Turcaret ou le Financier

Turcaret ou le Financier est une comédie en cinq actes en prose de Lesage représentée pour la première fois à la Comédie-Française le .

Turcaret ou le Financier

Auteur Lesage
Pays France
Genre comédie
Éditeur Pierre Ribou
Lieu de parution Paris
Date de parution 1709
Date de création
Lieu de création Comédie-Française

Résumé

Début : La Baronne est une jeune veuve dépensière. Elle profite de M. Turcaret, fou amoureux d'elle qui lui a promis de l'épouser mais qui est déjà marié en cachette. Elle profite de son argent et en donne au Chevalier qu'elle aime, mais qui dépense sans compter dans les jeux.

Fin : Turcaret est ruiné et tous les trompeurs sont trompés. Les deux seuls à profiter de cette situation sont Frontin et Lisette, deux serviteurs amoureux l'un de l'autre, qui sont parvenus à mettre de côté une certaine somme d'argent.

Personnages

  • La Baronne, jeune veuve, coquette
  • M. Turcaret, traitant, amoureux de la Baronne
  • Le Chevalier, le Marquis, Petits-Maîtres
  • Mme Turcaret, femme de Monsieur Turcaret
  • Mme Jacob, revendeuse à la toilette, sœur de Monsieur Turcaret
  • Marine, Lisette, suivantes de la Baronne
  • Frontin, valet du Chevalier
  • Flamand, valet de Monsieur Turcaret
  • M. Rafle, usurier
  • Jasmin, petit laquais de la Baronne

Argument

ACTE 1. Le fermier général Turcaret n’est pas avare de présents pour la baronne, une jeune veuve dont il est amoureux, mais qui elle-même en tient pour le chevalier, un petit-maître qui n’en veut qu’à son argent.

ACTE II. Après que la Baronne a congédié Marine, sa suivante, Frontin, le valet du Chevalier la fait remplacer par Lisette, sa propre « protégée ». Marine s’étant vengée de la Baronne en révélant les manigances de celle-ci à Turcaret, celui-ci vient lui faire une scène. L’esclandre tourne à la confusion de Turcaret à nouveau dupé par la baronne à qui il finit par faire des excuses. Frontin se fait ensuite prendre, pour mieux le dépouiller, au service de Turcaret dont il gagne la confiance en jouant les nigauds.

ACTE III. Un Marquis révèle l’origine de Turcaret qui n’est qu’un ancien laquais. On apprend également qu’il pratique l’usure avec M. Rafle.

ACTE IV. Frontin commence à escroquer Turcaret en lui faisant décharger une fausse dette de la Baronne. On apprend que Mme Jacob, qui est revendeuse à la toilette, est la sœur de Turcaret qui l’a reniée et traitée honteusement. Mme Jacob apprend aussi à la Baronne que Turcaret est marié.

ACTE V. Les créanciers de Turcaret font saisir ses biens avant de le faire arrêter. La Baronne finit par chasser Lisette et rompt avec le Chevalier qui renvoie Frontin. Néanmoins, celui-ci s’en sort bien : ayant volé tout le monde, il se retrouve avec 40 000 livres. Il va pouvoir épouser Lisette et remplacer Turcaret : « Voilà le règne de M. Turcaret fini ; le mien va commencer ».

Analyse

Avec Turcaret, Lesage se montra le digne élève de Molière, atteignant comme auteur dramatique, une hauteur que ni ses débuts ni la nature aimable de son talent ou l’indulgence de son caractère ne faisaient pressentir. Cette pièce, qui est presque le pendant de Tartuffe, est peut-être l’œuvre qui se rapproche le plus des grandes créations de Molière[1]. Turcaret est une satire âpre et vigoureuse de la platitude naturelle et des vices d’emprunt du parvenu de la fortune, dépourvu d’éducation. Sans scrupule ou sentiment humain, Turcaret, à qui tout est bon pour gagner de l’argent, escroquerie, usure, tromperie, finira par se laisser griser par sa réussite en se croyant, dans son impudence, au-dessus des lois et à l’abri des poursuites judiciaires : c’est ce qui le perdra.

On pense que, dans Turcaret, Lesage voulut se venger de quelques traitants auxquels il devait peut-être ses déboires financiers. L’expiation fut sanglante. Avant même de paraître, Turcaret avait excité contre elle les mêmes oppositions que Tartuffe. Les financiers menacés firent jouer toutes les cabales, essayèrent toutes les influences, même celle de la séduction de l’argent envers l’auteur. Ils lui offrirent, dit-on, cent mille livres pour retirer sa pièce et se virent refuser. Ce n’est que lorsque le dauphin, fils de Louis XIV, intervint pour mettre un terme aux difficultés en envoyant aux comédiens du roi l’ordre formel « d’apprendre la pièce et de la jouer incessamment » que put enfin avoir lieu la représentation de Turcaret.

Turcaret est la satire la plus acerbe à la fois et la plus gaie qu’on ait jamais faite. Le dialogue est aussi parfait que les incidents sont heureux. L’humiliation dont l’auteur accable le vice reste plaisante sans, pour autant, jamais rebuter. Le traitant Turcaret apparaît dans toute sa laideur morale, avec son insolence et sa bassesse, son ostentation de prodigalités, ses folies et ses débauches, où la grossièreté native perce sous la vanité. Tous ces traits, qui sont ceux de la nature humaine vue sous le jour d’une situation sociale particulière, sont mis en relief par l’action elle-même, dans une sorte de réalité vivante qui porte elle-même son enseignement moral par la répulsion qu’elle inspire. la peinture de cet épais financier tout gonflé d’or et de bêtise dont les vices ne sont pas encore assez élégants pour échapper au ridicule et qui, trompé, par une coquette et un valet, moqué par tous les personnages, est livré à l’humiliation d’avoir retrouvé sa famille qu’il fuyait, est d’une verve comique qui provoque le rire jusque dans ses malheurs, toujours trop vil pour devenir intéressant, toujours trop niais pour n’être que méprisable.

Lesage n’a pas besoin de flétrir, en son nom et au nom de la vertu, des personnages qu’il lui suffit de faire mouvoir sous les yeux du spectateur. Ne reculant devant aucune situation, les héros et les comparses de sa comédie, le maître, les valets, les amis, forment du haut en bas un monde ignoble et odieux qui n’en est pas moins comique, grâce à la suite de tromperies réciproques où tous ces personnages se laissent prendre. Les dupeurs sont, à tour de rôle, dupés et les fripons victimes de friponneries. La femme qui trompe le financier prodigue et crédule est à son tour trompée par un chevalier d’industrie et par des valets dignes de tels maîtres. Une revendeuse à la toilette, qui vit des épaves de cette scandaleuse opulence, se trouve être la sœur de Turcaret lui-même et reconnaît la femme de ce dernier dans une fausse comtesse en quête d’aventures ; un marquis libertin, client de l’usure et courtisan de la fortune de l’usurier, reconnaît dans celui-ci un ancien laquais de son père et retrouve au doigt de sa maîtresse sa propre bague qu’il a mise en gage chez le traitant. Toute cette fortune échafaudée sur le vice avec tant d’audace croule à la fin, mais sans étouffer la friponnerie sous ses ruines. Frontin prend sa part des dépouilles et, le règne de Turcaret fini, celui du valet commence : c’est le dernier mot de la pièce.

On a reproché à Lesage d’avoir mis en scène, dans Turcaret, des mœurs aussi mauvaises et de ne proposer que des êtres avilis, mais le rôle de la comédie était de peindre les mauvaises mœurs sociales, celles ayant besoin d’être corrigées. Il a également été reproché à Turcaret de n’offrir aucun personnage honnête et sympathique au profit duquel puisse tourner la dénonciation du vice. Cet élément est racheté par la vérité des peintures, l’imprévu des incidents, le comique, des situations, la verve du dialogue, la vivacité des saillies, la gaieté piquante de la satire, le mouvement et la vie de l’œuvre entière. Lesage ne regarde la morale que comme un accessoire subalterne, mais, dans Turcaret, la représentation du vice et de la bassesse se suffit, comme repoussoir, à elle-même. Les formes de l’usure en grand ont pu changer, et avec elles les types de ceux qui l’exercent, mais Turcaret garde une vérité éternelle. Cette pièce dont la morale n’est pas dépourvue de finesse abonde en bons mots qu’on en a retenu presque autant que des pièces les mieux versifiées.

Turcaret se classe parmi les meilleures comédies dépeignant la société réelle de son temps et est restée la satire classique des fortunes improvisées par la spéculation et l’agiotage. Le seul vrai reproche encouru par Lesage est un certain manque d’unité dans l’intrigue, manque néanmoins compensé par la profusion le plus magistrale de la description de caractères dans les parties séparées. Turcaret, le financier impitoyable, malhonnête et dissolu, son épouse, vulgaire et aussi dissolue que lui, le marquis écervelé, le chevalier malhonnête, la baronne coquette, sont autant de portraits achevés du meilleur comique, alors que presque autant peut être dit des caractères mineurs. Le style et le dialogue sont également dignes du plus grand éloge ; l’esprit ne dégénère jamais en simple échange de reparties.

Notes et références

  1. Alain-René Lesage, Turcaret, Les Editions de Londres, (ISBN 978-1-910628-05-8, lire en ligne)

Bibliographie

  • Maurice Baudin, « Un Tournant de la carrière du valet de comédie », Modern Language Notes, vol. 46, n°. 4. Apr., 1931, p. 240-245
  • Francois-Xavier Cuche, « La formule dramatique de Turcaret ou le rythme et le jeu », Travaux de Linguistique et de Littérature, 1972, no 10 (2), p. 57-79
  • (en) Michael Cardy, « A Trumpet Obbligato: Contextualisation of a Passage from Lesage’s Turcaret », Essays on French Comic Drama from the 1640s to the 1780s, Éd. Derek Connon, George Evans, Bern, Peter Lang, 2000, p. 87-98
  • Mechele Leon, « La Finance et la fiction : Turcaret d’Alain-René Lesage », L’Autre au XVIIe siècle, Barbara Ralph Heyndels, Éd. et intro., Tübingen, Narr, 1999, p. 107-15
  • (en) Richard Parish, « Marine Chassée: A Reconsideration of the Dramatic Structure of Lesage’s Turcaret » ‘En marge du classicisme’ : Essays on the French Theatre from the Renaissance to the Enlightenment, Éd. Alan Howe, Richard Waller, Liverpool, Liverpool UP; 1987, p. 173-199
  • (en) Joseph G. Reish, « Lesage’s Dramatization of a Social Cycle: The Ups and Downs of the Likes of Turcaret », French Literature Series, 1988, no 15, p. 31-40
  • (it) Antoine Sauro, Turcaret, Bari, Adriatica Éditrice, 1957

Sources

Lien externe

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