Baclofène

Le baclofène[3] est un myorelaxant qui agit au niveau de la moelle épinière comme agoniste du récepteur GABAB inhibant les réflexes mono- et polysynaptiques et donc favorisant la relaxation des muscles squelettiques.

Baclofène
Énantiomère R du baclofène (à gauche) et S-baclofène (à droite).
Identification
Nom UICPA acide (RS)-4-amino-3-(4-chlorophényl)-butanoïque
No CAS 1134-47-0 (racémique)
66514-99-6 (L) ou S(+)
69308-37-8 (D) ou R(–)
No ECHA 100.013.170
No EC 214-486-9
Code ATC M03BX01
DrugBank APRD00551
PubChem 2284
ChEBI 2972
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule brute C10H12ClNO2  [Isomères]
Masse molaire[1] 213,661 ± 0,012 g/mol
C 56,21 %, H 5,66 %, Cl 16,59 %, N 6,56 %, O 14,98 %,
Propriétés physiques
fusion 189 à 191 °C ou 206 à 208 °C (polymorphisme)[2]
Données pharmacocinétiques
Biodisponibilité bien absorbé
Liaison protéique 30 %
Métabolisme 85 % dans l'urine / selles inchangées. 15 % métabolisé par désamination
Demi-vie d’élim. 1 h 30 à 4 heures
Excrétion

Rénale (70-80 %)

Considérations thérapeutiques
Classe thérapeutique Myorelaxant
Voie d’administration Orale, Intrathécale

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.
Baclofène de marque russe, comprimés de 25 mg avec un avertissement : « Ce médicament peut supprimer des compétences psychomotrices ».

Outre son indication ancienne dans certains troubles musculaires, après dix années de controverses médicales en France, le baclofène a reçu, le , une recommandation temporaire d'utilisation par l'ANSM pour son utilisation dans la prise en charge de la dépendance à l'alcool.

C'est un dérivé aromatique halogéné de l'acide gamma-aminobutyrique (GABA).

Synthèse

Il existe deux voies de synthèse du baclofène. La première voie consiste en la condensation de 4-chlorobenzaldéhyde avec deux molécules d'acétoacétate d'éthyle, suivie d'une hydrolyse et une décarboxylation, qui permettent d'obtenir un acide glutarique substitué. Une déshydratation est produite lors de la cyclisation vers un anhydride, le produit est ensuite mis à réagir avec de l'ammoniac pour faire un glutarimide. La réaction avec une solution alcaline de brome fournit par un réarrangement de Hofmann le baclofène[4],[5] :

La seconde voie de synthèse commence à partir du 4-chlorocinnamoate d'éthyle. Celui-ci est mis à réagir avec du nitrométhane dans une nitro-addition de Michael en présence d'une base vers l'ester éthylique de l'acide β-(4-chlorphényl)-γ-nitrobutyrique. Une réduction avec de l'hydrogène en présence de nickel de Raney fournit l'ester éthylique de l'acide β-(4-chlorophényl)-γ-aminobutyrique qui, après hydrolyse de l'ester, conduit au baclofène[6] :

Indications

Le baclofène comme myorelaxant

En France, depuis 1975, le baclofène est autorisé dans le traitement des contractures spastiques (contractions musculaires involontaires) d'origine cérébrale ou survenant au cours d’affections neurologiques telles que la sclérose en plaques ou faisant suite à des lésions médullaires avec spasticité chronique sévère (étiologie infectieuse, dégénérative, traumatique, néoplasique), ou contractures secondaires, liées à une infirmité motrice d'origine cérébrale, par exemple un torticolis spasmodique.

Le baclofène a une certaine efficacité sur les hoquets résistants[7].

Le baclofène dans l'alcoolodépendance

L'indication du baclofène dans le traitement de certaines dépendances (notamment aux boissons alcoolisées) est en cours d'évaluation[8],[9] mais dans l'intervalle il bénéficie, depuis le , d'une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) par l'Agence nationale de sécurité du Médicament (ANSM) qui l'autorise en dernière intention dans le sevrage alcoolique. Il est ainsi remboursé à 30 % dans ce cadre[10].

L'utilisation du baclofène dans cette indication est le résultat d'une controverse médicale dont l'un des acteurs principaux est le médecin français Olivier Ameisen qui, étant lui-même sévèrement alcoolique, s'est administré de fortes doses de baclofène et fit l'expérience d'une suppression totale de la dépendance psychique (assuétude) à l'alcool. Il publia d'abord sa découverte comme un cas clinique dans une revue médicale avant d'en faire un ouvrage grand public afin de mobiliser l'opinion face à une communauté médicale qu'il trouvait réticente. De fait, le protocole d'Ameisen n'a fait l'objet d'essais cliniques que tardivement malgré de nombreux témoignages favorables de praticiens. Certains expliquent la réticence des autorités médicales par les intérêts économiques qui seraient menacés par ce traitement peu coûteux du baclofène à fortes doses[11].

Ce sont les patients eux-mêmes qui ont affiné le protocole à utiliser et qui ont insisté pour que les autorités et notamment l'ANSM reconnaisse l'efficacité du baclofène dans le traitement de l'alcoolodépendance.

Une demande d’AMM pour le baclofène dans l’alcoolo–dépendance est déposée en France par Ethypharm en mars 2017. Dans le cadre de cette demande, un comité d'experts de l'ANSM juge sa balance bénéfice-risque négativement[12].

Autres utilisations thérapeutiques en perspective

Le baclofène offre des voies possibles de traitement de l'hyperacousie. En effet, des études en laboratoire chez le rat ont montré qu'il agissait sur l'hyperactivité du collicus inférieur qui s'observe dans le cas de l'hyperacousie[13]. Il réduit aussi l'hyperacousie induite par une forte dose de salicylate chez le rat[14].

En France, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), met en garde en janvier 2015 contre une utilisation hors AMM du baclofène afin de traiter des troubles du comportement alimentaire ainsi que dans des régimes amaigrissants en raison des « effets indésirables potentiellement graves » qu'elle implique, sans que son efficacité ait été démontrée dans ces indications[15].

Des tests ont été faits sur l'utilisation du baclofène chez les personnes dépendantes aux benzodiazépines (médicaments de l'anxiété ou de l'insomnie), avec des résultats prometteurs[16].

Mécanisme d'action

Le baclofène agit en activant les récepteurs GABAB et, de fait, il partage certains de ses effets indésirables avec la drogue GHB qui agit par le même mécanisme. Toutefois, le baclofène n'a pas d'affinité significative pour le récepteur GHB-R ce qui pourrait expliquer l'absence de dépendance avec le baclofène.

Parallèlement, des recherches fondamentales sont en cours dans le domaine des neurosciences, par exemple en utilisant l'imagerie cérébrale pour rechercher des corrélats neuronaux des effets du baclofène sur la diminution du craving (envie irrépressible de consommer) chez les malades traités.

Dosages

Pilules de baclofène 20 mg, des États-Unis.

La dose indiquée dépend de la pathologie du patient, de son poids corporel, de la présence éventuelle d'autres troubles de santé et de la prise d'autres médicaments. L'action typique du médicament et la gestion de ses effets secondaires nécessite impérativement de procéder par augmentation progressive des doses.

Dans l'indication neurologique, le baclofène est utilisé à des doses de 30 à 75 mg/j pouvant être portées à 100−120 mg/j dans un cadre hospitalier.

La dose de départ est généralement de 3 × 5 mg pour les trois premiers jours. Puis de 3 × 10 mg les trois jours suivants. Et ainsi de suite par paliers de 10 mg jusqu'à obtention de la dose efficace. L'AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) du baclofène autorise jusqu'à 80 mg par jour. La prescription de doses supérieures est cependant courante. Des neurologues des universités Albert Einstein[17] et Columbia[18] ont réalisé des expérimentations sur plusieurs années utilisant le baclofène à doses élevées (jusqu'à 300 mg par jour) sur des patients atteints de spasticité.

Lorsque la dose produisant l'effet désiré est atteinte, l'organisme ne requiert pas un accroissement des doses pour obtenir le même effet. Et ceci même après de nombreuses années d'usage continu[19].

Dans le traitement de l'appétence pathologique pour l'alcool, la RTU indique que la posologie quotidienne devra être débutée à 15 mg par jour, puis augmentée progressivement de 5 à 10 mg tous les 2 ou 3 jours jusqu'à obtention de l'effet attendu (réduction voire abandon de la prise d'alcool). Pour toute posologie supérieure à 120 mg par jour, un deuxième avis d'un médecin expérimenté dans le traitement de l'addiction alcoolique doit être sollicité : psychiatre, addictologue… Pour toute posologie supérieure à 180 mg par jour, un avis devra être pris auprès d'un centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ou d'un service hospitalier spécialisé. La limite de la RTU fixe à 300 mg la dose maximale journalière[20]. Le baclofène n'est pas un traitement du sevrage en alcool qui relève des benzodiazépines à doses efficaces pendant une durée courte (quelques jours).

Une fois l'objectif atteint, la prise de baclofène sera réduite progressivement, jusqu'au seuil optimal d'efficacité (réduction de la consommation d'alcool ou abstinence avec le minimum de dosage).

En l'absence de réponse clinique chez le patient, le traitement sera progressivement abandonné.

Pharmacocinétique

Le baclofène est rapidement absorbé et largement distribué dans tout l'organisme[21]. La biotransformation est très limitée de sorte que l'essentiel (85 %) du principe actif est évacué sans transformation, essentiellement dans les urines.

Plus lipophile que le GABA grâce au groupe aromatique halogéné, le baclofène franchit, faiblement, la barrière hémato-méningée[22],[23].

La molécule passe dans le lait maternel.

La demi-vie est comprise entre 3 et 4 heures[21]. Le pic sérique est atteint entre 30 minutes et 1 h 30 min[24],[25]. Environ 30 % est liée aux protéines plasmatiques[21]. La dose est éliminée à 85 % sous forme intacte et 15 % est métabolisée, principalement par désamination[21].

Lors de la prise par voie orale d'une dose de 40 mg, la dose est excrétée à 80 % en 24 h[21], principalement par voie rénale et sous forme non métabolisée. Une faible proportion est éliminée par voie fécale[21].

Effets secondaires et toxicité

La plupart des effets secondaires observés le sont en début de traitement. Ils disparaissent généralement lorsque le dosage est stabilisé depuis plusieurs jours.

  • Fréquemment : sédation, somnolence, faiblesse et/ou douleurs musculaires, nausées.
  • Parfois : sécheresse de la bouche, baisse de tension artérielle, vertiges, problèmes respiratoires, diarrhée, maux de tête, insomnies, confusion mentale, spasmophilie.
  • Rarement : sentiment de bien-être ou  au contraire  état dépressif, manque d'équilibre, tremblements, troubles de la vue, hallucination et cauchemars.
  • Les troubles de la vigilance sont d'autant plus marqués et fréquents en cas d'insuffisance rénale, pouvant aller jusqu'au coma (cinq cas décrits, lors de l'utilisation par voie intrathécale exclusivement) et imposant une dialyse[26].

Un cas clinique rapportant une hypertriglycéridémie sévère chez un patient traité par baclofène associé au rispéridone a été publié en 2013[27].

La première intoxication, occasionnant coma et au moins 3 jours de réanimation, a été décrite aux États-Unis en 1976[28]. À l'époque, la patiente aurait ingéré entre 900 et 970 mg de Lioresal prescrit dans son cas pour soulager sa maladie de Huntington[28].

En France, face à l'engouement du public mais à l'absence d'autorisation de mise sur le marché (AMM) dans l'indication d'aide au sevrage alcoolique, la direction de l'Évaluation des Médicaments et des Produits Biologiques de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) se tourne vers le comité de coordination de toxicovigilance de l'institut de veille sanitaire (InVS) en lui demandant, à partir du mois de décembre 2008, de produire la synthèse des données recueillies par les centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV)[29].

Dans son livre L'angoisse de la page folle (2016), l'écrivaine Alix de Saint-André décrit la psychose dont elle a été la victime suite à la prise répétée de dose excessive[réf. nécessaire] de baclofène[30].

Voies d'administration

  • Par voie orale (comprimés).
  • Par injection intrathécale : directement dans le liquide céphalo-rachidien, à l'aide d'une pompe implantée sous la peau afin d'augmenter le taux de principe actif atteignant effectivement les sites d'action du médicament qui se situent au niveau de la corne dorsale de la moelle épinière. Dans ce mode d'administration, une première dose d'essai du médicament est injectée par voie épidurale pour en évaluer l'effet. Ensuite, l'administration à long terme du médicament se fait au moyen de la pompe et d'un cathéter sous-cutané, la dose administrée étant ajustée à l'aide d'un programmateur externe par le médecin en fonction des besoins du patient. La Commission d'Évaluation des Produits et Prestations, dépendante de la Haute Autorité de Santé, a attribué une amélioration du service médical rendu de niveau II (important) à ce système d'administration, en l’absence d’alternative thérapeutique dans le traitement des spasticités sévères après échec de l'administration orale de baclofène, ou lorsque les doses efficaces provoquent des effets secondaires sur le système nerveux central. Cette technique est particulièrement utilisée chez les patients blessés médullaires ou atteints de sclérose en plaques ayant des spasmes douloureux qui ne peuvent être soignés par le baclofène en comprimés ou chez les patients atteints d'une diplégie spastique qui est une forme d'infirmité motrice cérébrale dans laquelle la gestion des spasmes est facilitée par une administration régulière du médicament au travers d'un système de pompe à médicament implantable (SPMI). Du fait de leur placement sous la peau, les pompes à baclofène peuvent provoquer des infections. Du fait des risques associés au syndrome de sevrage, une surveillance accrue doit être assurée dans l'administration par voie intrathécale.

Cette méthode d'administration par injection intrathécale se montre particulièrement efficace contre la spasticité. Introduite en milieu clinique en Europe et aux États-Unis dans les années 1990 et au Japon depuis 2005, elle offre une réversibilité et un ajustement simple[31].

Syndrome de sevrage

Il est dangereux d'interrompre subitement un traitement au baclofène. Les cas les plus sévères consistent dans des états confuso-oniriques[32]. Les symptômes de sevrage comportent : hallucinations auditives, tactiles ou visuelles, confusion, agitation, désorientation, fluctuation du niveau de conscience, insomnie, troubles mnésiques, anxiété, hypertonie, hyperthermie, troubles de l'humeur, tachycardie, crise d'épilepsie, tremblements. Aucun cas de décès n'a été rapporté par sevrage au baclofène par voie orale. La diminution progressive des doses se fera sous la supervision d'un médecin. De même, il ne faut pas modifier le dosage en cours de traitement sans avis médical. Les risques associés au sevrage sont accrus dans le cas de l'administration intrathécale[33].

Historique

Développement du baclofène comme myorelaxant

Initialement, le baclofène a été élaboré en vue de traiter l'épilepsie. Il fut d'abord synthétisé au sein de Ciba-Geigy par le chimiste suisse Heinrich Keberle en 1962[34]. En dépit d'une faible efficacité dans l'épilepsie, le baclofène s'avéra intéressant chez certains patients souffrant de spasticité. D'abord administré par voie orale, avec des effets variables, le protocole d'administration par voie intrathécale (i.e. directement au niveau de la moelle épinière) a été développé pour contourner les difficultés liées à l'administration de fortes doses qui entraînaient trop d'effets indésirables par la voie orale.

En 2001, un article fait état de l'efficacité du baclofène dans le traitement du reflux gastrique[35].

Expérimentations dans l'appétence pathologique pour l'alcool

Dans le cadre du traitement de l'appétence pour l'alcool, le baclofène a été testé dès le début des années 1990[36]. Il a ensuite de nouveau été testé à la fin des années 1990[37] à de petites doses avec, comme résultat prometteur, une réduction de l'envie de boire[38],[39]. Ces résultats n'ont, cependant, pas été retrouvés par une autre équipe de chercheurs[40].

En 2003, différentes expérimentations semblent donner des résultats encourageants dans le traitement de la dépendance à la cocaïne[41].

En 2004, Olivier Ameisen, médecin cardiologue et souffrant d'alcoolisme sévère, teste sur lui-même de fortes doses de baclofène. En effet, les traitements proposés depuis 1992 sont basés sur l'idée que réduire l'assuétude (le craving, en anglais) par des médicaments pourrait réduire le risque de rechute. Mais malgré l'utilisation des médicaments « anticraving » pendant deux décennies (naltrexone, acamprosate, baclofène à faible dose (30 à 60 mg/j)), la mortalité et la morbidité des addictions à l'alcool, la cocaïne, etc., sont restées les mêmes malgré l'utilisation chez des millions de patients dépendants. Ameisen émet alors l'hypothèse que les effets dose-dépendants du baclofène (qui à hautes doses supprime la motivation à consommer de l'alcool chez le rat alcoolo-dépendant) pourraient être transposés à l'homme.

Après s'être auto-administré du baclofène à hautes doses, il aboutit à une suppression complète de la maladie alcoolique et propose un nouveau modèle thérapeutique : la suppression de l'assuétude à l'alcool, par opposition à la simple réduction[42],[43]. Il publie alors sa propre expérience et sa découverte dans une revue médicale en 2004[44] et appelle à la mise en place d'essais cliniques utilisant les fortes doses de baclofène qu'il avait lui-même appliquées[42]. Mais puisqu'aucun ne se prépare, il publie en un livre à destination du grand public, Le dernier verre[45], qui a fait réagir la Société Française d'Alcoologie[46] laquelle reste très critique sur l'utilisation du baclofène à doses importantes sans essais complémentaires. Le livre est publié peu après aux États-Unis et en Grande-Bretagne, sous le titre « The End Of My Addiction », soulevant une controverse initiale identique[47].

En juillet 2009, la presse[48] fait état d'expériences non publiées par de nombreux médecins (généralistes ou hospitaliers), sur des dizaines de patients avec des résultats très encourageants. L'article parle également de nombreux témoignages individuels sous forme de forum internet. Les malades ayant suivi le protocole décrit dans le livre du docteur Ameisen décrivent, dans leurs témoignages, une notion inédite en alcoologie, celle « d'indifférence à l'alcool ». Ils se disent capables de consommer occasionnellement un verre d'alcool sans retomber dans une consommation compulsive. Au-delà de la quantité d'alcool consommée c'est la sensation de dépendance à l'alcool qui semble être éradiquée par le médicament.

Par ailleurs, les témoignages révèlent également que la plupart des malades alcooliques qui ont fait des cures standard ont acquis l'habitude de consommer des benzodiazépines et notamment du diazépam (Valium) qui entraîne un risque de dépendance certain s'il est utilisé en continu. L'usage chronique de benzodiazépines (tranquillisants, somnifères) est une pratique connue pour entraîner des effets secondaires sérieux[49],[50]. Les malades alcooliques abstinents se voient très souvent prescrire des benzodiazépines de façon chronique, médicaments agissant aussi sur le GABA. Le médecin prescripteur de ces médicaments utilise peu ou prou une stratégie de substitution chronique non-validée. Il est à noter que l'utilisation de baclofène à haute dose n'est elle-même pas dénuée d'effets secondaires plus ou moins importants selon les individus et la consommation, ou non, d'alcool pendant la durée du traitement. La prescription de benzodiazépines au long cours, tout comme la prescription de baclofène dans l'indication « traitement de la maladie alcoolique », sont désormais strictement protocolées[réf. souhaitée].

Aucun décès n'a été imputé à l'administration de baclofène en trente années de pratique en neurologie (y compris à haute dose) ; certains médecins prescrivent du baclofène à des malades sévères.

En Allemagne, à la suite d'un cours du professeur Ameisen suivi d'un débat ouvert au public et à la presse (), le professeur Andreas Heinz, chef du service de psychiatrie et d'addictologie de l'hôpital Charité à Berlin (université Humboldt) a officiellement annoncé qu'il mettrait au plus tôt en place un essai clinique randomisé[9] du baclofène, cette fois à doses adéquates (hautes doses).

Aux yeux de certains spécialistes de l'addictologie, les résultats obtenus restent insuffisants ou trop peu fiables pour pouvoir unanimement recommander l'usage d'emblée du baclofène dans le traitement de l'alcoolo-dépendance, sans études supplémentaires. En effet, les rares études ne concernent à ce jour que des cas isolés, par l'auteur ainsi que par d'autres aux États-Unis et en Europe, qui ont publié dans des revues médicales de référence des résultats identiques après avoir utilisé son modèle thérapeutique par baclofène à hautes doses[51],[52].

En février 2010, une étude[53] ouverte (sans groupe placebo) menée sur des patients alcoolo-dépendants ayant reçu le traitement en ambulatoire est publiée. À trois mois, 88 % des patients ont totalement arrêté ou significativement diminué leur prise d'alcool et la plupart d'entre eux sont devenus indifférents à l'alcool sans effort. Les doses de baclofène nécessaires ont été très variables d'un patient à l'autre, allant de 15 à 300 mg/jour, avec une moyenne de 145 mg/jour. Environ deux tiers des patients ont eu besoin d'une dose supérieure à celle autorisée de 80 mg/j. Les auteurs précisent que rien ne permettait de prévoir la dose nécessaire avant le traitement, cette dose n'ayant apparemment pas de lien avec la corpulence des patients, ni avec le sexe, même si des analyses précises n'ont pas été faites.

En mars 2013, le docteur Renaud de Beaurepaire, psychiatre de l'établissement public de santé Paul-Guiraud à Villejuif, publie un ouvrage grand public intitulé Vérités et mensonges sur le baclofène - la guérison de l'alcoolisme[11]. Dans une émission radiophonique, sur Radio France internationale, Priorité santé de Claire Hédon, il argumente en faveur du traitement, à des doses inhabituelles. Il met en cause les structures traditionnelles prenant en charge l'alcoolisme, qui résisteraient contre un traitement pharmacologique efficace en raison de leur inertie ou de leurs intérêts socio-économiques et commerciaux[54].

En juin 2017, une étude conduite par l'Assurance maladie (Cnamts) en collaboration avec l'ANSM et l'Inserm sur la période entre 2009 et 2015., montre une corrélation : "L’étude a montré un profil de sécurité préoccupant du Baclofène utilisé en dehors de l’AMM neurologique, surtout à fortes doses, avec davantage d’hospitalisations et de décès, par rapport aux traitements autorisés des problèmes d’alcool dans une population de moins de 70 ans et sans comorbidités importantes."[55] entraînant un changement de la RTU (Recommandation Temporaire d'Utilisation) à des doses inférieurs à 80 mg/jour.[56]

Notes et références

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. The Merck Index, An Encyclopaedia of Chemicals, Drugs and Biologicals, 14e éd., 2006, p. 159. (ISBN 0-911910-00-X).
  3. À l'origine commercialisé sous le nom de Liorésal
  4. H. Keberle, J. W. Faigle, M. Wilhelm, GAMMA-AMINO-BETA-(PARA-HALOPHENYL)-BUTYRIC ACIDS AND THEIR ESTERS, (en) Brevet U.S. 3471548.
  5. H. Keberle, J. W. Faigle, M. Wilhelm, (en) Brevet U.S. 3634428.
  6. F. Uchimaru, M. Sato, E. Kasasayama, M. Shiamuzu, H. Takashi, JP patent : 45016692.
  7. Guelaud C, Similowski T, Bizec JL, Cabane J, Whitelaw WA, Derenne JP, Baclofen therapy for chronic hiccup, Eur Respir J, 1995;8:235-7.
  8. Répartition géographique mondiale des essais cliniques évaluant le baclofène, établie par le site américain ClinicalTrials.gov du NIH.
  9. Fiche descriptive de l'essai clinique randomisé en double aveugle BACLAD (Baclofen for the Treatment of Alcohol Dependence, recrutement en cours), établie sur le site ClinicalTrials.gov du NIH. Site consulté le 26 janvier 2012.
  10. Camille Gaubert, « Baclofène et alcoolisme : un comité d'expert juge son efficacité insuffisante », sur Sciences et Avenir, .
  11. « Vérités et mensonge sur le baclofène -la guérison de l'alcoolisme », Éditions Albin-Michel (Paris) 27 mars 2013.
  12. « Baclofène dans l’alcoolo-dépendance : Publication de l’avis du CSST sur le rapport bénéfice/risque - Point d'information », sur ansm, .
  13. (en) Szczepaniak WS, Møller AR, « Effects of (-)-baclofen, clonazepam, and diazepam on tone exposure-induced hyperexcitability of the inferior colliculus in the rat: possible therapeutic implications for pharmacological management of tinnitus and hyperacusis », Hear Res, vol. 97, nos 1-2, , p. 46-53. (PMID 8844185).
  14. (en) Lu J, Lobarinas E, Deng A, Goodey R, Stolzberg D, Salvi RJ, Sun W, « GABAergic neural activity involved in salicylate-induced auditory cortex gain enhancement », Neuroscience, no 189, , p. 187-98. (PMID 21664433, PMCID PMC3153886, DOI 10.1016/j.neuroscience.2011.04.073).
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  20. « Une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) est accordée pour le baclofène - Point d'information », sur ansm.sante.fr.
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  24. http://www.vidal.fr/Medicament/lioresal-10148-pharmacocinetique.htm.
  25. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24033763.
  26. (en) Su W, Yegappan C, Carlisle EJF, Clase CM. « Reduced level of consciousness from baclofen in people with low kidney function » BMJ 2009;339:b4559.
  27. (en) Clarisse H, Imbert B, Belzeaux R, Jaquet I, Lancon C, Simon N, « Baclofen and risperidone association increases dramatically triglycerides level », Alcohol Alcohol, vol. 48, no 4, , p. 515-6. (PMID 23620129, DOI 10.1093/alcalc/agt033, lire en ligne [html]).
  28. (en) George W. Paulson, « Overdose of Lioresal », Neurology, vol. 26, no 11, , p. 1105 (lire en ligne).
  29. Groupe de travail « Médicament », Comité de coordination de toxicovigilance, « Cas d'exposition au baclofène : données des centres antipoison et de toxicovigilance, 2003-2007. Rapport fait à la demande de l'Afssaps », France, août 2009, 29 pages.
    En résumé ce rapport, excluant les administrations intrathécales, présente 291 cas d'exposition au baclofène, âgés de 2 à 94 ans, de sexe féminin comme masculin (44,5 %). Les doses supposées ingérées (DSI) varient de 10 à 1 200 mg. Dans des circonstances d'accident de la vie courante (AVM), d'effet indésirable médicamenteux (EIM), d'erreur thérapeutique (ET) ou de tentative de suicide (TS), déclarées à un centre antipoison hexagonal, 40 % des sujets exposés présentent des symptômes : troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée), délire, hallucinations, convulsions, voire coma et autres symptômes graves (respiratoires et/ou cardio-circulatoires) ayant nécessité une hospitalisation en réanimation dans 12 % des cas. Ce rapport compte 1 décès. (page consultée le 26 janvier 2012).
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Voir aussi

Bibliographie

  • Olivier Ameisen, Le dernier verre, Paris, Denoël, coll. « Impacts », (réimpr. 2012, 2014), 288 p. (ISBN 978-2-207-25996-2, OCLC 494582752)

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