Syllogomanie

La syllogomanie ou accumulation compulsive (du grec σύλλογος « rassemblement ») est le fait d'accumuler de manière excessive des objets (sans les utiliser), indépendamment de leur utilité ou de leur valeur, parfois sans tenir compte de leur dangerosité ou de leur insalubrité. Elle diffère du syndrome de Diogène.

Accumulation d'objets dans un appartement d'un syllogomane.

L’accumulation excessive peut aller jusqu'à affecter la mobilité et interférer avec des activités de base, comme faire la cuisine ou le ménage, voire se laver ou dormir. On ignore s'il s'agit d'un trouble isolé ou, plutôt, du symptôme d’une autre affection, comme un trouble obsessionnel compulsif.

En 2013, la syllogomanie a été inscrite dans la version 5 du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux.

Épidémiologie

La syllogomanie est identifiée chez 2[1] à 6 % de la population adulte[2]. La prévalence est de l'ordre de 2 % chez les adolescents avec une légère prédominance du sexe féminin[3].

Elle apparaît vers la pré-adolescence, devient chronique et tend à s'aggraver avec les années[2], avec des exacerbations souvent en rapport avec des chocs émotionnels[4].

Caractéristiques générales

Le trouble est défini par[5] :

  • une accumulation volontaire ou incapacité à jeter un grand nombre de possessions qui semblent à toute autre personne inutiles ou d’un intérêt très limité ;
  • un lieu de vie encombré au point de limiter les mouvements ;
  • un inconfort et souffrance causés par l’amoncellement des objets.

La syllogomanie, dans ses pires formes, peut être à l'origine d'incendies, de conditions insalubres (infestations de rats et d’insectes)[6], de blessures causées par le désordre et d’autres dangers pour la santé et la sécurité des individus vivant dans ces conditions[7]. Elle a un impact sur les relations avec autrui, en particulier avec la famille proche[8].

Plusieurs études ont montré une corrélation entre la syllogomanie et les TOC[9]. Il existe cependant des individus qui manifestent les symptômes d’accumulation compulsive sans souffrir d’autres TOC[10]. Des patients atteints d’hyperactivité ou de déficit d’attention en sont souvent victimes[11]. Un syndrome dépressif est fréquemment associé, ainsi qu'une phobie sociale[12]. Ces symptômes associés sont souvent la cause de la consultation et de la découverte de la syllogomanie[13].

L'inscription de la syllogomanie dans la version 5 du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux a alimenté les débats de spécialistes[14].

Terminologie

Bibliomanie

Article détaillé : Bibliomanie.

Le bibliomane accumule essentiellement des livres, journaux ou revues.

Le syndrome de Diogène

Article détaillé : Syndrome de Diogène.

Dans le syndrome de Diogène, c'est le comportement extrême du syllogomaniaque qui est décrit. Il s'agit d'une référence à Diogène, ce philosophe grec qui avait choisi de vivre dans la pauvreté  il aurait vécu dans une amphore , dans le refus affirmé et radical des conventions sociales. Cette expression est apparue dans une série de cas décrits par Clark en 1975[15]. Toutefois, cette appellation est sujette à controverse car les patients atteints du syndrome de Diogène ont certes un comportement d’accumulation pathologique, mais aussi une mauvaise hygiène, un isolement social, de l’indifférence face à leurs conditions de vie, et ont habituellement des problèmes médicaux non traités. Il s'agirait probablement d'un sous-groupe spécifique de patients qui ont un comportement syllogomaniaque et cette expression ne doit pas être utilisée comme un synonyme du trouble de syllogomanie.

Le syndrome de Noé

Article détaillé : Syndrome de Noé.

Le syndrome de Noé correspondant à une accumulation compulsive d'animaux, il n'est cependant pas clair s'il s'agit d'une forme particulière de syllogomanie ou d'un syndrome différent[16]. Néanmoins, les personnes aux prises avec un TAC n'étant pas confinées à accumuler uniquement des objets inanimés, l'accumulation d'animaux peut en être l'une de ses manifestations[17]. On peut définir le phénomène comme l'accumulation d'un grand nombre d'animaux et un échec à leur donner les soins minimaux de santé (alimentation, hygiène, vétérinaire). L'accumulation d'animaux peut amener une détérioration de la santé des animaux, ainsi que du milieu de vie de la personne qui les accumule (surpeuplement, insalubrité) [18].

Galerie d'images

Cas célèbres

Article détaillé : Frères Collyer.
Site de la demeure des frères Collyer transformé en parc de poche après la démolition de la maison, rendue nécessaire par le risque d’incendie qu’elle présentait.

Les frères Langley et Homer Lusk Collyer, dits « les ermites de Harlem », qui avaient accumulé 136 tonnes de bric-à-brac dans leur immeuble de trois étages à New York[19], dont 25 000 livres[20] moururent en 1947, victimes des traquenards qu’ils avaient installés dans leur demeure pour décourager les pillards, lorsque le cadet Langley Collyer fut écrasé par une valise et trois énormes liasses de journaux alors qu’il rampait dans un tunnel de journaux pour apporter à manger à son frère paralytique aveugle[21], qui mourut alors à son tour de faim quelques jours plus tard[22].

Physiopathologie

Il a été noté que les individus qui manifestent ces symptômes tendent à avoir un métabolisme cérébral du glucose différent des autres personnes[23]. Une cause génétique est possible mais semble jouer un rôle uniquement chez les hommes[3].

Traitement

Dans la culture populaire

Littérature

  • Dans le roman Le Musée de l'innocence, Orhan Pamuk décrit la compulsion d'accumulation d'objets divers et insolites de la part de son héros, Kemal. La syllogomanie est ici mise en scène de manière magistrale.
  • Dans le roman La Bête et la Belle, Thierry Jonquet fait raconter l'histoire par le chien d'un syllogomane.

Médias

  • Une montée de la conscience sociale à ce sujet dans le monde anglo-saxon est expliquée en partie par la diffusion de deux séries télévisées documentaires, Hoarders, sur la chaîne A&E et Hoarding: Buried Alive, sur la chaîne TLC[réf. souhaitée].
  • En 2014, la radio Chérie 25 diffuse Mon TOC : Accumulateur Compulsif, traduction française de l'américain Hoarding: Buried Alive (2010).
  • Le , la chaine Arte réalise un reportage de 26 minutes pour l'émission de vulgarisation scientifique X:enius, intitulé « Qu’est-ce-que la syllogomanie ? »[28].

Séries télévisées

  • Dans l'épisode 22 de la saison 1 de la série Les rues de San Francisco, intitulé « Le Mort-vivant », Stone & Keller enquêtent sur la mort d'un petit garçon dans une maison où un vieil homme amasse depuis des années de façon compulsive de nombreux objets.
  • Dans l'épisode 10 de la saison 14 de la série South Park, intitulé « Inseption, m'voyez », les personnages de Stan ainsi que de Mr. Mackey accumulent des objets dans leurs casier et bureau respectifs.
  • Dans la saison 22, épisode 16, de la série Les Simpson, intitulé « Le songe d'un ennui d'été », on découvre que le personnage de la « Folle aux chats » vit au milieu d'une accumulation compulsive d'objets.
  • Dans la saison 5, épisode 22, de la série Bones, intitulé « La fuite en avant », le docteur Temperance Brennan et l'agent Booth enquêtent sur la mort d'un collectionneur compulsif, agoraphobe, enfermé chez lui depuis un an. L'état de délabrement de son appartement et la profusion spectaculaire des objets accumulés et entassés montrent comment se manifeste la syllogomanie à un degré extrême.

Notes et références

Source

Notes

  1. (en) Nordsletten AE, Reichenberg A, Hatch SL. et al. « Epidemiology of hoarding disorder » Br J Psychiatry 2013;203:445-452. PMID 24158881.
  2. (en) Mataix-Cols D, « Clinical practice. Hoarding disorder » N Engl J Med. 2014; 370:2023-30. PMID 24849085 DOI:10.1056/NEJMcp1313051.
  3. (en) Ivanov VZ, Mataix-Cols D, Serlachius E. et al. « Prevalence, comorbidity and heritability of hoarding symptoms in adolescence: a population based twin study in 15-year olds » PLoS One 2013;8:e69140-e69140. PMID 23874893.
  4. (en) Tolin DF, Meunier SA, Frost RO, Steketee G, « Course of compulsive hoarding and its relationship to life events » Depress Anxiety 2010;27:829-38. PMID 20336803.
  5. (en) Frost RO, Hartl TL, « A cognitive-behavioral model of compulsive hoarding » Behav Res Ther. 1996;34:341-50. PMID 8871366.
  6. (en) Frost RO, Steketee G, Williams L, « Hoarding: a community health problem » Health Soc Care Community 2000;8:229-34. PMID 11560692.
  7. (en) Sanjaya Saxena, Catherine R. Ayers, Karron M. Maidment, Tanya Vapnik, Julie L. Wetherell, Alexander Bystritsky, « Quality of Life and Functional Impairment in Compulsive Hoarding », Journal of psychiatric research, vol. 45, no 4, , p. 475-480 (ISSN 0022-3956, PMID 20822778, DOI 10.1016/j.jpsychires.2010.08.007, lire en ligne).
  8. (en) Tolin DF, Frost RO, Steketee G, Fitch KE, « Family burden of compulsive hoarding: results of an Internet survey » Behav Res Ther. 2008;46:334-44. PMID 18275935.
  9. (en) Sansone RA, Sansone LA. « Hoarding: obsessive symptom or syndrome? » Psychiatry (Edgmont). 2010;7(2):24-7. PMID 20376272.
  10. Henzen A, Zermatten A, Sentissi O. « Syllogomanie, symptômes ou syndrome ? À propos d’un cas clinique (Hoarding disorder, symptom or separate disorder? Case report) » Rev Med Suisse 2012;8(339):951-5. PMID 22675827.
  11. (en) Hartl TL, Duffany SR, Allen GJ, Steketee G, Frost RO. « Relationships among compulsive hoarding, trauma, and attention-deficit/hyperactivity disorder » Behaviour Research and Therapy 2005;43(2):269-76. PMID 15629755.
  12. (en) Frost RO, Steketee G, Tolin DF, « Comorbidity in hoarding disorder » Depress Anxiety 2011;28:876-84. PMID 21770000 DOI:10.1002/da.20861.
  13. Tolin DF, Meunier SA, Frost RO, Steketee G, « Hoarding among patients seeking treatment for anxiety disorders » J Anxiety Disord. 2011;25:43-8. PMID 20800427.
  14. (en) Matais‐Cols D, Frost RO, Pertusa A et al. « Hoarding disorder: a new diagnosis for DSM‐V? » Depression and anxiety 2010;27(6):556-72. PMID 20336805.
  15. (en) Clark AN, Mankikar GD, Gray I « Diogenes syndrome. A clinical study of gross neglect in old age » Lancet 1975;1(7903):366-8. PMID 46514.
  16. (en) Frost RO, Patronek G, Rosenfield E, « Comparison of object and animal hoarding » Depress Anxiety 2011;28:885-91. PMID 21608085 DOI:10.1002/da.20826.
  17. (en) American psychiatric association, Diagnostic and statistical manual of mental disorders, DSM-5 (5e ed.), Arlington, VA, American Psychiatric Publishing.
  18. (en) Frost, Patronek, Arluke et Steketee, « The hoarding of animals : an update », Psychiatric Times, , p. 47-50.
  19. Faits étranges et récits extraordinaires, éd. Sélection du Reader’s Digest, 1988, p. 382-383.
  20. (en) « Extraordinary story of the two reclusive brothers found dead side by side under tons of junk in New York mansion in 1947 », sur dailymail, .
  21. « Booby-traps kill hermit », sur San Jose Evening News, .
  22. (en) William Bryk. « The Collyer Brothers of Harlem » New York Press, Breaking News, Posts, le 5 octobre 1999, consulté le 6 mai 2013.
  23. (en) Sur le site npr.org.
  24. (en) Steketee G, Frost R, « Compulsive hoarding: current status of the research » Clin Psychol Rev. 2003;23:905-27. PMID 14624821.
  25. (en) Steketee G, Frost RO, Tolin DF, Rasmussen J, Brown TA, « Waitlist-controlled trial of cognitive behavior therapy for hoarding disorder » Depress Anxiety 2010;27:476-84. PMID 20336804.
  26. (en) Turner K, Steketee G, Nauth L, « Treating elders with compulsive hoarding: a pilot program » Cognit Behav Pract. 2010;17:449-57. DOI:10.1016/j.cbpra.2010.04.001.
  27. (en) Saxena S, Brody AL, Maidment KM, Baxter LR Jr, « Paroxetine treatment of compulsive hoarding » J Psychiatr Res. 2007;41:481-7. PMID 16790250.
  28. « Qu'est-ce que la syllogomanie ? », sur Arte.tv, .

Voir aussi

Articles connexes

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