Variabilité de la fréquence cardiaque

La variabilité de la fréquence cardiaque ou VFC (en anglais, heart rate variability ou HRV) est le degré de fluctuation de la durée des contractions du cœur, ou de l'intervalle entre deux contractions. Il s'agit d'une plus ou moins grande régularité, tandis que le rythme cardiaque s'intéresse à la fréquence des contractions.

Pour les articles homonymes, voir HRV.

La VFC est déterminée à partir du cœur lui-même (barorécepteurs) par diverses interactions en lien avec le système nerveux autonome. Une variabilité élevée indique une bonne capacité immédiate d'adaptation du cœur aux sollicitations, et est ainsi à la fois un signe et un facteur de santé.

La variabilité cardiaque est reconnue scientifiquement. Cette dernière « a été approuvée par la Société américaine de rythmologie et la Société européenne de cardiologie » [1].

Domaine temporel

Méthode la plus ancienne, elle consiste à déterminer la FC à tout instant t. Chaque complexe QRS sera déterminé et permettra d’isoler les intervalles R-R successifs (ou normal to normal, NN). Plusieurs données sont ensuite calculées selon les orientations cliniques (moyenne des intervalles R-R, moyenne du rythme cardiaque, etc.). Cette méthode temporelle ne permet pas de différencier spécifiquement les actions modulatoires des deux branches sympathique et parasympathique. Cependant elle rend globalement compte de la variabilité totale du SNA, principalement sous la dépendance du système parasympathique. Elle doit être complétée par des méthodes plus fines, pour estimer la modulation sympathique. L’enregistrement doit être de bonne qualité. C’est-à-dire, seuls les intervalles compris entre 2 QRS normaux ne s’écartant pas plus de 25 % des précédents sont retenus. Les extrasystoles ventriculaires et supraventriculaires doivent être éliminées. Les artéfacts et les fausses pauses dues aux QRS d’amplitude trop faible pour être analysés par la machine sont à éliminer manuellement. Ils sont divisés en 2 classes:

Les variables dérivées directement de la mesure des intervalles R-R :

  • NN (intervalle entre 2 battements cardiaques, normal to normal, NN) ;
  • SDNN (écart-type de l’intervalle RR sur toute la période d’enregistrement, standard deviation of all NN intervals) qui renseigne sur la variabilité globale ;
  • SDNN index ou ASDNN (moyenne des de l’intervalle R-R sur des segments de 5 min, pendant toute l’écart-type période d’enregistrement, mean of the standard deviations of all NN intervals for all 5 min segments) qui renseigne sur la variabilité à court terme ;
  • SDANN (écart-type de la moyenne des intervalles R-R des segments de 5 min sur toute la période d’enregistrement, standard deviation of the averages of NN intervals in all 5 min segments of the entire recording) qui exprime la variabilité globale des cycles de 5 min, c’est-à-dire la variabilité à long terme.

Les variables dérivées de la différence entre les intervalles R-R :

  • NN50 (nombre d’intervalles RR successifs différant de plus de 50 ms, number of adjacent NN intervals differing by more than 50 ms) ;
  • SDSD (écart-type de la différence entre les intervalles RR successifs, standard deviation of differences between adjacent NN intervals) ;
  • pNN50 (NN50 divisé par le nombre total d’intervalles, NN50 count divided by the total number of all NN intervals) qui exprime la variabilité de haute fréquence principalement d’origine parasympathique, modulée par la respiration ;
  • RMSSD (la moyenne quadratique des intervalles R-R successifs) qui exprime aussi la variabilité de haute fréquence principalement d’origine parasympathique, modulée par la respiration. Cette mesure est préférable à pNN50 et à NN50 d’après la Task Force.

Comme il y a une corrélation entre quelques mesures, les SDNN, SDANN, RMSSD sont les mesures recommandées par la Task Force of The European Society of Cardiology pour étudier la variabilité cardiaque. Ces indices constituent une méthode séduisante et non invasive pour étudier la réponse cardiaque à la stimulation du système nerveux autonome. Après un infarctus du myocarde par exemple, la diminution de la variabilité cardiaque calculée par ces variables est un facteur prédictif de mortalité et d’arythmie grave indépendant des autres facteurs.

Domaine fréquentiel

L'analyse spectrale est une méthode mathématique permettant de déceler les différentes oscillations d'un rythme. Elle renseigne sur la distribution des ondes en fonction de leur fréquence. Cette décomposition de la variation totale des séries de données en composantes fréquentielles peut être représentée sous la forme d’une densité spectrale en fonction de la fréquence. La puissance spectrale dans une bande de fréquence donnée peut être quantifiée en intégrant l’aire sous la courbe. L’analyse de la densité de puissance spectrale indique comment cette puissance est distribuée en fonction de la fréquence des oscillations du signal étudié.

Les deux méthodes d’analyse spectrale les plus communément employées pour l’étude de la variabilité de la fréquence cardiaque à court terme sont les transformées rapides de Fourier et la méthode autorégressive qui sont respectivement non‐paramétriques et paramétriques. D’autres méthodes (ondelettes, de mesure de l’entropie, Detrended Fluctuation Analysis, etc.) permettent également d’étudier des signaux non-stationnaires comme cela peut être le cas à l’exercice et rendent compte de la complexité et des signaux.

Les méthodes non-paramétriques telle que la transformée de Fourier sont simples et rapides d’utilisation. Les méthodes paramétriques ont l’avantage de pouvoir être réalisées sur de petits échantillons, de distinguer des bandes de fréquence non-prédéterminées et de permettre un calcul automatique des composantes de basse et de haute fréquence ainsi que leurs fréquences centrales. Le principal problème des méthodes paramétriques consiste à vérifier que l’ordre (ou niveau de complexité) de l’algorithme choisi est approprié.

Dans leur travail publié en 1997, Berntson et al. font le point des avantages et inconvénients de ces méthodes d’analyses spectrales, en référence à des travaux très souvent utilisés dans les articles publiés. Ainsi, la transformée de Fourier décrite initialement par Akselrod et al. (1985) repose sur les principes que les séries temporelles représentent des composantes déterminées, où toutes les données sont incluent dans l’analyse. Dans les analyses autorégressives paramétriques, rapportées en particulier par l’équipe de Pagani et al. (1986) les données temporelles sont analysées pour en extraire le meilleur des modèles. De celui-ci, un certain nombre de pics est dérivé et un spectre est finalisé, qui exclut donc « tous les bruits ».

Quand il n’y a pas de raison d’avoir des enregistrements qui auraient été perturbés par des fréquences oscillatoires diverses, la transformée de Fourrier est optimale, à contrario, quand un rythme oscillatoire est suspecté à une fréquence discrète (0,1Hz), ou quand le nombre de données est bas, l’analyse autorégressive est préférée. Il faut souligner que les indices du domaine fréquentiel ne correspondent pas à une mesure générale du tonus sympathique et/ou parasympathique. Elles correspondent aux fluctuations des stimuli végétatifs sur le cœur, plutôt qu’au niveau moyen de ces stimuli (Persson et al. 1992; Malik et Camm 1993[2]; TaskForce 1996[3]). Il se peut donc, par exemple, que le niveau moyen du tonus parasympathique augmente après un entraînement en endurance, mais que ce ne soit pas détectable par l’analyse de la variabilité R-R effectuée (Boutcher et Stein 1995[4]). Sleight et al. (1995) ont avancé que l’utilisation de l’analyse spectrale des variables circulatoires renseignait plus sur le gain, la sensibilité baroréflexe que sur le tonus spécifique des composantes parasympathique ou sympathique. Cela expliquerait pourquoi on ne trouve pas toujours une augmentation de la composante sympathique avec l’analyse spectrale alors que cette augmentation semble avérée (exercice, pathologie cardiaque). Le type de méthode utilisée (autorégressive, transformée de Fourier, etc.) peut aussi être à l’origine de ces différences (Cowan et al. 1992; Clayton et al. 1997; Chemla et al. 2005), et la grande diversité des méthodes employées dans les différentes publications rendent parfois complexes les interprétations.

À l'inverse des méthodes temporelles, les méthodes fréquentielles apportent des indications qualitatives sur la nature des oscillations. L’analyse spectrale est justifiée par la nature rythmique des oscillations de l’intervalle R-R. Les méthodes d'analyse spectrale effectuent une décomposition de la variation totale des séries chronologiques de données (les intervalles R-R) en composantes fréquentielles, représentée sous la forme d'une densité spectrale exprimée en fonction de la fréquence.

L’analyse par transformation de Fourier est une méthode objective qui n’implique aucune perte d’information (Aubert et al. 2003), car il existe une relation directe entre le signal de départ et le spectre de fréquence obtenu après la transformation mathématique. La théorie de Fourier est basée sur le fait que chaque signal stationnaire peut être décomposé en une somme de sinusoïdes simples de fréquence croissante. La transformation de Fourier consiste à décomposer une fonction selon ses fréquences, tout comme un prisme décompose la lumière en couleur, et transforme ainsi une fonction f(t) dépendante du temps en une fonction F(f) dépendante de la fréquence du signal.

Sa représentation graphique, présente en abscisse une échelle de fréquence, et en ordonnée, un nombre proportionnel à l'amplitude de l'oscillation (ms2/Hz). Une oscillation constituée par une sinusoïde simple ne donnera après analyse spectrale qu'un pic, alors qu'un signal constitué par la somme de deux sinusoïdes simples, donnera un spectre présentant deux pics correspondant à la fréquence des deux sinusoïdes, et dont l’ordonnée respective sera proportionnelle à l'amplitude de chacune des sinusoïdes. Cette méthode est populaire dans la communauté scientifique car elle est relativement simple à effectuer grâce aux immenses possibilités de calculs offertes par les ordinateurs actuels. Appliqués au système cardio-vasculaire, les signaux laissent apparaître deux oscillations principales, la première, lente, d'une période d'environ 10 secondes (0,1 Hz), correspondant à l'onde de Mayer (Cohen et Taylor 2002), et la seconde, plus rapide, synchrone de la ventilation, dont la période se situe généralement dans des conditions de repos entre 12 et 18 cycles par minute (0,2 à 0,3 Hz).

Fréquences

Communément, les résultats de la littérature présentent les quatre composants spectraux suivants :

  • Les hautes fréquences (HF) entre 0,15 et 0,4 Hz. Elles sont un indicateur de l’activité parasympathique. Toutefois, les HF ne reflètent pas uniquement l’activité parasympathique dans le cas où l’activité respiratoire est inférieure à 0,15 Hz (9 cycles par minute) ce qui reste relativement peu fréquent (Novak et Novak 1993[5]; Berntson et al. 1997[6]).
  • Les basses fréquences (LF) entre 0,04 et 0,15 Hz. Elles traduiraient principalement l’activité sympathique. Néanmoins, pour certains auteurs, elles représenteraient un amalgame d’activités sympathique et parasympathique contrôlant le nœud sinusal (Pomeranz et al. 1985[7]; Persson et al. 1992; Houle et Billman 1999[8]) alors que pour d’autres, les LF ne refléteraient qu’une activité sympathique (Pagani et al. 1986)[9]. Les oscillations de la fréquence cardiaque dans cette gamme de fréquence seraient liées à l’activité baroréflexe (Robbe et al. 1987)[10].
  • Les très basses fréquences (VLF) entre 0,0033 et 0,04 Hz. Elles traduisent les mécanismes de régulation à long terme, probablement liés à la thermorégulation, à la vasomotricité, au système rénine–angiotensine ou à d’autres facteurs. Ces rythmes sont difficiles à analyser avec les méthodes traditionnelles d’analyse spectrale.
  • Les ultra basses fréquences (ULF) entre 0 et 0,0033 Hz. Elles sont caractérisées par des rythmes très lents spontanés, et sont calculées à partir des enregistrements de longue durée (au moins de 24 h). L’estimation de la variabilité dans cette bande de fréquence n’est pas seulement un outil de recherche mais a des implications dans l’évaluation clinique, comme dans l’hypertension et comme valeur prédictive de mortalité après cardiopathie ischémique.

Domaines d'applications

Notamment utilisée dans le domaine médical, la VFC apporterait des indices assez fiables dans plusieurs champs tels que:

  • les réponses physiologiques liées aux émotions
  • les réponses physiologiques liées au stress
  • La réponse au stress d'internes en médecine dans les services hospitaliers en vue d'estimer l'impact de la réduction de la durée maximale des rotations de service de garde [11]

La VFC serait un bon prédicteur de risque cardio-vasculaire et de mortalité.

La VFC s'étend également de plus en plus dans l'entraînement sportif, notamment pour évaluer les états de fatigue et éviter le surentraînement.

Sources

  1. Biofeedback de cohérence cardiaque et biofeedback de cohérence émotionnelle. Dr Dominique Servant. Interview sur le site web Symbiofi
  2. (en) Marek Malik et A.John Camm, « Components of heart rate variability — what they really mean and what we really measure », The American Journal of Cardiology, vol. 72, no 11, , p. 821–822 (DOI 10.1016/0002-9149(93)91070-X, lire en ligne, consulté le )
  3. « Heart rate variability. Standards of measurement, physiological interpretation, and clinical use. Task Force of the European Society of Cardiology and the North American Society of Pacing and Electrophysiology », European Heart Journal, vol. 17, no 3, , p. 354–381 (ISSN 0195-668X, PMID 8737210, Article complet:https://www.escardio.org/static_file/Escardio/Guidelines/Scientific-Statements/guidelines-Heart-Rate-Variability-FT-1996.pdf, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Stephen H. Boutcher et Phyllis Stein, « Association between heart rate variability and training response in sedentary middle-aged men », European Journal of Applied Physiology and Occupational Physiology, vol. 70, no 1, , p. 75–80 (ISSN 0301-5548 et 1439-6327, DOI 10.1007/BF00601812, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) P. Novak et V. Novak, « Time/frequency mapping of the heart rate, blood pressure and respiratory signals », Medical & Biological Engineering & Computing, vol. 31, no 2, , p. 103–110 (ISSN 0140-0118 et 1741-0444, DOI 10.1007/BF02446667, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Gary G. Berntson, J. Thomas Bigger, Dwain L. Eckberg et Paul Grossman, « Heart rate variability: Origins, methods, and interpretive caveats », Psychophysiology, vol. 34, no 6, , p. 623–648 (DOI 10.1111/j.1469-8986.1997.tb02140.x, lire en ligne, consulté le )
  7. (en) B. Pomeranz, R. J. Macaulay, M. A. Caudill et I. Kutz, « Assessment of autonomic function in humans by heart rate spectral analysis », American Journal of Physiology-Heart and Circulatory Physiology, vol. 248, no 1, , H151–H153 (ISSN 0363-6135 et 1522-1539, DOI 10.1152/ajpheart.1985.248.1.H151, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Melanie S. Houle et George E. Billman, « Low-frequency component of the heart rate variability spectrum: a poor marker of sympathetic activity », American Journal of Physiology-Heart and Circulatory Physiology, vol. 276, no 1, , H215–H223 (ISSN 0363-6135 et 1522-1539, DOI 10.1152/ajpheart.1999.276.1.H215, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) M Pagani, F Lombardi, S Guzzetti et O Rimoldi, « Power spectral analysis of heart rate and arterial pressure variabilities as a marker of sympatho-vagal interaction in man and conscious dog. », Circulation Research, vol. 59, no 2, , p. 178–193 (ISSN 0009-7330 et 1524-4571, DOI 10.1161/01.RES.59.2.178, lire en ligne, consulté le )
  10. (en) H W Robbe, L J Mulder, H Rüddel et W A Langewitz, « Assessment of baroreceptor reflex sensitivity by means of spectral analysis. », Hypertension, vol. 10, no 5, , p. 538–543 (ISSN 0194-911X et 1524-4563, DOI 10.1161/01.HYP.10.5.538, lire en ligne, consulté le )
  11. Cardiac Autonomic Modulation During on-Call Duty Under Working Hours Restriction Int J Environ Res Public Health , 17 (3) 2020 Feb 10 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7038185/

Voir aussi

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