Clostridium difficile

Clostridium difficile est une espèce de bactéries du genre Clostridium. Il s’agit de bacilles gram positifs, anaérobies stricts et sporulés.
Clostridium difficile est le principal agent étiologique de la diarrhée nosocomiale chez les patients sous antibiothérapie. La diffusion dans le monde depuis 2001 de souches émergentes plus pathogènes et antibiorésistantes[1] pourrait être liée à l'utilisation accrue d'un additif alimentaire (sucre : tréhalose dont la bactérie peut faire son unique source de carbone) [2].

Clostridioides difficile
Classification
Règne Bacteria
Division Firmicutes
Classe Clostridia
Ordre Clostridiales
Famille Clostridiaceae
Genre Clostridioides

Nom binominal

Clostridioides difficile
Lawson & Finegold, 2016

Historique

Clostridium difficile fut décrit en 1935 par Hall et O’Toole[3], qui lui attribuèrent ce nom de difficile en raison des grandes difficultés qu’ils éprouvèrent à l’isoler et de sa croissance très lente en milieu de culture.

La pseudo-colite ulcéro-membraneuse a été décrite vers 1974 pour la première fois. D’abord attribuée aux staphylocoques, la responsabilité du clostridium est établie à partir de 1978[4],[5].

Un article paru début 2018 dans la revue Nature montre comment l'ajout apparemment anodin de tréhalose comme additif alimentaire à divers aliments a favorisé la virulence épidémique de Clostridium difficile[6]. ces bactéries sont capables d'utiliser de faibles doses de tréhalose comme source unique de carbone pour leur métabolisme[2].

Épidémiologie

Son incidence a pratiquement triplé aux États-Unis en une décennie. Elle est estimée à 84 pour 100 000[7]. Sa sévérité tend également à s’accroître avec une mortalité qui augmente[7]. Il serait, en particulier, responsable de près de 30 000 décès en 2011 dans ce pays[8] et le coût annuel de sa prise en charge dépasserait 5 milliards de dollars[9].

L’endémie évolue parfois en poussées épidémiques, l’une des plus notables étant celle de 2003 au Canada avec un quadruplement des cas[10]. Elle s'est étendue en quelques années à l'Europe[11] et à une grande partie du monde où presque toutes ces souches hautement pathogènes (RT027 et RT078 notamment) viennent d'une même lignée de C. difficile [ribotype 027 (RT0272)] [12],[2].

Bactériologie

On retrouve des spores du Clostridium difficile dans le sol, dans les hôpitaux et dans les foyers pour personnes âgées. La forme active de la bactérie ne se retrouve qu’au niveau intestinal.

Au microscope, après coloration de Gram, ce sont des bacilles allongés avec une extrémité légèrement renflée. Le germe lui-même est gram positif. Sa culture est optimale dans un milieu à base d’agar-agar à 37 °C. Lorsque les conditions deviennent difficiles, la bactérie produit alors des spores pouvant survivre dans ces cas.

Clostridium difficile est un germe de la flore commensale digestive (c’est-à-dire, qu’il y est retrouvé de manière courante, sans que cela soit anormal). Ses formes émergentes sont multi-résistantes (se sont adaptées à la plupart des antibiotiques[13]) et en cas de perturbation de la flore digestive par l’administration de ces derniers, il peut alors se développer de façon importante.

Une nouvelle souche, appelée « BI », « NAP1 », ou « ribotype 027 », est apparue depuis 2003, causant des infections plus sévères (probablement en raison d’une production plus importante de toxines) et plus récidivantes[14],[15].

Physiopathologie

Clostridium difficile se développe dans une flore intestinale affaiblie par l’antibiothérapie et secrète deux toxines, A et B. La première, une entérotoxine, provoque l’altération de la perméabilité de l’épithélium intestinal ; la seconde, une cytotoxine, s’attaque directement aux cellules de l’épithélium. L’effet combiné des deux toxines est la diminution du temps de transit intestinal et de l’absorption intestinale, ce qui résulte en une diarrhée.

Mécanismes de transmission

La transmission se fait de manière oro-fécale. L’antibiothérapie[16], l’âge avancé du patient, l’immunodépression sont tous des facteurs précipitants de l’infection. La forme sporulée permet au germe de persister longtemps dans le milieu extérieur sur à peu près n’importe quelle surface. Une fois la spore ingérée, elle passe sans encombre l’estomac, résistant à l’acidité locale, et se transforme en bactérie active, se multipliant dans le côlon.

Importance en pathologie humaine

Il est le principal agent responsable de la diarrhée secondaire à l’administration d’antibiotiques (clindamycine et ampicillines dans les années 1970, essentiellement céphalosporines depuis), redoutable en raison de son potentiel de contagion très élevé. Bien qu’environ 5 % de la population soient porteurs asymptomatiques (c’est-à-dire sans symptôme apparent) de la bactérie, ses manifestations sont étroitement reliées à un séjour à l’hôpital. L’usage judicieux d’antibiotiques et le respect strict des mesures de prévention et d’hygiène (dont principalement l’hygiène des mains) demeurent les principaux moyens de lutte contre le germe.

Manifestations cliniques

La diarrhée (définie généralement comme l’excrétion d’au moins trois selles liquides en 24 heures) est la manifestation la plus commune de l’infection. Les selles sont habituellement très abondantes et présentent une odeur caractéristique. L’infection à Clostridium doit être d’autant plus suspectée si le patient a reçu une antibiothérapie à spectre large (céphalosporines ou clindamycine en particulier). La colite pseudo-membraneuse est la forme la plus sévère de la maladie qui est accompagnée d’une diarrhée très importante, de crampes abdominales, de fièvre et d’hyperleucocytose. Cette forme de la maladie peut évoluer vers un mégacôlon toxique, une urgence chirurgicale pouvant devenir fatale. En effet, en cas de perforation du côlon, une péritonite s’installe et nécessite une intervention chirurgicale urgente par laparotomie.

Méthodes diagnostiques

Le diagnostic repose sur l’impression clinique et la détection, par diverses méthodes, de toxines dans les selles du patient. De façon tout à fait exceptionnelle, on effectuera une coloscopie. Le scanner abdominal peut montrer un épaississement du côlon, avec parfois des nodules, une ascite.

La recherche du clostridium dans les selles est faite, les résultats sont donnés en moins de 24 heures, solution moins douloureuse que la coloscopie.

De plus, le patient peut être un porteur sain du germe (ne présentant pas de signe de la maladie) dans près de 10 à 30 % des cas hospitaliers[17].

Moyens de lutte contre ce micro-organisme

Prévention

Les spores sont résistantes à la majeure partie des désinfectants utilisés et survivent des mois sur les surfaces.

La lutte contre la diffusion de Clostridium difficile prévoit différentes mesures préventives dont une hygiène des mains renforcée, un entretien des locaux scrupuleux ainsi qu’isolement septique des patients infectés. En prévention de transmission nosocomiale manuportée de Clostridium difficile, différentes conférences de consensus recommandent le lavage des mains à l’aide d’un savon doux puis l’utilisation de la solution hydro-alcoolique en friction après contact avec le patient. L’eau de Javel diluée au 15e (0,5 % de chlore actif) est recommandée pour l’entretien des locaux et de l’environnement du patient[18].

Des vaccins sont en cours de test[19].

Traitement

Le traitement s’articule autour de trois axes principaux :

  1. si possible, arrêt de l’antibiothérapie ;
  2. administration orale de métronidazole (ou, dans certains cas, de vancomycine, de fidaxomicine (en)[20]) ;
  3. interdiction d’antipéristaltiques anti-diarrhéiques tels le lopéramide, pouvant aggraver paradoxalement l’infection.

Le taux de souches résistantes au métronidazole augmente et peut atteindre près de 25 % des cas[21].

Une réhydratation doit être faite, normalement avec un soluté de réhydratation orale, et si besoin par voie intraveineuse. La cholestyramine a été proposée, afin de fixer les toxines.

Dans les cas graves, une colectomie (intervention chirurgicale permettant l’ablation du gros intestin) peut s’avérer nécessaire, afin d’éviter une perforation du côlon qui peut être fatale. La résistance du Clostridium au métronidazole ou à la vancomycine reste pour l’instant rare.

L’évolution habituelle se fait vers la guérison en quelques jours mais des rechutes sont possibles, concernant un cinquième des cas[7], parfois de manière tardive. Ces rechutes sont d’autant plus fréquentes si l’infection concerne la souche B1 identifiée en 2003.

La bactériothérapie fécale consiste en l'infusion de selles normales (issues d'un patient sain) dans le côlon d'un patient porteur d'une infection à Clostridium difficile. Elle est testée avec succès depuis quelques années[22],[23]. Elle peut se faire par fibroscopie duodénale, ou plus simplement, par lavement[24]. Elle peut être faite par selles fraîches ou conservées congelées[25]. En 2013, au Canada, des chercheurs de l'université de Calgary œuvrant sous la conduite du Dr Thomas Louie, spécialiste des maladies infectieuses, ont réussi, à titre expérimental, à guérir complètement 27 patients par ingestions simplifiées per os préalablement encapsulées sous forme de pilules alors que les antibiotiques courants s'étaient préalablement révélés impuissants à soulager les pathologies incriminées[26].

Plusieurs anticorps monoclonaux ciblant les toxines du clostridium sont en cours de développement (dont le bezlotoxumab) avec des résultats prometteurs[27].

Traitement des porteurs sains

L’attitude vis-à-vis d’un porteur sain de Clostridium reste controversée. On sait qu’environ 4 % de la population humaine porte le Clostridium difficile parmi sa flore intestinale (et près de cinq fois plus chez le patient hospitalisé) ; il est donc difficile de savoir si un individu chez qui on détecte la bactérie a été contaminé à l’hôpital ou non. Le phénomène des porteurs sains fait également en sorte qu’il est possible pour certaines personnes de développer une colite à Clostridium difficile (lors d’une antibiothérapie) simplement à partir de leur flore intestinale, et donc malgré les meilleures mesures d’hygiène possibles.

Notes et références

  1. Shah, D., Dang, M. D., Hasbun, R., Koo, H. L., Jiang, Z. D., DuPont, H. L., & Garey, K. W. (2010) [ Clostridium difficile infection: update on emerging antibiotic treatment options and antibiotic resistance]. Expert review of anti-infective therapy, 8(5), 555-564.
  2. Ballard Jd (2018) Pathogens boosted by food additive ; Epidemic strains of the bacterium Clostridium difficile have now been found to grow on unusually low levels of the food additive trehalose, providing a possible explanation for C. difficile outbreaks since 2001 (Le tréhalose alimentaire accroît la virulence de l'épidémie de Clostridium difficile)| News and views | Nature| 03 Janvier 2018
  3. (en) Hall I, O’Toole E. « Intestinal flora in newborn infants with a description of a new pathogenic anaerobe, Bacillus difficilis » Am J Dis Child. 1935;49:390.
  4. (en) JG Bartlett, TW Chang, M Gurwith, SL Gorbach, AB Onderdonk. « Antibiotic-associated pseudomembranous colitis due to toxin-producing clostridia » N Eng J Med. 1978;298:531-4.
  5. (en) Larson HE, Price AB, Honour P, Borriello SP. « Clostridium difficile and the aetiology of pseudomembranous colitis » Lancet 1978;1(8073):1063-6. PMID 77366
  6. (en) J. Collins, C. Robinson, H. Danhof et C. W. Knetsch, « Dietary trehalose enhances virulence of epidemic Clostridium difficile », Nature, (DOI 10.1038/nature25178).
  7. (en) Kelly CP, LaMont JT. « Clostridium difficile — More difficult than ever » New Eng J Med. 2008;359:1932-40.
  8. Lessa FC, Mu Y, Bamberg WM et al. Burden of Clostridium difficile infection in the United States, N Engl J Med, 2015;372:825-834
  9. Desai K, Gupta SB, Dubberke ER, Prabhu VS, Browne C, Mast TC, Epidemiological and economic burden of Clostridium difficile in the United States: estimates from a modeling approach, BMC Infect Dis, 2016;16:303-303
  10. (en) Pépin J, Valiquette L, Alary ME. et al. « Clostridium difficile-associated diarrhea in a region of Quebec from 1991 to 2003: a changing pattern of disease severity » CMAJ 2004;171:466-72.
  11. Freeman, J., Vernon, J., Morris, K., Nicholson, S., Todhunter, S., Longshaw, C., & Wilcox, M. H. (2015). Pan-European longitudinal surveillance of antibiotic resistance among prevalent Clostridium difficile ribotypes. Clinical Microbiology and Infection, 21(3), 248-e9.
  12. He, M. et al. Emergence and global spread of epidemic healthcare-associated Clostridium difficile |Nature Genet. 45, 109–113 (2013). |résumé
  13. Spigaglia, P., Barbanti, F., Mastrantonio, P., European Study Group on Clostridium difficile (ESGCD), Ackermann, G., Balmelli, C., ... & Drudy, D. (2011). Multidrug resistance in European Clostridium difficile clinical isolates. Journal of Antimicrobial Chemotherapy, 66(10), 2227-2234.
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  17. (en) LV McFarland, ME Mulligan, RY Kwok, WE Stamm. « Nosocomial acquisition of Clostridium difficile infection » N Eng J Med. 1989;320:204-10.
  18. Drs C. Bellini et I. Federli. « Clostridium difficile : Aspects Cliniques et Mesures pratiques des isolements » CHUV, Suisse, 2008.
  19. Kotloff KL, Wasserman SS, Losonsky GA et al. Safety and immunogenicity of increasing doses of a Clostridium difficile toxoid vaccine administered to healthy adults, Infect Immun, 2001;69:988-995
  20. (en) Lancaster JW, Matthews SJ, « Fidaxomicin: the newest addition to the armamentarium against Clostridium difficile infections », Clin Ther, vol. 34, no 1, , p. 1-13 (PMID 22284993, DOI 10.1016/j.clinthera.2011.12.003)
  21. (en) Pepin J, Alary ME, Valiquette L. et al. « Increasing risk of relapse after treatment of Clostridium difficile colitis in Quebec, Canada » Clin Infect Dis. 2005;40:1591-7.
  22. (en) Martin H. Floch. « Fecal Bacteriotherapy, Fecal Transplant, and the Microbiome » Journal of Clinical Gastroenterology 2010;44(8):529-30. DOI:10.1097/MCG.0b013e3181e1d6e2
  23. (en) van Nood E, Vrieze A, Nieuwdorp M. et al. « Duodenal infusion of donor feces for recurrent clostridium difficile » N Engl J Med. 2013;368:407-15. PMID 23323867
  24. Lee CH, Belanger JE, Kassam Z et al. The outcome and long-term follow-up of 94 patients with recurrent and refractory Clostridium difficile infection using single to multiple fecal microbiota transplantation via retention enema, Eur J Clin Microbiol Infect Dis, 2014;33:1425-1428
  25. Lee CH, Steiner T, Petrof EO et al. Frozen vs fresh fecal microbiota transplantation and clinical resolution of diarrhea in patients with recurrent clostridium difficile Infection, a randomized clinical trial, JAMA, 2016;315:142-149
  26. (en) Marilynn Marchione, « Poop Pills Cure Serious C-Diff Gut Infections », Huffington Post, (lire en ligne)
  27. Wilcox MH, Gerding DN, Poxton IR et al. Bezlotoxumab for prevention of recurrent Clostridium difficile infection, N Engl J Med, 2017;376:305-317

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) « Fulminant Clostridium difficile: An Underappreciated and Increasing Cause of Death and Complications » Ann Surg. 2002; 235 (March):363-72
  • Kirkpatrick IDC, Greenberg HM:AJR 2001; 176 (March): 635-639[réf. insuffisante]
  • (en) Yamada, Tadataka, Textbood of Gastroenterology, fourth edition : 1870-1875

Liens externes

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