Troisième guerre indo-pakistanaise

La troisième guerre indo-pakistanaise, qui eut lieu en décembre 1971, aboutit à l'indépendance du Pakistan oriental sous le nom de Bangladesh. Les deux États issus de la partition de l'Inde s'étaient déjà affrontés en 1947-1948 et en 1965, au sujet du Cachemire.

Troisième guerre indo-pakistanaise
Mouvements des troupes indiennes et des réfugiés.
Informations générales
Date 3
Lieu Pakistan oriental (actuel Bangladesh) et frontières ouest indo-pakistanaise
Issue Victoire indienne
Changements territoriaux Indépendance du Bangladesh
Belligérants
Inde
Mukti Bahini
Pakistan
Commandants
Sam Manekshaw (en)
Jagjit Singh Aurora (en)
Gopal Gurunath Bewoor (en)
Kunhiraman Palat Candeth (en)
Gul Hassan Khan
Abdul Hamid Khan (en)
Tikka Khan
A. A. K. Niazi
Pertes
3 843 tués
9 851 blessés
1 frégate
71 avions
4 hélicoptères[1]
9 000 tués
4 350 blessés
97 368 capturés
2 destroyers
1 dragueur de mines
1 sous-marin
3 patrouilleurs
7 vedettes lance-torpilles
44 avions (dont 2 civils)
2 hélicoptères[2]
Civils : 500 000 à 3 000 000 morts
5 avions neutres détruits par l'Inde

Guerre indo-pakistanaise

Batailles

Torpillage du Khukri * Opération Trident (1971) * Opération Python (1971)

Mauvais rapports entre les deux Pakistan

En 1970, la Ligue Awami, une formation politique du Pakistan oriental, revendique l'indépendance de ce qui va devenir le Bangladesh. Depuis la partition de l'ancien Empire britannique des Indes en 1947, le Pakistan, État fondé sur la religion majoritaire de ses habitants qu'est l'islam, est alors constitué de deux entités : le Pakistan occidental (correspondant au Pakistan actuel) qui avec une superficie de plus de 800 000 km2 comprenait 55 % de la population, et le Pakistan oriental, anciennement nommé Bengale oriental (le Bangladesh actuel), d'une superficie de 144 000 km2 formant 45 % de la population (avec 78 millions d'habitants avant le conflit) et distant de plus de 1 500 kilomètres par rapport au Pakistan occidental.

Les Pakistanais orientaux (qui sont Bengalis, comme les habitants de l'État indien du Bengale occidental, dont Calcutta est la capitale) considèrent que leur participation au pouvoir est insuffisante (aucun président du Pakistan provenant de cette région, et 5 Premiers ministres totalisant 5 ans d'exercice sur les 24 ans d'existence alors du Pakistan) et une considération économique inférieure au Pakistan occidental (les dépenses du gouvernement sont réparties entre 1950 et 1970 à 59,5 % du budget dans le Pakistan occidental et 40,5 % dans le Pakistan oriental)[3]. La mauvaise gestion du gouvernement central lors du désastreux cyclone de Bhola qui fit entre 250 000 et 500 000 morts ne fit qu'augmenter le ressentiment de la population[4],[5]. Ce fut peut-être la première fois qu'une catastrophe naturelle déclencha une guerre civile[6].

La démission du général Ayub Khan en 1970 amène à la tenue d'élections législatives en mars 1971 où le Pakistan oriental se voit reconnaître son importance démographique. Il devait alors disposer de 162 sièges sur les 300 du parlement du Pakistan. Le résultat des élections permet à la Ligue Awami, dirigée par Mujibur Rahman, d'obtenir 160 sièges et de revendiquer la formation d'un gouvernement. Le président et général pakistanais, Yahya Khan, appuyé par son successeur Zulfikar Ali Bhutto refuse. Après avoir mis en scène des pourparlers avec Mujibur, il le fait arrêter dans la nuit du , interdit la Ligue Awami[7], et lance une répression de grande ampleur[8]. Le , Ziaur Rahman, officier rebelle de l'armée pakistanaise, déclare l'indépendance du pays au nom de Mujibur Rahman.

Guerre de libération du Bangladesh

Localisation des forces pakistanaises et bengalies le 25 mars 1971 au déclenchement de l'opération Searchlight.

L'opération Searchlight (en), lancée le utilisa des méthodes sanglantes ; la violence de ce qu'on appellera la « guerre de libération du Bangladesh » provoqua la mort de nombreux civils[9]. Parmi les cibles les plus importantes, on trouve des intellectuels et des hindous ; la plupart des chefs de la Ligue Awami quittent le pays et installent un gouvernement en exil à Calcutta, en Inde. La guerre dure neuf mois et des millions de réfugiés entrent en Inde pour fuir les combats.

Il y avait plus de 20 % d'hindous avant 1971, et après 1971, les statistiques vont montrer une baisse, et donner le chiffre de 10 % d'hindous, ce qui semble parlant pour estimer le nombre des victimes issues de cette religion (il y avait toujours 9 % d'hindous en 2012).

Les forces armées du Pakistan rencontrent une résistance indépendantiste facilement matée malgré la guérilla menée par les Mukti Bahini. Le pourcentage de Bengalis ayant le rang d'officiers dans les forces armées pakistanaises étaient d'environ 5 % en 1965 et il n'y avait que deux unités spécifiquement est-pakistanaises[10].

En avril, une résolution du Parlement de l'Inde demande que la Première ministre de l'Inde Indira Gandhi aide à l'approvisionnement des rebelles dans l'Est du Pakistan. Elle obéit, mais refuse de reconnaître le gouvernement provisoire de Bangladesh indépendant.

Une guerre de propagande entre le Pakistan et l'Inde suivit le début de cette guerre d'indépendance, Yahya menaça de faire la guerre à l'Inde si ce pays tente de saisir une partie du Pakistan et affirme que le Pakistan peut compter sur ses amis américains et chinois. Dans le même temps, le Pakistan a tenté d'apaiser la situation dans sa partie Est. Tardivement, il a remplacé Tikka, dont les tactiques militaires avaient causé des dégâts et des pertes de vie humaines, par le plus modéré lieutenant général A. A. K. Niazi. Un modéré bengali, Abdul Ali Malik (en), a été installé en tant que gouverneur civil du Pakistan oriental. Ces gestes d'apaisements tardifs n'ont pas donné de résultats ni apaisé l'opinion mondiale[11].

Selon les estimations, cette guerre civile aurait causé en 9 mois entre 500 000 et 3 000 000 de décès de civils bengalis, un bilan alourdi notamment par des épidémies de choléra[12],[13]. Environ 200 000 femmes furent violées par des soldats pakistanais durant ce conflit[14].

La réaction de l'Inde

Le général pakistanais A. A. K. Niazi signant la reddition.

Ces évènements provoquent en quelques mois l'exode de 8 à 10 millions de réfugiés vers l'Inde[15]. Le gouvernement indien mené par Indira Gandhi accumule ses forces le long de la frontière du Cachemire et soutient activement le mouvement indépendantiste. Les Indiens attendent l'hiver pour intervenir, afin d'éviter un soutien de la République populaire de Chine au profit des Pakistanais.

Les forces en présence étaient en faveur de l'Inde. Les forces armées indiennes disposaient de 24 divisions, de plusieurs brigades blindées équipées entre autres de 450 chars T-54 et T-55 et de 300 Vijayanta (en) (version locale du Vickers Mk 1), de plusieurs brigades d'infanterie et de deux divisions de parachutistes, son aviation était composée de 600 avions de combat dont huit escadrilles de récents MiG-21, six escadrilles de Su-7, six de Hawker Hunter, huit de Folland Gnat, deux de HAL HF-24 Marut, quatre de bombardiers Canberra. Le moral était excellent et son commandement de qualité.

De son côté, le Pakistan alignait 12 divisions d'infanterie, 2 divisions blindées, une brigade blindée et son aviation, équipée de six escadrilles de chasseurs F-86 Sabre, une de F-104 Starfighter, trois de Shenyang J-6, une de Mirage IIIEP et deux de bombardiers Canberra[16], était plus faible et moins efficace que celle de l'Inde. La valeur des troupes pakistanaises était excellente mais la corruption du régime avait dégradé le commandement et le moral de l'armée[17].

Le , l'aviation pakistanaise attaque préventivement plusieurs bases aériennes indiennes, ce qui permet à l'armée indienne de répliquer : elle lance une offensive-éclair sur le Pakistan oriental le 4 décembre, le théâtre d'opération du Cachemire n'étant pas concerné. 160 000 militaires indiens entrent au Pakistan oriental et affrontent une force pakistanaise de 73 000 hommes. L'armée pakistanaise, isolée dans ce territoire, assiégée à Dacca à partir du 10 décembre alors que la marine pakistanaise est neutralisée lors des opérations Trident et Python, accepte la défaite le 16 décembre et le président pakistanais Yahya Khan accepte le cessez-le-feu puis démissionne. Les opérations militaires ont coûté la vie à entre 10 000 et 30 000 soldats des deux camps. Le Bangladesh devient effectivement indépendant en janvier 1972, Mujibur Rahman prit la tête de son premier gouvernement.

Le Pakistan a été fermement soutenu par la diplomatie des États-Unis, alors menée par Henry Kissinger sous la présidence de Richard Nixon. Tout en étant une nation non-alignée, l'Inde est à ce moment-là une nation proche de l'URSS avec qui elle signe un traité de coopération militaire en août 1971 en prévision de ce conflit  au moins un militaire soviétique meurt au Bangladesh[18]. Les relations entre l'Inde et les États-Unis se détériorent à cause du traité signé avec l'URSS, ce qui provoque la méfiance de Kissinger à l'égard d'Indira Gandhi[19]. Kissinger estime que l'Inde cherche à asseoir sa situation dans la région par une démonstration de force[20]. Le soutien est principalement diplomatique, puis, alors que le Pakistan est au bord de la déroute militaire, un porte-avions américain, l'USS Enterprise (CVN-65) est envoyé dans le golfe du Bengale pour intimider le gouvernement indien et lui faire conclure un cessez-le-feu. L'objectif de la Maison-Blanche est de prévenir l'annexion du Cachemire par l'Inde qui pourrait entraîner la destruction du Pakistan ; il s'agit de donner des gages de sécurité aux alliés, de contrer les manœuvres des Soviétiques et de poursuivre le rapprochement avec la Chine, alliée du Pakistan qui sert d'intermédiaire entre les deux pays.

L'une des conséquences de cette guerre, outre la création d'un État dont la population est l'une des dix premières du monde, est un sévère affaiblissement du Pakistan.

Bibliographie

  • (en) Imtiaz Ahmed, Historicizing 1971 genocide : state versus person, University Press, Dhaka, 2009, 106 p.
  • (en) John H. Gill, An atlas of the 1971 India-Pakistan War : the creation of Bangladesh, Near East South Asia Center for Strategic Studies, National Defense University, Washington, D.C., 2003?, 112 p.
  • (en) Christopher Hitchens, « Bangladesh : One genocide, one coup and one assassination », The Trials of Henry Kissinger, Verso, Londres, 2001, p. 44-54 (ISBN 1-85984-631-9)
  • (en) A. M. A. Muhith, American response to Bangladesh liberation war, University Press, Dhaka, Bangladesh, 1996, 499 p. (ISBN 9840513613)
  • (en) Pierre Stephen and Robert Payne, Massacre, Macmillan, New York, 1973 (ISBN 0-02-595240-4)
  • (en) Swaran Singh et Samar Sen, Bangla Desh and Indo-Pak war : India speaks at the U.N. ; speeches by India's External Affairs Minister Shri Swaran Singh and India's permanent representative Shri S. Sen at the United Nations, Publications Division, Ministry of Information and Broadcasting, Govt. of India, New Dehli, 1972, 129 p.
  • (fr) Bernard-Henri Lévy, Bangla Desh, nationalisme dans la révolution, F. Maspero, Paris, 1973, 327 p.
  • (fr) Claude Mossé, Mourir pour Dacca, Ed. R. Laffont, Paris, 1972, 219 p.
  • (fr) Jacques Weber, « La guerre du Bangladesh vue de France », Les conflits en Asie du Sud (1947 - 1999), Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 195, septembre 1999, p. 69-96

Notes et références

  1. (en) P V S Jagan Mohan, « Indian Air Force Losses in the 1971 War. » [archive du ], sur http://www.bharat-rakshak.com (consulté le ).
  2. (en) P V S Jagan Mohan, « Aircraft losses in Pakistan - 1971 War », sur http://www.bharat-rakshak.com (consulté le ).
  3. Reports of the Advisory Panels for the Fourth Five Year Plan 1970–75, Vol. I, publié par la commission de planification du Pakistan.
  4. (en) Paula Ouderm, « NOAA Researcher’s Warning Helps Save Lives in Bangladesh », National Oceanic and Atmospheric Administration, (consulté le ).
  5. (en) Arnold Zeitlin (Associated Press), « Cholera adds to Chaos as Pakistan tries to dig out from devasting storm », thehurricanearchive.com, (consulté le ).
  6. (en) Richard Olson, « A Critical Juncture Analysis, 1964-2003 », USAID, (consulté le )[PDF].
  7. (en) Siddiq Salik, Witness to Surrender, Oxford University Press, 1978, (ISBN 0195772644).
  8. (fr) « 1965-1971. D'une guerre à l'autre », sur http://www.ladocumentationfrancaise.fr/, La Documentation française, (consulté le ).
  9. (en) « Case Study: Genocide in Bangladesh, 1971 », Gendercide Watch.
  10. (en) « Bangladesh Pakistan Era », sur http://memory.loc.gov/, Bibliothèque du Congrès, (consulté le ).
  11. « The War for Bangladeshi Independence, 1971 », sur http://memory.loc.gov, Bibliothèque du Congrès, (consulté le ).
  12. (en) Matthew White ; « Death Tolls for the Major Wars and Atrocities of the Twentieth Century: Bangladesh », novembre 2005.
  13. (en) « The Bangali Genocide, 1971 », Virtual Bangladesh.
  14. (fr) Sandra Titi-Fontaine, « Violées, elles cherchent à se reconstruire en exil », sur http://www.swissinfo.ch/, (consulté le ).
  15. (fr) « L'aide des Nations unies dans le cadre d'enquêtes menées par le Bangladesh sur des crimes de guerre est bienvenue », sur https://www.amnesty.org/, Amnesty International, (consulté le ).
  16. (en) K Chatterjee, « A general overview », sur http://www.bharat-rakshak.com, Bharatiya Vayu Sena, (consulté le ).
  17. Histoire de la guerre terrestre : tous les conflits du XXe siècle, les guerres classiques, le terrorisme, les guérillas (trad. de l'anglais), Bruxelles, Elsevier, , 249 p. (ISBN 2-8003-0227-5), pp. 170-172.
  18. « Implication des troupes russes dans des conflits à l'étranger », sur RIA Novosti, (consulté le ).
  19. article de la BBC du 29 juin 2005.
  20. Henry Kissinger, À la Maison blanche 1968-1973, Fayard, 1979, vol. 2, p. 934 : « Tout cela démontrait aux froids stratèges de New Delhi que sa naissance [du Bangladesh] devait s'accompagner d'une démonstration fracassante de la prédominance indienne dans le sous-continent. »

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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