Un ennemi du peuple (Ibsen)

Un ennemi du peuple est une pièce dramatique en cinq actes de l’auteur norvégien Henrik Ibsen. Avec Hedda Gabler et Une maison de poupée, il s’agit de l’une des œuvres les plus célèbres du dramaturge. Publiée en 1882, elle est jouée pour la première fois en janvier 1883 à Oslo.

Pour les articles homonymes, voir Un ennemi du peuple.

Un ennemi du peuple

Page de titre du manuscrit de 1882.

Auteur Henrik Ibsen
Genre Drame contemporain
Nb. d'actes 5
Dates d'écriture 1882
Version originale
Titre original En Folkefiende
Langue originale Norvégien
Pays d'origine Norvège
Éditeur original Gyldendalske Boghandel
Lieu de parution originale Copenhague
Date de parution originale 28 Novembre 1882
Date de création 13 janvier 1883
Lieu de création Théâtre Christiana, Oslo
Version française
Traducteur A. Chenevière et C. Johansen
Date de parution 1892
Date de création en français 10 Novembre 1893
Lieu de création en français Théâtre de l’œuvre
Metteur en scène Aurélien Lugné-Poe
Rôle principal Aurélien Lugné-Poe
Lieux de l'action
Actes 1 et 2 : salon du docteur

Acte 3 : Bureau de rédaction du Messager du Peuple

Acte 4 : Salle de conférence

Acte 5 : Le cabinet de travail du docteur

Résumé

Résumé général

Le docteur Stockmann découvre que les eaux de la station thermale de son village sont contaminées. Il se met donc en devoir de prévenir le public. Mais pour remédier au mal, des travaux dispendieux seraient nécessaires. Aussi la municipalité, dont le maire n’est autre que le propre frère du docteur, tente de faire taire Stockmann.

Ce dernier, qui s’attendait naïvement à ce que les gens du village lui témoignent gratitude et reconnaissance, voit plutôt les villageois se liguer contre lui. Il perd peu à peu sa clientèle, sa maison est assiégée ; il est devenu un « ennemi du peuple » qui enfin déclare que « l'homme le plus fort du monde est aussi celui qui est le plus isolé » contre la tyrannie de la majorité.

Acte I

La scène se passe dans la maison du docteur Tomas Stockmann, le médecin d’une station thermale sur laquelle repose l’économie de la ville. Le soir où débute la pièce, le docteur et sa femme ont des invités. Arrive le frère du docteur, Peter Stockmannn, qui occupe des fonctions importantes dans la ville : juge, maître de police et président de la société thermale. Ce dernier lui propose d’écrire un article pour faire l’éloge de la station. Tomas refuse et donne des raisons évasives. Énervé, Peter s’en va. Arrive alors Petra, la fille du docteur, avec une lettre du facteur. On comprend alors le refus du docteur : la station est polluée. En effet, il avait envoyé des échantillons de l’eau à un laboratoire pour vérifier leur qualité, et il s’avère qu’elle est contaminée par des bactéries venant de la tannerie située en amont. Le docteur est heureux du bienfait qu’il fera à la ville, sans réaliser que la station devra fermer pour résoudre le problème. Il décide d’écrire un rapport public et autorise ses amis Hovstadt et Aslaksen, un rédacteur et un imprimeur, à écrire un article sur le sujet.

Acte II

Le lendemain, Kiil, le beau-père du docteur, qui possède la tannerie responsable de la pollution des eaux vient le voir pour le féliciter du bon tour qu’il prépare : il pense que l’impureté des bains est un mensonge trop ridicule pour être cru, et encore moins par le juge Stockmannn. Hovstadt et Aslaksen viennent voir le docteur pour l’assurer de leur appui et donc de celui du peuple, grâce au journal, et celui des propriétaires, grâce à Hovstadt, qui est aussi le représentant des propriétaires de la ville. Les deux hommes veulent aussi montrer les dessous de l’organisation de la station pour donner une plus grande notoriété au journal. À la suite de cette discussion, Tomas dit à Petra et à sa femme qu’il a la « majorité compacte »[1] avec lui. Peter arrive et essaie de convaincre son frère d’annuler son projet de rapport, qui serait désastreux pour l’économie de la ville. Comme il refuse, il menace d’abord de le licencier de son poste à la station, puis de le déclarer « ennemi public »[2], bien qu’il n’ait pas envie de recourir à la violence.

Acte III

À l’imprimerie du « Messager du peuple », Hovstadt et un rédacteur, Billing, discutent de la publication de l’article. Le docteur Stockmann arrive en leur demandant de l’imprimer, mais des contestations surviennent et les rédacteurs hésitent sur la nécessité de publier cet article. Stockmann repart, Petra entre. Hovstadt lui avoue son amour, mais lui rappelle également que son père dépend du journal : elle part indignée. Peter vient alors pour convaincre les journalistes de ne pas imprimer l’article en disant qu’il faudrait deux ans pour rénover les bains, ce qui ruinerait l’économie de la ville. La femme du docteur vient dans le même but, car elle a peur pour sa famille. Les journalistes refusent donc d’imprimer l’article du docteur. Dépité, ce dernier décide d’organiser seul une réunion pour se faire entendre de la ville, avec le soutien de sa femme, qui s’est finalement rendue aux arguments exposés au cours d’une discussion entre son mari et Peter.

Acte IV

La scène se passe chez un marin, le capitaine Horster, qui est la seule personne à avoir accepté de prêter une salle au docteur. Ce dernier veut lire son article devant les habitants de la ville. Sont présents des bourgeois et des ouvriers de la ville, ainsi que les rédacteurs du journal, la famille du docteur (seule à le soutenir) et le juge Stockmannn. Ce dernier a fait paraître un article la veille pour prévenir la ville que le docteur ne dira que des mensonges. Aslaksen est élu président du débat. La salle vote pour interdire au docteur de lire son texte. Pour avoir la parole, il prétend donc vouloir parler d’autre chose. Il fait un discours sur l’évolution sociale, sur le peuple et le mensonge imposé par la société. L'assemblée, irritée, se sent insultée lorsqu’il dit finalement « La majorité compacte est assez dépourvue de conscience pour vouloir fonder la prospérité publique sur la base pestilentielle de la fraude et du mensonge. »[3]. Le docteur est déclaré à l’unanimité « ennemi du peuple » et il décide alors de partir dans le navire de Horster. La foule s’en va, projetant d’aller briser ses vitres avec des pierres.

Acte V

Le lendemain, matin, le docteur Stockmann et sa femme sont dans le bureau et ramassent les pierres qui ont été jetées contre leurs fenêtres. Arrive Petra, qui dit qu’elle a été congédiée de son poste, car la directrice de l’école n’ose pas la garder. La famille est finalement expulsée de chez elle ; Tomas est licencié par son frère, tout comme le capitaine Horster. Hovstadt vient, lui disant qu’aucun propriétaire ne pourra l’embaucher, et que personne n’osera les accueillir ou les aider à cause de l’opinion publique. Le docteur décide de partir en Amérique avec sa famille et Horster, car il ne veut plus vivre dans cette ville. Peter lui promet cependant de le réintégrer s’il se dédit. Morten Kiil, le beau-père, arrive en disant qu’il a acheté des parts des bains avec l’argent qu’il voulait initialement laisser au docteur et sa famille. Ainsi, si Tomas continue à vouloir réparer les bains, l’argent sera perdu car les bains feront faillite. Kiil espère ainsi ramener son beau-fils dans la voie de la raison, mais le docteur refuse et son beau-père s’en va. Finalement, Tomas décide de rester dans le ville pour éduquer ses enfants et ceux de familles nécessiteuses afin qu’ils deviennent des hommes libres. Le docteur ne veut pas se soumettre à la société, il continuera son combat seul avec le soutien de sa famille.

Personnages

  • Le docteur Tomas Stockmann : médecin d'une station thermale
  • Mme Stockmann : sa femme
  • Petra : leur fille, maîtresse d'école
  • Eilif : leur fils, 13 ans
  • Morten : leur fils, 10 ans
  • Peter Sotckmann : frère aîné du docteur, juge de première instance, maître de police, président de la société thermale, etc
  • Morten Kiil : tanneur, père adoptif de Mme Stockmann
  • Hovdtadt : rédacteur du Messager du peuple
  • Billing : collaborateur du Messager du peuple
  • Horster : capitaine de vaisseau
  • Aslaksen : imprimeur
  • Bourgeois de toutes conditions, quelques femmes, et une bande d'écoliers venus de la réunion publique

Contexte de création

La pièce précédente d’Ibsen, Les Revenants, avait été l’objet d’attaques virulentes car elle critiquait l’hypocrisie de la morale puritaine de l’époque en plus de contenir des références voilées à la syphilis. C’est en partie devant l’agressivité des réactions provoquées par Les Revenants qu’Ibsen écrit Un ennemi du peuple.

Drame ou comédie ?

Ibsen, une fois la pièce achevée, dut choisir de sous-titrer la pièce « comédie » ou « drame ». Il fit part de son hésitation dans une lettre à son éditeur[4]. En effet, cette pièce, bien qu’ayant un fond sérieux, présente diverses caractéristiques de la comédie. Le docteur est rendu ridicule en apparaissant en robe de chambre et pantoufles à l’acte cinq. Lors de son discours, il compare le peuple à divers animaux : des poules, des chiens… Ensuite, la naïveté du docteur qui ne voit pas les conséquences de ses actes et les raisons qui montent le journal et le juge contre lui suscite de la compassion, mais fait rire aussi. A l’acte trois, le juge qui se cache mais oublie son chapeau peut rappeler certains fondements du vaudeville : Ibsen fut marqué par le théâtre de Scribe[5]. Cette pièce se démarque aussi par rapport à la pièce précédente d’Ibsen, Les Revenants, un huis-clos dont l'intrigue, dense et tendue, contraste avec la plus grande légèreté d’Un Ennemi du peuple qui se déroule dans divers endroits et sur plusieurs jours.[6].

Finalement, Ibsen choisit de qualifier la pièce de « drame ».

Versions

Cinéma

En 1978, la pièce est portée à l’écran par le réalisateur américain George Schaefer. Le rôle principal est interprété par Steve McQueen.

Le film indien Un ennemi du peuple (Ganashatru), du réalisateur Satyajit Ray, est une adaptation de la pièce d’Ibsen dont l’action est transposée en Inde. En 1989, le film est présenté hors-compétition au festival de Cannes.

Théâtre

Adaptations du texte

Notes et références

  1. Henrik Ibsen, Drames contemporains, La Pochotèque, 1276 p., p. 400
  2. Henrik Ibsen, Drames contemporains, La Pochotèque, 1276 p., p. 409
  3. Henrik Ibsen, Drames contemporains, La Pochotèque, 1276 p., p. 452
  4. (en) Bjǿrn Hemmer, Oxford companion to Ibsen, p. 81, chapitre 5
  5. (en) Janko Lavrin, Ibsen an approach, p. 8
  6. Henrik Ibsen et Vigdis Ystad (Notes), Drames contemporains, La Pochothèque, 1276 p. (ISBN 2-253-13128-8), p. 484, Notes
  7. « Spectacle : Un Ennemi du peuple », sur BNF
  8. « Spectacle : Un ennemi du peuple », sur BNF
  9. « Un ennemi du peuple », sur Les Archives du spectacle
  10. « Spectacle : Un ennemi du peuple », sur BNF
  11. « Spectacle : Un ennemi du peuple », sur BNF
  12. « Un ennemi du peuple », sur Les Archives du spectacle
  13. « Un ennemi du peuple », sur Les Archives du spectacle
  14. « Spectacle : Un ennemi du peuple », sur BNF
  15. « Spectacle : Un ennemi du peuple », sur BNF
  16. « Un ennemi du peuple de Henrik Ibsen », sur Théâtre de la Tempête
  17. « Dossier : un ennemi du peuple »
  18. « Un ennemi du peuple », sur Les Archives du spectacle
  19. « Un ennemi du peuple », sur Les Archives du spectacle
  20. Programme complet Intégrale Ibsen
  21. Odéon-Théâtre de l'Europe, « Un ennemi du peuple - Spectacles », sur Odéon-Théâtre de l'Europe (consulté le )
  22. « Un ennemi du peuple », sur Compagnie Tabula Rasa (consulté le )
  • Portail du théâtre
  • Portail de la Norvège
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.