Diabète gestationnel

Le diabète gestationnel est un état d'intolérance au glucose, quelle que soit sa sévérité, apparu au cours de la grossesse chez une femme sans diabète sucré connu antérieurement. Il peut néanmoins être révélateur d'un diabète antérieur. Le diabète se définit par une glycémie veineuse à jeun supérieure à 1,26 gramme par litre de sang (7 mmol/L), à deux reprises (hyperglycémie). Mais, ici, c'est une simple intolérance au glucose qui doit être prise en charge. Le diabète gestationnel peut exposer à des complications maternelles et fœtales potentiellement sévères. Il apparaît classiquement entre la 24e et la 28e semaine d'aménorrhée, correspondant à la sécrétion de l'hormone lactogène placentaire (HPL) (en) par le placenta, responsable d'insulino-résistance chez la mère.

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Diabète gestationnel
Le cercle bleu, symbole universel pour le diabète[2].
Spécialité Obstétrique
CISP-2 W85
CIM-10 O24
CIM-9 648.8
DiseasesDB 5195
MedlinePlus 000896
MeSH D016640

Mise en garde médicale

Prévalence

Il concerne entre 1 et 4 % des grossesses[3] – près de 10 % aux États-Unis et son incidence semble stable dans le temps[3].

Symptômes

Dans la plupart des cas, le diabète gestationnel peut être sans symptômes. Mais dans certains cas il présente les mêmes symptômes que le diabète sucré, c'est-à-dire : soif intense, mictions abondantes et fréquentes, fatigue importante[4]...

Facteurs de risque

  • Multiparité : si le risque de base est de 5 à 6 % en France, il faut savoir que l'incidence grimpe à 19 % chez les multigestes ;
  • Le risque augmente avec l'âge de la mère : il est presque multiplié par 10 chez la femme de plus de 24 ans[5] ;
  • Obésité. De même, une obésité (IMC > 30 kg/m²) multiplie par 3 ce risque[6] ;
  • Antécédents familiaux de diabète de type 2[7] ;
  • Au cours des grossesses antérieures : antécédents personnels de diabète gestationnel, d'accouchement prématuré, de mort fœtale in utero inexpliquée, de macrosomie (nouveau né pesant plus de 3 800 g), d'hydramnios (quantité excessive de liquide amniotique) ;
  • Au cours de la grossesse : prise de poids excessive, hydramnios, macrosomie.
  • Une étude publiée en janvier 2016 par le British Medical Journal montre qu'il y aurait un lien entre une importante consommation de pomme de terre par la mère avant la grossesse et le développement du diabète gestationnel[8].

Les femmes originaire d'Afrique du Nord, d'Asie ou des Antilles, sont également à risque accru, ainsi que celles de l'Asie du Sud[9].

Physiopathologie

Il existe une diminution normale de la sensibilité à l'insuline au cours de la grossesse[10]. Cela conduit à une augmentation de la sécrétion de cette molécule afin de maintenir le taux de glucose sanguin dans les limites de la normale. Si la production d'insuline ne peut croître de façon désirée, un diabète se produit.

Du côté du fœtus, le glucose passe librement la barrière placentaire mais pas l'insuline maternelle. Cela conduit à une production accrue d'insuline fœtale, dont l'un des effets est l'augmentation du poids du nouveau-né[3]. Cela peut conduire à un risque accru de complications mécaniques lors de l'accouchement (Dystocie des épaules).

Dépistage du diabète gestationnel

L'un des problèmes est de distinguer le diabète pré-gestationnel (c'est-à-dire existant avant la grossesse mais parfois méconnu) du diabète gestationnel.

Le dépistage doit être ciblé sur les populations les plus à risque, l'incidence de la maladie étant extrêmement faible en l'absence de facteurs de risque.

Une glycémie, mesurée à jeun, avec une valeur normale, ne permet pas d'exclure le diabète gestationnel[11]. De même, la mesure de l'hémoglobine glycosylée est un mauvais moyen de dépistage[12], ce qui est assez logique, ce dosage reflétant seulement les glycémies sur les derniers mois, alors que le diabète gestationnel, par définition, est d'installation récente.

Ces tests sont faits idéalement entre la 24e et la 28e semaine de grossesse[3]. Les tests en deux temps, tel le test de O'Sullivan, à 50 g de glucose per os, suivi d'une HGPO s'il est positif, sont considérés au XXIe siècle comme non déterminants dans le dépistage du diabète gestationnel. Les tests corrects sont donc ceux se basant uniquement sur un principe d'hyperglycémie provoquée per os (HGPO) (test OMS et autres HGPO)[13],[14],[15].

Test de l'OMS

Le test de l'OMS est d'élaboration plus récente[16]. Il se différencie du précédent par le fait qu'il ne nécessite qu'une étape : prise de 75 grammes de glucose, puis mesure de la glycémie veineuse à 2 heures : le test est positif (et le diabète gestationnel avéré) pour une valeur supérieure à 1,4 gramme/litre, sans nécessité de confirmation.

Diagnostic par hyperglycémie provoquée par voie orale

La seconde étape du test, après un premier test douteux, consiste en une hyperglycémie provoquée per os (HGPO) avec 100 grammes de glucose, puis de mesurer la glycémie toutes les heures de H0 à H3. Les seuils pathologiques sont de >0.92 g/l à H0, >1.8 g/l à H1, >1.53 à H2, >1.4 à H3.

  • Deux mesures de glycémie veineuse égale ou supérieure à ces seuils signent le diabète gestationnel.
  • Une mesure de glycémie veineuse égale ou supérieure à ces seuils signe l'intolérance au glucose.

Complications

Une augmentation modérée de la glycémie maternelle peut entraîner des complications fœto-maternelles. Ainsi, une glycémie à jeun située entre 0,95 et g/L induit déjà une multiplication par 4 à 6 du risque de macrosomie, une multiplication par 10 du risque d'hyperinsulinisme[17].

Complications fœtales, obstétricales et néonatales

  • Prématurité
  • Mort fœtale in-utéro (de cause mal comprise)
  • Macrosomie, avec risque de dystocie des épaules (accouchement par voie basse où les épaules du fœtus font obstacle à la fin de l'accouchement : risque de lésions du plexus brachial, de fracture de la clavicule, de paralysie des membres supérieurs, de mort néo-natale par asphyxie). Ce risque est de 5 % pour les femmes dont la glycémie se situe dans les niveaux les plus bas (moins de 0,75 g/L) mais de 27 % quand elle est supérieure à g/L (selon l'étude HAPO dévoilée au congrès de l'ADA en juin 2007)[18]
  • Hydramnios
  • Maladie des membranes hyalines (l'hyperinsulinisme fœtal ralentit la maturation pulmonaire et la synthèse de surfactant)
  • Cardiomyopathie hypertrophique touchant le septum inter-ventriculaire
  • Hypoglycémie néonatale
  • Ictère néonatal
  • Polyglobulie (par hypoxie chronique in utéro)
  • Hypocalcémie
  • Il n'y a pas de risque de malformations

Complications maternelles

  • Risque accru d'infection, en particulier urinaires (l'hyperglycémie favorise le développement des bactéries)
  • Risque accru d'hypertension artérielle gravidique
  • Hémorragie de la délivrance plus fréquente avec travail allongé.

Complications tardives

Chez la mère, il existe un risque de récidive de diabète gestationnel (jusqu'à 70 %[19]) et d'un développement d'un diabète de type 2[20]. Chez l'enfant, il existe un risque accru d'obésité et de diabète de type 2[21].

Traitement

Le traitement du diabète gestationnel permet de diminuer les complications péri-natales[22]. La proportion de nouveau-nés à poids important est en particulier plus faible[23].

Objectifs

Le traitement permet d'éviter la plupart des complications décrites ci-dessus par un contrôle glycémique rigoureux.

Les objectifs glycémiques sont une glycémie à jeun inférieure à 0,95 g/l, et une glycémie post-prandiale (une heure 1/2 après la fin du repas) inférieure à 1,20 g/l[24].

Moyens thérapeutiques

Le régime diététique est la mesure à entreprendre en premier[3], et qui est parfois suffisante lorsqu'il est bien conduit. Il consiste en un régime limité à 2 000 calories par jour divisé en 3 repas et 2 collations, avec contrôle des sucres lents. On conseille un exercice physique modéré et adapté à la grossesse (marche, natation, gymnastique douce, etc.), qui pourrait contribuer à diminuer le risque de survenue de diabète gestationnel[25] et, également, diminuer le risque d'un bébé trop gros à la naissance chez les mères diabétiques[26].

En cas d'échec, un traitement par metformine peut être proposé[27], éventuellement associé avec de l'insuline. Cette dernière peut être prescrite également seule (par 3 ou 4 injections quotidiennes) en cas d'échec du régime bien suivi.

Prévention

L'arrêt du tabac, l'exercice physique régulier et un effort diététique permettent de réduire substantiellement le risque de développer un diabète gestationnel[28].

Surveillance obstétricale

Le suivi de la patiente et de sa grossesse doit être rigoureux, avec surveillance des glycémies sur sang capillaire (auto-mesure avant et après chaque repas) consignées sur un carnet, dosage de l'HbA1c (hémoglobine glyquée témoignant de la chronicité de l'hyperglycémie - voir glycation).

  • Échographie toutes les deux à trois semaines
  • Évaluation du bien-être fœtal toutes les semaines
  • Dépistage de la macrosomie
  • Programmation de l'accouchement par déclenchement du travail (seulement dans les cas extrêmes)
  • Fond d'œil au début de la grossesse et au 5e mois

Un dépistage ultérieur de diabète devra être proposé (6 à 8 semaines après l'accouchement). L'allaitement maternel est conseillé tout particulièrement dans ce contexte[29].

Notes et références

  1. (en) « Diabetes Blue Circle Symbol », International Diabetes Federation,
  2. (en) « Diabetes Blue Circle Symbol », International Diabetes Federation,
  3. (en) Reece A, Leguizamón G, Wiznitzer A. « Gestational diabetes: the need for a common ground » Lancet 2009;73:1789-97.
  4. « OMS | Diabète », sur www.who.int, (consulté le 6 janvier 2015)
  5. (en) Marquette GP, Klein VR, Niebyl JR. « Efficacy of screening for gestational diabetes » Am J Perinatol. 1985;2:7-9
  6. (en) Blanco AT, Semilen SW, Davis Y, Lopez S, Lapinski R, Lockwood CJ. « Pregnancy outcome and weight gain recommendations for the morbidly obese women » Obstet Gynecol. 1998;91:97-102.
  7. (en) Ben-Haroush A, Yogev Y, Hod M. « Epidemiology of gestational diabetes mellitus and its association with Type 2 diabetes » Diabet Med. 2004;21:103-13.
  8. « Le diabète gestationnel, un danger pour la mère et l'enfant », sur sante.lefigaro.fr (consulté le 27 janvier 2016)
  9. (en) Chawla A, Amundsen AL, Hanssen KF, Iversen PO. « Gestational diabetes in women from South Asia » Tidsskr Nor Laegeforen 2006;126:1041-3.
  10. (en) Lain KY, Catalano PM. « Metabolic changes in pregnancy » Clin Obstet Gynecol. 2007;50:938-48.
  11. (en) Berger H, Crane J, Farine D. « Screening for gestational diabetes mellitus » J Obstet Gynecol Can. 2002;24:894-912.
  12. (en) Cousins L, Dattel BJ, Hollingsworth DR, Zettner A. « Glycosylated hemoglobin as a screening test for carbohydrate intolerance in pregnancy » Am J Obstet Gynecol. 1984;150:455-60.
  13. (en) « Classification and diagnosis of diabetes mellitus and other categories of glucose intolerance. National Diabetes Data Group », Diabetes, vol. 28, no 12, , p. 1039-57. (PMID 510803)
  14. (en) « WHO Expert Committee on Diabetes Mellitus: second report », World Health Organ Tech Rep Ser, no 646, , p. 1-80. (PMID 6771926)
  15. (en) Wendland EM, Torloni MR, Falavigna M, Trujillo J, Dode MA, Campos MA, Duncan BB, Schmidt MI, « Gestational diabetes and pregnancy outcomes--a systematic review of the World Health Organization (WHO) and the International Association of Diabetes in Pregnancy Study Groups (IADPSG) diagnostic criteria », BMC Pregnancy Childbirth, no 12, , p. 23. (PMID 22462760, PMCID PMC3352245, DOI 10.1186/1471-2393-12-23, lire en ligne [html])
  16. (en) Alberti KG, Zimmet PZ. « Definition, diagnosis and classification of diabetes mellitus and its complications. Part I: diagnosis and definition of diabetes mellitus provisional report of a WHO consultation » Diabet Med. 1998;15:539-53.
  17. (en) The HAPO Study Cooperative Research Group. « Hyperglycemia and adverse pregnancy outcomes » N Eng J Med. 2008;358:1991-2002.
  18. Dr Maia Bovard-Gouffrant. « Changement de seuil glycémique en vue » Le Généraliste, 14 septembre 2007)
  19. (en) Bottalico JN. « Recurrent gestational diabetes: risk factors, diagnosis, management, and implications » Semin Perinatol. 2007;31:176-84.
  20. (en) Vohr BR, Boney CM. « Gestational diabetes: the forerunner for the development of maternal and childhood obesity and metabolic syndrome? » J Matern Fetal Neonatal Med. 2008;21:149-57.
  21. (en) Yogev Y, Visser GH. « Obesity, gestational diabetes and pregnancy outcome » Semin Fetal Neonatal Med. 2009;14:77-84.
  22. (en) Crowther CA, Hiller JE, Moss JR, McPhee AJ, Jeffries WS, Robinson JS. « Effect of treatment of gestational diabetes mellitus on pregnancy outcomes » N Engl J Med. 2005;352:2477-86.
  23. (en) Landon MB, Spong CY, Thom E et al. « A multicenter, randomized trial of treatment for mild gestational diabetes » N Engl J Med. 2009;361:1339-48.
  24. (en) Metzger BE, Buchanan TA, Coustan DR et al. « Summary and recommendations of the Fifth International Workshop-Conference on Gestational Diabetes Mellitus » Diabetes Care 2007;30:S251-S260
  25. (en) Zhang C, Solomon CG, Manson JE, Hu FB. « A prospective study of pregravid physical activity and sedentary behaviors in relation to the risk for gestational diabetes mellitus » Arch Intern Med. 2006;166:543-8.
  26. (en) Snapp CA, Donaldson SK. « Gestational diabetes mellitus: physical exercise and health outcomes » Biol Res Nurs. 2008;10:145-55.
  27. (en) Rowan JA, Hague WM, Gao W et al. « Metformin versus insulin for the treatment of gestational diabetes » N Eng J Med. 2008;358:2003-15.
  28. Zhang C, Tobias D, Chavarro J et al. Adherence to healthy lifestyle and risk of gestational diabetes mellitus: prospective cohort study, BMJ, 2014;349:g5450
  29. (en) Gouveri E, Papanas N, Hatzitolios AI, Maltezos E. « Breastfeeding and diabetes » Curr Diabetes Rev. 2011;7(2):135-42.
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