Fluoration de l'eau

La fluoration de l’eau est l'addition artificielle et contrôlée d'ions fluorure (F) dans le système de distribution d'eau potable à un degré de dilution réputé efficace et qui aurait pour but de prévenir le risque de carie dentaire.

Pourcentage de population disposant d'eau fluorée (artificiellement ou naturellement)[1]
  •      80–100%
  •      60–80%
  •      40–60%
  •      20–40%
  •        1–20%
  •      < 1%
  •      Inconnu

Historiquement, dans les pays où cela se pratique (depuis 1945 aux États-Unis), du fluor a été ajouté à l'eau d'abord sous forme de fluorure de sodium (bien plus facilement et durablement soluble dans l'eau que le fluorure de calcium naturellement présent dans l'environnement). Puis les sociétés ou régies de distribution d'eau ont de plus en plus utilisé le fluorosilicate de sodium de l'acide hexafluorosilicique (aussi appelé acide fluorosilicique ou acide fluosilicique), aujourd'hui utilisé dans plus de 90 % des programmes de fluoration.

Le fluor ajouté n'affecte ni la couleur ni l'odeur de l'eau.

Dans quelques régions du monde, certaines eaux de nappe sont naturellement riches en fluorure de calcium, au point de dégrader les dents (fluorose) ou de rendre l'eau toxique.

La fluoration est actuellement mise en accusation face à l'augmentation alarmante des cas de maladies de la thyroïde dans les pays qui fluorisent leurs eaux, aux États-Unis notamment[2] [réf. nécessaire].

Méthode de fluoration

Trois principaux produits chimiques sont utilisés dans la fluoration de l’eau : le fluorure de sodium, le fluorosilicate de sodium et l’acide fluorosilicique[3] [réf. à confirmer]

Histoire de la fluoration

Elle peut être à ce jour divisée en plusieurs périodes.

  1. La première correspond à la découverte du fluor en tant qu'élément chimique et géologique et à la recherche de ses éventuelles propriétés (dont d'intérêt commercial). Dans le troisième quart du XIXe siècle (en 1874) l'allemand Carl Erhardt[4] postule qu'un apport de fluorure de potassium permettrait de protéger les dents contre la carie ; 10 ans plus tard (en 1892 un médecin britannique (James Crichton-Browne) estime que l'absence de fluorure dans les régimes alimentaires était particulièrement responsable de la corruption des dents et il propose d'ajouter des fluorures à notre alimentation « sous une forme naturelle appropriée » pour prospectivement fortifier les dents de la génération à venir[5]
  2. la seconde s'étend de 1901 à environ 1933. Durant cette trentaine d'années, des chercheurs essayent d'expliquer pourquoi certaines personnes dans le Colorado ou plusieurs régions du monde ont les dents teintées de brun (phénomène dénommé "Colorado Brown Stain."[6] aux États-Unis qui sera plus tard compris comme étant une forme avancée de fluorose dentaire) ;
  3. La troisième (de 1933 à 1945) a porté sur l'établissement d'une relation entre de taux de fluorure de l'environnement (on savait depuis la première moitié du XIXe siècle que le sol et l'eau de certaines régions du monde contiennent naturellement peu de fluor et d'autres beaucoup), la fluorose (qui reflète un excès de fluor environnemental, de même que le taux de fluor des os), et la carie dentaire. À la fin des années 1930 H. Trendley DEAN, chirurgien-dentiste alors employé par le service de santé publique des États-Unis s'intéresse au fluor. En 1938, il publie un article sur les fluoroses chroniques et endémiques[7], puis un second article sur le même sujet, dans lequel il constate que les victimes de fluorose présentent moins de caries que le reste de la population[8]. Puis il examine l'eau de 345 communes texanes. Il confirme que les communes ayant un haut taux de fluor hydrique sont aussi celles où la fluorose est la plus élevée, mais il affirme que l'incidence des caries est moindre dans les communes où l'eau contient environ 1 ppm de fluor. Selon lui 10 % des habitants de ces zones présentent les formes les plus légères d'émail chiné (fluorose dentaire) que DEAN et d'autres décriront comme « belles dents blanches ». En 1941, il publie (comme coauteur) un article sur les caries et l'eau domestique[9]. Puis un an après (1942), il publie comme coauteur un article de 25 pages intitulé Domestic water and dental caries[10]. Un journaliste, Friedrich EG redécouvre l'hypothèse d'Eckardt publiée 80 ans plus tôt (en 1874) et la diffuse par un livre publié en 1954) ;
  4. La quatrième période (de 1945 au début des années 1990 environ) dure un demi-siècle, voit se développer l'idée (alors apparemment scientifiquement très argumentée) que le fluor pourrait protéger des caries[11]. Cette période est celle du soutien vif de l'American Dental Association (ADA) au développement aux États-Unis de processus obligatoires et automatisés de fluoration de l'eau du robinet[12]. D'autres pays ou régions du monde feront de même ou passeront à l'adjonction de fluor dans le sel[12]. La publicité promouvant les dentifrices fluorés est à cette époque également très marquée.
  5. Une cinquième période semble entamée où le doute s'installe ; les bénéfices de l'eau fluorée pourraient avoir été surestimés (les enfants européens qui n'en bénéficient pas n'ont pas de plus mauvaises dents que les enfants américains qui en bénéficient), et ses inconvénients pourraient avoir été sous-estimés. Ainsi, une association américaine signale que l'EPA n'a jamais autorisé ni évalué le fluor pour cet usage médicamenteux à grande échelle, et répond point par point aux arguments de l'ADA[13], et selon un groupe de scientifiques opposés à la fluoration, dans le monde, aucune étude en double aveugle n'a pu prouver que la fluoration est efficace dans la réduction des caries [14]. Des études d'avantages/risques apparaissent, au Canada notamment[15],[16] et où des doutes sont émis en termes de cout-bénéfice (selon Adair, l'analyse systématique des études disponibles, ne montre que 20 à 30 % de réduction du nombre de caries sous supplémentation fluorée eau/sel/dentifrice[17]...) ou même d'utilité pour la santé[18], voire sur des effets pervers de la fluoration de l'eau, au moins aux taux actuels.

États-Unis

Un scientifique du Mellon Institute of Industrial Research aurait été le premier à recommander la fluoration de l'eau. L'expert en relations publiques Edward Bernays apporta son aide à la campagne pour la fluoration de l'eau aux États-Unis[19].

Suisse

Le demi-canton de Bâle-Ville fluorait son eau potable de 1961 à 2003 où cette pratique fut supprimée au profit de la fluoration du sel de table, déjà en vigueur. En 2006, le député écologiste Geri Müller a affirmé, lors d'une intervention au conseil national, que même après 40 ans de médication sous contrainte, l'effet prophylactique du fluor sur les caries n'avait pu être prouvé, les caries ne résultant apparemment pas d'un manque de fluor[18].

Oppositions

Diffuseur de fluor (à gauche) dans un château d'eau au Minnesota, 1987.

Australie

Le député Harley Rivers Dickinson s'opposa à la fluoration de l'eau en Australie dans une interpellation au gouvernement[20].

Canada

Depuis 2004, l’ONG canado-indienne SOPAR/Bala Vikasa (BV) aide environ 500 villages indiens à purifier l’eau naturellement trop fluorée par osmose inverse[21].

États-Unis

Affiche américaine datant des années 1950 contre la fluoration de l'eau et la santé publique imposée, y distinguant les prémices d'un gouvernement mondial totalitaire de type communiste

Le chimiste Charles Eliot Perkins fut parmi les premiers à dénoncer la fluoration de l'eau potable dans un essai qu'il publia dès 1952[22]. Le journaliste complotiste Robert Edward Edmondson accusa la fluoration de l'eau de faire partie d'un complot communiste[23]. Kenneth Goff informa le Dies Committee au sein du House Un-American Activities Committee de la Chambre des représentants des États-Unis que les communistes étaient en faveur de la fluoration de l'eau, prétendument utilisée en URSS pour rendre la population apathique[24]. Dans les années 1990, le professeur Phyllis Mullenix, de l'Université Harvard s'est également attaquée à la fluoration de l'eau potable après avoir mené des études sur le sujet[25].

Une étude[26] publiée par la revue Environmental Health en février 2015 a conclu qu'aux États-Unis la fluoration de l'eau du robinet était aussi - pour partie - en cause dans l'augmentation du syndrome de TDAH (Trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité dans certains États (tant pour l'exposition prénatale que post-natale), et même après ajustement pour le statut socioéconomique de l'enfant : une fois ce facteur de confusion traité, « chaque augmentation de 1% de la prévalence de la fluoration artificielle à partir de 1992 (sans distinction du type de fluoration) a été associée à environ 67 000 à 131 000 diagnostics de TDAH supplémentaires de 2003 à 2011 »[26]. Les auteurs invitent à une étude plus approfondie de la relation entre l'exposition au fluorure et le TDAH[26] notamment dans les pays concernés par ce traitement (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Chili, Irlande et Royaume-Uni où plus de la moitié de la population y est directement exposée)[26], d'autant qu'une baisse de QI a aussi été associée à la fluorose chronique[27].
Cette étude était à la fois basée sur des données épidémiologiques et sur des tests faits sur le rat de laboratoire pris comme modèle animal ; des symptômes très proches sont observés chez le rat et l'enfant (même si le rat a été "exposé" in utero[26]).

Israël

Après avoir été arrêtée par l'ancienne ministre de la santé Yaël German en 2014[28], le nouveau ministre Yaacov Litzman a annoncé en 2015 la re-fluorisation de l'eau potable[29]. Les plus grands experts israéliens avaient dénoncé l'arrêt de la fluorisation de l'eau. Une requête transmise à la Cour Suprême devait être examinée en juin 2015, mais l'amendement Litzman devrait entrer en vigueur avant que la Cour Suprême n'ait le temps de faire annuler ou non l'ancien amendement.

Dans la culture

  • Le point de départ du film Docteur Folamour de Stanley Kubrick, sorti en 1964, est la décision d'un général de lancer une attaque nucléaire massive contre l'URSS parce qu'il croît que la fluoration de l'eau est un complot des communistes.

Articles connexes

  • Chloration
  • Fluor
  • (en)Controverse sur la fluoration de l'eau

Notes et références

  1. (en) The British Fluoridation Society, The UK Public Health Association et The British Dental Association; The Faculty of Public Health, One in a Million: The facts about water fluoridation, Manchester, British Fluoridation Society, , 2e éd. (ISBN 978-0-954-76840-9, lire en ligne), « The extent of water fluoridation », p. 55–80
  2. "L'ajout de fluorure dans l'eau du robinet est lié à un taux significativement plus élevé d'une maladie de la glande thyroïde. C'est la conclusion d'une recherche parue hier dans le Journal of Epidemiology and Community Health, publié par le British Medical Journal."
  3. Jean-Marc Brunet, Dossier Fluor, Texte en ligne [PDF], p. 2
  4. Eckardt [sic] (1874). "Kali fluoratum zur Erhaltung der Zähne". Der praktische Arzt (in German) 15 (3): 69–70. A followup was translated into English in: Friedrich EG (reporter) (1954). "Potassium fluoride as a caries preventive : a report published 80 years ago". J Am Dent Assoc 49: 385; Meiers P.: "Dr. Erhardt's (Hunter'sche) Fluorid-Pastillen", page consulté 24 Avril 2017
  5. Crichton-Browne J (1892). "An address on tooth culture". Lancet 140 (3592): 6–10. doi:10.1016/S0140-6736(01)97399-4 .
  6. History of Dentistry in the Pikes Peak Region, Colorado Springs Dental Society, page web consulté 25 février 2006.
  7. Dean H.T (1938) Chronic endemic dental fluorosis (mottled enamel). In Dental Science and Dental Art, S. M. Gordon, ed. Lea and Febiger, Philadelphia, 1938. Chapter 12
  8. Dean, H.T (1938) Endemic fluorosis and its relation to dental caries. Puib. Health Rep.,53:1443-1452 (Aug.19,1938)
  9. Dean H.T, Jay P., Arnold F.A,Jr and Elvov E (1941) Domestic water and dental caries. II: A study of 2,832 white children. aged 12 to 14 years, of 8 suburban Chicago communities, including Lactobacillus aci-dophilus studies of 1,761 children. Pub. Health Rep., 56: 761-792 (Apr. 11,1941)
  10. Dean, H. T., Arnold, F. A., & Elvove, E. (1942). Domestic water and dental caries. Public Health Rep, 57(32), 1155-79
  11. Cox GJ (1952). "Fluorine and dental caries". In Toverud G, Finn SB, Cox GJ, Bodecker CF, Shaw JH (eds.). A Survey of the Literature of Dental Caries. Washington, DC: National Academy of Sciences—National Research Council. pp. 325–414. OCLC 14681626. Publication 225
  12. Ripa LW (1993). "A half-century of community water fluoridation in the United States: review and commentary" (PDF). J Public Health Dent 53 (1): 17–44. doi:10.1111/j.1752-7325.1993.tb02666.x. PMID 8474047. Consulté 2009-01-01.
  13. Welcome to the Fluoride Debate booklet, Compiled by Anita Shattuck (Health Way House, 2000), PDF, 94 p
  14. NTEU - Why EPA's Headquarters Union of Scientists Opposes Fluoridation, Prepared on behalf of the National Treasury Employees Union Chapter 280 by Chapter Senior Vice-President J. William Hirzy, Ph.D. http://www.bruha.com/fluoride/html/nteu_paper.htm http://www.cadvision.com/fluoride/epa2.htm
  15. Stoneman, J., Wallar, L., & Papadopoulos, A. (2014). La fluoration de l’eau de consommation au Canada–tendances, avantages et risques.
  16. Locker, D. (1999). Avantages et risques liés à la fluoration de l'eau.
  17. Pesenti, C. (2010). Création d'un outil informatique permettant le bilan journalier des apports en fluor chez l'enfant à haut risque carieux et évaluation de son utilité en médecine générale (Doctoral dissertation).
  18. http://www.parlament.ch/f/suche/pages/geschaefte.aspx?gesch_id=20063094
  19. (en) Christopher Bryson et Theo Colborn, The fluoride deception, New York London, Seven Stories Turnaround distributor, (ISBN 978-1-583-22700-8)
  20. Address in Reply to the Government's Speech to Parliament, enregistré dans le Victorian Hansard du 12 août 1987 par M. Harley Rivers Dickinson, membre du Parti libéral australien au parlement de l'État de Victoria pour le district électoral de South Barwon.
  21. Le contraire d’un coup d’épée dans l’eau, Le Devoir, 8 mars 2013.
  22. (en) Charles Eliot Perkins The Truth About Water Fluoridation, Fluoridation Educational Society, 1952.
  23. (en) Hans Toch, The Social Psychology of Social Movements, p. 66.
  24. (en) Christopher Hodapp et Alice Von Kannon, Conspiracy theories & secret societies for dummies, Hoboken, NJ, Wiley Pub, coll. « For dummies », , 362 p. (ISBN 978-0-470-18408-0, OCLC 235952712), p. 49.}
  25. (en) Dr Phyllis Mullenix janvier 1998
  26. Malin A.J & Tillc (2015) Exposure to fluoridated water and attention deficit hyperactivity disorder prevalence among children and adolescents in the United States: an ecological association ; Environmental Health 2015, 14:17 doi:10.1186/s12940-015-0003-1, publié le 27 février 2015 (résumé)
  27. Ding Y, Yanhuigao Sun H, Han H, Wang W, Ji X, Liu X, et al. The relation between low levels of urine fluoride on children’s intelligen ce, dental fluorosis in endemic fluorosis areas in Hulunbuir, Inner Mongolia, China. J Hazard Mater. 2011;186:1942–6.
  28. (he) « Arrêt de l'obligation de fluoration en Israël , Le Ministère de la Santé », sur www.health.gov.il (consulté le 3 juillet 2017)
  29. « Le retour de la fluoration de l’eau potable, Le Ministère de la Santé », sur www.health.gov.il (consulté le 3 juillet 2017)

Source

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