Aimé-Benjamin Fleuriau (1709-1787)

Aimé-Benjamin Fleuriau est un négociant français né à La Rochelle le , et mort dans la même ville le .

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Faisant partie des familles rochelaises parties faire fortune dans le Nouveau Monde, Aimé-Benjamin Fleuriau s’est distingué dans le sucre et le commerce d’esclaves à Saint-Domingue.

Biographie

Aimé-Benjamin Fleuriau est le fils de François Fleuriau (1667-1729) et de Marie-Anne Suzanne Liège.

À sa mort en 1729, son père laisse une dette de 124 409 livres due à la faillite de sa raffinerie de sucre. Il quitte alors La Rochelle pour rejoindre un oncle à Saint-Domingue, Paul Fleuriau du Chasseau (1683-1743), qui possède une sucrerie à Montrouis, au sud de Saint-Marc. Une dizaine d'années plus tard, s'étant affranchi de la tutelle de son oncle à la Croix-des-Bouquets, dans la plaine de Cul-de-Sac où il est négociant, commissionnaire, qui s'occupe de la réception des marchandises, de la vente des esclaves et du commerce du sucre pour le compte d'armateurs et de négociants de la métropole. C'est un des plus grands propriétaires terriens de Saint-Domingue avec l'habitation de Bellevue, dans la plaine du Cul-de-Sac, près de Port-au-Prince, où il s'est installé en 1743. La propriété a une surface de 327 hectares dont la plus grande partie est consacrée à la canne à sucre, avec les bâtiments de la sucrerie, le logement des maîtres, des régisseurs, les cases pour les esclaves. L'Habitation Fleuriau produit essentiellement du sucre brut, mais peut aussi produire du sucre terré (sucre mis en pain après avoir été raffiné). Cette installation précède de peu la fondation de Port-au-Prince au débouché de la plaine, en 1749.

Il revient à La Rochelle en 1755 fortune faite grâce à laquelle il a pu acheter des marais salants, des maisons dont l’hôtel Fleuriau, en 1772, la seigneurie de Touchelonge (Saint-Laurent-de-la-Prée). Il rembourse la dette de son père. Aimé Benjamin Fleuriau a pratiqué le commerce des esclaves noirs. À Saint-Domingue, Michel-Joseph Leremboure, maire de Port-au-Prince, a été l'homme de confiance des Fleuriau.

En 1775, il écrit à Malesherbes, secrétaire d'État de la Maison du roi, pour demander son anoblissement pour des services rendus à Saint-Domingue. Cette demande est refusée[1].

Il a acheté en 1777 une charge anoblissante d'officier commensal de la Maison du Roi.

À sa mort, en 1787, sa fortune est de 4 millions de livres mais dont seulement 1 million est disponible. Trois enfants sont encore vivants qui se sont partagé la fortune avec la part revenant à leur mère moins la partie que leur père a réservé à ses enfants mulâtres.

Famille

Les Fleuriau sont une famille originaire de Châtellerault, au XVe siècle. Ils sont devenus protestants dès le début de la Réforme protestante[2]. Une branche de la famille Fleuriau a quitté Châtellerault pour s'installer en 1671 sur l'île Saint-Christophe, puis a suivi les Anglais à New York. On y trouve Les frères Pierre et Daniel Fleuriau arrivés en 1686 et leur sœur en 1688[3].

  • François Fleuriau (1645-1692) marié à Catherine Barré. Il arrive à La Rochelle en 1671[4].
    • François Fleuriau (1667-1729) marié en secondes noces à Marie-Anne Fleuriau
    • Paul Fleuriau (1683-1743) s'est installé à Saint-Domingue, en 1710, mort célibataire. Il possédait une sucrerie à Montrouis, à une douzaine de lieux au nord de Port-au-Prince. Revendue à Jean Pasquet de Lugé, elle est aujourd'hui située sur un site nommé Delugé. Sans descendanc
  • Aimé-Benjamin Fleuriau (1707-1787) a eu de sa liaison avec Jeanne Guimbelot[6], négresse libre en 1740, à Saint-Domingue, des enfants mulâtres dont certains sont cités dans son testament :
    • Jean-Baptiste Fleuriau, dit Mandron (1740-1785), mulâtre libre demeurant à Port-au-Prince, propriétaire d'une habitation à Mirebalais que lui a donné son père en 1777,
    • Marie-Jeanne Mandron (1741-La Rochelle, 1793),
    • Marie-Chalotte Mandron (1742-LaRochelle, 1773),
    • Joseph-Benjamin Fleuriau-Mandron (1743- )
    • Pierre-Paul Fleuriau-Mandron (1745-1800), marié à Victoire Meurise. Il est assassiné en 1800 par Jean-Jacques Dessalines, pendant la révolution haïtienne, au cours de la guerre entre Toussaint Louverture et André Rigaud,
      • Un fils, qui a assisté au massacre de son père, se suicide en 1802 pour ne pas voir l'enrôlement de force des hommes de couleur de Mirebalais par Dessalines[7],
      • Louise-Célestine Fleuriau-Mandron ( -1803)
      • Théodat Mandron,
      • Charlotte Mandron
    • Jean Mandron (1747-mort jeune),
    • Toinette Mandron (1748- ),
    • Marie-Magdeline Mandron (1749- ).

La sucrerie Fleuriau à Saint-Domingue[8]

A Saint-Domingue l'habitation d'Aimé-Benjamin Fleuriau est une représentation typique des habitations de l'île. Elle fait partie des plus grandes habitations de l'île avec 327 hectares et 300 esclaves. Composée de deux moulins, une sucrerie à deux équipages, de cinq chaudières, une guildiverie (outil de production du tafia), deux purgeries (pour le sucre), une étuve et de nombreux bassins. Parmi les différents bâtiments on trouve la Grande-Case, maison du maître, un hôpital, des cuisines, ainsi que la case de l'économe pour les domestiques. En plus de tout cela, on peut trouver un clocher, un colombier, une forge, une tonnellerie, une charronnerie, une machoqueterie, ainsi que d'autres remises et entrepôts.

Sont présents également deux villages d'esclaves, l'un pour les privilégiés (sucriers, chauffeurs, ouvriers divers), l'autre pour les nègres de culture tandis que quinze cases sont réservées aux esclaves qu'il faut isoler (malades, nègres nouveaux).

Les esclaves

Selon les Inventaires du mobilier, l'atelier est composé d'environ 300 personnes dont une grande partie est née sur place. Les autres sont originaires du Sénégal, de la côte de Guinée et des pays Bantous (les Congos). En règle générale on note une grande dénatalité due au déséquilibre des sexes. Dans le cas de la sucrerie Fleuriau, on essaye de lutter contre ce phénomène en améliorant les conditions d'accouchement, en proposant des récompenses aux mères et en prenant en charge les enfants.

Il existe plusieurs catégories d'esclaves, d'abord les domestiques (principalement des femmes), des ouvriers spécialisés ou nègres à talent, ceux considérés comme invalides réalisent des tâches moins physiques. Les plus anciens, les créoles et certaines familles ont accès aux meilleurs tâches tandis que les femmes et les bossales (esclaves nés en Afrique) occupent les fonctions les moins gratifiantes. Les esclaves sont logés dans des cases en bois rudimentaires sans pour autant dépasser le nombre de cinq ou six par case.

Le personnel blanc

Du personnel non esclave travaille également sur la propriété, cela représente une dizaine de personnes. En premier lieu, le gérant de l'exploitation qui s'occupe de tout lorsque le propriétaire n'est pas sur place. D'autres hommes (raffineurs, laboureurs, guildiviers...) viennent également travailler dans des conditions difficiles et pour un salaire très faible. Certains corps de métiers interviennent périodiquement comme des chirurgiens ou des vétérinaires. Un procureur intervient également pour gérer la comptabilité et l'administration, il touche 3% du revenu brut de l'habitation Fleuriau.

" Finalement, l'habitation se présente comme un monde en vase clos, replié sur lui-même, une vaste usine en perpétuel chantier où les premières et seules règles sont le travail et la discipline. Au-delà de ses limites s'ouvre pour l'esclave le monde mythique et quasi-inimaginable de la liberté retrouvée mais aussi de tous les dangers : celui du marronnage que seuls de rares fugitifs connaîtront "[10]

Héraldique

D'argent à la fasce de sinople accompagnée en chef d'une rose de gueules[11].

Notes et références

  1. Archives nationales d'Outre-mer : Fleuriau, Aimé Benjamin, négociant à la Rochelle, habitant à Saint-Domingue, demande de lettres de noblesse 1775
  2. Bulletin de la Société des archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis, 1891, p. 245, 301-303 (lire en ligne)
  3. Charles Washington Baird, Histoire des réfugiés huguenots en Amérique, Société des livres religieux, Toulouse, 1886, p. 169, 187, 305 (lire en ligne)
  4. Henri Beauchet-Filleau, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, Société française d'imprimerie et de librairie, Poitiers, 1905, tome 3, p. 442 (lire en ligne)
  5. « Cote 19800035/1293/49456 », base Léonore, ministère français de la Culture
  6. Jennifer L. Palmer, Intimate Bonds. Family and Slavery in the French Atlantic, University of Pennsylvania Press, Philadelphie, 2016, p. 132-133, (ISBN 978-0-8122-4840-1) (aperçu)
  7. Jacques de Cauna, Au temps des isles à sucre, p. 55-56.
  8. Jacques de Cauna, Une grande habitation de Saint-Domingue. La sucrerie Fleuriau de Bellevue, La Crèche, La Geste, , p. 104-110
  9. « Archives départementales de la Charente-Maritime », sur archives.charente-maritime.fr (consulté le )
  10. Jacques de Cauna, Une grande habitation de Saint-Domingue. La sucrerie de Bellevue, La Crèche, La Geste, , p. 110
  11. Bulletin de la Société des archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis, 1891, p. 301

Annexes

Bibliographie

  • Jacques de Cauna, Une habitation de Saint-Domingue à la fin du XVIIIe siècle : la sucrerie Fleuriau de Bellevue, thèse de doctorat de 3e cycle, université de Poitiers, 1982 ;
  • Jacques de Cauna, Les Fleuriau et Saint-Domingue, dans Une autre Amérique, Musée du Nouveau-Monde, La Rochelle, 1982 ;
  • Jacques de Cauna, Une réussite de planteurs-négociants à Saint-Domingue : les Fleuriau, dans Bulletin du Centre d’Histoire des Espaces Atlantiques, 1985, no 2, p. 151-174 ;
  • Jacques de Cauna, De La Rochelle à Port-au-Prince : l’habitation Fleuriau de Bellevue (1743-1803), dans Conjonction, Revue de l’Institut Français d’Haïti, 1986, no 168, p. 59-88 ;
  • Jacques de Cauna, L'irrésistible ascension du Rochelais Aimé-Benjamin Fleuriau, dans Historia thématique : L'esclavage, un tabou français enfin levé, no 80, novembre-, p. 22-27 ;
  • Jacques de Cauna, Au temps des isles à sucre. Histoire d'une plantation de Saint-Domingue au XVIIIe siècle, éditions Karthala, Paris, 2003, (ISBN 2-84586-352-7)
  • Jacques de Cauna, Les Fleuriau, de La Rochelle à Saint-Domingue : le parcours de réussite, dans sous la direction de Mickaël Augeron, Didier Poton, Bertrand Van Ruymbeke, Les Huguenots et l'Atlantique, PUPS, Les Indes Savantes, Paris, 2009, p. 497-510 ;
  • Jacques de Cauna, Une famille transatlantique : les Fleuriau, dans Les cahiers de la Framespa, 2012, no 9 (lire en ligne)
  • Jacques de Cauna, Une famille rochelaise transatlantique : Les Fleuriau dans Laurent Vidal et Didier Poton, Du Brésil à l'Atlantique. Essais pour une histoire des échanges culturels, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2014, p. 181-197, (ISBN 978-2-753534-37-7) (aperçu).
  • Jacques de Cauna, Fleuriau, La Rochelle et l'esclavage, co-édition Le Croît Vif, Saintes, Les Indes Savantes, Paris, 2017, (ISBN 978-2-84654-466-5) ; 242p.
  • Jacques de Cauna, "Une grande habitation de Saint-Domingue. La sucrerie Fleuriau de Bellevue", in Annick Notter et Erick Noël (dir.), Un monde créole, vivre aux Antilles au XVIIIe siècle,La Geste, La Crèche, 2017, p.104-110.
  • Jacques de Cauna, Fleuriau, La Rochelle et l'esclavage, Trente-cing ans de mémoire et d'histoire, Les Indes Savantes, Paris, 2017, 243p.

Liens externes

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