Toilettes sèches

Les toilettes sèches, aussi appelées toilettes à compost, toilettes à litière (sèche) ou TLB (toilettes à litière biomaîtrisée), sont des toilettes qui n'utilisent pas d'eau. Il est donc possible de récupérer les excréments pour en faire du compost ou de la biométhanisation.

Exemple d'installation de toilette sèche à séparation Separett

Il en existe deux types principaux :

  • toilette à sciures : les selles et l'urine sont mélangées dans un récipient ;
  • toilette à séparation des urines : les urines sont séparées des solides dans le réceptacle pour être traitées séparément.

Le terme plus compliqué de « toilette à litière biomaîtrisée » (TLB) identifie le fait que ce type de modèle permet le contrôle de la réaction chimique de dégradation des urines et des fèces, grâce à l'ajout de matière ligneuse (litière). Le professeur Orszagh a réalisé des études à ce sujet durant de nombreuses années et créé un site où il en publie les résultats[1].

Dans les pays occidentaux, environ 35 à 40 % de l'eau potable passe à l'égout, principalement dans les zones urbanisées, la fosse septique étant plus courante dans les zones rurales. L'intérêt des toilettes sèches, outre le fait de ne pas utiliser d'eau du tout, est aussi de recycler/valoriser des matières qui habituellement sont rejetées à l'égout et nécessitent des opérations d'épuration des eaux usées. Des toilettes sèches d'abord utilisées pour les refuges et zones isolées ont été adaptées pour des festivals regroupant plusieurs dizaines de milliers de visiteurs, et y ont rencontré de franc succès. Il suffit de prévoir des panneaux explicatifs, l'entretien nécessaire et un peu de surveillance. Elles deviennent ainsi une alternative raisonnable aux toilettes chimiques.

Toilettes publiques à compost, sur l'autoroute E6 en Suède
Vue d'un WC à compost, sur l'autoroute E6 en Suède
Utilisation de copeaux de bois.
Exemple d'aménagement de toilettes sèches en Angleterre.
Version améliorée du premier modèle déposé (1875)

Avantages

  • Économie d'eau : les toilettes sèches comme alternative à la chasse d'eau évitent le gaspillage de trois à douze litres d'eau potable à chaque utilisation.
  • Respect du cycle de l'eau : les selles se dégradent mal dans l'eau. Les bactéries et substances chimiques que nous rejetons nécessitent un traitement plus long pour être aussi inoffensives que l'eau grise (eau de lavage). Donc la chasse d'eau des WC augmente considérablement la charge des stations d'épuration en volume et en puissance. Dans le cas d'un traitement par bassins plantés (lagunage) des eaux grises, l'usage de toilettes sèches permet de diminuer le nombre de bassins successifs et de simplifier le traitement, le rendant accessible aux maisons individuelles.
  • Constitution d'une ressource naturelle :
    • soit sous la forme d'un amendement organique de qualité à partir des déjections permettant de restituer à la terre les éléments qu'on en a retirés. Ceux qui cultivent un jardin trouvent directement une utilisation à leur compost, sinon un voisin jardinier ou cultivateur pourra en tirer parti ;
    • soit sous la forme matière organique à biométhaniser, c'est-à-dire produisant un (bio-)gaz qui sera valorisé pour produire de l'électricité ou du chauffage ou les deux (cogénération). Il existe aussi des cas où le gaz alimente un parc automobile adapté.
  • Absence de bruits générés par la chasse d'eau et pas de problème de gel dans le cas de toilettes extérieures dans les pays froids.
  • Pallier des problèmes d'épidémies (problème très important dans les pays en voie de développement où les populations utilisent des latrines qui contaminent les nappes phréatiques).
  • Réduction des problèmes d'eutrophisation : éliminés par des toilettes à eau traditionnelles, les selles et urines libèrent des quantités importantes d'azote de phosphore dans l'eau, participant ainsi de manière sensible à la dégradation des écosystèmes aquatiques.
  • Réduction des pertes de phosphore pour les écosystèmes : une partie du phosphore évacué par les eaux finit par sédimenter et devient inaccessible aux êtres vivants, ces pertes ne sont pas compensées par la production minière : le cycle du phosphore est ouvert. Les toilettes sèches contribuent ainsi à limiter la raréfaction du phosphore dans la biosphère.

Inconvénients

Les réticences vis-à-vis des toilettes sèches sont principalement dues à un blocage culturel[2]. La Suède a sur ce point pris un peu d'avance. Apparues avant la Seconde Guerre mondiale, les toilettes sèches y sont complètement entrées dans les mœurs, au point que certaines communes ne délivrent plus aujourd'hui de permis de construire si la maison n'en prévoit pas[réf. nécessaire].

Les différents types

Toilette sèche à sciures

Ce type de toilette est le plus simple puisqu'il n'est composé que d'un seau. Il consiste à mélanger aux matières organiques (selles et urine) et au papier des copeaux, de la sciure de bois, des feuilles mortes, etc., de façon à obtenir un équilibre carbone/azote dans le mélange et à bloquer la fermentation anaérobie ce qui permet le démarrage du compostage. La présence de l'eau apportée par l'urine participe à la constitution d'un mélange apte à se décomposer ; l'absence d'odeur dépend aussi de l'humidité du mélange, un excès entrainant une décomposition anaérobie et malodorante dans le fond ; et une insuffisance d'humidité ne permettant pas de démarrer le compostage.

Pour l'urine, la sciure doit être mise avant car l'eau doit être absorbée en surface avant d'inonder le fond. Il est peu utile de rajouter la litière (sciures, copeaux…) après l'urine.

Il est déconseillé d'ajouter aux déjections de la terre (le rapport carbone/azote n'est pas bon), de la cendre ou de la chaux (trop basique pour les micro-organismes qui permettent le compostage) ou de la tourbe (matière épuisable et non renouvelable)[3].

Avantages

  • Peu onéreux
  • Facile à mettre en œuvre
  • Respectueux de l'environnement (ne pollue pas les cours d'eau)
  • Permet la création d'un humus riche pour le potager ou le jardin
  • Mobile, n'a besoin d'aucun raccordement (eau, égouts, électricité)
  • Pas de toilettes bouchées

Inconvénients

  • Même si son coût est modique, il faut s'approvisionner en sciure et la stocker à proximité des toilettes. Dans le cas de copeaux ou de sciure, il faut de plus s'assurer qu'ils ne proviennent pas de bois traités afin de ne pas contaminer la terre via le compost (les produits de traitements n'étant que très partiellement biodégradables). Par an, prévoir un à deux mètres cubes de sciure pour un ménage de trois-quatre personnes.
  • Le compostage nécessite un lieu adéquat à l'extérieur du logement. La toilette sèche est donc plus appropriée aux zones rurales et péri-urbaines, mais quelques mètres carrés par ménage suffisent (c'est-à-dire un mètre carré au sol par personne).
  • Il faut veiller à la vidange et entretien minimal du seau ; en prévoir un second au besoin. Préférer investir dans un seau en inox (plus durable et facile d'entretien) ou se contenter d'un seau en plastique (polyuréthane de préférence). Il est cependant mieux d'alterner deux seaux en plastique (un est aéré quand l'autre est utilisé) pour éviter une possible imprégnation des odeurs.
  • Vidange du seau tous les 3 jours

Toilette sèche à séparation des urines

Avec ce système l'urine est séparée des matières fécales directement dans le toilette. Tous les utilisateurs doivent s'assoir sur le siège (homme et femme). Ce système à séparation évite 80 % des odeurs et accélère la déshydratation des excréments. Le restant d'odeur, lors d'une forte utilisation, est évacué vers l'extérieur par une ventilation. Une fois déshydratés, les excréments forment un déchet neutre qu'il faut évacuer régulièrement (après quelques mois à plusieurs années selon l'utilisation) puis traiter en fonction des règles d'assainissement locales. L'urine étant séparée, elle doit aussi être spécifiquement traitée. Elle peut être collectée vers un réseau d'eaux usées, drainée ou réservoir.

Avantages

  • Utilisation très similaire aux toilettes à eau
  • Une fois secs, les excréments solides sont réduits de plus de 80 % en volume et en poids
  • Lorsque les urines sont reliées aux eaux grises de la maison, la problématique de leur traitement est supprimée
  • Les urines peuvent être collectées pour être épandues dans le jardin
  • Pas de toilette bouché
  • Particulièrement adapté aux maisons principales et à un usage de sanitaire collectif ou public, et accepté du public.

Inconvénients

  • Plus onéreux mais le retour sur investissement est rapide car 100 % d'économie d'eau
  • Plus technique à mettre en œuvre car il faut relier les urines aux eaux grises de la maison.
  • L'urine nécessite soit d'être épandue soit d'être évacuée.

Compost avec lombricompostage

Avec ce système les vers du fumier (Eisenia foetida) transforment rapidement les matières organiques de sorte à les réduire à moins de 30 % du volume initial.

Avantages

  • Réduction à moins d’un tiers du volume de départ par une oxydation importante des matières fécales, en comparaison pour un compost par fermentation, il faut attendre plus d'un an pour une dégradation partielle.
  • S’adapter à différentes fréquentations.
  • Les vers rouges produisent un compost riche qui a la consistance d'un terreau. C’est un complément nutritionnel qui régénère le sol tout en favorisant la rétention d'eau. Ce compost est rapidement assimilable par les plantes.
  • Absence de mauvaises odeurs, légère odeur d’humus.
  • Pas de produits phytosanitaires.
  • Ne nécessite aucun raccordement (électricité, eau, égout).
  • Pas d’ajout de matière carbonée (copeaux) si séparation.
  • Hygiènisation des matières traitées.

Inconvénients

  • L'urine nécessite soit d'être épandue soit d'être retraitée.
  • Traitement des lixiviats.
  • Nécessite la séparation des urines et des matières fécales.
  • Attendre de 3 à 6 mois avant attaque des matières par les lombrics.
  • Les lombrics doivent être maintenus dans des conditions de température et d'hygrométrie

Programmes pilotes

Il existe une alliance internationale sur cette question, nommée Sustainable Sanitation Alliance (SuSanA)[4], créée en 2007 pour faciliter le travail collaboratif et partenarial autour d'une vision commune de l'assainissement durable. Son secrétariat est assurée par la GIZ (Coopération internationale allemande).

En Suède et en Chine, plusieurs programmes pilotes existent dans de petites villes. Ce système est développé également à Fribourg en Allemagne. Les excréments sont compostés pour un usage agricole ou ménager, et produisent du gaz par méthanisation. En effet, la fermentation d'une certaine quantité d'excréments est apte à produire suffisamment de méthane pour un usage domestique (chauffage, cuisson, etc.) ainsi que de l'électricité avec un mini-générateur.

En France, des toilettes à compost ont été mises à la disposition d'environ 30 000 visiteurs les 20, 21 et lors du salon Primevère à Lyon[5]. Dans l'Écofestival organisé par l'association Heol également, du 20 au 22 juillet 2007, près de Châteaubriant[6]. En juillet 2009 des toilettes sèches ont été mises à la disposition des 60000 occupants du camping temporaire du festival des Vieilles Charrues à Carhaix.

En Suisse, un immeuble coopératif de 13 logements équipés uniquement de toilettes sèches est en exploitation depuis 2011 sur la commune de Cressy située dans le canton de Genève. Les matières sont rassemblées dans un bac où des lombrics les transforment en terreau destiné à l'agriculture[7].

Divers programmes encouragent la valorisation séparée de l'urine et des excréments compostés, dont au Kenya avec 9 écoles pionnières[8], et d'autres projets en Éthiopie[9],[10], au Népal[11] ou portent sur la gestion particulière de l'hygiène lors des menstruations au Cambdoge[12] ou encore au Royaume-Uni[13]. Une check-list a été produite pour la zone sahélienne[14].

Ce ne sont là que quelques exemples d'une démarche qui tend à se généraliser. Les toilettes sèches sont notamment une alternative incontournable aux toilettes chimiques en plastique. Plus respectueuses de l'environnement, moins coûteuses et produisant des déchets localement valorisables, elles sont aussi plus agréables à l'usage.

Références

[15]

  1. Joseph Orzagh : site avec explicatif complet des toilettes sèches et toilettes à litière, les processus en jeux et les équilibres à trouver pour une toilette sans odeurs.
  2. Idées reçues sur l'utilisation agricoles des déjections humaines
  3. Toilettes sèches, réalisez un bon compostage
  4. Portail Web de Sustainable Sanitation Alliance (SuSanA)
  5. Toilettes sèches au salon Primevère
  6. Écofestival de l'association Heol
  7. Un immeuble écolo pilote va voir le jour à Cressy
  8. Pynnönen, K., Tuhkanen, T., Rieck, C., von Münch, E. (2012). Two years after donor funding ended: success factors for schools to keep their urine-diverting dry toilets (UDDTs) clean and well maintained. 4th International Dry Toilet Conference, Tampere, Finland. [342.4 KB]
  9. GIZ-IS (2009). How to use urine diverting dry toilet (in Amharic) - Instruction posters. GIZ-IS, Ethiopia. [1.06 MB]
  10. Ayele, A., Oldenburg, M., Hartmuth, N. (2008). Urine diverting dry toilets (UDDT): Frequently asked questions. University Capacity Building Program, GIZ-IS, Ethiopia. [205.66 KB]
  11. Pradhan, A. (2008). Assessment of urine-diverting EcoSan toilets in Nepal. WaterAid, Nepal. [1.18 MB]
  12. Sommer, M., Connolly, S. (2012). Growth and Changes - Menstrual Hygiene Education Books (Cambodia). Grow and Know, Inc., Cambodia. [7.21 MB]
  13. Crofts, T. (2012). Menstruation hygiene management for schoolgirls in low-income countries - Fact Sheet 7. Water, Engineering and Development Centre (WEDC), Loughborough, UK. [2.64 MB]
  14. BMZ (2012). Check-list for improved effectiveness in the water and sanitation sector in sub-Saharan Africa. Federal Ministry für Economic Cooperation and Development (BMZ), Germany. [333.2 KB]
  15. (en) What is the composting toilet? 27 mai 2018

Annexes

Bibliographie

  • Patrick Baronnet, De la maison autonome à l'économie solidaire, éd. La Maison Autonome, 2005 (1re éd. 2001), 160 p.
  • Éric Sabot, La pratique du compost et des toilettes sèches, éd. La Maison Autonome, 2005, 87 p.
  • Christophe Élain, Un petit coin pour soulager la planète, éd. Éditions Eauphilane, 2007.
  • Mima Galès, Guide pratique Toilettes sèches, éd. Empreinte & A petits PAS, 2010 (1re éd. 2008), 20 p., (ISBN 978-2-9533377-1-6).
  • John Daglish, Guide raisonné de la construction écologique, éd. Bâtir Sain, 2008, 285 p.
  • (en) Uno Winblad & Mayling Simpson-Hébert (éds.), Ecological Sanitation, 2e édition, Stockholm Environment Institute, 2004 (ISBN 91-88714-98-5) [lire en ligne]

Articles connexes

  • Toilette 
  • Haute qualité environnementale
  • Arborloo
  • Litière
  • Henry Moule inventeur des toilettes à terre (Dry Earth System)

Liens externes

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