Yvonne Cormeau

Beatrice Yvonne Cormeau, née le à Shanghai et décédée le à dans le Hampshire, fut, pendant la Seconde Guerre mondiale, un agent du service secret britannique Special Operations Executive (SOE), qui travailla pendant treize mois dans le sud-ouest de la France occupée comme opérateur radio du réseau Wheelwright, dirigé par George Starr « Hilaire ».

Yvonne Cormeau est reconnue pour la qualité et la quantité de ses transmissions sans fil. Elle est récipiendaire de l'Ordre de l'Empire britannique, et de la Légion d'honneur et de la Croix de Guerre de France.

Biographie

Jeunes années

Yvonne Cormeau est née Beatrice Yvonne Biesterfeld le 1909 à Shanghai, Chine, d'un père belge, officier consulaire et d'une mère écossaise[1],[2].

Elle est éduquée en Belgique et en Écosse, ce qui en fait une parfaite bilingue.

En 1937, elle vit à Londres et y épouse Émile Cormeau, un comptable. Son mari rejoint la Rifle Brigade. Il est blessé en France en et renvoyé au Royaume-Uni. Peu après, il est tué lors d’un bombardement de Londres qui atteint leur logement. Yvonne a la vie sauve grâce à une baignoire qui tombe sur elle et la protège. Leur fille de deux ans, Yvette, est envoyée à la campagne, dans un couvent de nonnes Ursulines à Oxfordshire pour échapper aux bombardements incessants de Londres. Elle y restera jusqu'à l'âge de cinq ans[3],[4],[5].

Formation

Veuve récente, Yvonne décide de « prendre la place de son mari dans les Forces Armées ». En , elle rejoint la Women's Auxiliary Air Force (WAAF) à un poste administratif. Elle servira successivement à Innsworth et à Swinderby[6].

Alors qu'elle exerce à la RAF Swinderby, elle répond à un appel qu'elle lit sur le tableau des annonces : on recherche des linguistes. Le 1943, elle est recrutée par le Special Operations Executive (SOE) et suit l’entraînement d’opérateur radio pour la section F, en même temps qu'Yolande Beekman et Noor Inayat Kha. Elle sera la seule des trois à survivre à sa mission en France[7],[8],[9].

Mission avec le réseau Wheelwright

Après son entraînement, elle est parachutée, dans la nuit du 22 au 1943, sur Saint-Antoine-du-Queyret, au nord-est de Bordeaux[10],[11]. Elle vient y tenir le rôle d’opérateur radio pour le réseau Wheelwrighy dirigé par George Starr, nom de code « Hilaire » qu'elle a rencontré avant la guerre, à Bruxelles. Elle effectue ses opérations clandestines en France occupée sous le nom de guerre « Annette ».

Le réseau Wheelwright est chargé d'aider les maquis, d'organiser des parachutages d'armes et des sabotages dans les départements de Dordogne, du Gers, des Hautes Pyrénées, des Landes, Lot et Garonne et du Tarn et Garonne[12].

La hiérarchie au sein du réseau Wheelwright obéit à une répartition genrée des rôles. En majorité, les femmes sont chargées d’opération de liaison et d'hébergements d'agents. Yvonne Cormeau est une des rares à servir comme opératrice radio[13].

Yvonne Cormeau est une opératrice sans fil talentueuse et précise, capable de transmettre 18 à 22 mots par minute en code Morse, lorsque la moyenne est de 12 mots par minute. Cette rapidité est cruciale parce que, plus le temps d'utilisation du sans fil est court, moins l'opérateur risque d'être détecté et arrêté (pas plus de 20 minutes par transmission)[3].

Au cours des premiers mois de son séjour en France, Yvonne Cormeau travaille également comme coursier pour Starr. Elle doit faire trois transmissions sans fil par semaine, ce qui implique également le codage et le décodage des messages. Le réseau Wheelwright est vaste et elle change souvent d'emplacement, ne restant jamais dans une maison plus de trois jours. C'est pour sa propre sécurité, ainsi que pour la sécurité des familles rurales qui l'hébergent et lui permettent de transmettre depuis chez elles. Elle doit parcourir à vélo jusqu'à 50 kilomètres pour changer de résidence et pour livrer ou recevoir des messages. Lors de ses déplacements, elle identifie les champs pouvant servir de zones de parachutage de fournitures ou de zones d'atterrissage pour les avions et en informe le SOE . Elle se fait passer pour une infirmière de district pour justifier ses déplacements en cas de contrôle par les Allemands ou la Milice française. Elle évite l’arrestation de peu après avoir été trahie par un agent du nom de code Rodolph mais continue à opérer bien que faisant l'objet d'avis de recherche. Elle est encore arrêtée à un barrage routier allemand avec Starr ; le couple est interrogé sous la menace d'une arme. Finalement, les Allemands acceptent leur histoire et les faux papiers d'identité et elle réussit à faire passer son équipement sans fil comme une machine à rayons X[14],[4],[1].

Dans les premiers mois de 1944, alors que le débarquement se prépare, le rythme d'activité de la résistance s’accélère et le travail d'Yvonne Cormeau devient plus difficile. Elle transmet plusieurs fois par jour et reste pendant de longues périodes à Castelnau-sur-l'Auvignon. L'historien officiel du SOE, M.R.D. Foot décrit le travail de Cormeau :« [Elle était] une artisan parfaitement discrète et sûre ... Elle a enfreint - avec succès l'une des règles les plus strictes de la sécurité sans fil - c'est à dire toujours bouger: elle a transmis pendant six mois consécutifs depuis la même maison. Depuis sa fenêtre, elle pouvait voir à cinq kilomètres, ce qui était une sécurité; un autre avantage était qu'il n'y avait pas d'eau courante dans le village, de sorte que les Allemands n'ont jamais pensé à la chercher là-bas. »[10]

Pendant ses treize mois d'activité auprès de George Starr, elle envoie 400 messages, qui permettent notamment l'organisation de 147 parachutages d'armes[15].

En , Yvonne Cormeau est blessée d'une balle dans la jambe alors qu'elle fuit une attaque allemande sur Castelnau, mais elle réussit à s'échapper avec sa radio. La robe qu'elle portait à cette occasion et la mallette tachée de sang sont exposées en permanence à l'Imperial War Museum de Londres avec son uniforme d'officier de la WAAF[3].

La Libération

Le , Toulouse tombe aux mains des Forces françaises de l'intérieur, l'organisation faîtière des résistants. Starr et Yvonne Cormeau entrent dans la ville, drapeaux américains et britanniques sur leur voiture. La libération du sud-ouest de la France est complète. Le , Yvonne Cormeau et George Starr quittent la France, neuf jours après que Starr et Charles de Gaulle se soient affrontés et qu'il leur ait ordonné de quitter le pays[16].

Après le , en présence de Maurice Buckmaster et du représentant du général de Gaulle, le colonel « Hilaire » et le capitaine « Annette » reçoivent des mains du colonel Monnet, sur le front des troupes, la croix de guerre 1939-1945. Le , la délégation britannique, conduite par le colonel Maurice Buckmaster et comprenant le colonel « Hilaire » et le capitaine « Annette », viennent en Gascogne, à Castelnau-sur-l'Auvignon et à Condom[3],[17].

Elle est démobilisée en 1945 avec le grade de Flight Officer (en) de la WAAF. Elle travaille alors comme traductrice. Elle devient la charnière des vétérans du SOE et organise leur dîner annuel du .

L'après-guerre

Yvonne Cormeau retrouve sa fille Yvette et elles vivent à Londres.

Elle participe, en 1989, à l'émission de télévision américaine This Is Your LifeMichael Aspel l'invite à parler de sa vie et elle est conseillère de la BBC pour huit épisodes la série télévisée Wish Me Luck sur la vie de femmes ordinaires travaillant sous couverture en territoire ennemi[18].

Ses dernières années sont assombries par deux accidents, une grave chute dans un escalier et, plus tard , une agression à Londres

Elle se remarie avec James Edgar Farrow et passe ses dernières années à la maison de retraite Tall Pines dans le Hampshire[15].

Elle meurt le 1997 à 88 ans. Des dignitaires de France et du Royaume-Uni ont assisté à ses funérailles en reconnaissance du travail précieux accompli pendant la Seconde Guerre mondiale[2].

Identités

  • État civil : Béatrice Yvonne Biesterfeld, épouse Cormeau, puis Farrow
  • Comme agent du SOE :
    • Nom de guerre (field name) : « Annette »
    • Nom de code opérationnel : FAIRY (en français FÉE)
    • Nom de code du Plan, pour la centrale radio : SARAFARI
    • Nom familier, pour les maquisards : Madame Annette

Famille

  • Son père : Belge, officiel consulaire.
  • Sa mère : Écossaise
  • Son premier mari : Charles Édouard Émile Cormeau

Reconnaissance

Distinctions

Musée

Sa tenue, complète mais trouée par une balle, son porte-documents taché de sang et son uniforme d’officier de la WAAF sont exposés à l’Imperial War Museum de Londres.

Monument

Sources et liens externes

  • (en) Fiche Yvonne Cormeau, avec photographie sur le site Special Forces Roll of Honour.
  • (fr) Michael Richard Daniell Foot (trad. de l'anglais par Rachel Bouyssou, préf. Jean-Louis Crémieux-Brilhac), Des Anglais dans la Résistance : le Service Secret Britannique d'Action (SOE) en France 1940-1944, Paris, Éd. Tallandier, coll. « Histoires d'aujourd'hui », , 1re éd., 799 p. (ISBN 978-2-84734-329-8). Traduction en français par Rachel Bouyssou de (en) SOE in France : An Account of the Work of the British Special Operations Executive in France, 1940-1944 (Government Official History), Whitehall History Publishing, in association with Frank Cass Publishers, , 3e éd. (1re éd. Her Majesty's Stationery Office, 1966), 584 p. (ISBN 978-0-415-40800-4, présentation en ligne)
    Ce livre, qui présente la version officielle britannique de l’histoire du SOE en France, est une référence essentielle sur le sujet.
  • Raymond Escholier, Maquis de Gascogne, collection « Documents d'aujourd'hui » no IV, Genève, Éditions du Milieu du Monde, 1945 ; réédition : Éditions du Bastion, 2004.
  • (en) Article wikipedia de langue anglaise.

Notes et références

  1. (en-US) Daniel Kearney, « History of the Resistance: Exploring Castelnau-sur-l'Auvignon in the Gers », sur France Today, (consulté le )
  2. « Una espía inglesa en la Francia ocupada, Yvonne Cormeau (1909-1997) » (consulté le )
  3. (en) « Yvonne Cormeau », sur Hannah Howe, (consulté le ).
  4. (en) « Cormeau, Yvonne Beatrice (Oral history) », sur Imperial War Museums (consulté le ).
  5. (en) Charles Glass, They Fought Alone, New York, Penquin Press, , 336 p. (ISBN 978-1-59420-617-7), p. 87.
  6. (en) Squadron Leader Beryl E. Escott, Mission Improbable : A salute to the RAF women of SOE in wartime France, Londres, Patrick Stevens Ltd, (ISBN 978-1-85260-289-5)
  7. « Yolande Beekman - Special Operations Executive (SOE) Agents in France », sur nigelperrin.com (consulté le )
  8. (en) Bernard O'Connor, Churchill's Angels, Stroud, Gloucestershire, Amberley Publishing, , p. 119-120
  9. (en) Margaret Rossiter, Women in the Resistance, New York:, Praeger, (ISBN 978-0-03-005339-9), p. 175
  10. (en) M. R. D. Foot, SOE in France, Londres, Her Majesty's Stationery Office, , p. 285
  11. « Cormeau-Biesterfeld, Beatrice Yvonne - TracesOfWar.com », sur www.tracesofwar.com (consulté le )
  12. « SOE Wheelwright - Losse | Aérostèles », sur www.aerosteles.net (consulté le )
  13. Guillaume Pollack, « Genre et engagement dans la Résistance : l’exemple d’Anne-Marie Walters », Genre & Histoire, no 19, (ISSN 2102-5886, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) « Seven Stories from Special Operations Executive », sur Imperial War Museums (consulté le )
  15. « Yvonne Cormeau », sur users.tpg.com.au (consulté le ).
  16. « Toulouse, Marseille, Gibraltar, Yvonne Cormeau », sur Telescoop.tv (consulté le )
  17. Claude Passepont, « Yvonne CORMEAU : les femmes dans la résistance (1/13) | Fédération Nationale Autonome Pupilles de la Nation orphelins de Guerre » (consulté le )
  18. Wish Me Luck (lire en ligne)
  19. Motif :
    « Capitaine Annette,
    Connue de toute la Résistance dans le Sud-Ouest de la France sous le nom de Madame Annette... Parachutée, est arrivée en France en août 1943 ; a tenu le maquis depuis cette époque jusqu'à la Libération. Remarquable opérateur radio, a été la cheville ouvrière de la Résistance. A pris part aux combats de Castelnau, Lannemaignan, où elle a su, avec courage et sang-froid, sauver ses appareils sous le feu de l'ennemi. A été pour les maquisards une véritable sœur. » [Source : Escholier, p. 203.]
  20. Source : Libre Résistance, no 7, p. 5.
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