Anévrisme de l'aorte abdominale

L'anévrisme de l'aorte abdominale consiste en une dilatation localisée avec perte du parallélisme des parois de l'aorte dans sa portion abdominale. La localisation la plus fréquente se situe en dessous des artères rénales, c'est-à-dire dans la dernière portion de l'aorte.

Anévrisme de l'aorte abdominale
A. Aorte normale B. Anévrisme aortique thoracique (situé derrière le cœur)
C. Anévrisme aortique abdominal, situé sous les artères rénales
Spécialité Chirurgie vasculaire
CIM-10 I71.3, I71.4
CIM-9 441.3, 441.4
OMIM 100070
DiseasesDB 792
MedlinePlus 000162
eMedicine 756735 et 416266
eMedicine med/3443  emerg/27 radio/1
MeSH D017544

Mise en garde médicale

On parle d'anévrisme lorsque le diamètre transversal maximal du vaisseau est supérieur à 1,5 fois la normale ; en deçà, on parle d'ectasie.

Son diamètre peut parfois atteindre 13 cm, la normale étant de 1,5 cm à 2,5 cm après 65 ans, variable en fonction du sexe et de la morphologie de la personne.

Le risque principal en est la rupture. Il dépend de la taille et de la vitesse de croissance (qui est dépendante elle-même de la taille).

Épidémiologie

Les anévrismes de l'aorte abdominale sont rares avant l'âge de 60 ans. Entre 65 et 80 ans la prévalence est de 5 à 10 % chez l'homme[1]. Elle est beaucoup plus faible chez la femme[2]. L'incidence semble avoir beaucoup augmenté dans la seconde partie du XXe siècle, peut-être en partie en rapport avec un meilleur dépistage[3] et une augmentation des facteurs de risque cardio-vasculaire : tabac, hypertension artérielle, etc. Elle tend à décroître depuis[4].

Ils sont plus fréquents en cas d'hypertension artérielle[5] ou de tabagisme[6]. Il pourrait exister une susceptibilité génétique[6] : des mutations sur les gènes DAB2IP[7] et DAB2IP[8] sont associées avec une fréquence plus grande d'anévrisme abdominal. Au contraire, des mutations inhibitrices sur le gène IL-6R (codant le récepteur de l'interleukine 6 seraient protectrices[9].

Ils sont plus rares chez les asiatiques[10] et les diabétiques[11] (probablement secondaire à la médiacalcose chez ces patients).

Évolution

Tous les anévrismes de l'aorte augmentent inexorablement de taille au cours du temps et le risque de rupture devient important dès que le diamètre de l'aorte dépasse 50 millimètres (< 3 % pour les anévrismes de moins de 4 cm, 10 % pour les anévrismes de 5,5 à 6,9 cm, 30 % pour les anévrismes plus importants), taille à partir de laquelle une opération doit être sérieusement envisagée, ou si l'anévrisme occasionne des douleurs. En cas de rupture, la mortalité opératoire atteint 50 % des cas[12].La croissance d'un anévrisme engendre en son sein une diminution de la vitesse du flux sanguin ainsi qu'une augmentation de la pression artérielle, le débit sanguin restant lui constant. Plus l'anévrisme grossit, plus il est donc enclin à grossir. La vitesse de croissance augmente avec la taille de l'anévrisme[13], imposant des surveillances plus rapprochées lorsque le diamètre est proche de 50 mm.

Diagnostic

Les symptômes précurseurs de la rupture ne sont pas spécifiques et sont très inconstants : douleurs ou pesanteurs abdominales, dorso-lombaires, sacrées, ischémie aux membres inférieurs (par embolisation du thrombus du sac anévrismal), compression urétérale. Parfois le diagnostic est suspecté devant une masse pulsatile abdominale mais ce signe est peu sensible, surtout en cas d'obésité[14]. La plupart du temps un anévrisme de l'aorte est asymptomatique et de découverte fortuite.

Le dépistage, le diagnostic et la surveillance reposent la plupart du temps sur l'échographie abdominale dont la sensibilité et la spécificité sont excellentes dans cette indication[15], parfois le scanner ou l'IRM. La plupart du temps, un scanner avec injection de produit de contraste iodé est réalisé afin de bien définir les limites proximale et distale de l'anévrisme et préparer l'intervention grâce à différentes mesures.

Le dépistage ciblé est une option raisonnable chez les personnes à risque. Ainsi, en Grande-Bretagne, une échographie abdominale est recommandée chez tout homme de plus de 65 ans[16]. L'intérêt médical reste toutefois discuté[17].

Traitement

L'indication d'un traitement chirurgical repose sur la taille de l'anévrisme ainsi que sur la vitesse de croissance. Ainsi, le traitement chirurgical d'un anévrisme de taille modérée (diamètre compris entre 4 et 5,5 cm) n'a pas démontré de supériorité par rapport à une surveillance simple[18].

La prise en charge de l'anévrisme de l'aorte abdominale a fait l'objet de recommandations, dont celles de la Société européenne de chirurgie vasculaire ont été publiées en 2011[19] et celles de l'European Society of Cardiology de 2014[20].

Traitement médical

Il est logique d'inciter à l'arrêt du tabagisme. Les médicaments de type statine pourraient diminuer la vitesse de croissance de l'anévrisme[21].

À la découverte d'un anévrisme à un endroit, il est recommandé de rechercher des anévrismes ailleurs où ils peuvent être statistiquement associés, ex. : anévrismes poplités, hypogastriques, fémoraux.

Le rôle des médicaments antihypertenseurs n'est pas clair : les inhibiteurs de l'enzyme de conversion diminuerait le risque de rupture[22] mais pas les bêta-bloquants[16].

S'agissant d'une maladie vasculaire, la prise d'aspirine à petites doses, comme antiagrégant plaquettaire, est recommandée à titre systématique[19].

Traitement chirurgical ou par endoprothèse

Le traitement est essentiellement préventif par chirurgie vasculaire : l'anévrisme est ouvert après clampage de l'artère, puis implantation d'une prothèse synthétique dans la lumière aortique avant de refermer l'anévrisme sur la prothèse. La mortalité à un mois de la chirurgie conventionnelle est de 3 à 6 %. Les complications de cette chirurgie sont : infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux, colites ischémiques, éjaculation rétrograde, insuffisance rénale, infections.

Depuis le début des années 1990, un traitement moins invasif par techniques endovasculaires peut parfois être proposé avec la mise en place d'une endoprothèse, à partir d'un abord chirurgical de l'artère fémorale. Les complications de la chirurgie endovasculaire sont cinq fois plus fréquentes que celles de la chirurgie conventionnelle. Cependant la mortalité péri-opératoire des endoprothèses reste quatre fois inférieure à la chirurgie « classique ». Les réinterventions sont trois fois plus fréquentes que lors d'une chirurgie conventionnelle. Il s'agit dans l'immense majorité des cas d'interventions endovasculaires réalisées par voie percutanée sous anesthésie locale. À long terme, la mortalité respective des deux techniques (conventionnelle et endovasculaire) est équivalente mais le coût chirurgical global de cette dernière est supérieur, avec des réinterventions nécessaires en plus grand nombre[23] et une surveillance par scanner ou échographie plus fréquente. La voie endovasculaire est devenue la technique prédominante actuelle aux États-Unis[24].

Traitement de la rupture

Il s'agit d'une urgence vitale. Deux techniques sont disponibles : l'ouverture abdominale avec réparation chirurgicale de l'anévrisme ou la réalisation d'une imagerie vasculaire en urgence (angioscanner) et la mise en place, quand cela est possible, d'une endoprothèse. La mortalité de ces deux options semble équivalente[25].

Notes et références

    1. (en) Vardulaki KA, Prevost TC, Walker NM et al. « Incidence among men of asymptomatic abdominal aortic aneurysms: estimates from 500 screen detected cases » J Med Screen. 1999;6:50-4
    2. (en) Scott RA, Wilson NM, Ashton HA, Kay DN, « Influence of screening on the incidence of ruptured abdominal aortic aneurysm: 5-year results of a randomized controlled study », Br J Surg. 1995;82:1066-70.
    3. (en) Melton LJ, Bickerstaff LK, Hollier LH et al. « Changing incidence of abdominal aortic aneurysms: a population-based study », Am J Epidemiol. 1984;120:379–86.
    4. (en) Svensjö S, Björck M, Gürtelschmid M, Gidlund KD, Hellberg A, Wanhainen A, « Low prevalence of abdominal aortic aneurysm among 65-year old Swedish men indicates a change in the epidemiology of the disease » Circulation 2011;124:1118–1123
    5. (en) Vardulaki KA, Walker NM, Day NE, Duffy SW, Ashton HA, Scott RA, « Quantifying the risks of hypertension, age, sex and smoking in patients with abdominal aortic aneurysm » Br J Surg. 2000;87:195-200
    6. (en) Nordon IM, Hinchliffe RJ, Loftus IM, Thompson MM, « Pathophysiology and epidemiology of abdominal aortic aneurysms » Nat Rev Cardiol. 2011;8:92-102
    7. (en) Gretarsdottir S, Baas AF, Thorleifsson G et al. « Genome-wide association study identifies a sequence variant within the DAB2IP gene conferring susceptibility to abdominal aortic aneurysm », Nat Genet. 2010;42:692-697
    8. (en) Bown MJ, Jones GT, Harrison SC et al. « Abdominal aortic aneurysm is associated with a variant in low-density lipoprotein receptor-related protein 1 » Am J Hum Genet. 2011;89:619-627
    9. (en) Harrison SC, Smith AJ, Jones GR et al. « Interleukin-6 receptor pathways in abdominal aortic aneurysm » Eur Heart J. 2013;34:3707-3716
    10. (en) Salem MK, Rayt HS, Hussey G, Rafelt S, Nelson CP, Sayers RD et al. « Should Asian men be included in abdominal aortic aneurysm screening programmes? » Eur J Vasc Endovasc Surg. 2009;38:748-9
    11. (en) Shantikumar S, Ajjan R, Porter KE, Scott DJ « Diabetes and the abdominal aortic aneurysm » Eur J Vasc Endovasc Surg. 2010;39:200-7
    12. (en) Bown MJ, Sutton AJ, Bell PR, Sayers RD, « A meta-analysis of 50 years of ruptured abdominal aortic aneurysm repair » Br J Surg. 2002;89:714-30
    13. (en) The Rescan Collaborators « Surveillance intervals for small abdominal aortic aneurysms, a meta-analysis » JAMA. 2013;309:806-813
    14. (en) Lederle FA, Walker JM, Reinke DB, « Selective screening for abdominal aortic aneurysms with physical examination and ultrasound » Arch Intern Med. 1988;148:1753-6
    15. (en) Wilmink AB, Forshaw M, Quick CR, Hubbard CS, Day NE, « Accuracy of serial screening for abdominal aortic aneurysms by ultrasound » J Med Screen. 2002;9:125-7
    16. (en) Metcalfe D, Holt PJ, Thompson MM, « The management of abdominal aortic aneurysms » BMJ 2011;342: DOI:10.1136/bmj.d1384
    17. Johansson M, Per Zahl PH, Siersma V, Jørgensen KJ, Marklund B, Brodersen J, Benefits and harms of screening men for abdominal aortic aneurysm in Sweden: a registry-based cohort study, Lancet, 2018;391:2441–2447
    18. (en) Ballard DJ, Filardo G, Fowkes G, Powell JT, « Surgery for small asymptomatic abdominal aortic aneurysms » Cochrane Database Syst Rev. 2008;4:CD001835
    19. (en) Moll FL, Powell JT, Fraedrich G et al. « Management of abdominal aortic aneurysms clinical practice guidelines of the European Society for Vascular Surgery », Eur J Vasc Endovasc Surg. 2011;41(suppl 1):S1-58.
    20. (en) Erbel R, Aboyans V, Boileau C et al. « 2014 ESC Guidelines on the diagnosis and treatment of aortic diseases : Document covering acute and chronic aortic diseases of the thoracic and abdominal aorta of the adultThe Task Force for the Diagnosis and Treatment of Aortic Diseases of the European Society of Cardiology (ESC) » Eur Heart J. 2014;35:2873-2926
    21. (en) Guessous I, Periard D, Lorenzetti D, Cornuz J, Ghali WA, « The efficacy of pharmacotherapy for decreasing the expansion rate of abdominal aortic aneurysms: a systematic review and meta-analysis », PLoS One 2008;3:e1895
    22. (en) Hackam DG, Thiruchelvam D, Redelmeier DA, « Angiotensin-converting enzyme inhibitors and aortic rupture: a population-based case-control study », Lancet, 2006;368:659-65
    23. (en) The United Kingdom Evar Trial Investigators, « Endovascular versus open repair of abdominal aortic aneurysm », N Engl J Med. 2010;362:1863-1871
    24. (en) Schwarze ML, Shen Y, Hemmerich J, Dale W, « Age-related trends in utilization and outcome of open and endovascular repair for abdominal aortic aneurysm in the United States, 2001-2006 » J Vasc Surg. 2009;50:722-729
    25. (en) Improve trial investigators, « Endovascular or open repair strategy for ruptured abdominal aortic aneurysm: 30 day outcomes from Improve randomised trial », BMJ 2014;348:f7661
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