfants (dont l'un est mort en bas âge).

Les usines Krupp à Essen, en 1928.

Alfried Krupp fréquente un Realgymnasium, après quoi il est formé dans les ateliers de ĺ'entreprise aujourd'hui connue sous le nom de Friedrich Krupp AG Hoesch-Krupp. Il étudie la métallurgie aux universités techniques de Munich, Berlin et Aix-la-Chapelle.

Alfried Krupp effectue ses études à Aix-la-Chapelle et reçoit un « Diplomingenieur » (diplôme d'ingénieur) de la Technische Hochschule Aachener en 1934, son sujet de thèse de fin d'études portant sur la fusion de l'acier. Après avoir complété sa formation à la Dresdner Bank de Berlin, il rejoint l'entreprise familiale en 1935 à l'âge de 28 ans.

Cette année-là, il entre au département alimentaire du groupe. Dans le même temps, Alfried est nommé standartenführer dans le nationalsozialistisches Fliegerkorps. Avocat en 1936, il est assistant au département de la production militaire. Il est nommé comme son père au « Wehrwirtschaftsführer » (conglomérat des industriels de l'armement sous le contrôle de l'armée allemande).

Pendant les Jeux olympiques de Berlin de 1936, Alfried Krupp participe à l'épreuve de voile sur le voilier Germania III (m) dont l'équipage remporte la médaille de bronze[3],[4].

Le Troisième Reich

Ruinée par la crise de 1929, la société Allemande profite du réarmement Allemand des années 1930. Gustav Krupp von Bohlen und Albach, en dépit de son opposition initiale au parti nazi, lui fait des dons personnels importants avant l'élection de 1933 parce qu'il voit les avantages du nazisme pour l'entreprise confrontée à l'expansion du communisme. Il fonde notamment, avec Martin Bormann, le fonds Adolf Hitler de l'économie allemande (en), don du patronat pour soutenir le NSDAP.

Alfried Krupp devient plus actif dans la direction de la société lorsque la santé de son père décline à partir de 1941 après un accident vasculaire cérébral. Il est nommé président du conseil d'administration en . Cette promotion est décidée par la « Krupp Lex » (loi Krupp) proclamée par Adolf Hitler le . Alfried Krupp est alors « Reichminister für Rüstung und Kriegsproduktion » (ministre de la production d'armement de guerre). L'exonération des droits de succession est un geste de gratitude d'Hitler et est l'une des rares lois nazies à survivre à la chute du régime.

Il adopte une politique de gestion du personnel très paternaliste. Les employés de ses usines sont surnommés les « Kruppianer ». La société Krupp fait construire des écoles, des ateliers d'apprentissage ainsi qu'une bibliothèque et institue la gratuité des soins.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Alfried Krupp est un partisan notable de Subhash Chandra Bose[5] qui dirige l'armée nationale indienne, force militaire organisée par l'Allemagne Nazie et le Japon.

La main-d'œuvre des usines

Le canon sur rail Dora, produit par Krupp.

La main-d'œuvre utilisée par la société Krupp est en partie issue des camps de concentration créés par le régime. Ces travailleurs sont fournis à la demande d'Alfried Krupp par le régime nazi qui assigne des prisonniers juifs à plusieurs de ses usines[6]. Même lorsque l'armée lui suggère, pour raisons de sécurité, que certains travaux devraient être effectués par des « travailleurs libres allemands », Alfried Krupp insiste sur l'utilisation de travailleurs forcés baptisés « bétail »[7]. D'après l'un de ses employés, alors même qu'il était évident que la guerre était perdue, « Krupp considérait comme un devoir de faire travailler 520 jeunes filles juives, dont la plupart à peine sorties de l'enfance, dans les conditions les plus dures possibles[6] ».

Krupp travaille en étroite collaboration avec les SS (qu'il soutient financièrement en tant que Förderndes Mitglied der SS) qui contrôlent les camps de concentration à partir desquels le travail des prisonniers est obtenu. Il fait notamment construire, en 1942, une usine de fusées près du camp de Monowitz-Buna et y fait travailler les prisonnières d'Auschwitz en les payant 4 marks par jour et par « travailleur »[8]. Dans une lettre du , il écrit : « As regards the cooperation of our technical office in Breslau, I can only say that between that office and Auschwitz the closest understanding exists and is guaranteed for the future[9] »

Il fait piller les usines des pays occupés afin de maintenir le niveau de production de ses usines et utilise le travail de plus de 100 000 détenus des camps de concentration. Les détenus ont aussi été déplacés en Silésie pour construire une usine d'obusiers. En 1943, la SS lui donne l'autorisation d'employer 45 000 civils russes comme travailleurs forcés dans ses usines d'acier ainsi que 120 000 prisonniers de guerre dans ses mines de charbon. On estime qu'environ 70 000 de ceux qui travaillaient pour Krupp sont morts à cause des méthodes employées par les gardes : ils ont été battus, surchargés de travail, affamés et privés de soins médicaux.

Drexel A. Sprecher, avocat à Washington, a fait ce commentaire après guerre : « l'exploitation de la main-d'œuvre esclave par Alfried [Krupp] a été pire que celle de tout autre industriel... Nulle part ailleurs le sadisme a été tel, la barbarie si insensée, et le traitement de gens comme matériau autant déshumanisé ».

Fin de la guerre

Alfried Krupp à son procès.
Les dirigeants de Krupp sur le banc des accusés.

Il est arrêté et mis en prison par l'armée américaine en 1945. Bertha et Gustav sont mis en résidence surveillée. Après la guerre, le gouvernement militaire allié étudie l'emploi par l'entreprise Krupp de main-d’œuvre esclave. Gustav est mis sur la liste des accusés au procès de Nuremberg, mais sa sénilité ne lui permet pas d'être présenté devant les juges. Les procureurs américains, russes et français, demandent alors de mettre en accusation Alfried, ce qui est refusé le .

En 1947, les charges de crimes contre la paix, pillage, crimes contre l'humanité et conspiration sont retenues contre Alfried. Il est reconnu coupable de pillage et de crime contre l'humanité le lors du procès Krupp et condamné à douze ans d'emprisonnement et à la confiscation de ses biens. Il est détenu à la prison de Landsberg, en Bavière. Au regard des crimes dont il est accusé, ses conditions de détention sont relativement confortables.

Amnistie

En juin 1950, les troupes nord-coréennes envahissent la Corée du Sud. Estimant que l'acier allemand est nécessaire à l'armement pour la guerre de Corée, John McCloy, haut-commissaire américain à l'Allemagne occupée, lève la limitation sur la production d'acier allemand, la faisant passer à 11 millions de tonnes. McCloy commence à étudier la grâce des industriels allemands condamnés. Le , Konrad Adenauer écrit une lettre exhortant McCloy à la clémence pour Krupp. Alfried Krupp est libéré le . La confiscation des biens de la société est annulée et sa fortune personnelle estimée à 10 000 000 de dollars lui est restituée[10]. En outre, chacun de ses quatre frères et sœurs ainsi que son neveu, Arnold von Bohlen, reçoit dix millions de marks en espèces, ou en actions équivalentes, dans deux de ses entreprises industrielles. Alfried reprend le contrôle du groupe en 1953.

En , l'entreprise accepte de signer un accord avec la commission chargée des dommages de guerre juifs et de verser 2,5 millions de dollars (0,2 % de la fortune familiale), soit 500 dollars par victime survivante.

Alfried Krupp (à droite) et le président du Togo, Sylvanus Olympio, à la villa Hügel, à Essen, en .

En quelques années, la compagnie Krupp est redevenue une des plus grandes sociétés au monde. Le , Alfried Krupp annonce que toutes les filiales ont de nouveau fusionné en une seule société sous sa direction. En 1963, il devient l'industriel le plus puissant du marché commun. Cependant, en 1967, ses finances s'effondrent.

Les usines Krupp à Essen, en .

Juste avant sa mort, il est contraint de transférer le contrôle du « Konzern » à une « Stiftung » (fondation). Selon cet accord, le fils héritier de Krupp, Arndt (surnommé « le plus célèbre playboy de la Ruhr ») renonce à toute revendication sur les entreprises de son père contre un rente annuelle viagère de deux millions de marks. Ayant renoncé à son héritage, il n'est également plus autorisé à utiliser le nom de Krupp, réservé aux seuls ayants droit de l’héritage en question.

Mariages

En 1937, il épouse Anneliese Lampert, née Bahr (1909-1998). Leur fils Arndt von Bohlen und Halbach (de) naît le . La famille Krupp désapprouve l’union avec Anneliese Lampert et le couple divorce dès 1941.

Son second mariage onze ans plus tard, le , avec Vera Knauer, née Hossenfeld (1909-1967), ne dure pas plus longtemps : il finit par un scandale et un règlement coûteux en 1957.

Voir aussi

Notes et références

  1. (en) « Alfried (Felix Alwyn) Krupp (von Bohlen Und Halbach) Biography (1906–67) », Crystal Reference Encyclopedia (consulté le )
  2. (en) « Gustav Krupp von Bohlen und Halbach », Encyclopædia Britannica, (consulté le )
  3. (en) « Alfred Krupp von Bohlen und Halbach », sur database Olympics;
  4. (en) « Alfried Krupp von Bohlen und Halbach », Encyclopædia Britannica, (consulté le )
  5. (en) Sisir K. Majumdar, « Subhas Chandra Bose in Nazi Germany ».
  6. Manchester 1970, p. 10.
  7. Manchester 1970, p. 5-6.
  8. (en) Vernon Herbert et Attilio Bisio, Synthetic Rubber : A Project That Had to Succeed : Contributions in Economics and Economic History, éditions Greenwood Press, , 243 p. (ISBN 978-0-313-24634-0 et 978-0313246340).
  9. Manchester 1970, p. 10-11.
  10. William L. Shirer, Le IIIe Reich, Stock, (1re éd. 1963) (ISBN 978-2-234-05933-7), p.978.

Bibliographie

  • William Manchester, Les Armes des Krupp : 1587-1968, Robert Laffont, , 830 p.

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de la Seconde Guerre mondiale
  • Portail du nazisme
  • Portail de la production industrielle
  • Portail de la régate
  • Portail de l’Allemagne
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.