Énergie nucléaire en Afrique

L'utilisation de l’énergie nucléaire en Afrique se limite actuellement à l'Afrique du Sud qui est le seul pays du continent africain à disposer d'une centrale nucléaire en fonctionnement, mais plusieurs contrats signés à la fin des années 2010 par des pays africains permettent d'en prévoir de s'en doter dans les années à venir.

Le continent africain est peu électrifié : 600 millions d’Africains, principalement en Afrique subsaharienne n’avaient toujours pas d’accès à l’électricité en 2016, alors que le développement économique et la croissance démographique entraînent une demande d’électricité est en forte croissance. L'électrification est également essentielle pour attirer de nouveaux investisseurs. En 2015, 77% de l’électricité était produite à partir de sources fossiles, 21% à partir de sources renouvelables, principalement hydraulique et géothermique.

Alors que le continent africain est particulièrement menacé par le changement climatique malgré des émissions par habitant relativement faibles, l'énergie nucléaire apparaît comme l'une des pistes possibles pour satisfaire une demande d'électricité en hausse avec un impact carbone faible. Mais de nombreux obstacles limitent son expansion, de nature technique, financière, mais aussi humaine et politique, alors que dans certains pays africains, l'exercice autoritaire du pouvoir et la corruption rendent irréaliste l'existence d'une autorité de sureté nucléaire fiable et indépendante.

À la fin des années 2010, une dizaine envisagent d’utiliser l’énergie nucléaire outre l'Afrique du Sud qui l'intègre déjà dans son mix énergétique : le Nigeria, l’Égypte, le Ghana, le Niger, l’Ouganda, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Soudan, l’Éthiopie, le Rwanda, la Namibie et le Kenya. En 2018, selon l’Agence internationale de l'énergie atomique, plus du tiers des pays candidats à l’énergie nucléaire sont africains.

Politique énergétique par pays

République démocratique du Congo

Dans les années 1950, sur l’initiative du gouvernement belge, un réacteur nucléaire nommé « TRICO I », d’une puissance de 10 à 50 kW, est construit au Congo belge, à l’université de Lovanium à Léopoldville (Kinshasa)[1]. Ce réacteur est dédié la recherche, l’enseignement et la production d’isotopes à usages médicaux et agricoles[1]. En 1970, après l'indépendance de la République démocratique du Congo, TRICO I est mis à l'arrêt, puis remplacé à l'initiative du Centre régional d’études nucléaires par un autre réacteur plus puissant TRICO II, d'un mégawatt, opérationnel en 1977[1].

Celui-ci est laissé à l'abandon depuis la fin des années 1990 en raison des deux guerres civiles congolaises, et connait une mort lente faute d’entretien et de remplacement de ces éléments de combustible défaillants[1]. En , à la demande du gouvernement de la RDC, un atelier organisé par l’Agence internationale de l’énergie atomique est organisé pour évaluer les conditions de redémarrage du réacteur à l’arrêt depuis 2004[1].

Afrique du Sud

À partir de la fin des années 1970, l’Afrique du Sud développe un programme nucléaire militaire secret très avancé en coopération avec Israël[2]. L'Afrique du Sud construit six bombes atomiques aériennes de 15 kt et 20 kt avant de stopper son programme militaire avec l’arrivée au pouvoir du Congrès national africain (ANC), qui ratifie le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires[1].

Parallèlement, le pays s’est doté de la centrale nucléaire de Koeberg (dont la construction commence en 1976) équipée de deux réacteurs atomiques, toujours en fonctionnement, pour compléter les besoins en électricité du pays, fournie à 90 % par des centrales à charbon[3].

Au début des années 2010, le président Jacob Zuma lance un projet de développement du parc nucléaire sud-africain. Il projetait de construire six à huit nouveaux réacteurs d’une capacité totale de 9 600 MW pour un budget d'environ 70 milliards d’euros[3]. La Russie, la France, la Corée du Sud et les États-Unis proposent leurs services. Mais le projet est finalement abandonné en 2018 par Cyril Ramaphosa, successeur de Jacob Zuma à la présidence du pays, et opposant au projet avant son élection[3].

Nouveaux entrants et prospects

Plusieurs projets de développement nucléaire sont actuellement en cours sur le continent africain.

Égypte

En Égypte, le projet de centrale nucléaire d'El-Dabaa, entériné par la signature d'un accord entre les présidents Vladimir Poutine et Abdel Fatah Al Sissi le , pour un montant de 25 milliards de dollars[4]. Le groupe public russe Rosatom devrait construire la centrale, livrer le combustible nucléaire, former les employés, et assurer la maintenance et la réparation des unités de production[5]. La centrale devrait être achevée en 2022, et opérationnelle en 2024

Soudan

Jusqu'à la fin des années 2010, le Soudan, gouverné par une dictature militaire islamiste, est considéré comme peu capable d'instaurer une autorité de sûreté nucléaire compétente et suffisamment indépendante pour ne pas être soumise au bon vouloir des dirigeants. Le risque en cas d’introduction du nucléaire peut donc sembler très élevé[6].

Toutefois, en mai 2016, la Chine signe avec les autorités soudanaises un accord cadre pour la construction d'un réacteur nucléaire de 600 mégawatts, via l'entreprise publique China National Nuclear Corporation [7].

Au Soudan, le projet de développement d'une grande station nucléaire à Khartoum, censé voir le jour d'ici 2025, à la suite d'un accord signé entre le Soudan et la Russie en [8]. Le , une délégation soudanaise se rend en Russie pour définir un plan de route pour la transformation de la station flottante du port de Bachayer, sur le Nil, d'une petite capacité de 150 mégawatts, et fonctionnant à l'énergie nucléaire[8]. À noter que le Soudan possède la troisième plus grande réserve d'uranium au monde[8].

Nigéria

En , la Russie et le Nigéria signent une série d'accords portant sur la construction et l'exploitation d'une centrale nucléaire et d'un centre de recherche polyvalent au Nigéria[9]. Le Nigéria ambitionne d'augmenter sa capacité énergétique à 4 800 MW (soit une augmentation de 1 200 MW) à l'horizon 2030, grâce à la construction de trois centrales nucléaires supplémentaires[9].

Début , le programme nucléaire du Nigeria a franchi une nouvelle étape grâce à la signature d’un accord entre le gouvernement nigérien et l'entreprise canadienne StarCore Nuclear. portant sur la fourniture de 23 petits réacteurs nucléaires installés dans plusieurs mini centrales nucléaires, réparties sur l’ensemble du territoire du Nigeria[10]. L’accord signé avec StarCore Nuclear prévoit l’installation de réseaux pour électrifier les zones raccordées aux futures centrales nucléaires[10].

Kenya

Avec l'insuffisance de la production à partir des ressources hydrauliques, éoliennes et géothermiques programmé en 2025, le Kenya qui importe de l'électricité d'Éthiopie, cherche des sources alternatives pour satisfaire sa forte demande intérieure en énergie[11]. Les ambitions nucléaires du pays sont portées par la Kenya Nuclear Electricity Board (KNEB), qui multiplie les partenariats à l'international avec pour objectif d'atteindre une capacité nucléique installée de 4 000 MW en 2027[11]. Des pays comme la Slovaquie, la Corée du Sud, la France et désormais la Chine se sont pressés à Nairobi pour proposer leur savoir-faire dans l'exploitation du nucléaire[11].

Réserves d'uranium

Le continent africain dispose d’importantes réserves d’uranium, environ 20% des réserves mondiales, essentiellement concentrées en Afrique du Sud, au Niger, en Namibie, au Malawi, au Gabon et en République démocratique du Congo[1],[12].

Niger

Le Niger, l’un des pays les moins électrifiés de la planète, dispose de la quatrième plus grosse réserve mondiale d’uranium[1], alors que la production d’uranium, qui représentait encore 60 % des recettes d’exportation du Niger en 2010[13]. Un important gisement d'uranium, le gisement d'uranium d'Imouraren au sud d’Arlit, n’est lui toujours pas exploité, pourrait produire près de cinq-mille tonnes d'uranium métal par an pendant trente-cinq ans[13].

Namibie

En 2017, la Namibie était le quatrième producteur mondial d’uranium[14]. La mine d'uranium de Rössing, la plus ancienne du pays exploitée depuis 1976, devrait fermer ses portes d'ici 2022[14].

L'un des principales mines d'uranium actuellement en exploitation est la mine de Husab, exploitée depuis 2014 par la China General Nuclear Power Corporation[15]. En , le ministre namibien des finances Calle Schlettwein annonce le triplement de la production d'uranium d’ici à 2017, à 11 000 tonnes, avec la montée en puissance de la mine de Husab[16].

Le projet de mine d'uranium de Trekkopje est gelé par Areva depuis 2012 et n'est jamais entré en production[17].

République démocratique du Congo

La mine de Shinkolobwe en 1925

La République démocratique du Congo a des réserves d’uranium essentiellement concentrées dans la mine de Shinkolobwe, dans la province de Katanga au sud-est du pays. Exploitée par l'Union minière du Haut Katanga, cette mine a fourni l'uranium des bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki en , alors que le Congo était une colonie belge[18].

Le , lors de la visite du président Nicolas Sarkozy, un accord a été signé entre le Ministre congolais des Mines et la présidente du directoire d'Areva Anne Lauvergeon, lequel porte sur la recherche et l’exploitation de l’uranium sur le sol congolais[19].

En , le gouvernement congolais signe avec le groupe nucléaire français Areva un accord donnant à cette société le monopole sur l’exploration et l’exploitation de l’uranium sur l'ensemble du territoire de République Démocratique du Congo, dont le gisement de Shinkolobwe[19].

Malawi

La plus ancienne et principale mine d'uranium du Malawi est la mine de Kayelekera[20]. En 2010, cette mine produisait 2 % de la production mondiale d'uranium mais elle est à l'arrêt depuis 2014[21].

Gabon

Le Gabon a été un important producteur d'uranium jusqu'en 1999. La Compagnie des mines d'uranium de Franceville, compagnie minière française créée par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) puis prise en charge par la COGEMA dans les années 1970-1990, puis par Areva, était responsable de l'exploitation de ces ressources[22]. Le site de Mounana était le principal gisement du pays[22].

Le Gabon a la particularité d'abriter un réacteur nucléaire naturel, le réacteur d'Oklo qui aurait fonctionné il y a environ deux milliards d'années[1].

Notes et références

  1. « L’Afrique se lance dans l’énergie atomique », sur RFI, (consulté le )
  2. Béatrice Failles, « Révélations sur la coopération nucléaire entre Israël et le régime de l'apartheid. Un ministre sud-africain affirme qu'un essai a bien eu lieu en 1979. », sur Libération.fr, (consulté le ).
  3. « L'Afrique du Sud suspend ses projets nucléaires », sur RFI, (consulté le ).
  4. « Poutine et al-Sissi signent un accord pour la 1ère centrale nucléaire égyptienne », sur RFI, (consulté le )
  5. (en-GB) « El Dabaa Nuclear Power Plant, Egypt's first nuclear power plant », sur Power Technology | Energy News and Market Analysis (consulté le )
  6. « Électricité nucléaire : quelle sont les politiques en Afrique et en Océanie ? », sur The Shift Project, (consulté le )
  7. « China National Nuclear va construire un réacteur nucléaire au Soudan », sur www.chinafrique.com (consulté le )
  8. « Le Soudan et la Russie signent un accord sur le nucléaire civil », sur RFI, (consulté le ).
  9. « Nucléaire : nouveaux accords entre la Russie et le Nigéria », sur La Tribune (consulté le ).
  10. raymond | ven 6 Juil 2018, « Le Nigeria fait le pari de l'énergie nucléaire », sur L'EnerGeek, (consulté le )
  11. « Énergie : quand le Kenya se rêve en puissance nucléaire », sur La Tribune (consulté le )
  12. « [Infographie] Nucléaire : l’engouement africain aiguise les appétits – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com, (consulté le )
  13. « Niger : les mines d'uranium ne sont plus rentables, victimes de l’effondrement des cours mondiaux », sur Franceinfo, (consulté le ).
  14. « Afrique économie - Namibie: l'uranium ne paie plus », sur RFI, (consulté le ).
  15. « Ombres chinoises sur l’Afrique », Le Temps, (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le )
  16. (en) « Namibia’s uranium production to triple by 2017 », sur mining.com, (consulté le ).
  17. « Areva et la ténébreuse affaire UraMin », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
  18. « RDC : Gécamines, un cadavre minier qui bouge encore », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
  19. « Comment la France a mis la main sur l’uranium congolais – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com, (consulté le ).
  20. Wilfred Masebo, « The Kayelekera Uranium Mine and Economic Development in Malawi », Université de KwaZulu-Natal, (lire en ligne)
  21. « Le Japon va-t-il noyer l'uranium ? - La Quotidienne de la Croissance », sur Opportunités Technos, (consulté le )
  22. « L'ancien site gabonais d'uranium de Mounana présente un niveau de radiation "nettement supérieur à la normale" », sur Franceinfo, (consulté le ).
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