Acide peracétique

L'acide peracétique ou acide peroxyacétique (formule chimique: C2H4O3) (ou PAA) est un acide faible et agent oxydant très puissant utilisé dans l'Industrie pharmaceutique et le domaine médical comme oxydant, biocide désinfectant ou « stérilisant à froid » de certains dispositifs médicaux[5]. Ses propriétés oxydantes sont connues depuis 1902.
Cette molécule est très soluble dans l'eau, l'alcool et l'éther.

Acide peracétique
Identification
Nom UICPA ethaneperoxoic acid
Synonymes

Acide peroxyacétique
Hydroperoxyde d'acétyle

No CAS 79-21-0
No ECHA 100.001.079
No CE 201-186-8
Apparence liquide incolore, d'odeur caractéristique[1]
Propriétés chimiques
Formule C2H4O3  [Isomères]
Masse molaire[2] 76,0514 ± 0,0028 g/mol
C 31,59 %, H 5,3 %, O 63,11 %,
pKa 8,20
Propriétés physiques
fusion 0 °C[1]
ébullition 105 °C[1]
Solubilité dans l'eau : miscible[1]
Masse volumique 1,2 g·cm-3[1]
d'auto-inflammation 200 °C[1]
Point d’éclair 40,5 °C (coupelle ouverte)[1]
Pression de vapeur saturante à 20 °C : 1,432 kPa[1]
Viscosité dynamique 3,280 cP à 25 °C
Précautions
SGH[3]

Danger
H226, H242, H302, H312, H314, H332 et H400
SIMDUT[4]

Produit non classé
NFPA 704
Transport
-
   3105   

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Fabrication

Il est le plus souvent produit en faisant agir de l'anhydre mixte boroacétique sur du peroxyde d'hydrogène (eau oxygénée).

Dégradation

En condition normale, ce produit se dégrade en sous-produits non toxiques (acide acétique, oxygène et eau)[6].

Utilisations comme biocide

Dans certains pays (États-Unis), bien qu'irritant, corrosif pour l'acier et d'autres métaux[7], malgré certains inconvénients (voir plus bas), il est autorisé dans les abattoirs par l'industrie agroalimentaire pour désinfecter des viandes de volailles (à la suite des pressions du National Chicken Council (en), qui cherche maintenant aussi à le faire autoriser en Europe.

Efficacité

Utilisé seul ou avec du chlore ou des formaldehydes, sous forme liquide[8] ou gazeuse (vapeur d'acide peracétique), il tue la plupart des micro-organismes libres en libérant de l'oxygène avec production d'hypochlorite ou de radicaux hydroxyles. Il est le plus efficace des désinfectants du marché sur les bactéries Gram-positives et Gram-négatives (moins de 5 minutes à faibles concentrations sur des bactéries libres), sur Mycobacterium tuberculosis et sur les spores. C'est un puissant fongicide (contre les levures et Aspergillus spp.) et un bon virucide, mais il n'est que partiellement efficace en termes d'inactivation des prions pathogènes, ce qui peut être un problème en contexte hospitalier ou d'hygiène en abattoir pour la « gestion du risque prion »[9],[10]

Limites et inconvénients

Comme le chlore et la plupart des biocides, s'il est efficace sur les bactéries en suspension, il l'est beaucoup moins sur les bactéries fixées au sein d'un biofilm[11]), mycobactéries, champignons, etc.[12], mais en pouvant aussi être facteur d'antibiorésistance[13].

Sous forme gazeuse, et notamment en cas d'exposition prolongée (1 à 5 h par exemple), il est très pénétrant (bien plus que le peroxyde d'hydrogène[14]). Dans l'enceinte d'un stérilisateur, ses vapeurs traversent certains emballages composés de papier, mais aussi les sachets papier/plastique utilisés pour stérilisation par vapeur humide et de linge, les poches en éthyle vinyle acetate[15] ou en polychlorure de vinyle (PVC)[16], ainsi qu'à l'intérieur de dispositifs médicaux[14]. Il ne passe pas au travers d'une poche en polyéthylène soudée[16]) mais pénètre l'intérieur d'une boîte de Petri vide, toutefois apparemment sans y affecter le pH ou la fertilité d'un milieu nutritif Trypticase-Soja si la boite de Petri est pleine[14]. La diffusion de cette molécule dans les dispositifs médicaux stériles ouverts est donc possible, avec une toxicité relictuelle dont il faut tenir compte si l'entièreté du matériel n'a pas ensuite été lavé et séché ; En 1997, Baylac & al. suggèrent que « la modification du cycle de stérilisation ou la recherche d'agents stérilisants de contact de substitution, moins pénétrants, comme le peroxyde d'hydrogène, pourraient être envisagées »[14].

Il est rapidement inactivé par la matière organique présente dans le milieu[17], il est instable [se décomposant en oxygène et en acide acétique sous l'action de la lumière, de la chaleur ou parfois au contact de certains matériaux du conteneur, ce qui impose de lui adjoindre des agents stabilisants], il est en outre source de HEDP toxique pour les organismes aquatiques, et susceptible d'encore favoriser l'antibiorésistance.

Pour les coliformes thermotolérants des eaux usées, il se montre aussi efficace que le chlore (En laboratoire, « environ 99 % des coliformes thermotolérants des eaux usées secondaires sont éliminés par ajout de 2,5 mg/l d'acide peracétique pour un temps de contact de 60 minutes à la température de 30 °C », mais avec une toxicité bien moindre des effluents selon le test Microtox)[11]. Pour tenter de détruire les biofilms microbiens classiques, les doses doivent cependant être fortement augmentées (« 30 mg/l d'acide peracétique/10 minutes en laboratoire »[11], avec un effet cependant limité dans le temps (« la répétition journalière du traitement (30 mg APA/l/10 min) pendant 4 jours consécutifs ne permet pas d'éliminer plus de 89 % des cellules fixées »[11]. « Aussi, une optimisation de tels traitements chocs doit être conduite à la seule fin d'éliminer totalement le biofilm »[11]).

Ses résidus envoyés dans le « milieu récepteur » (eaux de surface ou eaux marines) par les stations d'épuration sont susceptibles de perturber les écosystèmes concernés, par cytotoxicité[18].

Autres usages

Il a été proposé (dans les années 1990) puis testé et utilisé comme substitut au chlore pour le blanchiment de la pâte à papier[19] et pour la délignification dans l'Industrie papetière[20],[21].

Il est aussi utilisé pour détruire certains produits toxiques (organophosphorés notamment), mais selon l'inventeur d'un décontaminant breveté, l'acide perpropionique pourrait être encore plus actif pour cet usage[22].

Toxicité, dangers, risques et précautions

Son caractère toxique pour la peau est modéré une fois dilué[23], mais il est plus aigu pour les muqueuses. Les désinfectants à base d'acide peracétique sont en France vendus avec un taux en matière active de 800 à 3 500 ppm. Lui sont associés des inhibiteurs de corrosion.

La matière active pure est par contre hautement toxique pour la peau, les yeux et les muqueuses (qui sont immédiatement brûlés par le produit).

Sa manipulation impose de porter au moins des gants et lunettes de protection, et d'en traiter les résidus conformément à la législation en vigueur.

Dans le domaine médical, les résidus de solution à base d'acide peracétique doivent notamment être soigneusement éliminés (par rinçage et séchage[24]) du matériel ayant subi une stérilisation à froid, car pouvant par exemple (tout comme pour le glutaraldéhyde autrefois utilisé en solution à 2%) induire une Colite aiguë (colites chimiques accidentelles, parfois sévères) chez les patients qui y seraient exposés[25]. Le personnel responsable de la désinfection à froid (des endoscopes notamment) doit aussi être protégé de l'exposition à ce produit[26].

Controverses

Son usage dans les abattoirs et l'industrie agroalimentaire est critiqué, surtout quand il se substitue aux bonnes pratiques en matière d'hygiène (HACCP...)[13]. Les États-Unis qui l'ont autorisé tentent de forcer l'Europe à faire de même dans le cadre de la négociation USA/UE préparant l’accord commercial « transatlantique » (TAFTA/TTIP). Un débat similaire existe avec l'acide lactique qui a été autorisé en pour décontaminer la viande de bœuf[13].

Les États-Unis ont en 2009 saisi l'Organisation mondiale du commerce (OMC) estimant que l'interdiction d'importation en Europe de carcasse ou viandes ainsi traitées étaient une entrave à la concurrence[13]. C'est à la suite de ces pressions que l’acide lactique a été autorisé en 2013 et certaines ONG et association de consommateurs craignent qu'il en soit de même pour l'acide peroxyacétique (l’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) ayant rendu fin un avis plutôt favorable en termes d'efficacité ou de risque toxique pour l'être humain, mais en pointant des effets environnementaux négatifs à cause de l'un des composants (non biodégradable) de l’acide peroxyacétique le HEDP[13]. Cette molécule est écotoxique pour de nombreux organismes aquatiques. Comme elle échappe au traitement par les stations d'épuration classiques et des abattoirs, elle pourrait atteindre des taux dépassant largement (jusqu'à 32,5 fois)la dose jugée sans risque dans les eaux de surface[13]. L'Efsa pointe aussi un risque d'émergence de bactéries résistantes à l'acide peroxyacétique (dans les abattoirs, sur la viande et dans les stations dépuration...) et par suite une antibiorésistance accrue des pathogènes susceptibles de se développer sur la viande. Des ONG comme les Amis de la Terre estiment que « les pressions de l'agrobusiness et des responsables commerciaux américains provoquent déjà des reculs sur les normes alimentaires de l'Union européenne[13]. Il est à craindre que ces normes au rabais soient très probablement une des conditions nécessaires pour que les États-Unis signent cet accord commercial ». En 2014, le lobby américain du poulet (National Chicken Council) ne cachait pas son souhait de voir « supprimer ces barrières sanitaires et phytosanitaires que l’Europe a mis (sic) en place depuis presque 18 ans »[13].

Notes et références

    1. ACIDE PERACETIQUE (stabilisé), fiche(s) de sécurité du Programme International sur la Sécurité des Substances Chimiques, consultée(s) le 9 mai 2009
    2. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
    3. Numéro index 607-094-00-8 dans le tableau 3.1 de l'annexe VI du règlement CE N° 1272/2008 (16 décembre 2008)
    4. « Acide peroxyacétique » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 25 avril 2009
    5. Durand, F., Rauwel, G., & Criquelion, J. (2002). Désinfection-L'acide peracétique et les dispositifs médicaux. Plateaux Techniques Infos, 4
    6. Bartoli M, Dusseau JY. Oxydants. In : Antisepsie et désinfection. Paris : Alexandre Lacassagne Éditions, 1995:308-11.
    7. Pehkonen, A., Salo, T., AROMAA, J., & Forsen, O. (2000). Corrosion of stainless steels in ozone and peracetic acid bleaching: the work details what happens in these harsh environments. Pulp & Paper Canada, 101(4), 46-49 (résumé).
    8. BAYLAC, M., ESCALUP, L., LEBRETON, T., CRAUSTE-MANCIET, S., DARBORD, J., & BROSSARD, D. (1997). Impact de l'acide peracétique gazeux sur les matériels introduits en isolateur. Pharmacie hospitalière française, 22-24.
    9. Rat, P., Trabado, S., Loddo, A., & Warnet, J. M. (2005). 325 Gestion du risque prion et problèmes de désinfection des dispositifs médicaux en ophtalmologie : rôle du type d’acide peracétique. Journal Français d'Ophtalmologie, 28, 242.
    10. Rat, P., Loddo, A., & Warnet, J. M. (2008). 004 Désinfection des lentilles thermosensibles et gestion du risque prion: problèmes de biocompatibilité des solutions à base d’acide peracétique fortement dosées. Journal Français d'Ophtalmologie, 31, 18.
    11. Mathieu, L., Dollard, M. A., Block, J. C., & Laforte, E. J. (1990). Effet de l'acide peracétique sur des bactéries en suspension et fixées. Journal français d’hydrologie, 21(1), 101-111.
    12. Alasri, A., Roques, C., Michel, G., Cabassud, C., & Aptel, P. (1992). Bactericidal properties of peracetic acid and hydrogen peroxide, alone and in combination, and chlorine and formaldehyde against bacterial water strains. Canadian journal of microbiology, 38(7), 635-642 (résumé).
    13. Loury, Romain (2015), Volaille : l’acide peroxyacétique en 2015 ?, Journal de l'environnement, publié le 11 mars 2015, consulté 2015-03-21
    14. BAYLAC, M., ESCALUP, L., LEBRETON, T., CRAUSTE-MANCIET, S., DARBORD, J., & BROSSARD, D. (1997). Impact de l'acide peracétique gazeux sur les matériels introduits en isolateur. Pharmacie hospitalière française, 22-24. (résumé)
    15. ESCALUP, L., HATTCHOUEL, J., GUIBERT, A., CRAUSTE-MANCIET, S., & BROSSARD, D. (1998). Perméabilité à l'acide peracétique des poches en éthyle vinyle acetate. Pharmacie hospitalière française, 63-66.
    16. Schlatter, J., Bertrand, F., & Saulnier, J. L. (1999). Mélange d’acide peracétique et de peroxyde d’hydrogène vaporisé à travers des poches en polychlorure de vinyle et polyéthylène. Journal de Pharmacie Clinique, 18(3), 218-21 (résumé).
    17. Acide peracétique. Les fiches toxicologiques INRS 2001 : n°239.
    18. Bruchet, A., & Jaskulké, E. Recherche sur les composés toxiques présents dans les milieux (incidence sur les filières de traitement: recherche sur les eaux résiduaires rejetées sur le littoral: contamination bactérienne. Rapport (1994-1996) Phase III (résumé)
    19. Li, Z., Ni, Y., & Van Heiningen, A. R. P. (1997). Incorporation of peracetic acid into brightening of groundwood pulps : A peracetic acid, peroxide sequence is an ideal treatment combination. Pulp & Paper Canada, 98(5), 34-37 (résumé).
    20. Liebergott, N. (1996). Peracid delignification and bleaching of chemical pulps. I: Delignification: this part reviews, the processes. Pulp & paper Canada, 97(2), 21-26 (résumé).
    21. Liebergott, N. (1996). Peracid delignification and bleaching of chemical pulp. Part II. Oxidation: The technique can help in both ECF and TCF sequences. Pulp & paper Canada, 97(3), 73-76.(résumé)
    22. FASCICULE DE BREVET EUROPEEN n° EP 2 271 410 B1 ; Composition et procédé pour la destruction de polluants organophosphorés et/ou organosoufrés ; 12.10.2011 Bulletin 2011/41
    23. Fiche de données de sécurité. ANIOXYDE 1000® (1081). Laboratoires ANIOS : 2000:1-7.
    24. De Ledinghen V, Goujon JM, Mannant PR, Barrioz T, Bonneau-Herve F, Babin P, et al. Rectite après coloscopie : attention au rinçage du coloscope. Gastroenterol Clin Biol 1996;20:215-6
    25. Coton, T., Bohand, X., Guisset, M., Carre, D., Delpy, R., Valette, M., & Debonne, J. M. (2008). Colite aiguë induite par une solution de désinfection des endoscopes à base d'acide peracétique ; Gastroentérologie Clinique et Biologique ; Vol 27, No 5 - mai 2003 p. 556 Doi:GCB-05-2003-27-5-0399-8320-101019-ART59
    26. Bordes J (2003) Évaluation de l'exposition du personnel à l'acide peracétique dans le cadre de la désinfection des endoscopes. Hygiènes(Lyon), 11(4), 329-333.

    Voir aussi

    Articles connexes

    Bibliographie

    • Böeseken, M. J., & Arrias, M. (1935). Sur la Vitesse de L'oxydation de Sulfures et de Sulfoxydes par de L'acide Peracétique. Recueil des Travaux Chimiques des Pays-Bas, 54(9), 711-715 (http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/recl.19350540904/abstract résumé]).
    • Böeseken, J., & Metz, C. F. (1935). L'oxydation de quelques phénols par l'acide peracétique. Un passage de la série aromatique à la série aliphatique. Recueil des Travaux Chimiques des Pays-Bas, 54(5), 345-352 (résumé).
    • Bonnard, N., Brondeau, M. T., Jargot, D., Lafon, L., Protois, J. C., Schneider, O., & Serre, P. (2001). Fiche toxicologique n 239-L'acide peracétique. INRS. Paris: 5p.
    • Panouillères, M. (2006). Étude de la toxicité aiguë vis-à-vis de Daphnia magna d'un désinfectant à base d'acide peracétique utilisé en milieu hospitalier en mélange binaire avec des détergents. Mémoire de master.
    • Yuan, Z., d'Entremont, M., Ni, Y., & Van Heiningen, A. R. P. (1997). The role of transition metal ions during peracetic acid bleaching of chemical pulps: They may waste a significant amount of the bleaching chemical. Pulp & Paper Canada, 98(11), 24-29 (résumé).
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