Le triomphe de la mort, de Pieter Bruegel l'Ancien

Littérature

Emil Cioran, Syllogismes de l'amertume, 1952

Notre mal étant le mal de l'histoire, de l'éclipse de l'histoire, force nous est de renchérir sur le mot de Valéry, d'en aggraver la portée : nous savons maintenant que la civilisation est mortelle, que nous galopons vers des horizons d'apoplexie, vers les miracles du pire, vers l'âge d'or de l'effroi.
  • Syllogismes de l'amertume (1952), Emil Cioran, éd. Gallimard, coll. « Folio, essais », 2012, p. 64

Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, 1899

Un soir que j'entrais avec une bougie je fus saisi de l'entendre dire d'une voix un peu tremblée, « je suis là couché dans le noir à attendre la mort. » La lumière était à un pied de ses yeux. je me forçais à murmurer, « bah, des bêtises ! » debout au-dessus de lui, comme pétrifié.

De comparable au changement qui altéra ses traits, je n'avais jamais rien vu, et j'espère ne rien revoir. Oh, je n'étais pas ému. J'étais fasciné. C'était comme si un voile se fût déchiré. Je vis sur cette figure d'ivoire une expression de sombre orgueil, de puissance sans pitié, de terreur abjecte — de désespoir intense et sans rémission. Revivait-il sa vie dans tous les détails du désir, de la tentation, de l'abandon pendant ce moment suprême de connaissance absolue ? Il eut par deux fois un cri qui n'était qu'un souffle.

« Horreur ! Horreur ! »
  • Au cœur des ténèbres (1899), Joseph Conrad (trad. J.-J. Mayoux), éd. Flammarion, 1980  (ISBN 2-08-070530-X), p. 189

Amélie Nothomb, Les Catilinaires, 1995

Le mal, lui, s’apparente à un gaz : il n’est pas facile à voir, mais il est repérable à l’odeur. Il est le plus souvent stagnant, réparti en nappe étouffante ; on le croit d’abord inoffensif à cause de son aspect — et puis on le voit à l’œuvre, on se rend compte du terrain qu’il a gagné, du travail qu’il a accompli — et on est terrassé parce que, à ce moment-là, il est déjà trop tard. Le gaz, ça ne s’expulse pas.
  • Les Catilinaires (1995), Amélie Nothomb, éd. Albin Michel, 2011  (ISBN 978-2-253-14170-9), p. 84

Jean d'Ormesson, Guide des égarés, 2016

Le mal est une trouvaille de génie qui n'appartient qu'aux hommes. Il est une invention et un prolongement de la pensée.

  • Guide des égarés, Jean d'Ormesson, éd. Gallimard, coll. « nrf », 2016  (ISBN 978-2-07-269436-3), p. 49

Jean-Christophe Rufin, Rouge Brésil, 2001

La vérité est que l'homme déchu est souillé d'une proportion variable de péché. Certains sont encore perfectibles mais d'autres sont au-delà du rachat. Ils incarnent le mal, voilà tout.

Philosophie

Hannah Arendt, responsabilité et jugement, 2003

Politiquement, la faiblesse de l'argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu'ils ont choisi le mal.
  • responsabilité et jugement, Arendt Hannah, éd. petite bibliothèque Payot, 2003, p. 79
Pour les êtres humains, penser au passé veut dire se mouvoir dans la dimension de la profondeur, poser des racines et ainsi se stabiliser, afin de ne pas se laisser balayer par ce qui peut se produire — le Zeitgeist, l'Histoire ou la simple tentation. Le pire mal n'est pas radical , il n'a pas de racines, et parce qu'il n'a pas de racines, il n'a pas de limites; il peut atteindre des extrêmes impensables et se répandre dans le monde tout entier.
  • responsabilité et jugement (2003), Arendt Hannah, éd. petite bibliothèque Payot, 2010, p. 143

Friedrich Nietzsche, L’Antéchrist, 1888

J'appelle dépravé tout animal, toute espèce, tout individu qui perd ses instincts, qui choisit, qui préfère ce qui lui fait mal.
  • L’Antéchrist (1888), Friedrich Nietzsche, éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 2006  (ISBN 978-2-07-032557-3), Aphorisme 6, p. 18
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