Adriana Bisi Fabbri, "Pilote", 1912

Littérature

Roman

James Salter, Pour la gloire, 2015

Vous viviez et mourriez seul, en particulier dans une unité de chasse. Pilotes de chasse. En dépit de tout, cependant, ce mot n’était pas devenu vide de sens. Vous vous glissiez dans le creux du cockpit, attachiez les sangles et vous branchiez dans la machine. La verrière se refermait et vous isolait du monde. Votre oxygène, votre propre souffle, vous les emportiez dans un vide glacial, dans une bouteille en acier. Si vous vouliez parler, vous utilisiez la radio. Vous étiez aussi isolé qu’un plongeur sous l’eau, sauf que vous vous éleviez dans le néant, au lieu d’y descendre. Vous étiez accompagné. Ils volaient avec vous en formations héraldiques et combattaient à vos côtés, parfois avec talent, toujours au moins deux appareils ensemble, mais en réalité, ils ne vous aidaient en rien. Vous étiez seul. Au bout du compte, il n’y avait personne que vous pouviez toucher. Vous pouviez appeler, comme ce type qu’il avait entendu crier, un jour, en s’écrasant, une imploration à faire pitié, « Oh Jésus », mais vous toucher, ça, ils ne le pouvaient pas.

  • Pour la gloire, James Salter, éd. Édition de l'Olivier, 2015  (ISBN 978-2-87929-832-0), p. 199


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