Éditions L'Harmattan

Librairie Éditions L'Harmattan est un groupe bâti autour de la maison d'édition française créée par Denis Pryen et Robert Ageneau en 1975, qui tire son nom du vent de l'Afrique de l'Ouest, l'harmattan.

Pour l’article homonyme, voir Harmattan (homonymie).

Repères historiques
Création
Fondée par Robert Ageneau et Denis Pryen
Fiche d’identité
Forme juridique Société par actions simplifiée
SIREN 311 023 121
Siège social 5-7, rue de l'École-Polytechnique, Paris (France)
Dirigée par H.D.P. Xavier Pryen
Spécialités sciences humaines
Société mère H.D.P.
Effectif 47 en 2017/2018
Site web www.harmattan.fr
Données financières
Chiffre d'affaires 7 638 700  au
Résultat net 0615 800  au [1]

Les Éditions L’Harmattan, initialement spécialisées dans l'édition de sciences humaines francophones, sont maintenant ouvertes à des domaines livresques plus divers, mais également à la production et diffusion numériques multisupports.

Elle compte trois structures éditoriales en Europe, cinq librairies à Paris et onze antennes en Afrique, ainsi qu'un entrepôt à Condé-sur-Noireau. Elle est également aujourd'hui le distributeur de près de trente maisons d'édition. Elle détient et anime enfin le Théâtre du Lucernaire.

La maison d'édition est l’initiatrice d'un contrat à compte d’éditeur à 0 % de droits d’auteur sur les 500 premiers exemplaires.

Historique

Le siège des éditions, rue de l'École-Polytechnique, à Paris.

Issus de « la gauche catholique » et de l'engagement tiers-mondiste[2], Robert Ageneau et Denis Pryen créent en 1975 les éditions L'Harmattan en se donnant pour but de publier des ouvrages traitant des problèmes du Tiers-Monde et de l’Afrique.

Denis Pryen est né en 1939 dans le Nord[3] et Robert Ageneau est né en 1938 en Vendée. Après avoir envisagé de devenir prêtre, celui-ci abandonne cette voie, sous l'influence de la décolonisation, de Mai 68 et du concile Vatican II. Il a été rédacteur en chef de Spiritus, une revue de missionnaires[4]. Il est considéré comme l'intellectuel derrière le projet, alors que Denis Pryen en est le gestionnaire. Ils installent leur librairie à Paris, dans le quartier de Saint Germain des Prés.

Ils s'inspirent de l'expérience des éditions François Maspero et de Présence africaine, qui sont alors en déclin. L’Harmattan développe de nouvelles thématiques autour de l'évolution des États Africains, l'immigration et le soutien aux populations immigrées, ainsi que le rôle du christianisme dans les questions de développement[5]. L'Harmattan constitue un réseau de relations avec les mouvements nationalistes notamment du Salvador, du Timor, des Antilles et du Sahara Occidental. Les premières publications comptent des livres sur les DOM TOM, le coup d'État de Pinochet, la révolution malgache, la famine au Sahel et la littérature en langue africaine.

Le modèle est celui d'un réseau bénévole constitué de responsables de collections universitaires bénévoles, et de quelques salariés en interne peu rémunérés. La maison d'édition ne publie pas de titre central, et la promotion ainsi que la distribution des livres sont artisanales. La promotion est réalisée grâce à des présentations durant la fête de l'Humanité ou des évènements liés à la coopération.

Adoptant une méthode dite de "prêt à clicher" dès les années 1980[2], elle impose aux auteurs retenus de soumettre leur manuscrit au(x) format(s) de la maison d'édition. À l'époque, ceci obligeait le plus souvent ceux-ci à faire composer les textes par des professionnels, mais les progrès et la généralisation des logiciels informatiques leur permettent aujourd'hui de basculer eux-mêmes sur ce format avec un outil de traitement de texte... avec plus ou moins de professionnalisme éditorial[5].

La gestion de Pryen, qui vise à réduire les frais de fabrication, permet à l'Harmattan de se développer avec succès. Il adopte une stratégie visant à publier beaucoup d'ouvrages, parfois sans approche qualitative[6], et Robert Ageneau désapprouve cette méthode[4]. À la suite d'une décision de justice de 1980 qui lui permet de ne pas avoir de clause de non concurrence, Robert Ageneau quitte la société en 1980 pour fonder sa propre maison d’édition[7] : les Éditions Karthala[8].

En 2010, Denis Pryen abandonne la gestion opérationnelle à son neveu Xavier Pryen et devient président du Conseil de surveillance.

La stratégie quantitative de L'Harmattan est aujourd'hui facilitée par la numérisation croissante des métiers d'éditeur et d'imprimeur : les manuscrits sont parfois reçus par courrier électronique et L'Harmattan a pu réduire considérablement ses tirages initiaux en pratiquant largement l'impression à la demande, ce qui permet à L'Harmattan de s'engager à maintenir les ouvrages toujours disponibles.

Activité éditoriale

L'activité de L'Harmattan dans le domaine de l'édition comporte quatre pôles : éditions, librairies, distribution et numérique.

Éditeur de livres

En 1980, L’Harmattan publiait 40 titres, 100 en 1984[9], 800 en 1997[2]. Aujourd'hui, de l'ordre de 2 500 livres paraissent chaque année (2 900 en 2018), principalement dans le champ des sciences humaines et sociales et sur toutes les zones géographiques, mais le catalogue comprend également des bandes dessinées, des livres pour la jeunesse, des livres audio et des collections littéraires (romans, poésie, théâtre, critique littéraire…).

Le fonds éditorial comprend 40 000 titres au catalogue, 24 000 auteurs, 400 collections et 150 revues.

À la suite du rachat, en 2009, du fonds de la librairie espagnole, la librairie internationale acquiert de plus de 45 000 titres hispaniques[réf. nécessaire].

Près de 400 000 titres en sciences humaines, littérature, ouvrages spécialisés des cinq continents, livres rares ou épuisés, vidéos et revues sont proposés, auxquels il faut ajouter un million de livres d’occasion stockés dans les entrepôts de Condé-sur-Noireau dans le Calvados et mis sur le marché via la Très Grande Librairie (TGL)[10].

Éditeur numérique multisupports

À son métier d'origine de publication de livres, L'Harmattan associe aujourd'hui un métier d'éditeur numérique multisupports.

La majeure partie des quelque 2 500 publications annuelles paraissent également aujourd'hui en version e-book (généralement au format EPUB). En nombre d’ouvrages numériques en langue française au catalogue en 2010, L’Harmattan se place en deuxième position du classement, derrière la Fnac, et devant Numilog[11].

L'Harmattan a en outre ouvert un site dédié aux produits numériques, L'Harmathèque, où plus de 27 000 titres numérisés sont disponibles, qu'il s'agisse d'ebooks, de films, d'articles ou d'audios.

L'Harmattan TV diffuse par ailleurs quelque 400 films, produisant et diffusant tous les ans une centaine de films (documentaires, fictions, « captations théâtrales »[12].

Organisation

En 1984, L'Harmattan emploie 19 personnes[9]. En 2010, elle compte plus de cent collaborateurs et 400 directeurs de collection, et elle figure à la 54e place du classement des maisons d’édition françaises en fonction du chiffre d’affaires.

La maison d’édition possède aussi ses propres librairies (Librairie Internationale, Espace Harmattan, Librairie Méditerranée Moyen-Orient, Librairie Sciences Humaines) ainsi que la librairie du théâtre du Lucernaire (6e arrondissement de Paris).

Outre la France, L’Harmattan compte en 2020 deux structures en Europe (L’Harmattan Italie et L’Harmattan Hongrie) et onze structures en Afrique (en Algérie, Burkina Faso, Cameroun, Congo, République démocratique du Congo, Côte d'Ivoire, Guinée, Mali, Maroc, Sénégal et au Togo).

Controverses

Les pratiques, voire la qualité d'éditeur, de L'Harmattan sont mises en cause dans la profession pour deux raisons :

Sélection et cofinancement

Le modèle économique de l’Harmattan repose sur la publication d’un grand nombre de textes, sur lequel elle n’opère que peu voire pas de sélection. L’Harmattan demande aux auteurs de fournir un prêt-à-clicher au format de l’édition ; il ne procède pas non plus à la correction des textes, se contentant de demander aux auteurs de l’assurer après survol du manuscrit reçu. La rentabilisation de base d’un ouvrage passe depuis les années 2000 par l’obligation faite à chaque auteur de préacheter un certain nombre de ses ouvrages (le contrat standard prévoit 30 ouvrages à -30 % — les [nombreux] auteurs maison se voient également offrir une remise de 30 % sur tout le catalogue). En 1984, ce cofinancement était déjà pratiqué pour les ouvrages longs[9]. Il est aujourd’hui généralisé.

Pour les éditeurs traditionnels, la première mission d’un éditeur est la sélection des textes, pour lesquels il accompagne ensuite les auteurs dans la finalisation du manuscrit, et dont il prend la responsabilité d’assumer le risque de la publication. Selon eux, L’Harmattan, en se dérobant à ces missions, ne peut être considéré comme un éditeur, mais propose une publication à compte d'auteur. Denis puis Xavier Pryen ont constamment défendu leur propre vision du métier d’éditeur, affirmant que le premier droit d’un auteur est d’être publié et que le cofinancement qu’ils pratiquent ne peut en aucun cas être assimilé à la publication à compte d’auteur. De fait, un grand nombre de livres (notamment africains) ne pourraient pas exister dans le modèle de l’édition traditionnelle. De plus, le modèle économique qu’ils préconisent est solide, L’Harmattan étant constamment bénéficiaire, au contraire de nombre d’éditeurs dont beaucoup doivent mettre la clef sous la porte en abandonnant leurs auteurs[13].

Droits d'auteur

En tant qu’initiatrice de contrats à compte d’éditeur mais à 0 % de droits d’auteur sur les 1 000 (à l'époque) premiers exemplaires[13], L’Harmattan a été assigné en justice par la Société des gens de lettres (SGDL) et le Syndicat national des auteurs et des compositeurs (SNAC), cette clause de son contrat-type étant jugée illicite[14].

L'Harmattan est condamné en 1999 (TGI de Paris, )[15], et perd en appel en 2005 : l'éditeur est condamné à verser 7 000 euros aux plaignants[16], non pour cette clause mais pour une question de quantités d’impression indiquée sur un autre chapitre. Le tribunal autorise finalement ce contrat, indiquant que le premier droit d’un auteur, c’est d’être édité.

La controverse reprend en 2015 quand un article du journal Le Monde remet sur la place publique le non versement de droits d'auteur jusqu'au 500e exemplaire vendu, accompagné d'exigences d'un travail de pré-édition accompli par l'auteur en vue de la publication de son texte.

Interrogé dans cet article, le sociologue camerounais Charles Gueboguo, auteur de deux livres aux éditions de L'Harmattan et aujourd'hui enseignant à l'université du Michigan, témoigne de son expérience passée avec la maison et estime ainsi que :

« Avoir été publié chez L’Harmattan, c’est un peu comme traîner un boulet pour le reste de sa carrière. Le sérieux des années 1970 a disparu. Sa logique économique le pousse à publier tout et n'importe quoi, ce qui le discrédite. Et cela se répercute sur de nombreux auteurs africains[17]. »

À la suite de l'article, le Monde publie le droit de réponse des éditions l’Harmattan, indiquant que « un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du , a reconnu la légalité de (leur) contrat avec droits à partir du 501e exemplaire vendu et que cette décision juridique n’est plus contestée ».

Les droits d'auteurs prévus aujourd'hui pour les ventes papier sont de 0 % pour les 500 premiers exemplaires, de 4 % de 501 à 1 000 exemplaires vendus et de 6 % au-delà. Pour les ventes d'ouvrages numériques, ils sont de 10 % quel que soit le nombre d'exemplaires vendus[18].

Notes et références

  1. https://www.societe.com/societe/librairie-editions-l-harmattan-311023121.html
  2. Antoine de Gaudemar, Autant en rapporte L'Harmattan, Libération, .
  3. « Denis PRYEN - Dirigeant de la société H d p - BFMBusiness.com », sur dirigeants.bfmtv.com (consulté le )
  4. « Karthala, le « volcan » du boulevard Arago », RFI, (consulté le ).
  5. « Le mystère L’Harmattan – JeuneAfrique.com », JeuneAfrique.com, (lire en ligne, consulté le ).
  6. « L’Harmattan Guinée paie-t-elle ses auteurs ? Livre et lecture en Guinée, Problématique de la politique nationale du livre (notre dossier) », sur guinee7.com (consulté le ).
  7. Chanda Tirthankar, Karthala, le « volcan » du boulevard Arago, RFI, .
  8. « Afrique/France : [Episode 6] L'Harmattan / Karthala, les faux frères ennemis de l'édition de l'Afrique à Paris », La Lettre du Continent, (lire en ligne, consulté le ).
  9. Denis Pryen et Suzanne Lallemand, « L'Harmattan », Journal des anthropologues, vol. 18, no 1, , p. 50–53 (DOI 10.3406/jda.1984.1220, lire en ligne, consulté le )
  10. À propos de Tgl Harmattan - AbeBooks.fr.
  11. L’offre de livres numériques en France - Mathias Daval et Rémi Douine, Le MOTif, juillet 2010, p. 19 [PDF].
  12. C'est-à-dire des pièces de théâtre enregistrées.
  13. « L’Harmattan, la maison d’édition qui ne paie pas ses auteurs », sur Le Monde.fr (consulté le ).
  14. « L’Harmattan, la maison d’édition qui ne paie pas ses auteurs », Le Monde.fr, (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
  15. L'historique du SNAC et quelques références d'actions - Syndicat national des auteurs et des compositeurs.
  16. Les méthodes de l’Harmattan condamnées - Blog de Pierre Assouline, Le Monde, 17 mai 2006.
  17. Raoul Mbog, « L’Harmattan, la maison d’édition qui ne paie pas ses auteurs », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  18. Contrat d'édition type 2020 de L'Harmattan et avenant numérique.

Annexes

Bibliographie

  • Vincent Chabault, Librairies en ligne : sociologie d'une consommation culturelle, Paris, Presses de Sciences Po, 2013 (ISBN 978-2-7246-1340-7), pp. 121-122

Article connexe

Liens externes

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