US-P

US-P (acronyme du russe. Oupravlenniie Spoutnik Passivni en français Satellite de surveillance passif) et sa variante US-PM est une famille de satellites de renseignement d'origine électromagnétique soviétiques puis russes développée dans les années 1960 pour localiser les navires militaires des flottes ennemies en écoutant de manière passive les émissions électromagnétiques de leurs appareillages électroniques (émetteurs radio, radars...). Ces satellites de type EORSAT (Electronic Ocean Reconnaissance Satellite) étaient utilisés pour obtenir des renseignements tactiques et fournir les coordonnées de leur cible aux missiles air-mer et mer-mer trans-horizons chargés de couler les navires. L'US-P est conçu dans les années 1960 par l'OKB-52 et construit par KB Arsenal installé à Leningrad. D'une masse d'environ 3 tonnes il est placé sur une orbite basse par un lanceur Tsiklon-2. Le premier lancement a lieu en 1974 et le système est déclaré opérationnel en 1978. 50 satellites de ce type sont mis en œuvre jusqu'à la fin des années 2000. Les données recueillies par les US-P étaient complétées par celles des satellites RORSAT (US-A) qui utilisaient un radar actif pour détecter les navires faisant silence radio. À partir de 1993 l'US-P est remplacé par l'US-PM qui reprend également le rôle des RORSAT. La Russie ne dispose plus en 2014 de satellite US-PM opérationnel mais la relève devrait être assurée au cours de la décennie 2010 par les Pion-NKS en cours de développement.

Historique

Contexte

Dans les années 1960, la marine de guerre soviétique subit une évolution majeure avec un quasi abandon des navires de grande taille au profit de navires plus modestes - croiseurs, destroyers, patrouilleurs - équipés de missiles de croisière mer-mer à longue portée (500 km) et dotés de têtes nucléaires. Parmi ces missiles figurent par exemple le P-5 Pityorka développé par le bureau d'études OKB-52 dirigé par Vladimir Tchelomeï et entré en service opérationnel en 1959. Les responsables militaires soviétiques comptaient sur ces missiles pour contrebalancer l'écrasante supériorité de la flotte américaine. Mais pour que ces armes soient efficaces il fallait disposer d'un système permettant de localiser une cible qui la plupart du temps serait au-delà de la portée des radars des navires soviétiques. Des avions spécialisés équipés de radar (Tu-16 RT et Tu-95 RT) et même des hélicoptères (Ka-25 RT sont mis au point et entrent en service opérationnel à partir de 1965. Mais ces aéronefs étaient vulnérables car ils pouvaient facilement être abattus par la défense anti-aérienne des flottes américaines[1].

Définition d'un cahier des charges

L'OKB-52 de Tchelomeï avec l'aide des ingénieurs du bureau d'études KB-1 (en) spécialisé dans les systèmes de défense aérienne et dans les satellites anti-missiles définissent en 1959-1960 le cahier des charges d'un satellite pouvant se substituer aux aéronefs en dépistant les navires depuis l'espace. Selon ce cahier des charges, ce satellite doit disposer d'un radar pour pouvoir détecter les navires par tous temps, de jour comme de nuit, ainsi que d'un système d'écoute des émissions électromagnétiques. Son système de contrôle doit permettre de connaître précisément son orbite et de modifier celle-ci sur commande. Il prévoit de développer pour les navires porte missiles un système capable de traiter les données collectées par le satellite et d'injecter directement les paramètres de la cible dans le système de guidage des missiles. Enfin il met en avant la nécessité de développer un lanceur capable de placer en orbite le satellite. Les deux aspects les plus critiques du système sont le caractère tous temps du système et sa capacité à fournir des données suffisamment récentes car la vitesse de déplacement des navires ennemis rend rapidement les données caduques[2].

Développement du système

Tchelomeï est un des favoris du dirigeant soviétique de l'époque Nikita Khrouchtchev. Il présente un projet de développement du satellite conçu sur la base du cahier des charges établi avec le KB-1. Le satellite doit être placé en orbite par un nouveau lanceur basé sur son missile UR-200 capable de placer 4 tonnes en orbite basse. Le projet est accepté officiellement en . Il comporte de nombreux points communs avec le projet de satellite anti-satellite IS développé par KB-1. La chute de Khrouchtchev en 1964 entraîne celle de son favori Tchelomei. Le bureau d'études KB-1 reprend la tête du projet dont l'OKB-52 n'est désormais plus qu'un sous-traitant. Le département du KB-1 qui est chargé de ce développement et qui est dirigé par Anatoli Savin deviendra autonome en 1973 et prendra l'appellation OKB-41. La disgrâce de Tchelomeï entraîne l'abandon du projet de lanceur basé sur l'UR-200 au profit d'une fusée développée à partir du missile balistique R-36. Deux pas de tir sont construits à Baïkonour pour ce nouveau lanceur baptisé Tsiklon-2 (le chiffre indique le nombre d'étages). À la suite de l'adoption du nouveau lanceur moins puissant que celui envisagé, les ingénieurs soviétiques décident de diviser la charge utile en développant deux types de satellite pour réduire la masse à placer en orbite : l'US-A (plus connu sous son appellation occidentale RORSAT) emporte le radar prévu tandis que la charge utile de l'US-P est constituée par les équipements d'écoute radio. L'institut de recherche TsNII-108 est chargé de développer les deux charges utiles[3].

Carrière opérationnelle

Le premier US-P est lancé sous l'appellation Cosmos 699 en 1974 et le système est déclaré opérationnel en 1978. 36 satellites de ce type sont lancés durant l'ère soviétique (avant 1992) et 3 par la suite. Pour que le système reste opérationnel en temps de paix, il est nécessaire de disposer en permanence de deux satellites en orbite. Mais la fréquence des lancements décline à la fin de l'ère soviétique au point qu'en il ne subsiste plus aucun satellite opérationnel. Alors que le maintien des autres systèmes satellitaires militaires n'est plus assuré durant la décennie 1990, les US-PM qui ont pris le relais des US-P bénéficient un temps d'une priorité très élevée puisque la Russie dispose de quatre satellites opérationnels en 1994 puis de cinq en six en 1997 qui viennent en partie compenser l'arrêt de la version US-A. Mais cet effort n'est pas poursuivi car en , il n'y a de nouveau plus aucun satellite opérationnel. Il s'ensuit jusqu'en 2007 une période durant laquelle la couverture dure le temps de vie d'un unique satellite (de 18 à 24 mois généralement) suivi généralement d'une période sans aucun satellite en fonctionnement. Le dernier satellite US-PM est lancé en 2006. A compter de 2007 la Russie ne dispose plus de satellite de ce type. La production des US-P/US-PM s'est arrêtée au milieu des années 1990 et les satellites de ce type lancés par la suite étaient des engins produits à l'avance et stockés[4]. Le lancement du premier exemplaire du successeur des satellites US, le Pion-NKS, développé dans le cadre du programme Liana, est initialement programmé en 2012 mais n'a lieu qu'en 2021[5].

Caractéristiques techniques

US-P

Le corps du satellite US-P est un engin cylindrique de 1,3 mètre de diamètre pour une masse de 3,3 tonnes. Le corps du satellites est encadré par deux panneaux solaires une fois et demi plus long et parallèle à celui-ci qui portent la longueur hors tout à 17 mètres. Le satellite dispose d'un système de détection des signaux électromagnétiques développé par la branche de l'institut de recherche TsNII-108 située à Kalouga. Une antenne de grande taille en forme de X collecte les signaux électromagnétiques émis par la flotte ennemie. Les corrections d'orbite et d'orientation sont réalisées à l'aide de 4 moteurs-fusées de 100 newton brulant un mélange de UDMH et de peroxyde d'azote stocké dans 8 réservoirs de 60 litres. Des moteurs ioniques sont utilisés pour les ajustements fins et fréquents de l'orbite. D'après les analystes occidentaux, le système était capable de fournir des données sur les cibles potentielles avec une précision de 2 kilomètres. Des micro propulseurs Les navires lance-missiles soviétiques puis russes étaient équipés d'antennes Punch Bowl (codification OTAN) permettant de recevoir directement les signaux des satellites US-A et US-P grâce au relais assuré par des satellites de télécommunications de type Molnia ou Tsiklon. Les coordonnées des cibles étaient alors introduites dans le système de guidage de missiles anti-navires comme le P-500 Basalt. Une station terrestre avait été construite spécifiquement près de la ville de Noguinsk, située à une quarantaine de km à l'est de Moscou, pour contrôler les US-A et les US-P ainsi que les satellites anti-satellites IS[6],[7].

US-PM

L'US-PM (M pour Modifikirovanni), parfois également appelée US-PU, est une version améliorée de l'US-P qui remplace celui-ci à partir de 1993 et est lancée à 13 exemplaires.

Mise en œuvre

Nombre d'heures entre deux survols[8]
Nombre
US-P/US-A
Latitude du site
10°20°30°40°50°60°70°
1 US-P28 h.24 h.24 h.20 h.16 h.14 h.6 h.28 h.
2 US-P14 h.12 h.12 h.10 h.8 h.7 h.3 h.14 h.
4 US-P7 h.6 h.6 h.5 h.4 h.3,5 h.1,5 h.7 h.
2 US-P
2 US-A
9 h.8 h.8 h.7 h.6 h.5 h.2,3 h.3 h.
4 US-P
7 US-A
4 h.3 h.3 h.3 h.2,4 h.2 h.1 h.0,9 h.

Les satellites US-P circulent sur une orbite d'altitude moyenne de 435 km avec une inclinaison de 65°. La durée de vie d'un satellite était en moyenne d'un an et demi. Compte tenu de la vitesse de déplacement des navires, le système devait pouvoir actualiser la position des cibles toutes les deux heures afin que les coordonnées fournies au missile restent exploitables. Le temps entre deux survols d'une zone dépendait de sa latitude et du nombre de satellites US-P en orbite (cf tableau de droite). Selon un rapport de la CIA établi en 1993, l'Union soviétique disposait, en prévision d'un conflit, d'un stock de 22 lanceurs Tsiklon-2 sur le cosmodrome de Baïkonour et de 7 satellites US-P/A ainsi qu'une douzaine de satellites anti-satellites IS prêts à être lancés. En cas de conflit pour fournir une position des navires circulant entre les latitudes 50 et 70° actualisée tous les deux heures, l'Union soviétique devait disposer de 7 satellites US-A et 4 satellites US-P en orbite. Les procédures de lancement très automatisées des Tsiklon-2 devaient permettre de mettre en orbite de 6 à 10 satellites par jour. Le délai pour lancer une fusée Tsiklon-2[9].

Historique des lancements

Historique des lancements (maj 12/2014) [10],[11]
Date
lancement
typeDésignationréférence
Cospar
Durée de vie
opérationnelle
Dernière
manœuvre
Rentrée
atmosphérique
Commentaire
24/12/1974US-PCosmos 6991974-103A
29/10/1975US-PCosmos 7771975-102A
2/7/1976US-PCosmos 8381976-063A
26/11/1976US-PCosmos 8681976-113A
24/8/1977US-PCosmos 9371977-077A196 jours
18/4/1979US-PCosmos 10941979-033A
25/4/1979US-PCosmos 10961979-036A
14/3/1980US-PCosmos 11671980-021A372 jours
4/11/1980US-PCosmos 12201980-089A145 jours
21/3/1981US-PCosmos 12601981-028A176 jours
4/8/1981US-PCosmos 12861981-072A224 jours
14/9/1981US-PCosmos 13061981-089A150 jours
11/2/1982US-PCosmos 13371982-010A8 jours
29/4/1982US-PCosmos 13551982-038A249 jours
4/9/1982US-PCosmos 14051982-088A91 jours
7/5/1983US-PCosmos 14611983-044A268 jours
29/10/1983US-PCosmos 15071983-110A222 jours
30/5/1984US-PCosmos 15671984-053A538 jours
7/8/1984US-PCosmos 15881984-083A341 jours
23/1/1985US-PCosmos 16251985-008A0 jours
18/4/1985US-PCosmos 16461985-030A312 jours
19/9/1985US-PCosmos 16821985-082A382 jours
27/2/1986US-PCosmos 17351986-021A576 jours
25/3/1986US-PCosmos 17371986-025A254 jours
4/8/1986US-PCosmos 17691986-059A367 jours
8/4/1987US-PCosmos 18341987-031A510 jours
10/10/1987US-PCosmos 18901987-086A
28/5/1988US-PCosmos 19491988-045A662 jours
18/11/1988US-PCosmos 19791988-101A374 jours
24/7/1989US-PCosmos 20331989-058A516 jours
27/9/1989US-PCosmos 20461989-079A560 jours
24/11/1989US-PCosmos 20511989-092A260 jours
14/3/1990US-PCosmos 20601990-022A527 jours
23/8/1990US-PCosmos 20961990-075A710 jours
14/11/1990US-PCosmos 21031990-096A49 jours
4/12/1990US-PCosmos 21071990-108A461 jours
18/1/1991US-PCosmos 21221991-005A775 jours
30/3/1993US-PMCosmos 22381993-018A540 jours
28/4/1993US-PMCosmos 22441993-029A657 jours
7/7/1993US-PMCosmos 22581993-044A603 jours
17/9/1993US-PMCosmos 22641993-060A564 jours
2/11/1994US-PMCosmos 22931994-072A509 jours
8/6/1995US-PMCosmos 23131995-028A683 jours
20/12/1995US-PMCosmos 23261995-071A659 jours10/10/19978/11/1997
11/12/1996US-PMCosmos 23351996-069A
9/12/1997US-PMCosmos 23471997-079A
26/12/1999US-PMCosmos 23671999-072A
21/12/2001US-PMCosmos 23832001-057A
28/5/2004US-PMCosmos 24052004-020A
25/6/2004US-PMCosmos 24212006-026A

Notes et références

Voir aussi

Sources et bibliographie

  • (en) Asif Siddiqi et al., « Staring at the sea: the soviet RORSAT and EORSAT programmes », Journal of the Bristish Interplenanetary Society, vol. 52, nos 11/12, , p. 394-416 (lire en ligne)
Étude de 1999 sur les satellites US-P et US-P rédigée par le spécialiste américain du programme spatial soviétique
  • (en) Brian Harvey, The Rebirth of the Russian Space Program - 50 Years After Sputnik, New Frontiers, Springer-Praxis, , 358 p. (ISBN 978-0-387-71354-0, lire en ligne)
    la renaissance du programme spatial russe après l'éclatement de l'Union Soviétique

Articles connexes

Liens externes

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