Carence en iode

L'iode est un oligo-élément essentiel à la vie humaine. On appelle le défaut d'absorption régulier et les troubles qu'il occasionne carence en iode. En 2007, près de deux milliards de personnes, dont un tiers d'âge scolaire, ont un déficit en iode[1], ce qui en fait un des problèmes majeurs de santé publique. L'une des façons de lutter contre cela est l'ajout d'iode dans le sel de consommation.

Besoins journaliers

On estime les besoins journaliers chez l'adulte d'environ 150 µg, davantage chez la femme enceinte (entre 200 et 290 µg). L'essentiel de l'iode est d'origine maritime. Le sel, y compris le sel marin, ne contient pas d'iode naturellement ou très peu (à l’état de traces). L’iodation (enrichissement en iode) du sel est donc recommandée par l'OMS, elle est règlementée en France depuis 1952[2].

La principale source naturelle de l'iode alimentaire dans les pays européens et aux États-Unis se trouve dans les poissons, fruits de mer et algues[3]. Du fait des précipitations, l'iode se retrouve de manière inégale dans les terres, et donc, dans les différentes plantes consommées[3].

L'iode est absorbé sous forme d'ions au niveau de l'estomac et du duodénum, les ions les mieux absorbés étant les ions iodures. Il est stocké principalement dans la thyroïde et excrété dans les urines.

L'iode sert exclusivement à fabriquer les hormones thyroïdiennes, dont la thyroxine et la triiodothyronine. Une carence en iode rend la fonction thyroïdienne plus vulnérable aux perturbateurs endocriniens[4].

Troubles

Les habitants de certaines régions du globe, en particulier les terres profondes éloignées des mers, les régions montagneuses, n'ont en général pas une alimentation suffisamment riche en iode.

Certains aliments, dits « goitrogènes », contrarient le métabolisme de l'iode et augmentent les risques de carence. Ainsi, les légumes de la famille des crucifères (choux divers, brocoli, radis, navets, rutabagas, etc) contiennent des thiocyanates, qui accélèrent l'excrétion de l'iode dans les urines[5].

L'absence d'iode provoque une turgescence de la thyroïde, qui se manifeste par un goitre. La carence en iode entraine un retard de croissance et divers troubles mentaux. Le risque est également chez le fœtus, notamment sur le développement cérébral.

Populations à risque

Populations montagnardes

Des régions montagnardes peuvent être pauvres en iode en raison du lessivage des sols par les anciens glaciers[6]. Les cas de difformité et de nanisme étaient donc fréquents parmi les populations paysannes alpines. Dans les Alpes, la population isolée des vallées était beaucoup plus souvent atteinte de désordres liés à la carence en iode. La première définition du « crétin goitreux » est donnée dans l'Encyclopédie (1754) de Diderot. L'expression « crétin des Alpes » est usuelle. Le crétinisme est une forme de débilité mentale et de dégénérescence physique en rapport avec une insuffisance thyroïdienne.

Chine

Article détaillé : Carence en iode en Chine.

Belgique

En Belgique, le Conseil supérieur de la santé a publié en 2014 un avis Stratégies visant à augmenter l’apport iodé en Belgique, évaluation et recommandations dans lequel on apprend que le statut iodé de la population belge est sous contrôle. Seules les femmes qui désirent un enfant ou qui sont enceintes devraient prendre un complément alimentaire iodé et/ou utiliser un sel de cuisine iodé à teneur modérée en iode (10 à 15 mg/kg)[7]. Les recommandations belges sont donc :

  • Continuer à informer de manière cohérente et non alarmiste (à l’initiative et sous le contrôle des Autorités de santé) les professionnels de la santé et le public sur le statut iodé actuel en Belgique.
  • Attention particulières des professionnels de la Santé aux femmes qui désirent ou qui portent un enfant afin de garantir, via une consommation d'aliments riches en iode, l'utilisation de sel de cuisine iodé et/ou des compléments alimentaires, un apport journalier complémentaire compris entre 150 et 200 ug d'iode.
  • Garantir l'accessibilité au sel iodé via une diminution de son prix (au même niveau que le sel classique) et un étiquetage correct de sa teneur modérée en iode (10 à 15 mg/kg).
  • éviter toute introduction non contrôlée d'iode (secteur agro-alimentaire, horeca, etc.) mais, renforcer les programmes existants d'enrichissement du pain en sel iodé.
  • Continuer le monitoring régulier du statut iodé au cours du temps.

Compléments nutritionnels en iode

Pour éviter les carences en iode, qui altèrent le système hormonal, mais aussi le développement de l'enfant[8],[9], il est souvent ajouté de l'iode au sel de cuisine (sel iodé) et parfois au lait (au Royaume-Uni notamment). Cet ajout provient de recherches faites aux États-Unis au début du XXe siècle sur les liens entre « goître endémique » et carences en iode. L'enrichissement en iode du sel de table a été recommandé et mis en œuvre aux États-Unis après la première guerre mondiale, durant les décennies 1920 et 1930[10].
En 1955, la carence en iode semblait avoir été éliminée aux États-Unis grâce à l'utilisation domestique du sel de table (Salt Institute, 2008, cité par l'EPA[11]).

Cependant ensuite, dans les années 1970  et pour des raisons mal comprises (une des explications pourrait être les régimes sans sel ou peut-être des polluants de l'eau perturbateurs de l'acquisition de l'iode par la thyroïde tels que les perchlorates)  une nouvelle tendance au manque d'iode a été observée via les enquêtes épidémiologiques NHANES. Ces dernières montrent que le taux d'américains des États-Unis touchés par cette carence (définie par l'OMS comme une teneur en iode urinaire inférieure à 100 μg/L) a augmenté de 1971-1974 à 1988-1994[12]. Ce recul semble s'être ensuite stabilisé de 1988 à 1994 selon l'enquête NHANES 2001-2002 (Hollowell et al. 1998 ; Caldwell et al. 2005 cités par l'EPA[11]) ; La teneur médiane (320 μg/L) était supérieures à 100 μg/L en 1971-1974 (NHANES I), pour passer à 145 μg/L en 1988-1994 (NHANES III) et à 168 μg/L dans l'enquête NHANES 2001-2002. Dans tous les cas, les femmes étaient à peu près deux fois plus nombreuses que les hommes à être touchées par ce déficit en iode.

Selon Hollowell et al. (1998) cités par l'EPA[11], aux États-Unis « seuls » 2,6 % de la population (1,6 % chez les hommes et 3,5 % chez les femmes) étaient en 1971-1974 carencés avec des teneurs urinaires en iode de moins de 50 μg/L d'iode, mais le nombre de personnes carencées a plus que quadruplé, passant à 11,7 % en 1988-1994 (8,1 % des hommes et 15,1 % chez les femmes). Lors de l'étude NHANES 2001-2002, la concentration urinaire médiane était de 167,8 pour la population totale, 11 % des personnes testées présentaient encore des concentrations inférieures à 50 UI µg/L (6,7 % chez les hommes et de 15,3 % chez les femmes) (Caldwell et al. 2005 cités par l'EPA[11]), ce qui montre une stabilisation, mais non une situation satisfaisante (plus de 15 % des femmes sous 50 μg/L et 36,6 % des femmes sous le seuil OMS des 100 μg/L, seuil OMS) (Caldwell et al. 2005 cités par l'EPA[11]).

Notes et références

  1. Iodine deficiency—way to go yet, Lancet, 2008; 372:88
  2. « Sel iodé | Comité des Salines de France (CSF) », sur www.salines.com (consulté le 12 novembre 2017)
  3. Zimmermann MB, Jooste PL, Pandav CS, Iodine-deficiency disorders, Lancet, 2008;372:1251-1262
  4. Barbara Demeneix, Le Cerveau endommagé : Comment la pollution altère notre intelligence et notre santé, Odile Jacob, , 411 p. (ISBN 978-2738133915)
  5. (en) Gaitan E., « Goitrogens in food and water », Annu Rev Nutr., no 10, , p. 21-39 (PMID 1696490, lire en ligne)
  6. (en) B.S Hetzel, Iodine and Iodine-Deficiency Disorders, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-40214-X), p. 797.
    dans The Cambridge World History of Food, vol. 1, K.F Kiple et K..C Ornelas (dir.).
  7. « Stratégies visant à augmenter l’apport iodé en Belgique, évaluation et recommandations », Avis du Conseil supérieur de la Santé no 8913, Conseil Supérieur de la Santé, (consulté le 13 juin 2014).
  8. (en) Bleichrodt N, Born MP. 1994 A metaanalysis of research on iodine and its relationship to cognitive development. In: Stanbury JB, ed. The damaged brain of iodine deficiency: cognitive, behavioral, neuromotor, and educative aspects. New York: Cognizant Communication Corp.; 195–200.
  9. (en) Glinoer D, DeMayer P, Delange F. et al. 1995 « A randomized trial for the treatment of mild iodine deficiency during pregnancy: maternal and neonatal effects » J Clin Endocrinol Metab. 80:258–269.
  10. (en) Marine D, Kimball OP. (1922) « The prevention of simple goiter » Am J Med Sci. 163:34–39.
  11. (en) EPA, Comment-response summary report ; Peer Review of Drinking Water Health Advisory for Perchlorate Contract No. EP-C-07-021 Work Assignment No. 1-06 Prepared for: U.S. Environmental Protection Agency Office of Water Office of Science and Technology Health and Ecological Criteria Division 301 Constitution Ave, N.W. Washington, D.C. 2004
  12. (en) Joseph G. Hollowell et al. « Iodine Nutrition in the United States. Trends and Public Health Implications: Iodine Excretion Data from National Health and Nutrition Examination Surveys I and III (1971–1974 and 1988–1994) » JCEM, oct. 1998; 83 (10): 3401 (résumé)

Voir aussi

Articles connexes

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