Accident ferroviaire du tunnel de Pouch

La catastrophe ferroviaire du tunnel de Pouch a eu lieu le 15 décembre 1908 vers 18 h 30, sur la ligne à double voie de Paris à Toulouse de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans, dans le département de la Corrèze, à environ 17 km au nord de Brive-la-Gaillarde, sur le territoire de la commune de Voutezac.

Catastrophe ferroviaire
du tunnel de Pouch

Le pont sur la Vézère et l'entrée sud du tunnel de Pouch (carte postale de décembre 1908 de l'imprimerie Bessot et Guionie, de Brive).
Caractéristiques de l'accident
Date
Vers 18 h 30
TypeCollision
CausesDérive du train de marchandise no 2320
SiteTunnel de Pouch, commune de Voutezac
Coordonnées 45° 17′ 48″ nord, 1° 28′ 12″ est
Caractéristiques de l'appareil
CompagnieCompagnie du chemin de fer de Paris à OrléansCompagnie du chemin de fer de Paris à Orléans
No  d'identification2320742
Lieu d'origineBrive-la-GaillardeBrive-la-Gaillarde
Lieu de destinationLimogesLimoges
Morts213
Blessés30

Géolocalisation sur la carte : Corrèze
Géolocalisation sur la carte : Nouvelle-Aquitaine
Géolocalisation sur la carte : France

Les circonstances de l'accident

Le en fin d'après midi, le train de marchandises 2320, comprenant 44 wagons, dont des wagons-foudres de vin et d'alcool et des tombereaux de charbon, pour un poids total de 630 t, parti en retard de Brive vers Limoges, peine à gravir la rampe de 10  faisant passer la ligne en une quarantaine de kilomètres de la cote 100 (Brive) à celle de 450 (La Porcherie). Après Allassac, dans les gorges de la Vézère, entre les gares d'Estivaux et de Vigeois, le rail est humide et malgré le sablage, la locomotive (no 5078, de type 140 5001 à 5152) patine et finalement s'arrête. Lors d'une tentative de redémarrage, les soubresauts imprimés au convoi provoquent une rupture d'attelage entre les 6e et 7e wagons. Les 38 wagons de queue, dépourvus de frein automatique, repartent en arrière, leurs deux seuls serre-freins manuels ne parvenant pas à les maintenir à l'arrêt. Le chef de gare d'Estivaux, voyant repasser le convoi en dérive qui dévale la pente, télégraphie à son collègue d'Allassac en espérant qu'il pourra lui libérer à temps le passage en garant le train omnibus 742, Brive (17 h 43) – Limoges (20 h 30), qui le suit sur la même voie. Cette manœuvre désespérée s'avère cependant impossible, puisque le train de voyageurs est déjà reparti depuis trois minutes (à 18 h 15)[1].

L'accident

Vue de l'arrière de la machine dans le tunnel (carte postale de décembre 1908 de l'imprimerie Bessot et Guionie, de Brive).

La collision, désormais inévitable, aura lieu peu de temps après, à environ quatre kilomètres au nord d'Allassac, dans le tunnel long de 157 mètres  situé sur la commune de Voutezac  suivant immédiatement un pont sur la Vézère, à proximité de Pouch, hameau de la commune d'Estivaux. Alors que la locomotive et les trois premières voitures du train de voyageurs montant viennent d'y pénétrer, elles sont percutées par les 38 wagons fous du train de marchandises. Compte tenu de la vitesse des deux convois, le choc a sans doute eu lieu à environ 90 km/h. L'avant de la machine est soulevé et coincé contre la voûte par les wagons tamponneurs, et son tender ainsi que la plupart des voitures qu'elle tirait viennent s'écraser sur elle. Du train de voyageurs, seuls le fourgon de queue et les deux dernières voitures, restés en dehors du tunnel, seront relativement épargnés[2],[3].

Les secours

Le train de secours (carte postale de décembre 1908 de l'imprimerie Bessot et Guionie, de Brive).

Le site étant inaccessible par la route, les premiers secours, venus à pied des gares d'Allassac et d'Estivaux, seront longs à y parvenir, et, dépourvus de matériel lourd, s'avéreront désarmés face à l'ampleur de la catastrophe. En effet, du foyer éventré de la locomotive s'échappent des flammes, qui, avivées par l'alcool répandu par plusieurs wagons-foudres fracassés, propagent l'incendie à l'ensemble des débris, et contraignent très vite à l'évacuation du tunnel, transformé en fournaise. Ainsi, parvenus jusqu'à la machine, les sauveteurs devront reculer devant la progression rapide du feu et assisteront impuissants à l'affreuse agonie du chauffeur Lefort, brûlé vif sous le tender le retenant prisonnier. L'incendie, alimenté à la fois par les véhicules, construits pour l'essentiel en bois, et par leur chargement, empêchera l'intervention du train de secours arrivé de Brive plusieurs heures plus tard, et durera deux jours.

Le bilan

Carcasse d'un wagon (carte postale de décembre 1908 de l'imprimerie Bessot et Guionie, de Brive).

Lorsqu'il sera possible d'accéder à l'intérieur du tunnel pour procéder au déblaiement, l'état des restes humains carbonisés retrouvés parmi les débris rendra difficile le dénombrement et l'identification des victimes pour établir le bilan de la catastrophe. Ainsi, si le nombre des blessés peut être fixé avec certitude à 28, celui des morts a suscité le doute. D'abord estimé à 14[4], il est passé à 26 lorsqu'on a constaté que sur une brigade de 15 ouvriers de la voie montés dans l'omnibus à Brive et devant en descendre à Vigeois, seuls 3 avaient pu être retrouvés[5]. Le chiffre de 15 semble pouvoir être définitivement retenu de manière plausible[6].

Les suites

Le déblaiement (carte postale de décembre 1908 de l'imprimerie Bessot et Guionie, de Brive).

La ligne restera interrompue environ deux semaines, notamment parce qu'après dégagement des épaves[7], il a été nécessaire de refaire en partie la voûte du tunnel, dont des moellons s'étaient détachés sous l'effet de la chaleur. Jusqu'à son rétablissement, le trafic a été détourné à l'ouest par Périgueux, ou sur un trajet sensiblement parallèle, par Objat, Saint-Yrieix-la-Perche et Nexon.

La catastrophe a été une illustration tragique de deux graves insuffisances des chemins de fer de l'époque en matière de sécurité : la fragilité des attelages et les lacunes des dispositifs de freinage. Ainsi, les 38 wagons de marchandises partis en dérive n'étaient pas équipés du frein à air, et seuls deux étaient freinés, manuellement, par deux serre-freins, qui ne purent toutefois empêcher le lourd convoi de dévaler la pente et, restés jusqu'au bout dans leurs vigies, périrent carbonisés. C'est pourquoi dès le vendredi , à la Chambre des Députés Léon Betoulle, député socialiste de la Haute-Vienne, a interpellé sur ces questions Louis Barthou, ministre des Travaux publics, en insistant notamment sur la nécessité pour l'État de contrôler le respect par les compagnies ferroviaires des prescriptions sur la résistance des attelages, et leur proportionnalité avec la force de traction des machines[8]. François Labrousse, sénateur de la Corrèze, fera une intervention dans le même sens au Sénat[9].

L'émotion soulevée par le récit, abondamment diffusé par les journaux, de la mort horrible du chauffeur Lefort, suppliant que l'on abrège ses souffrances, a également été à l'origine d'un débat sur un thème jusque-là peu abordé en France, du moins dans la presse populaire, celui de l'euthanasie[10].

Notes et références

  1. Ces faits seront établis à la suite de l'enquête effectuée par le service de contrôle de l'État le surlendemain de la catastrophe (voir Le Petit Journal du 19 décembre 1908, p. 3)
  2. Voir un exposé condensé de l'accident dans la notice descriptive du tunnel du Pouch sur le site Inventaire des tunnels ferroviaires de France
  3. Voir deux récits circonstanciés dans Le Petit journal du jeudi 17 décembre 1908, p. 1. et Le Figaro du jeudi 17 décembre 1908, p. 4-5
  4. Le Petit Journal du 18 décembre 1908, p. 2
  5. Le Petit Journal du 18 décembre 1908, p. 3 ; Le Figaro du 19 décembre 1908, p. 4
  6. Voir Le Petit Parisien du 22 décembre 1908 p. 3.
  7. voir des images sur le site Images de la Corrèze et des Correziens d'autrefois et sur celui de la Corrèze la page sur la catastrophe du Pouch
  8. La discussion sur l'interpellation a eu lieu cinq mois plus tard lors de la séance du 28 mai 1909 (lire en ligne).
  9. La discussion sur cette interpellation a eu lieu lors de la séance du 18 décembre 1908 (lire en ligne).
  10. Ernest Laut, « Peut-on tuer par pitié ? », Le Petit journal. Supplément du dimanche, no 946, , p. 2 (ISSN 2019-0026, lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-François Pérol, « La catastrophe de Pouch », Lemouzi, , p. 381-390.

Article connexe

Lien externe

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