Adulis
Adulis ou Adoulis est un site archéologique d’Érythrée, à environ 40 kilomètres au sud du port de Massaoua, sur la côte de la mer Rouge dans le golfe de Zula. C’était le principal port du royaume d'Aksoum. Le port est nommé en grec « Ἀδούλη » chez Ptolémée, « Ἄδουλις » chez Étienne de Byzance; c’est une escale importante, mentionnée dans Le Périple de la mer Érythrée, sur la route maritime des épices, de l'encens et des pierres précieuses entre l’Empire byzantin, la côte orientale de l’Afrique et l’Inde.
Sources écrites
La première mention d'Adulis se trouve au Ier siècle avec Pline l'Ancien selon qui la ville aurait été fondée par des esclaves fugitifs égyptiens[1]. La ville est décrite vers la même époque dans Le Périple de la mer Érythrée, qui évoque notamment son rôle dans le commerce d’ivoire[2]. Ptolémée, au IIe siècle, semble parler des Adulitae comme d'une entité indépendante[3].
Cosmas Indicopleustès vers 520 rapporte une inscription connue comme le Monumentum Adulitanum (en) qui regroupe deux documents du IIIe siècle[3]. Le premier est écrit durant la 27e année du règne d'un roi aksoumite non-identifié et vante ses victoires au sud et au nord d'Aksoum. Le second évoque les succès militaires de Ptolémée III (247-222 av. J.-C.) obtenus avec des éléphants de guerre capturés dans la région[2].
Une œuvre du IVe siècle, traditionnellement attribuée à Palladius de Galatie, mentionne le voyage de l'auteur en Inde afin de découvrir la philosophie brahmane, accompagné sur une partie de son trajet par un certain Musse ou Moïse, évêque d'Adulis[3].
Sources archéologiques
Adulis fut un des premiers sites aksoumites à faire l'objet de fouilles, à l'occasion d'une campagne française dirigée par Vignaud et Petit qui effectuèrent un premier repérage en 1840, et préparèrent un plan comportant la localisation de structures identifiées comme des temples. En 1868, des émissaires du baron Robert Napier en campagne militaire contre Théodoros II d'Éthiopie visitèrent Adulis et mirent au jour plusieurs bâtiments, et notamment les fondations d'une église rappelant l'architecture byzantine.
Les premières fouilles scientifiques eurent lieu lors d'une expédition allemande en 1906 supervisée par R. Sundström, sur la section nord du site et découvrirent une large structure baptisée «palais d’Adulés». L'Italien Roberto Paribeni effectua des fouilles la même année et identifia des structures similaires, et aussi un grand nombre d'habitations ordinaires.
Les campagnes suivantes eurent lieu en 1961 et 1962, lorsque l'institut éthiopien d'archéologie coordonna une expédition menée par Francis Anfray qui permit de retrouver des objets attestant de très fortes affinités avec la période tardive du royaume aksoumite.
Ces fouilles ont permis de trouver également de nombreuses monnaies aksoumites, des marbres importés de l'empire byzantin, des poteries romaines ou syriennes.
À la suite de l'indépendance de l'Érythrée, le Musée national d'Érythrée a demandé au gouvernement éthiopien de restituer ces objets. À ce jour, cette requête n'a pas été satisfaite, dans un contexte toujours tendu entre les deux pays[4].
Histoire
Durant le Ier millénaire avant notre ère, Adulis semble intégré dans un ensemble culturel «afro-arabe» qui s'étendait dans la mer Rouge depuis les plateaux érythréens jusqu'au delà d'Aden[3]. Des navires grecs et phéniciens le fréquentaient peut-être au VIIe siècle avant notre ère[3].
Le contrôle d'Adulis a permis à Aksoum de devenir la puissance prédominante en mer Rouge[2]. Il entretenait des relations avec l'Inde, l'Arabie méridionale, les empires romain et byzantin[3]. Le port a servi de point d'appui pour Ella Asbeha (Kaleb) lors de son invasion du royaume himyarite de Yusuf Asar Yathar (Dhu Nuwas) vers 520, ainsi que pour des raids vers des ports arabes[5]; le dernier en 702 fut marqué par l'occupation du port de Djeddah[5].
La prise du port d'Adulis par les premiers musulmans mit un terme aux ambitions maritimes du royaume d'Aksoum et contribua à l'isoler de l'Empire byzantin et de ses autres alliés historiques. Une destruction de la ville en 640 par une expédition arabe n'est cependant pas démontrée[3]. L'archéologie témoigne cependant à cette période de nombreux épisodes de violence[5].
Les dernières années d'Adulés sont très mal connues. Quelques rares écrits musulmans[Lesquels ?] mentionnent Adulis et le proche archipel des Dahlak comme des terres d'exils, alors que certains indices[Lesquels ?] suggèrent qu'Aksoum maintint un accès maritime, toutefois amoindri, sa puissance navale déclinant progressivement.
Le site antique d'Adulis est situé à proximité de la ville actuelle de Zula[2].
Notes et références
- Histoire naturelle, 6.34 [lire en ligne].
- Pierre Schneider et al., chap. 3 « L'Afrique antique, de Carthage à Aksoum », dans François-Xavier Fauvelle (dir.), L'Afrique ancienne : De l'Acacus au Zimbabwe, Belin, coll. « Mondes anciens », , 678 p. (ISBN 978-2-7011-9836-1).
- Encyclopædia Æthiopica.
- (en) « Eritrea wants artefacts back », News 24, (lire en ligne, consulté le )
- Marie-Laure Derat et al., chap. 9 « L'Éthiopie chrétienne et islamique », dans François-Xavier Fauvelle (dir.), L'Afrique ancienne : De l'Acacus au Zimbabwe, Belin, coll. « Mondes anciens », , 678 p. (ISBN 978-2-7011-9836-1).
Bibliographie
- Rodolfo Fattovich et Stuart Munro-Hay, s. v. «Adulis», Encyclopaedia Aethiopica, vol. A-C, Wiesbaden, Harrassowitz, 2003, p. 104-105
- Glen Bowersock (en), Le Trône d'Adoulis. Les guerres de la mer Rouge à la veille de l'Islam, Albin Michel, 2014, 208 p.
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