Allodynie

L'allodynie est une douleur déclenchée par un stimulus qui est normalement indolore. Par exemple, un léger effleurement de la peau ou une faible sensation de chaud ou froid peuvent alors être douloureux[1].

Le territoire allodynique peut être cartographié par une allodynographie : territoire cutané[2] où la stimulation, par une force d'application de 15 grammes, provoque une douleur égale ou supérieure à 3 sur une échelle visuelle analogique (EVA) de 10 cm[3].

Types

Il existe différents types d'allodynie[4] :

  • l'allodynie mécanique (aussi connue comme l'allodynie tactile) :
    • soit une allodynie mécanique statique : la douleur en réponse au toucher léger / pression,
    • soit une allodynie mécanique dynamique : la douleur en réponse à une caresse légère ;
  • l'allodynie thermique (chaud ou froid) ;
  • l'allodynie liée aux mouvements : la douleur est déclenchée par un mouvement normal des articulations ou les muscles.

Causes

L'allodynie est une caractéristique clinique de nombreuses conditions douloureuses, telles que les neuropathies[5], le syndrome régional complexe douloureux, la névralgie post-herpétique, la fibromyalgie et la migraine. L'allodynie peut aussi être causée par certaines populations de cellules souches utilisées pour traiter des lésions nerveuses y compris les blessures de la moelle épinière[6].

Les patients souffrant d'allodynie caractérisent la douleur comme rayonnante, sensible, « enserrante », constante, réveillant la nuit. Ce sont souvent des patients ayant eu recours à toutes les méthodes antalgiques connues sans résultats. Ces radiculalgies proviennent de lésions partielles des nerfs cutanés (fibres A-beta)[7].

Physiopathologie

La voie de la douleur

Plusieurs études suggèrent que les blessures à la moelle épinière pourrait conduire à la perte et la réorganisation des nocicepteurs, mécanorécepteurs et des interneurones, conduisant à la transmission d'informations de la douleur par des mécanorécepteurs[8]. Une autre étude rapporte l'apparition de fibres descendantes au site de la lésion[9]. Tous ces changements affectent finalement les circuits neuronaux à l'intérieur de la moelle épinière, et à la modification de l'équilibre des signaux conduisant probablement à l'intense sensation de douleur associée à l'allodynie. Différents types de cellules ont également été associés à l'allodynie. Par exemple, il y a des publications scientifiques qui montrent que la microglie dans le thalamus pourrait contribuer à l'allodynie en changeant les propriétés des nocicepteurs secondaires[10]. Le même effet peut être obtenu dans la moelle épinière par le recrutement de cellules du système immunitaire tels que les monocytes / macrophages et lymphocytes T[11].

Une sensibilisation du système nerveux central contribuerait à l'apparition d'une allodynie. Cette sensibilisation se réfère à l'augmentation de la réponse des neurones à la suite d'une stimulation répétitive. Le travail de nombreux chercheurs a conduit à l'élucidation des voies qui peuvent conduire à une sensibilisation des neurones à la fois dans le thalamus et dans les cornes dorsales de la moelle épinière.

Hyperacousie et allodynie (allodynie auditive)

Les patients atteints de troubles neuropathiques d'origine centrale peuvent souffrir de sensations douloureuses même lorsque la stimulation somatatosensorielle est inoffensive (allodynie) ou ressentir une sensation anormalement élevée de douleur ou d'inconfort produit par des stimuli nociceptifs (hyperalgésie). Il existe donc des similitudes dans les symptômes entre l'hyperacousie de douleur (sensation douloureuse aux bruits) et ce type de douleur neuropathique (De Ridder et al., 2011)[12].

Des auteurs ont montré une augmentation des ondes beta (l'onde bêta est une onde cérébrale que l'on peut mesurer par électro-encéphalographie) dans la zone dorsale du cortex cingulaire antérieur (CCAd) et le cortex orbitofrontal chez des personnes atteintes d'hyperacousie (Song JJ, De Ridder D, Weisz N, Schlee W, Van de Heyning P et Vanneste S., 2014)[13]. Des modifications similaires sont également présentes chez les patients présentant une hyperalgésie et l'allodynie. De nombreuses études ont mis en évidence l'implication du CCAd dans la perception subjective de la douleur. Quand des sujets s'infligent eux-mêmes une douleur, l'activation du CCAd est moins forte que quand ils subissent la même douleur. Song et al (2014), font donc un parallèle entre l'hyperacousie et l’allodynie, mettant probablement en jeux des circuits neuronaux communs[13].

Traitements

Ces douleurs neuropathiques au toucher[14], peuvent être diminuées par la méthode de rééducation sensitive de la douleur[15],[16],[17].

Une nouvelle méthode chirurgicale parvient néanmoins à soigner cette maladie pour certains patients : la neurostimulation médullaire consistant à stimuler des zones spécifiques de la moelle afin de contrer l'influx douloureux.

Personnes connues atteintes d'Allodynie

  • Howard Hughes


Notes et références

  1. La définition originale est de Merskey & Bogduk (1994) : « L'hyperalgie est la survenue d'une douleur anormalement intense déclenchée par un stimulus ; par exemple piqure avec une aiguille. L'hyperpathie est la survenue d'une douleur anormalement intense (extrêmement intense) et prolongée (persiste après le stimulus) déclenchée par un stimulus douloureux.  » « Douleur causée par un stimulus qui normalement ne produit pas de douleur », Traduction de Malenfant 1998
  2. Spicher CJ, Buchet (-Desfoux) N, Sprumont P. Atlas des territoires cutanés du corps humain; Esthésiologie de 240 branches - Préface : Prof S.W. Carmichael (Mayo Clinic) (2e édition) Sauramps Médical, 2013. (ISBN 9782840239017)
  3. Spicher CJ, Ribordy F, Mathis F, Desfoux N, Schönenweid F, Rouiller EM « L’allodynie mécanique masque une hypoesthésie: Observations topographiques de 23 patients douloureux neuropathiques chroniques » Doul et Analg. 2008;21:239-251.
  4. C. LoPinto, W. B. Young et A. Ashkenazi, « Comparison of dynamic (brush) and static (pressure) mechanical allodynia in migraine », Cephalalgia: An International Journal of Headache, vol. 26, , p. 852-856 (ISSN 0333-1024, PMID 16776701, DOI 10.1111/j.1468-2982.2006.01121.x, lire en ligne)
  5. Landerholm, A. (2010). Neuropathic pain: Somatosensory Functions related to Spontaneous Ongoing Pain, Mechanical Allodynia and Pain Relief. Thesis. Stockholm: Karolinska Institutet
  6. Christoph P. Hofstetter, Niklas A. V. Holmström, Johan A. Lilja et Petra Schweinhardt, « Allodynia limits the usefulness of intraspinal neural stem cell grafts; directed differentiation improves outcome », Nature Neuroscience, vol. 8, , p. 346-353 (ISSN 1097-6256, PMID 15711542, DOI 10.1038/nn1405, lire en ligne)
  7. (en) Spicher CJ, Mathis F, Degrange B, Freund P, Rouiller EM « Static Mechanical Allodynia is a Paradoxical Painful Hypoaesthesia: Observations derived from neuropathic pain patients treated with somatosensory rehabilitation » Somatosens Mot Res. 2008;25(1):77-92. [PDF] PMID 18344149
  8. Gunnar Wasner, Dennis Naleschinski et Ralf Baron, « A role for peripheral afferents in the pathophysiology and treatment of at-level neuropathic pain in spinal cord injury? A case report », Pain, vol. 131, , p. 219-225 (ISSN 1872-6623, PMID 17509762, DOI 10.1016/j.pain.2007.03.005, lire en ligne)
  9. Adrianna Kalous, Peregrine B. Osborne et Janet R. Keast, « Acute and chronic changes in dorsal horn innervation by primary afferents and descending supraspinal pathways after spinal cord injury », The Journal of Comparative Neurology, vol. 504, , p. 238-253 (ISSN 0021-9967, PMID 17640046, DOI 10.1002/cne.21412, lire en ligne)
  10. Peng Zhao, Stephen G. Waxman et Bryan C. Hains, « Modulation of thalamic nociceptive processing after spinal cord injury through remote activation of thalamic microglia by cysteine cysteine chemokine ligand 21 », The Journal of Neuroscience: The Official Journal of the Society for Neuroscience, vol. 27, , p. 8893-8902 (ISSN 1529-2401, PMID 17699671, DOI 10.1523/JNEUROSCI.2209-07.2007, lire en ligne)
  11. Xu-Hong Wei, Ying Zang, Chang-You Wu et Ji-Tian Xu, « Peri-sciatic administration of recombinant rat TNF-alpha induces mechanical allodynia via upregulation of TNF-alpha in dorsal root ganglia and in spinal dorsal horn: the role of NF-kappa B pathway », Experimental Neurology, vol. 205, , p. 471-484 (ISSN 0014-4886, PMID 17459378, DOI 10.1016/j.expneurol.2007.03.012, lire en ligne)
  12. De Ridder, Dirk et al. « Phantom Percepts: Tinnitus and Pain as Persisting Aversive Memory Networks. » Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 108.20 (2011): 8075–8080.
  13. Song JJ, De Ridder D, Weisz N, Schlee W, Van de Heyning P, Vanneste S. Hyperacusis-associated pathological resting-state brain oscillations in the tinnitus brain: a hyperresponsiveness network with paradoxically inactive auditory cortex. Brain Struct Funct. 2014 May;219(3):1113-28. Doi: 10.1007/s00429-013-0555-1.
  14. Spicher CJ (2011) « Éditorial : L'hypo-esthésie paradoxalement douloureuse au toucher: La face nord des douleurs neuropathiques » e-News for Somatosensory Rehabilitation 8(1):2-12. unifr.ch
  15. Spicher C, Quintal I, Vittaz. Rééducation sensitive des douleurs neuropathiques - Préface: Serge Marchand (3e édition). Montpellier, Paris : Sauramps Médical, 2015. (ISBN 978 2 84023 981 9)
  16. Quintal, I., Noël, L., Gable, C., Delaquaize, F., Bret-Pasian, S., Rossier, Ph., Annoni, J.M., Maupas, E. & Spicher, C.J. (2013) Méthode de rééducation sensitive de la douleur. Encyclopédie Médico-Chirurgicale (EMC), Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation, 9(1), 1-16 Article 26-469-A-10
  17. Mathis F, Degrange B, Desfoux N, Sprumont P, Hecker E, Rossier Ph, Spicher CJ. (2007). Diminution des douleurs neuropathiques périphériques par la rééducation sensitive. Rev Med Suisse, 3(135):2745-48 revue.medhyg.ch

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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