Transpac

Transpac a été un réseau public français de transmission de données à commutation de paquets qui a été ouvert par la société Transpac en 1978[1],[2]. Il était fondé sur la génération de standard dit X.25, un standard pour lequel les informaticiens du CNET puis du CCETT avaient joué le rôle moteur[3]. Ce réseau a été partie prenante du réseau mondial X.25 qui, avant Internet, a permis des transmissions de données dans le monde entier [3],[4]. Créé au départ pour une clientèle professionnelle, il a permis ultérieurement, avec les terminaux grand public Minitels, le développement en France de services télématiques précurseurs de ceux d'Internet[5],[6].

Pour l’article homonyme, voir Transpac (société).

Confronté à la concurrence d'Internet, alors que l'évolution de la filière technologique X.25 en fonction de l'évolution des besoins et des moyens n'avait pas eu lieu, et alors que l'utilisation du réseau par les Minitels s'amenuisait fortement, Transpac a été fermé en [7].

Les standards utilisés

Les services offerts par Transpac étaient ceux des standards internationaux établis par le CCITT à partir de 1976, et fondés sur le principe des circuits virtuels. Souvent désignés globalement sous le titre global de «X.25», ils comprenaient : (1) l'Avis X.25 proprement dit, pour l'utilisation du réseau par les ordinateurs aptes à formater eux-mêmes des paquets de données[8] ; (2) les Avis X.3, X.28 et X.29[9],[10],[11], pour l'utilisation du réseau par les terminaux «légers» fonctionnant en mode caractère, et pour les entrées d'ordinateurs faites pour accueillir directement ce type de terminaux ; (3) l'Avis X.75 pour l'interconnexion des réseaux[12].

Le choix par le CCITT des circuits virtuels pour ses standards, de préférence à l'autre technique de commutation de paquets identifiée à l'époque, les datagrammes, résultait d'une initiative française pilotée par l'informaticien Rémi Després. Elle avait rapidement rencontré l'adhésion de futurs opérateurs de réseau à commutation de paquets[13] : au Canada, où les concepteurs du réseau Datapac avaient un temps envisagé d'offrir un service à base de datagrammes ; aux États-Unis, où le concepteur et directeur d'Arpanet[14], Larry Roberts, s'était indépendamment convaincu que les circuits virtuels étaient le service qui répondait aux besoins du marché[15] ; au Royaume Uni, très impliqué dans le lancement du réseau européen Euronet ; au Japon avec le projet de la NTT [5],[4].

Principaux contributeurs à X.25 en mars 1976 à Genève

Le lancement

En , un appel d'offres international a été lancé par la DGT. Il faisait suite à l'annonce faite en 1973 par le Directeur général des Télécommunications Louis-Joseph Libois de faire étudier par le CCETT les «conditions dans lesquelles un réseau public utilisant la technique de commutation par paquets pourrait être lancé en France, et ce dès 1976»[16]. Elles étaient techniquement très précises concernant la réalisation des circuits virtuels. Sur exigence du Ministère de l'Industrie, elles demandaient aussi aux soumissionaires de proposer, à leur façon, un service de datagrammes. Au vu des progrès de la standardisation des circuits virtuels au CCITT, cette demande sera abandonnée avant même la réception des offres[16]. En , le consortium Sesa-TRT-TIT, qui était à la fois le mieux disant et déjà doté d'une expérience dans le domaine, a été choisi pour la réalisation des commutateurs du réseau[17],[16].

Afin que les constructeurs d'ordinateurs soient prêts pour l'ouverture de Transpac, plusieurs actions préparatoires avaient été engagées. (1) Des raccordements d'ordinateurs variés avaient été effectués, en mode paquet, sur le réseau expérimental RCP[18] : un XDS 940, un Honeywell 6080, un IRIS 80 de la CII, des IBM 370/145 et 3271, un T 1600 de la Télémécanique, et un Modular One du britannique Computer Technology Limited. Ainsi avait-il été vérifié, d'une part la faisabilité à un coût raisonnable et avec une bonne fiabilité d'un service à base de circuits virtuels, d'autre part que, pour les constructeurs d'ordinateurs, utiliser un tel service était faisable dans de bonnes conditions. (2) Des spécifications du protocole détaillé à respecter pour utiliser au mieux Transpac, avec les précisions à connaître au-delà des seuls standards X.25 et X.3-28-29, ont été mises à la disposition des constructeurs longtemps avant l'ouverture du réseau (les Spécifications Techniques d'Utilisation du Réseau, dites STUR). (3) Un simulateur du comportement de Transpac, REX25, a été réalisé au CCETT sur un mini-ordinateur Mitra 125 (le successeur du Mitra 15, d'abord développé par la CII, puis commercialisé par la SEMS). Cet outil a été mis à la disposition des constructeurs pour des sessions de déboggage de leurs logiciels[5].

La croissance

Transpac a rapidement connu une forte croissance : ouvert en 1978 avec 1500 accès directs possibles, il atteint 5.300 accès effectifs en 1981, puis 10.000 en 1983, 21.500 en 1984 (une année où Internet en est encore à 1000 ordinateurs raccordés[19]), et 31.000 en 1985[20].

Les applications professionnelles ont concerné tous les secteurs d'activité avec, en 1985, 22 % dans l'industrie, 17 % dans les assurances, 13 % dans les administrations, et 13 % dans les banques et la finance[20]. Dans le secteur bancaire, Transpac a été utilisé entre les distributeurs automatiques de billets et leurs serveurs par des liaisons permanentes. Il a aussi été le réseau via lequel les lecteurs de cartes bancaires des commerçants, qui y accédaient au réseau par des communications téléphoniques locales, consultaient les serveurs des banques sollicitées. Au niveau mondial, la société Swift, qui gérait les échanges interbancaires, a utilisé le réseau X.25 international, de 1991 jusqu'en 2004 ou il a basculé sur Internet.

Les applications résidentielles ont connu une croissance très rapide après que la Direction générale des Télécommunications ait distribué gratuitement à tous les abonnés au téléphone des Minitels. C'était au départ pour son Annuaire Électronique, grâce auquel les usagers pouvaient trouver les numéros des nouveaux abonnés au téléphone dès leur mise en service, mais aussi, dans un deuxième temps, pour promouvoir la création de nouveaux services dits Télétel. Ceux-ci étaient offerts sur des serveurs privées raccordés à Transpac, les Minitels accédant au réseau par l'intermédiaire de Points d'Accès Vidéotex, les PAVI [21]. À la fin des années 1980, le trafic Teletel contribuait pour près à 50 % au trafic total du réseau[4]. Selon une estimation citée par Altavista France et attribuée à France Télécom il y avait en 2000 «9 millions de terminaux Minitel en service, dont un bon tiers sont en réalité des ordinateurs avec une émulation» et «15 millions d'utilisateurs», au point que des sociétés américaines Yahoo et Altavista ont ouvert leurs moteurs de recherche à des accès en mode Minitel[22].

La qualité de service

La qualité de service a dès l'origine fait l'objet d'un suivi dont les chiffres étaient transmis au GERPAC, l'association des utilisateurs de Transpac (Groupement d’études pour l’Établissement du Réseau Transpac[1]. Sauf pendant deux périodes où des bogues de jeunesse ont porté atteinte à cette qualité, elle a atteint le niveau élevé que sa conception permettait d'attendre. Le premier incident a eu lieu en 1982 sous la forme de coupures aléatoires de communications. Dû à une mauvaise réaction des commutateurs à certains cas de charge exceptionnellement élevée, leur cause a été promptement diagnostiquée et éliminée. Le deuxième incident, plus grave, et de ce fait abondamment commenté dans les médias, a eu lieu en  : de très nombreux utilisateurs des Minitels ont subi un arrêt complet de service pendant une quinzaine de jours. Une fois qu'a été corrigée la faute logicielle qui en était la cause dans la commande des commutateurs, le service est définitivement redevenu normal, et avec un bon niveau de sécurité[16],[23].

Le fonctionnement interne

En interne, Transpac a utilisé la « commutation d'étiquettes», une technique où tous les paquets d'une même communication suivent le même chemin, choisi au moment où celle-ci est établie[4]. Cela lui assurait, par rapport à un fonctionnement interne en mode datagramme, une meilleure efficacité en transmission et en commutation. En transmission, grâce à la suppression du besoin de répéter dans chaque paquet une adresse de source et une adresse de destination. En commutation, grâce à la suppression du besoin d'analyser dans chaque commutateur traversé, et pour chaque paquet, la route à emprunter en fonction de son adresse de destination. C'est un principe qui a notamment été repris dans Internet pour son Multiprotocol Label Switching[24].

Par rapport à d'autres réseaux qui, comme Datapac et Telenet[25], ont utilisé en interne un routage de datagrammes pour offrir le même service de circuits virtuels X.25, cela avait de plus les avantages de la simplicité, notamment pour rendre effective la différentiation des classes de service que proposait X.25. Le service offert par un réseau public se devait en effet d'être adapté à tous les types d'équipements utilisateurs, et donc à ceux qui, tout en étant privés, sont eux-mêmes des réseaux. Le protocole X.25 était donc, à quelque détails près, applicable à l'interconnexion de réseaux d'opérateurs (c'est l'Avis X.75). Mais il était donc aussi utilisable entre les nœuds voisins d'un même réseau. Avant de figurer dans les spécifications de Transpac, ce principe simplificateur avait été testé avec succès sur le réseau expérimental RCP[26].

Notes et références

  1. Philippe Picard, « Transpac »,
  2. « 1978-79 - Transpac, le coup d'envoi est donné », 01 Business Forum
  3. Rémi Després, « Le standard mondial X.25 d’avant Internet et le réseau français Transpac », sur Telecom Paris Alumni, (consulté le )
  4. (en) Rémi Després, « X.25 Virtual Circuits - Transpac in France - Pre-Internet Data Networking »,
  5. Rémi Després, « Il était une fois, avant Internet, un réseau mondial X2.5, Transpac en France, et des constructeurs français qui exportaient »,
  6. « Du Minitel à l'Internet », INA
  7. « Minitel, dernier rappel : arrêt définitif le 30 juin 2012 »
  8. « X.25 : Interface entre équipement terminal de traitement de données et équipement de terminaison de circuit de données pour terminaux fonctionnant en mode paquet et raccordés par circuit spécialisé à des réseaux publics pour données (version d'octobre 1976) »
  9. « X.3 : Service Complémentaire D'Assemblage et de Désassemblage de Paquets (ADP) dans un Réseau Public pour Données (version de novembre 1988) »
  10. « X.28 : Interface ETTD/ETCD pour l'Accès d'un ETTD Arythmique au Service Complémentaire d'Assemblage et de Désassemblage de Paquets (ADP) dans un Réseau Public pour Données Situé dans le Même Pays (version de novembre 1988) »
  11. « X.29 : Procédures d'Échange d'Informations de Commande et de Données d'Usager Entre un Service Complémentaire d'Assemblage et de Désassemblage de Paquets (ADP) et un ETTD Fonctionnant en Mode-Paquet (ETTD-P) ou un Autre ADP (version de novembre 1988) (ETTD-P) OU UN AUTRE ADP »
  12. « X.75 : Système de Signalisation à Commutatrion par Paquets Entre Réseaux Publics Assurant des Services de Transmission de Données (version de novembre 1988) »
  13. (en) A. Rybczynski, B. Wessler, R. Després, J. Wedlake, « A New Communications Protocol for Accessing Data Networks », NCC conference,
  14. (en) « Internet Hall of Fame - Remembering Lawrence Roberts (1937-2018) »)
  15. (en) Larry Roberts, « The evolution of packet switching »,
  16. Guy Pichon, « Les débuts du réseau Transpac »,
  17. Valérie Schafer, La France en Réseaux (1960-1980), Cigref - Nuvis,
  18. (en) Alain Bache, Louis Guillou, Hervé Layec, Bernard Lorig, Yves Matras, « RCP, the Experimental Packet-Switched Data Transmission Service of the French PTT: History, Connections, Control »,
  19. William Slater, « Internet History and Growth », ISOC
  20. Valérie Schafer, « Évolution du nombre d'accès directs commerciaux à Transpac (1979 - 1985) »
  21. « Minitel - Télétel - Vidéotex - Audiotel - PAVI - CTA »
  22. « 3615 Altavista ou le Web en mode texte sur Minitel »
  23. Christian Gâteau, « Le réseau Transpac et la norme X 25 : la sécurité du transport de l’information »,
  24. (en) « RFC3031 - Multiprotocol Label Switching Architecture »,
  25. (en) « X.75 Internetworking of Datapac and Telenet »
  26. (en) Rémi Després, « RCP The Experimental Packet-Switched Data Transmission Service of the French PTT », ICCC,


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