Progéria

La progéria, ou syndrome de Hutchinson-Gilford, est une maladie génétique extrêmement rare[1] qui provoque des changements physiques qui ressemblent fort à une sénescence accélérée de ceux qui en sont atteints (vieillissement accéléré dès la première ou la deuxième année). Il n'y a aucun traitement spécifique connu.

Progéria
Enfant atteint de progéria (l'image en haut à droite représente un noyau cellulaire sain, celle d'en bas, un noyau déformé au cours d'une progéria).
Spécialité Endocrinologie
CIM-10 E34.8 (ILDS E34.840)
CIM-9 259.8
OMIM 176670
DiseasesDB 10704
MedlinePlus 001657
eMedicine 1117344
eMedicine derm/731 
MeSH D011371
GeneReviews Hutchinson-Gilford Progeria Syndrome

Mise en garde médicale

Historique

Cette maladie a été décrite en 1886 par Jonathan Hutchinson[2] et par Hastings Gilford en 1897[3].

Progéria vient du grec « geron », le vieillard, et cette dénomination s'explique par les syndromes de la maladie : les enfants atteints de la maladie souffrent d'alopécie (cheveux rares), ressentent des douleurs articulaires, ont une peau très fine et sans poils, souffrent de troubles cardiovasculaires. Ils donnent l'impression de vieillissement accéléré, et leur stature connaît une croissance lente et leurs capacités cognitives ne sont nullement altérées[4].

Symptômes

La maladie touche les deux sexes. L'apparition des symptômes débute entre 18 et 24 mois. Ils se manifestent par une croissance retardée, une alopécie, et une morphologie du visage caractéristique marquée par sa petite tête, de petites mâchoires et un nez pincé. En évoluant, la maladie cause un vieillissement accéléré de la peau (rides, finesse), de l'athérosclérose, une ostéolyse des clavicules et des phalanges, des lipodystrophies, des problèmes cardio-vasculaires et la perte des cheveux. Des troubles musculaires et squelettiques apparaissent, la taille des malades ne dépassant pas 110 cm pour un poids de 25 kg[5]. Le développement mental n'est en revanche pas affecté. La durée moyenne de vie est de l'ordre de 15 ans[6], le décès étant conséquence d'un vieillissement prématuré. Le record de longévité d'un malade est de 26 ans : Leon Botha. En revanche, les patients ne présentent aucune maturation sexuelle prématurée, ni de cancers comme souvent lors du vieillissement habituel.

Statistiques

L'incidence de cette maladie affecte un nouveau-né sur 4 à 8 millions et recense à une centaine de cas dans le monde, dont 25 en Europe et trois cas en France[4].

Causes biologiques

Depuis 2003, des scientifiques français ont identifié le gène lamine A sur le chromosome 1 responsable du vieillissement prématuré des personnes atteintes[7]. On observe chez les malades une mutation ponctuelle de substitution remplaçant un nucléotide de cytosine par un nucléotide de thymine en position 1824 dans le gène LMNA. La lamine A est une protéine structurale de la matrice nucléaire, qui sous forme de pré-lamine A se trouve dans l'enveloppe nucléaire, avant d'être clivée en lamine A qui diffuse dans le noyau cellulaire. Dans la forme mutée, la lamine A perd une cinquantaine d'acides aminés pour devenir une « progérine » qui ne peut migrer dans le noyau cellulaire: elle reste attachée à la membrane nucléaire, entraînant sa déformation et l'adhésion de la chromatine à cette dernière[8].

Le mécanisme précis entraînant le vieillissement prématuré reste cependant à élucider. On peut par contre déjà dire que le mécanisme défectueux dans la progéria n'est pas une exacerbation d'un processus de vieillissement normal, mais un mécanisme qui semble complètement différent.

Il existe plusieurs souches de souris ayant une maladie proche de la progéria humaine, comportant soit une mutation sur le gène LMNA, soit une mutation sur le gène Zmpste24 empêchant le détachement de la lamine de la membrane nucléaire[8].

Diagnostic différentiel

Il existe d'autres syndromes, appelés « progéroïdes » comportant un vieillissement prématuré. Il s'agit du syndrome de Werner et du syndrome de Cockayne, tous deux étant dus à des mutations affectant la réparation de l'ADN. Quant au syndrome progéroïde néonatal, il est compatible avec un mode de transmission récessif autosomique.

Traitement

La maladie est pour l'instant constamment mortelle avant l'âge adulte normal. Il existe cependant quelques pistes de recherche :

  • la progérine resterait attachée à la membrane nucléaire en raison de la fixation d'un groupe farnésyl sur celle-ci. L'inhibition de cette « farnésylation », soit par diminution de la synthèse de ce composant, soit par diminution de la fixation de ce groupe, semble avoir une certaine efficacité sur la déformation du noyau[9]. Ce traitement est susceptible de prolonger la vie des patients d'environ une année et demi[6]. Le lonafarnib agit par ce mécanisme, avec une efficacité sur les complications osseuses, l'audition, sur la rigidité artérielle[10], l'atteinte neurologique[11] et la mortalité[12].
  • l'inhibition de la production en lamine pourrait être également une autre piste[8] ;

Dans la culture populaire

  • La nouvelle L'Étrange Histoire de Benjamin Button et le film dérivé mettent en scène un personnage appelé Benjamin Button, homme qui naît à 80 ans et vit sa vie à l'envers, sans pouvoir arrêter le cours du temps.
  • Le film Blade Runner met en scène un personnage appelé J.-F. Sebastian qui s'avère atteint de progéria, qu'il mentionne sous le nom de « syndrome de Mathusalem ».
  • En 1983, le film Les Prédateurs de Tony Scott met en scène une femme médecin (Susan Sarandon) qui mène une étude scientifique pour trouver un remède contre la progéria.
  • En 1994 dans le seizième épisode (Vengeance d'outre-tombe) de la série télévisé X-Files, un des personnages, le docteur Joe Ridley, a réussi à créer une méthode pour inverser les effets de la progéria pour rajeunir les humains.
  • En 1996, le film Jack met en scène Robin Williams comme un garçon atteint d'un problème de vieillissement. À la différence de la progéria, toutefois, il y a très peu de symptômes autres qu'un vieillissement rapide.
  • Dans la saga de romans de science-fiction Autremonde écrite par Tad Williams, un jeune garçon adolescent (Orlando Gardiner) est atteint de progéria.
  • En 2006, le film Renaissance de Christian Volckman aborde le sujet de la progéria.
  • Dans la série Dark Angel, certains des enfants génétiquement modifiés peuvent développer un vieillissement subit.
  • Le film Akira de Katsuhiro Ôtomo met en scène trois personnages télépathes atteints en contre-partie de progéria. La vieillesse de leurs corps montre la profondeur de leurs esprits.
  • Le livre Protocole Sigma de Robert Ludlum met en scène une intrigue autour de la découverte d'un « sérum de rajeunissement » élaboré après des expériences sur des enfants atteints de progéria.
  • Le roman L'enfant de cristal, de Theodore Roszak, met en scène un enfant atteint de progéria.
  • Dans le livre de Jean-Claude Mourlevat, La troisième vengeance de Robert Poutifard, le frère de la troisième personne de laquelle Robert Poutifard veut se venger est atteint de progéria, appelée « Hutchinson Gilford ».
  • Dans le roman À l'estomac de Chuck Palahniuk, un personnage est atteint de progéria.
  • Dans le deuxième épisode de la série Fringe, une femme accouche d'un bébé qui grandit à une vitesse incroyable, et meurt de vieillesse quatre heures après l'accouchement.
  • Le film indien Paa, produit en 2009 par Amitabh Bachchan et Sunil Manchanda, traite spécifiquement de la progéria en se penchant sur les relations entre un enfant atteint et son père.
  • Dans un épisode de la série Smallville un personnage est atteint de progéria, cependant la maladie est revue par le réalisateur pour les besoins de la série.
  • L'artiste peintre et musicien sud-africain Leon Botha était atteint de progéria[13].
  • Dans la série de bande dessinée Travis, un EGM (« Être Génétiquement Modifié ») confesse avoir été programmé (en plus de posséder quatre mains pour travailler mieux dans l'espace) avec une forme de progéria qui ne lui permettra pas de dépasser les 35 ans.
  • Dans la bande dessinée (parue chez Dupuis/Aire Libre) Quelques jours ensemble, un homme d'une trentaine d'années apprend qu'il est papa d'un garçon de 13 ans, Julien, atteint de progéria[14].
  • Le groupe de rap sud-africain Die Antwoord fait apparaître dans le clip de la chanson Enter The Ninja le DJ Leon Botha atteint de progéria aux côtés du chanteur Ninja et de la chanteuse Yo-Landi Vi$$er[15],[16].
  • L'intrigue de l'épisode 21 de la saison 2 de la série Bones tourne autour d'une personne atteinte de cette maladie.
  • Dans l'épisode 9 de la saison 6 de la série TV The Shield, un membre important du gang salvadorien vole de l'argent pour sauver son fils atteint de progéria.
  • Le film sud-coréen My palpitating life (ou My brillant life), réalisé en 2014 par E J-Yong, raconte l'histoire d'un garçon de 16 ans atteint par cette maladie. Le rôle principal est tenu par le jeune acteur Jo Sung-Mok.
  • Le comics Fight Club 2 présente un groupe de soutien d'enfants atteints de progéria qu'un des personnages prend pour des personnes âgées.

Annexes

Articles connexes

Notes et références

  1. Définition de l'institut national de la santé et de la recherche médicale.
  2. (en) Jonathan Hutchinson, « Congenital Absence of Hair and Mammary Glands with Atrophic Condition of the Skin and its Appendages, in a Boy whose Mother had been almost wholly Bald from Alopecia Areata from the age of Six », Medico-chirurgical transactions, vol. 69, , p. 473-477 (PMID 20896687, lire en ligne)
  3. (en) Hastings Gilford, « On a Condition of Mixed Premature and Immature Development », Medico-chirurgical transactions, vol. 80, , p. 17-46 (PMID 20896894, lire en ligne [PDF])
  4. Inserm, « Progeria (syndrome de Hutchinson-Gilford) », sur www.inserm.fr (consulté le 9 janvier 2017)
  5. (en) TEDx Talks, « My philosophy for a happy life | Sam Berns | TEDxMidAtlantic », (consulté le 12 novembre 2016)
  6. (en) Gordon LB, Massaro J, D’Agostino RB et al. « Impact of farnesylation inhibitors on survival in Hutchinson-Gilford Progeria syndrome » Cirulation 2014;130:27. PMID 24795390
  7. Voir le site Eurekalert.
  8. (en) Korf B, « Hutchinson–Gilford Progeria syndrome, aging, and the nuclear lamina », N Eng J Med., no 358, , p. 552-555 (résumé).
  9. (en) Capell BC, Collins FS., « Human laminopathies: nuclei gone genetically awry », Nat Rev Genet., no 7, , p. 940-952 (résumé).
  10. Gordon LB, Kleinman ME, Miller DT et al. Clinical trial of a farnesyltransferase inhibitor in children with Hutchinson-Gilford progeria syndrome, Proc Natl Acad Sci U S A, 2012;109:16666–16671
  11. Ullrich NJ, Kieran MW, Miller DT, Gordon LB, Cho YJ, Silvera VM, Giobbie-Hurder A, Neuberg D, Kleinman ME. Neurologic features of Hutchinson-Gilford progeria syndrome after lonafarnib treatment, Neurology, 2013;81:427–430
  12. Gordon LB, Shappell H, Massaro J et al. Association of lonafarnib treatment vs no treatment with mortality rate in patients with Hutchinson-Gilford progeria syndrome, JAMA, 2018;319:1687-1695
  13. 14 janvier 2010. Il est à ce jour l'individu le plus vieux à être mort de cette maladie (26 ans). (en) Transcend and Transgress, Mail & Guardian.
  14. http://www.bedetheque.com/serie-19400-BD-Quelques-jours-ensemble.html bedetheque.com.
  15. (en) Yale Daily News, 19 février 2010.
  16. http://m.boingboing.net/2010/02/03/more-on-die-antwoord.html Boing Boing blog.

Liens externes

  • Portail de la médecine
This article is issued from Wikipedia. The text is licensed under Creative Commons - Attribution - Sharealike. Additional terms may apply for the media files.