Acide phytique

L’acide phytique ou acide myo-inositol hexaphosphorique est une biomolécule de formule brute C6H18O24P6. Elle est naturellement présente dans les graines[2], plus précisément dans l'enveloppe ou le son de nombreuses céréales et légumineuses, en général sous la forme de sel de calcium ou de magnésium. L'acide phytique a en effet la propriété de chélater divers cations (Zn2+, Cu2+, Co2+, Mn2+, Ca2+, Fe2+) en formant des sels insolubles, les phytates. Cette propriété est exploitée en œnologie : le traitement au phytate de calcium est le seul qui soit autorisé (en France) pour déferrer les vins rouges (les vins blancs et rosés peuvent être déferrés au ferrocyanure de potassium).

« E391 » redirige ici. Pour les autres significations, voir E391 (homonymie).

Acide phytique
Identification
No CAS 83-86-3
No ECHA 100.001.369
No EC 201-506-6
Code ATC V09DB07
PubChem 890
No E E391
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule brute C6H18O24P6  [Isomères]
Masse molaire[1] 660,0353 ± 0,0133 g/mol
C 10,92 %, H 2,75 %, O 58,18 %, P 28,16 %,
Propriétés physiques
fusion < 25 °C

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

En nutrition humaine

En raison de son effet chélatant (groupements phosphates anioniques qui séquestrent les cations), l'acide phytique peut contribuer, dans certains cas, à diminuer la biodisponibilité des minéraux et entraîner des déficits en calcium, fer, zinc… C'est notamment le cas lors de la « révolution néolithique » : sauf les ruminants (dotés d'un microbiote intestinal possédant un équipement enzymatique original, avec notamment ces phytases), les mammifères, hommes inclus, ne peuvent hydrolyser les complexes phytiques. Or, les premières céréales cultivées ont des graines riches en ces composés servant de défense contre les herbivores. Ce facteur a probablement joué un rôle dans la diminution croissante de la taille des hommes du Néolithique, de plus de 10 cm[3], phénomène lié en partie à cause de changements génétiques lorsqu'ils se sont adaptés au réchauffement climatique, mais aussi à leur alimentation : graines des céréales cultivées riches en acide phytique déminéralisant, baisse de l'apport protidique animal (liée à la diminution de la chasse au gros gibier et la consommation d'animaux d'élevage plus gras), agressions nutritionnelles (disettes et famines, conséquences des aléas climatiques sur les monocultures et des divers conflits), plus grande exposition aux épidémies (favorisées par la sédentarisation et les carences protéiques)[4].

Bien que les graines sélectionnées depuis sont moins riche en acide phytique, cet effet de déminéralisation persiste et peut conduire aujourd'hui à des carences, notamment en fer, en calcium et en zinc[5].

Le pain

Cette section ne cite pas suffisamment ses sources (juillet 2016). 
Pour l'améliorer, ajoutez des références vérifiables [comment faire ?] ou le modèle {{Référence nécessaire}} sur les passages nécessitant une source.

Cet effet de déminéralisation s’observe plus chez les consommateurs de pains à base de farines complètes (l'acide phytique étant très majoritairement présent dans les enveloppes des céréales) n'ayant pas subi une fermentation à base de levure / levain traditionnel(le). La fermentation au levain naturel (sans levure de boulanger, ni levure chimique) est lente et produit une acidité (pH<5.5) qui active des enzymes, appelées phytases, présentes dans la farine, produites par les levures, et surtout par les bactéries. Ces phytases dégradent l'acide phytique en inositol et phosphore minéral[6].

Bien qu'il ne s'agisse pas d'une vitamine à proprement parler pour l'espèce humaine (capacité de synthèse par l'organisme), l'inositol appartient au groupe des vitamines B (« vitamine » B7). Environ 80 % du phosphore contenu dans les céréales est sous forme d'acide phytique. Il est donc aisé de comprendre le double intérêt nutritionnel de la panification au levain en ce qui concerne l'acide phytique, ceci en particulier pour les végétariens et, encore plus, les végétaliens dont les apports minéraux se font essentiellement par les céréales et légumineuses qu'ils consomment.

L'acide phytique est très souvent accusé de déminéralisation mais son action sur les différents minéraux est complexe et ne fait pas l'unanimité chez les scientifiques.

Amidon

La digestibilité de l'amidon est réduite par l'acide phytique. 2% d'acide phytique ajouté à de l'amidon de blé cru, réduit de 50% le taux de digestion de l'amidon[7]. L'ajout de calcium normalise cette réduction, le calcium se liant avec l'acide phytique[7].

Minéraux

Le zinc : son absorption semble affectée par l'acide phytique. Une étude[8] montre une diminution d'absorption d'environ 20 % avec un apport en acide phytique triplé. Mais les résultats sont sujets à controverse car les groupes examinés n'avaient pas une alimentation équivalente. Comme le notent les auteurs de l'étude, absorber 8 % de 3,5 mg de zinc contenu dans du pain complet apporte une quantité de zinc plus importante qu'avec la même quantité de pain blanc, dont 38 % du zinc est assimilé, mais qui n'en contient que 0,4 mg.

Une autre étude[9] portant sur des rats démontre que ceux nourris à la farine complète ont globalement un meilleur apport en minéraux que ceux nourris à la farine blanche : l'acide phytique réduit en effet l'absorption de certains minéraux, mais ceux-ci sont présents en plus grande quantité dans la farine complète.

Une étude[10] réalisée sur des porcs montre un effet comparable entre un ajout de zinc à la ration alimentaire de porcs et un ajout de phytase (une enzyme qui clive le phytate). La phytase a aussi pour effet de réduire le rejet de zinc par les porcs. Ces rejets de minéraux, en particulier le phosphore, participent à l'eutrophisation des milieux. Pour ces deux raisons (rejets et assimilation) des essais de transgenèse avec des gènes de phytase ont déjà été effectués sur les végétaux et sur les porcs eux-mêmes.

Une étude[11] réalisée sur une population d’enfants iraniens et égyptiens mit en évidence le concept de biodisponibilité du zinc. Les enfants consommant un pain complet élaboré sans levain, mais riche en zinc, souffraient paradoxalement de plus de troubles associés à une carence en zinc (retards de croissance) que ceux consommant un pain blanc, élaboré au levain, mais plus pauvre en zinc : la phytase du levain rend le zinc disponible pour être assimilé.

Le cuivre : selon une étude[12], l'acide phytique n'a aucun effet sur l'absorption du cuivre. En outre, il ressort de cette étude que la métabolisation du cuivre peut varier sensiblement d'un individu à l'autre facteur indépendant de la teneur en acide phytique et en fibres. Il faut aussi savoir que l'absorption du cuivre est corrélée à celle du zinc.

Le magnésium : l'inhibition de l'absorption du magnésium est dose-dépendante quant à la quantité d'acide phytique[13].

Le fer : L'acide phytique est un agent chélateur du fer mais le monophytate ferrique contenu dans le son de blé est hautement biodisponible et n'affecte pas l'absorption du fer[14].

Solution à la déminéralisation

Il suffit de détremper les céréales pendant une nuit dans un milieu légèrement acide, de l'eau légèrement citronnée par exemple[15].

Il est conseillé d'éviter les préparations industrielles avec des céréales complètes non fermentées. En effet le pain complet au levain naturel élaboré suivant un processus lent (comme le permet le trempage des grains) permet l'action des enzymes de type phytase rendant ainsi plus élevée la biodisponibilité et l'assimilation de la richesse minérale des céréales complètes.

Teneur en phytate de quelques aliments

aliment quantité teneur en phytate
riz sauvage 100 g 2 200 mg[16]
farine de blé entier 100 g 1 014 mg[16]
avoine 100 g 943 mg[16]
riz long blanc 100 g 340 mg[16]
châtaigne 100 g 47 mg [17]
sarrasin 100 g 1 000 mg [18]
gland (var. Quercus ilex) 100 g 127 mg [19]

Notes et références

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. Les graines accumulent en effet plus de phosphore qu'elles n'en ont besoin, aussi l'excès est incorporé dans cette molécule. Cf (en) Kalidas Shetty, Gopinadhan Paliyath, Anthony Pometto, Robert E. Levin, Functional Foods and Biotechnology, CRC Press, , p. 116.
  3. Thierry Souccar, Le régime préhistorique, comment l'alimentation des origines peut nous sauver des maladies de civilisation, indigène édition, , p. 119.
  4. Brigitte et Gilles Delluc, Martine Roques, La nutrition préhistorique, Errance, , p. 119.
  5. Lisbeth Bohn, Anne S. Meyer et Søren K. Rasmussen, « Phytate: impact on environment and human nutrition. A challenge for molecular breeding », Journal of Zhejiang University. Science. B, vol. 9, no 3, , p. 165–191 (ISSN 1673-1581, PMID 18357620, PMCID PMC2266880, DOI 10.1631/jzus.B0710640, lire en ligne)
  6. (en) Kalidas Shetty, Gopinadhan Paliyath, Anthony Pometto, Robert E. Levin, Functional Foods and Biotechnology, CRC Press, , p. 116
  7. J. H. Yoon, L. U. Thompson et D. J. Jenkins, « The effect of phytic acid on in vitro rate of starch digestibility and blood glucose response », The American Journal of Clinical Nutrition, vol. 38, no 6, , p. 835–842 (ISSN 0002-9165, PMID 6650445, lire en ligne)
  8. (en) JR Hunt et al., Zinc absorption, mineral balance, and blood lipids in women consuming controlled lactoovovegetarian and omnivorous diets for 8 wk., Am J Clin Nutr. 1998 Mar;67(3):421-430
  9. (en) MA Levrat-Verny et al., Wholewheat flour ensures higher mineral absorption and bioavailability than white wheat flour in rats, Br J Nutr. 1999 Jul;82(1):17-21
  10. (en) Jondreville, C., R. Hayler and D. Feuerstein (2005). "Replacement of zinc sulphate by microbial phytase for piglets given a maize-soya-bean meal diet." Animal Science 81: 77-83
  11. (en) Dr A. Prasad (1961). Synthèse in "Zinc Metabolism" (1966)
  12. (en) JR Turnlund et al., A stable isotope study of copper absorption in young men: effect of phytate and alpha-cellulose, Am J Clin Nutr, Vol 42, 18-23
  13. (en) T Bohn et al., Phytic acid added to white-wheat bread inhibits fractional apparent magnesium absorption in humans, Am J Clin Nutr. 2004 Mar;79(3):418-23
  14. E.R. Morris, R. Ellis, Phytate, Wheat Bran, and Bioavailabity of Dietary Iron. In Nutritional Bioavailability of Iron. ACS Symposium Series 203, American Chemical Society, 1982, page 121-141.
  15. Bergman Eva-Lotta et al., Optimal conditions for phytate degradation, estimation of phytase activity, and localization of phytate in Barley (Cv. blenheim) - http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=837756
  16. Alice Locong et Danielle Ruel (voir tableau page 465), Guide des interactions médicaments, nutriments et produits naturels, Presses Université Laval, (ISBN 9782763778884, lire en ligne)
  17. Paleo Diet Guide: With Recipes in 30 Minutes or Less Par Markus Scuhlz lire en ligne
  18. Cereal Grains for the Food and Beverage Industries -autor: Elke K Arendt, Emanuele Zannini - voir page 388 : 10 mg/g- lire en ligne
  19. https://www.researchgate.net/publication/304253186_First_Phytochemiical_Analysis_of_the_Anti-Nutritional_Aspect_of_Holm_OOak_Acorn_Quercus_Ilex_L_of_Tessala_Algeria_NW_befoore_and_after_Cooking

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Portail de la chimie
  • Portail de l’alimentation et de la gastronomie
This article is issued from Wikipedia. The text is licensed under Creative Commons - Attribution - Sharealike. Additional terms may apply for the media files.