Hospitalisation sans consentement

Lorsqu'une personne n'est pas en mesure d'exercer son consentement et que son hospitalisation est considérée comme nécessaire par les médecins, elle peut subir une hospitalisation sans consentement.

Cette définition ne concerne pas le cas d'une victime inconsciente, son hospitalisation relevant alors de l'urgence. Dans la plupart des démocraties, l'hospitalisation sans consentement concerne une minorité de patients (15-20 % en France[1]), puisque le patient doit normalement être associé à la démarche thérapeutique, excluant toute possibilité d'internement.

Description

Le cas typique d'hospitalisation sans consentement est un trouble mental empêchant la personne de se prendre en charge, ou induisant un comportement dangereux pour elle-même ou son entourage. Dans certains cas, concernant les mineurs, l'hospitalisation sans consentement peut être ordonnée pour des raisons purement somatiques, par exemple si les parents s'opposent aux soins de leur enfant par conviction religieuse ou philosophique alors que la vie de ce mineur est menacée par cette décision.

Le transport peut nécessiter des mesures de contention ou de sédation.

Nations unies

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose en son article 9 :

« 1. Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs, et conformément à la procédure prévue par la loi.
2. Tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui.
[...]
4. Quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

Conseil de l'Europe

Textes

L'article 5 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (dite « convention européenne des droits de l'homme ») dispose:

« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

  • [...] 1. s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond ;
  • 2. Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle.
  • [...] 4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
  • 5. Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »

Ce texte n'impose pas que l'internement soit décidé par une autorité judiciaire: en effet, la disposition de cet article selon laquelle « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure' » s'applique uniquement aux personnes « arrêté[es] et détenu[es] en vue d'être conduit[es] devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'[elles ont] commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l[es] empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ».

Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme

  • Arrêt De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, 18 juin 1971[2] : Le tribunal mentionné à l'article 5 § 4 de la Convention doit être indépendant par rapport à l'exécutif et aux parties et fournir les garanties d'une procédure judiciaire.
  • Arrêt Winterwerp c. Pays-Bas, 24 octobre 1979[3] : « on ne saurait évidemment considérer que l'alinéa e) de l'article 5 par. 1 (art. 5-1-e) autorise à détenir quelqu'un du seul fait que ses idées ou son comportement s'écartent des normes prédominant dans une société donnée. L'opinion contraire ne se concilierait pas avec le texte de l'article 5 par. 1 (art. 5-1) qui dresse une liste limitative » ** « [...] on méconnaîtrait le but et l'objet de l'article 5 (art. 5) [...] si l'on interprétait le paragraphe 4 (art. 5-4), lu dans son contexte, comme exemptant en l'occurrence la détention de tout contrôle ultérieur de légalité pour peu qu'un tribunal ait pris la décision initiale. Par nature, la privation de liberté dont il s'agit paraît appeler la possibilité de semblable contrôle, à exercer à des intervalles raisonnables. »
  • Arrêt Ashingdane c. Royaume-Uni, 26 avril 1985[4] : « En principe, la détention d'une personne comme malade mental ne sera régulière au regard de l'alinéa e) du paragraphe 1 que si elle se déroule dans un hôpital, une clinique ou un autre établissement approprié à ce habilité. »
  • Arrêt Johnson c. Royaume-Uni, 24 octobre 1997 : « Ce n'est pas parce que des institutions spécialisées ont constaté la disparition du trouble mental qui a motivé l'hospitalisation forcée d'un patient que celui-ci doit être automatiquement élargi sur-le-champ et sans conditions pour reprendre une vie normale dans la société. »
    • « Une interprétation aussi rigide de cette condition limiterait de manière inacceptable la liberté de jugement des autorités lorsqu'elles évaluent, en fonction de l'ensemble des circonstances propres à chaque cas, si pareille libération servirait au mieux les intérêts du patient et de la collectivité où il doit retourner vivre. Il faut aussi tenir compte de ce qu'en matière de maladie mentale, il est impossible d'établir sans aucun risque d'erreur si la disparition des symptômes d'une maladie vaut confirmation d'une guérison totale. »
  • Arrêt Varbanov c. Bulgarie, 5 octobre 2000[5] : « Dans certains cas, le contrôle juridictionnel peut se trouver incorporé à la décision d'internement si celle-ci est prise par un organe constituant un « tribunal » au sens de l'article 5 § 4 de la Convention. Pour constituer un « tribunal », une autorité doit être indépendante de l'exécutif et des parties. Elle doit aussi fournir les garanties fondamentales de la procédure appliquées en matière de privation de liberté. »
    • « Si la procédure suivie par l'organe compétent qui ordonne l'internement ne fournit pas ces garanties, l'État doit permettre un recours effectif à une seconde autorité présentant toutes les garanties d'une procédure judiciaire. L'intéressé doit avoir accès à un tribunal et avoir l'occasion d'être entendu lui-même ou moyennant une certaine forme de représentation »
  • Arrêt D.N. c. Suisse, 29 mars 2001[6] : Le tribunal prévu par l'article 5 § 4 de la Convention doit être impartial.
  • Arrêt R.L. et M.-J.D. c. France, 19 mai 2004[7]: Violation de l'article 5 § 1 de la Convention en raison du maintien, sans justification médicale, d'une personne pendant 6h30 à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris; mais justification, au regard de la Convention, de son transfert à l'IPPPP en raison de l’indécision du premier médecin l’ayant examinée.
  • S.U. c. France, 10 octobre 2006, 23054/03 : Délai excessif de jugement.

En France

Article détaillé : Soins psychiatriques sans consentement en France.

En France, depuis la loi du 5 juillet 2011[8], le terme « hospitalisation sans consentement », qui était en vigueur depuis la loi du 27 juin 1990[9], a été remplacé par celui d'admission en soins sans consentement. Ces textes sont repris dans les articles L.3211-1 à L.3215-4 du Code de la santé publique.

Ces textes définissent de façon restrictive le champ d'application des mesures d'admission en soins sans consentement. Deux possibilités se présentent : la demande émane d'un tiers, le plus souvent un membre de la famille, et l'on parle de « soins à la demande d'un tiers » (SDT), ou la demande émane d'un représentant de l'État, c'est-à-dire le maire ou le préfet, et il s'agit de « soins sur décision du représentant de l'État » (SDRE).

Soins à la demande d'un tiers

L'admission en soins à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent (SDT, ancien HDT), effectuée lorsque le malade ne peut exprimer son consentement et que son état mental impose des soins immédiats et une surveillance constante en milieu hospitalier, ces deux conditions sont préalables et obligatoires pour l'admission. Trois possibilités pour admettre une personne en SDT :

  • l'admission classique : une demande de tiers manuscrite (un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l'existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans l'établissement prenant en charge la personne malade) et deux certificats médicaux à l'appui dont un au moins établi par un médecin extérieur à l'établissement d'accueil
  • l'admission en cas de péril imminent : lorsqu'il n'existe aucun tiers et que l'état du malade présente un péril imminent pour sa santé, un seul certificat médical établi par un médecin extérieur à l'établissement suffira pour admettre cette personne.
  • l'admission en cas d'urgence : lorsqu'il existe un cas d'urgence à admettre cette personne en soins psychiatriques, il suffira d'une demande de tiers manuscrite et un certificat médical.

Soins sur décision du représentant de l'État

L'admission en soins sur décision du représentant de l'état (SDRE, ancien « HO » et « placement d'office ») s'effectue s'il existe une personne dont les troubles nécessitent des soins et qu'il existe un danger pour la sûreté des personnes ou une atteinte grave à l'ordre public, le maire (de façon provisoire et uniquement lorsqu'il y a un danger pour la sûreté des personnes) ou le préfet, peuvent prendre un arrêté à l'appui d'un certificat médical établi par un médecin extérieur à l'établissement d'accueil afin d'admettre cette personne.

En Belgique

En Belgique, on n'emploie plus le terme de « collocation », mais l'expression « mise sous mesure de protection ».

Textes de référence

En Suisse

En Suisse, l'hospitalisation volontaire s'oppose à l'hospitalisation non volontaire qui requiert un certificat rédigé par un psychiatre dans les 48 heures qui suivent l'hospitalisation. Cette mesure oblige les médecins du conseil de surveillance psychiatrique qui est un organisme indépendant à se rendre sur le lieu de l'hospitalisation et à confirmer ou infirmer l'hospitalisation non volontaire.

Les conditions et la procédure sont réglées par les articles 426 à 439 du Code civil suisse.

En Australie

État de Victoria

La procédure d'internement est administrative et non judiciaire. Les recours sont examinés par une commission spécialisée (Mental Health Review Board), semblable aux Mental health review tribunals britanniques, siégeant en général en formation de trois membres (dont un juriste, qui la préside, et un psychiatre). La procédure présente des points notables (par comparaison avec la France, par exemple) :

  • Les audiences se tiennent dans l'hôpital (ce qui permet au patient et à son médecin d'y assister tous deux, et donc de fournir directement les informations nécessaires) ;
  • les patients parlant mal l'anglais ont droit à un interprète ;
  • le patient peut être assisté par un avocat ou par un proche ;
  • le patient a le droit d'obtenir la communication de son dossier (au moins 24h ou 48h avant l'audience), et on ne peut lui refuser la communication de certaines pièces qu'avec l'autorisation de la commission elle-même ;
  • même en l'absence de recours du patient, la commission statue sur chaque cas dans les 8 semaines après l'admission (ce qui résout, au moins en partie, les problèmes liés au manque d'information du patient sur l'existence et les modalités d'exercice du droit de recours);
  • la commission se prononce sur la validité des diagnostics et sur la nécessité du traitement;
  • la commission publie sa jurisprudence (dont une partie figure sur son site).

Notes et références

  1. En 2013, les soins sans consentement représentaient 16 % du total des hospitalisations ou 20 % des hospitalisations à temps complet. voir le Analyse de l’activité hospitalière 2013 et les Statistiques en matière de soin sous contrainte
  2. Arrêt De Wilde
  3. Arrêt Winterwerp
  4. Arrêt Ashingdane
  5. Arrêt Varbanov
  6. Arrêt D.N. c. Suisse
  7. Arrêt R.L. et M.-J.D. c. France
  8. Loi no 2011-803 du 5 juillet 2011
  9. Loi no 90-527 du 27 juin 1990

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

  • Suicide
  • Hôpital psychiatrique
  • Alcoolisme
  • Injonction thérapeutique en France
  • Histoire de la psychiatrie
  • Unité pour malades difficiles
  • Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental
  • Droit des premiers secours
  • McNaghten Rules
  • Tutelle
  • Curatelle
  • Sauvegarde de justice
  • Dossier médical
  • Unité de consultation et de soins ambulatoires
  • Service médico-psychologique régional
  • Commission des citoyens pour les droits de l'homme
  • Psychiatrie punitive en URSS
  • Groupe information asiles (GIA)
  • Gustl Mollath

Liens externes

Australie

Belgique

Conseil de l'Europe

France

Nations unies

Royaume-Uni

This article is issued from Wikipedia. The text is licensed under Creative Commons - Attribution - Sharealike. Additional terms may apply for the media files.