auto-analyse
Travaux de recherche en psychologie

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Titre de la page pour créer un wikilien : Recherche:Retrouver une sérénité

« Si tu n'arrives pas à penser, marche ; si tu penses trop, marche ; si tu penses mal, marche encore. »
— Jean Giono

Je voudrais vous partager une astuce qui m’a bien servi à une époque, et qui me sert encore parfois.

Le contexte de la découverte

J’ai découvert ce dispositif à 44 ans, au cours d'une randonnée de 34 km en allure rapide sur des chemins parfois très boueux (après un bel effort physique donc) mais sous un beau soleil, avec une vingtaine d'amis randonneurs. Depuis environ deux mois je me sentais un peu “dans les nuages”, avec comme une fatigue malsaine en haut des cuisses. Nous nous arrêtons à mi-chemin pour la pause casse-croûte/repos. À ma droite s’assoit l’animatrice du groupe, une jeune femme non seulement jolie mais très positive, ouverte à la vie. À ma gauche un jeune randonneur avec qui je viens de discuter tout en marchant. Le terrain est en pente douce, alentour les arbustes clairsemés adoucissent eux aussi le paysage. L’effort a été intense et soutenu, je savoure ces premières secondes de repos, les muscles se relâchent, l’esprit est détendu par l’exercice en plein air. De mon sac à dos je ne sors pas tout-de-suite le casse-croûte, comme l’ont fait mes amis, je veux profiter pleinement de ce moment, tellement il me paraît agréable et surprenant, alors qu'il y a encore quelques heures je n'étais pas en si grande forme morale. Je me prends à penser que cette légère fatigue dans les jambes que je traîne, cette façon qu’a mon corps de me montrer qu’il peine un peu à me maintenir debout, n’est pas là pour rien, je suis bel et bien en train de faire une petite déprime. Or je sais qu'à l’origine de toute déprime – et même de toute dépression – il y a toujours eu une idée négative et fausse. En ce dimanche je me pose la question : « Qu’est-ce qui m’encombre l’esprit en ce moment ? Et serait-ce une l’idée fausse ? Eh bien, ce qui me perturbe c’est que si j'ai réussi un concours important pour entrer dans une administration, le délai d’attente pour y être affecté et de 1 an, et je dois encore attendre un bon moment avant d’être appelé à ce poste qui me satisfera pleinement. » Je suis actuellement dans une période alternant galère et petits boulots, qui me paraît désespérément longue, et j'attends le jour J avec de plus en plus d’impatience. « Qu'est-ce qui pourrait être négatif et inapproprié dans cette pensée ? Je dois certainement imaginer : après cela, finis les soucis ! (ben voyons, dans l’administration…), à moi la belle vie. » Puis « mais est-ce que la réalité est vraiment ainsi ? Bien sûr que non, on n’a jamais vu ça ! J'aurai toujours à lutter ! » Dès que je prononçai mentalement ce mot, ’lutter’’, je ressentis une intense libération, en un éclair je compris qu'il était tout à fait normal d'avoir à lutter – en l'occurrence, lutter un tout petit peu : être un peu impatient certes, mais pourquoi en faire tout un plat ? Ce fut une illumination, une plongée directe dans l'instant présent, un sentiment de plénitude m'envahit, j'étais à nouveau présent au monde. Le petit moi qui avait obscurci ma conscience avait disparu, l'accès à mon Je était revenu. Et la fatigue physique m'avait quitté tout aussi soudainement. Je suis sidéré d’avoir pu en une fraction de seconde me guérir d’une déprime que je traînais depuis des semaines. Plus tard, je ne saurais dire combien de jours, je me ferai cette réflexion : « Ainsi, tout problème a sa solution ! » Ce fut la première fois que j'utilisai ce petit système ; par la suite, pour des problèmes moins importants, le sentiment de libération sera moins intense.

Si l'on veut tenter une explication psychanalytique à cette guérison soudaine, on voit que toutes les conditions étaient réunies. Premièrement, j'avais fait auparavant un long travail d'auto-analyse et réussi à déchiffrer plusieurs ‘’rêves messagers‘’[1], très courts, qui m'avaient d'abord paru très obscurs (ce sont les plus signifiants, les plus importants). Ensuite, au cours de cette randonnée avec des gens chaleureux, l'effort physique en pleine nature avait été intense, puis il y eut ce moment de détente très apprécié à flanc de coteau, sous un beau soleil, et surtout – une amie m'en fit la remarque bien plus tard, après que je lui eus fait le récit de cette petite aventure ; je n'y avais pas songé, étant moi-même trop concerné – j'étais entouré pendant cette pause de deux personnes sympathiques, à ma gauche un homme, ma droite une femme : l'homme peut représenter le père, et la femme la mère, d'autant que cette jeune femme venue s'asseoir près de moi était l'animatrice du groupe (la “gardienne” sécurisante en quelque sorte). Notons qu'en Orient, où l'on considère les éléments appartenant à ‘’ce qui est après la naissance‘’, le côté droit est Yin, féminin. Pour les Occidentaux au contraire, le côté droit est Yang.

La méthode

Cette méthode n'est pas vraiment gratuite, car il faut faire un effort sur soi, ne faire appel qu'à l'intellect, en laissant le plus possible de côté ses affects. Cet effort ne peut parfois être accepté qu'au bout de quelques minutes, quelques jours, voire plus. Et parfois on ne pense même pas à l'utiliser : l'inconscient utilise des ruses insoupçonnées, il sait très bien que l'homme est partisan du moindre effort, et, souvent, pas assez optimiste. Peut-être que ce stratagème ne fonctionnerait pas sur tout le monde ? Surtout si la personne n'a pas un minimum de pratique de l’auto-analyse. Il m’a fallu peut-être trois ans pour le mettre définitivement au point avec le paragraphe 2) car les premières fois il ne fonctionnait pas toujours, je devais le mettre au point, à jour (exactement comme un antivirus), pour contrer un nouvel obstacle que m'opposaient mes défenses psychologiques. Une amie a revu la formulation de ce paragraphe en le divisant en 3 phrases très concises. La première fois que j'utilisai le stratagème il fonctionna immédiatement, il m'avait suffi, après avoir réalisé que c'était la bonne pensée à avoir (« cette idée est non seulement négative, elle est fausse ! »), à l'injecter, et la sensation d'être un peu "dans les nuages" disparut instantanément.

Si l’on se sent déprimé sans raison apparente, et que cela dure depuis plusieurs jours déjà :

1. S’obliger à prendre quelques minutes pour se détendre, et chercher quelle a pu être l’idée négative (idée triste ou angoissante, désespérante), et fausse, que l’on s’est mise en tête ces derniers temps, avant les premiers symptômes de mal-être – qui ont commencé quand ? après quel événement ? quel constat ? quelle réflexion ? Y a-t-il un une décision à prendre, que l'on retarde peut-être ? un changement dans notre vie, ou notre attitude, à effectuer ?

2. Lorsque l’idée négative déclencheur est trouvée, il est parfois difficile d’admettre, surtout si le mal-être est installé depuis quelque temps :
– D’abord que cette idée puisse être fausse – c'est la plus grande difficulté.
– Ensuite qu’elle puisse être la cause d’un tel malaise.
– Enfin qu’il existe sans doute une autre issue que ce mal-être.
Se demander alors si cet état – état négatif – a vraiment sa place dans la dynamique constructive de la vie. On voit immédiatement que non, et on admet mieux que l’idée négative déclencheur est une idée fausse.

3. S'être mis en tête une telle idée, parfois saugrenue, peut paraître troublant. Quand elle est survenue, étions-nous dans un état de fragilité ? Si c’est le cas nous comprenons mieux que la déprime ait pu survenir.

  • Parfois nous fantasmons sur le présumé futur idyllique que nous procurerait un événement tardant à venir, l’attente est difficile. Cette idée fausse d’un avenir sans souci contrarie notre manière de vivre le présent, qui paraît terne en comparaison.
  • À l’inverse, face à une épreuve difficile il nous arrive de penser : « Ah ! Si ce n’était pas arrivé… ». Là aussi nous vivons mal le présent.
  • Si décidément on n’arrive pas à trouver l’idée négative et fausse, se poser la question : « Dans tout ce que j’ai pu ressentir récemment, où puis-je dire qu’il y a eu pulsion de mort ? »

L’idée fausse est toujours liée à l’impression (souvent inconsciente) de ne plus se sentir aimé. Quand une forte adversité survient, on pense que personne au monde – et surtout pas Dieu ! – ne pourra nous assister dans cette épreuve. Se sentir abandonné nous ramène à nos abandons d’enfance. Se les remémorer, en prendre conscience, nous fournit une explication qui réconforte. La psychanalyse nous enseigne qu’il est tout à fait humain, honnête envers soi-même, urgent et libérateur, de réveiller en nous mentalement l’agressivité que l’on a éprouvée, tout au fond de soi, envers les personnes (souvent très proches) de qui on s’est senti abandonné – même si elles ne pouvaient faire autrement, de leur point de vue. Ce sentiment d’abandon ramène à l’idée fausse – plus ou moins inconsciente – d’un abandon total de la part du Projet de l’Univers, ou de Dieu.
Selon la médecine chinoise une douleur à la hanche est révélatrice d’un sentiment d’abandon douloureusement vécu – courant chez les personnes âgées. La symbolique en étant que si la jambe veut bien partir en avant – il faut bien avancer dans la vie –, le reste du corps, non participatif, se sentant abandonné, préfère rester sur place : s’installe une dysharmonie pouvant à la longue provoquer une lésion irréversible si on ne parvient pas à se libérer de ce sentiment d'abandon. Si on y parvient on favorise la guérison. Si j’ai abandonné ou négligé une personne, ou un projet, je peux aussi ressentir un manque très déstabilisant.

L’idée fausse peut être la crainte de ne pouvoir retrouver un tel amour, une telle amitié, un aussi beau projet.

Quand on a compris le caractère illusoire de cette idée négative enfin mis au jour, un changement de polarité se produit dans notre esprit, du négatif vers le positif. À un sentiment de fatalité déprimante, voire désespérante, se substitue l’idée libératrice et dynamisante qu’il est normal qu’on ait toujours, comme un sportif, à lutter (mais à chaque jour suffit sa peine), car la vie est un sport de combat, nombreux sont ceux qui l’ont déjà dit. Et l’on pourra être, davantage qu’auparavant, le véritable acteur de notre vie. Car c’est quand l’homme agit qu’il est vivant.
Cette idée ouvre le chemin à une nouvelle, très belle, disponibilité. Un sentiment de plénitude survient.

Je nomme ce petit système ‘’algorithme‘’.

algorithme : suite finie d’opérations élémentaires
constituant un schéma de calcul
ou de résolution d’un problème

Remarque : théoriquement, cette petite méthode devrait aussi fonctionner lors d'une véritable dépression. Ce serait négliger qu’une recherche solitaire et ponctuelle ne possède pas la puissance réparatrice suffisante. Il pourrait être avantageux alors de réexaminer tranquillement, avec un médecin de l’âme, en un dialogue bienveillant, une écoute respectueuse, les pensées erronées (et leurs implications) que l’idée fausse déclencheur, placée là en germe – souvent ancienne et considérée depuis longtemps comme une fatalité –, a suscitées et laissées se développer. Et déposer là, « en un dépôt sacré », l’idée déclencheur qui a essaimé, plus ou moins profondément. Cette méthode peut cependant aider à éclaircir une situation de mal-être, à donner des pistes de réflexion. Les tournants difficiles de l’existence recèlent des malles au trésor insoupçonnées, qui ne demandent qu’à être ouvertes. Le tout est de trouver la clé.

Bonne chance !

Et pour le covid ?

Le grand mathématicien Pierre Fermat (1609-1665) a vécu à une époque où la peste a sévi, il en a été atteint et ne s'en est jamais complètement remis physiquement. Il y a six mois je me sentais psychologiquement déjà très proche de mon maître en sciences et pédagogie. Le virus malin du covid 19 ne m'a pas atteint (pas encore en tout cas), mais moi aussi je vis maintenant dans ce beau pays de France où un virus sévit. Si j'avais eu le choix j'aurais certainement préféré que ce virus malin reste où il était, pour toujours. J'aurais certainement préféré que ce nième point commun environnemental avec le maître (Fermat) ne survienne pas. Par ces circonstances extérieures indépendantes de ma volonté j'ai dû faire un autre choix, la solution est simple : je m'efforce, plus qu'auparavant, de vivre ici, de vivre maintenant. Le passé a existé, il n'existe plus. Je suis. Dans l'instant présent, je suis. Anticiper l'avenir ? Pour fuir et ne plus être présent au monde ? Qui souhaite cela ? La présence est la clef. Je suis conscient, pleinement. Donc Je suis. Descartes, avec son cogito ("Je pense donc je suis") n'était pas assez précis, trop rationnel er trop sûr de lui.

« Comment savoir que vous avez lâché prise ? Quand vous n'aurez plus besoin de poser cette question. » Eckhart Tolle.

Ce secret, je voulais vous le partager.

Claude Mariotti

Notes et références

  1. Alexandre Grothendieck, « LA CLEF DES SONGES, ou DIALOGUE AVEC LE BON DIEU, p.7 », sur matematicas.unex.es (consulté le 25 octobre 2019)
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