William Kemmler

William Francis Kemmler, né le à Philadelphie en Pennsylvanie et mort le à Auburn dans l'État de New York, fut la première personne à être exécutée au moyen d'une chaise électrique.

Biographie

Ses deux parents étaient des immigrants allemands et tous deux étaient alcooliques. Il abandonne l'école à 10 ans et la quitte sans savoir lire et écrire. Kemmler travaille dans la boucherie de son père mais ce dernier meurt d'une infection après une bagarre déclenchée à la suite d'une beuverie. Sa mère succombe également des suites de son alcoolisme. À la mort de ses parents, il se lance dans le commerce et gagne suffisamment pour acheter un cheval et une charrette. Il devint alors un gros buveur faisant des paris absurdes qui le conduisirent à la perte de ses maigres avoirs. À Buffalo, où il avait élu domicile, ses beuveries étaient réputées.

Historique

Croquis de l'exécution de William Kemmler, le 6 août 1890.

Kemmler, alcoolique, tue après un soir de beuverie sa compagne Matilda "Tillie" Ziegler le , avec une hache, après une forte dispute[1]. Il est reconnu coupable de meurtre et condamné à mort. L'exécution devait avoir lieu le , à six heures du matin à la Prison d'Auburn. Ses avocats firent appel, arguant du fait que l'électrocution était une punition atroce et inhabituelle ; George Westinghouse, un de ceux qui soutenaient l'usage du courant alternatif comme norme pour la distribution d'énergie, appuya leur appel, qui fut cependant rejeté en partie parce que Thomas Edison approuva la position de l'État (Edison soutenait l'usage du courant continu pour la fourniture de courant, et on pense que c'est lui qui a vu dans la publicité qui entourait la chaise électrique un moyen de convaincre l'opinion que le courant alternatif était dangereux).

Les détails pratiques concernant la chaise électrique furent mis au point par le premier « Électricien d'État », Edwin Davis (en).

La première tentative d'exécution échoua : Kemmler reçut un choc électrique pendant 17 secondes, mais resta vivant. On fit monter la tension jusqu'à 2 000 volts, mais le générateur eut besoin de temps pour se recharger. Mais après la première décharge, Kemmler respirait encore imperceptiblement. La deuxième tentative dura plus d'une minute et la scène fut décrite comme horrible par beaucoup de ceux qui y avaient assisté, avec une odeur de chair brûlée et de la fumée qui s'échappait des chairs de Kemmler. Westinghouse plus tard donna ce commentaire : « Ils auraient mieux fait de se servir d'une hache. ». Un journaliste témoin de l'exécution déclara lui aussi que c'était « un spectacle atroce, bien pire qu'une pendaison ».

La polémique opposant Westinghouse et Edison (malgré les recours juridiques de Westinghouse, l'exécution a bien lieu mais Edison ne parvient cependant pas à imposer le mot « westinghousé » au lieu d'« électrocuté » dans le langage public[2],[3]), ainsi que les discussions nombreuses qui eurent lieu dans les mois qui précédèrent et suivirent l'exécution de Kemmler furent suivies par des scientifiques et hommes politiques du monde entier, relayées, autant que les moyens de l'époque le permettaient par la presse, notamment la presse spécialisée technique de France, de Belgique et d'Angleterre. L'enjeu n'était ni plus ni moins que la mise au point d'une exécution capitale rompant avec la brutalité des méthodes habituelles (pendaison, guillotine). L'échec en ce sens de cette première exécution et de celles qui suivirent suscitèrent un désintérêt rapide des pays étrangers, lequel ne permit pas de solidariser productivement la réflexion sur les techniques de mise à mort de la question de fond (la peine de mort), débat toujours d'actualité dans les États concernés.

Le roman de Christopher Davis Coup d'œil dans le vingtième siècle (Harper et Row, 1971) offre un récit romancé des dernières semaines de la vie de Kemmler et de la guerre des courants qui se déroulait autour de lui, laquelle préfigure avec une pertinence rare l'une des questions éthiques majeures du siècle qui suivra : celle de la responsabilité morale des savants face à l'exploitation politique de leurs "découvertes". La scène de l'exécution, la bataille Edison-Westinghouse ainsi que les recherches sur les exécutions capitales au moyen de l'électricité sont également évoquées dans le roman Des Eclairs, de Jean Echenoz (2010).

Notes et références

  1. (en) What They Didn't Teach You in American History Class : The Second Encounter (lire en ligne), p122
  2. (en) Tom McNichol, AC/DC : the savage tale of the first standards war, San Francisco, John Wiley and Sons, , 198 p. (ISBN 978-0-7879-8267-6), p. 126
  3. (en) Richard Moran, Executioner's Current. Thomas Edison, George Westinghouse and the Invention of the Electric Chair, Alfred A. Knopf,

Annexes

Bibliographie

  • La première exécution d'un condamné à mort par l'électricité in La Nature, n° 901, , p. 209-211.
  • Jean-Claude Beaune, Les spectres mécaniques. Essai sur les relations entre la mort et les techniques, Seyssel, 1988.
  • Marc Vanden Berghe, De l'utopie de la "mort propre" à la chaise électrique : l'affaire Kemmler in La Revue Générale, Bruxelles, août/, p. 31-42.
  • (en) John L. Caroll, Death Row. Hope for the future, Challenging Capital Punishment, London, 1988, p. 269-288.
  • (en) Craig Brandon, The Electric Chair. An American Unnatural History, McFarland & Company, 1999.
  • (en) Richard Moran, Executioner's current: Thomas Edison, George Westinghouse and the Invention of the Electric Chair, New York, 2002, (ISBN 978-0375724466).

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