Transition alimentaire

La transition alimentaire désigne le processus par lequel une société modifie en profondeur sa manière de produire et consommer des aliments.

Le terme est utilisé par analogie avec la transition énergétique, la transition écologique ou encore la transition démographique.

Dans les années 2010, le terme de transition alimentaire est utilisé de façon grandissante dans le débat public pour désigner les attentes ou les efforts entrepris par les différents acteurs de la chaîne (producteurs, transformateurs, distributeurs, consommateurs, autorités publiques) pour respecter davantage l’environnement, améliorer le statut nutritionnel des aliments, développer les produits bio et frais, produire dans des conditions plus respectueuses du bien-être animal et avec une plus grande équité entre les acteurs des filières.

Enjeu

Le concept de transition alimentaire est généralement posé en réponse à une diversité d’enjeux :

  • l’accès régulier de l’ensemble de la population mondiale à une alimentation saine et nutritive et suffisante en quantité (insuffisant pour 2 milliards de personnes, selon l’Organisation Mondiale de la Santé)[1]

L’enjeu est aussi celui de l’impossibilité de la généralisation des modèles alimentaires des pays occidentaux (davantage consommateurs de produits d’origine animale) à l’ensemble de la planète, sans poser de multiples problèmes sanitaires, économiques, socio-culturels ou environnementaux[4].

Concept et définition

Concept

Le concept a d’abord été utilisé par les nutritionnistes pour marquer un changement dans le régime alimentaire des individus qui substituent de manière croissante des produits d'origine animale aux produits  d'origine végétale dans les régimes alimentaires des populations dont le niveau économique augmente[5].

La transition alimentaire désigne aujourd’hui un concept beaucoup plus ample, qui concerne l’ensemble des acteurs des systèmes alimentaires, de la semence à l’assiette et du verre au consommateur. La transition alimentaire recoupe les objectifs du développement durable de l’ONU dans trois grands domaines[5],[6] :

Usage et popularité de la notion

Le concept de transition alimentaire se recoupe en partie avec celui de transition écologique (préservation des ressources naturelles par les acteurs du système agro-alimentaire)[7], de transition énergétique (bilan carbone du système agro-alimentaire) et de transition démographique (adaptation de l’alimentation au vieillissement de la population dans certaines sociétés).

Il emprunte également au modèle de transition nutritionnelle défini par Barry M. Popkin en 1993[8],[9].

Le concept est parfois entendu comme un changement du régime alimentaire d’une population, vers une alimentation plus équilibrée, moins riche en lipides, en glucides ou encore en protéines animales. Les deux premiers critères étant généralement consensuels et le troisième très controversé[4],[10].

Il est aussi à rapprocher de la notion d'alimentation durable pour sa dimension écologique et éthique.

En France, l’idée de la transition alimentaire est largement soutenue dans l’opinion[11].

Histoire

La transition alimentaire en cours au début du XXe siècle est la cinquième vécue par l’Humanité[12].

Quatre premières transitions alimentaires

La première transition alimentaire a lieu il y a environ 400 000 ans, lorsque l’homo sapiens commence à utiliser le feu pour préparer les repas. La deuxième est caractérisée par la domestication de certaines espaces et végétales, il y a 12 000 ans en Mésopotamie ; la troisième est marquée par la division du travail entre agriculteurs, transformateurs et commerçants, il y a environ 5000 ans, dans plusieurs grandes cités du monde comme Babylone.

La quatrième transition alimentaire est datée du milieu du XIXe siècle en Amérique du Nord et du début du XXe siècle en Europe et a pour caractéristique l’industrialisation et l’intégration de l’alimentation dans un système économique établi et organisé autour de la production, de la transformation et de la distribution des aliments[12].

Cinquième transition alimentaire

La cinquième transition alimentaire commence au début du XXIe siècle et résulte d’une demande croissante des consommateurs des pays développés et émergents, en réaction aux impacts perçus négativement du modèle agro-industriel. La demande de qualité concerne les dimensions sanitaire, organoleptique, nutritionnelle, sociale et culturelle[12].

Les manifestations concrètes de la transition alimentaire incluent :

Les grandes évolutions de la transition alimentaire sont très diverses : les acteurs de la filière citent le lien alimentation-santé, le végétal, le bio, le développement durable, le bien-être animal, la juste rémunération, la refonte des recettes, l’équitable, le renforcement des territoires dans les campagnes[13],[14]

D’après le rapport de l’Académie d’Agriculture de France de 2019, les premiers acteurs à répondre à cette demande sont ceux de la grande distribution, qui adaptent rapidement leurs approvisionnements et leurs points de vente ; puis l’industrie agro-alimentaire et ses fournisseurs industriels (additifs, emballages) ; puis l’agriculture et l’agrofourniture (semences, engrais, machines agricoles…)[12].

Acteurs concernés

Les sujets propres à la transition alimentaire se posent différemment selon le type d’acteurs que l’on observe[15],[16].

Mise en marché

La transition alimentaire se manifeste par des innovations en matière de signalisation de la qualité des produits, comme les labels, qu’ils soient publics (Label Rouge, Agriculture Biologique, Nutriscore) ou privés (Commerce équitable, fair-trade Max Havelaar)[12].

Logistique et distribution

Dans ce domaine, les améliorations en cours et attendues relèvent de l’écologie (gaz à effet de serre), de l’économie (meilleure répartition de la valeur entre les acteurs de la filière), de la communication (traçabilité et transparence des informations sur les produits et leurs modes de fabrication) et du social (lutte contre la précarité alimentaire).

Les acteurs de la grande distribution sont considérés comme ceux ayant réagi le plus rapidement à la nécessité d’une transition alimentaire, celle-ci se faisant plus vite au niveau de l’aval, avant de remonter vers l’amont. Ce phénomène s’explique par une meilleure information (contact avec les consommateurs) et une plus grande capacité d’action (investissements) en aval[12].

Parallèlement, de nombreux modes de commercialisation alternatifs se développent, comme la vente directe à la ferme, les points de vente à emporter, les circuits courts, les marchés paysans, les épiceries solidaires[12]...

Industrie agro-alimentaire

Les améliorations attendues de la transition alimentaire concernent principalement l’aspect santé des produits : aliments frais, plus naturels, moins transformés et sans conservateurs[12].

Cette dimension de la transition alimentaire est la plus attendue de la part des consommateurs et des citoyens en France[17].

Agriculture

Dans le domaine de l’agriculture, les innovations en faveur de la transition alimentaire reposent sur des techniques agroécologiques et numériques. La technique du couvert végétal a, en particulier un impact favorable à la fois sur le bilan carbone et sur la fertilité des sols[12].

Politiques publiques

L’ONU organise chaque année la Journée Mondiale de l’Alimentation, et y associe un thème en relation avec la transition alimentaire. En 2019, la thématique de la journée est « une alimentation saine pour un monde #FaimZéro »[18].

En France

En France, la loi Egalim du , qui fait suite aux États généraux de l'alimentation 2017, est considérée comme un pilier de la politique de transition alimentaire du pays. La loi prend un ensemble de dispositions[19] pour :

  • assurer les revenus des producteurs
  • améliorer les conditions sanitaires et environnementales de production
  • renforcer le bien-être animal
  • favoriser une alimentation saine, sûre et durable
  • réduire l’utilisation du plastique

Le Programme National pour l’Alimentation identifie, pour la période 2019-2023, deux leviers pour accélérer la transition alimentaire[20] :

  • la restauration collective, qui doit être mobilisée notamment pour un approvisionnement de 50% de produits biologiques, de qualité ou durables ; promouvoir les protéines végétales ; mettre en œuvre des recommandations nutritionnelles…
  • les projets alimentaires territoriaux[21]

En , le groupe de travail « Transition alimentaires, filières et territoires » de l’Académie d’Agriculture de France remet son rapport intitulé « Transition alimentaire : pour une politique de l’alimentation durable orientée vers les consommateurs, les filières et les territoires » et établit neuf axes de recommandations à l’horizon 2030[5].

Le think-tank Terra Nova publie en un rapport pour accélérer la transition alimentaire dans les cantines scolaires[22].

Voir aussi

Articles connexes

Notes et références

  1. « La faim ne diminue toujours pas dans le monde depuis trois ans et l’obésité est toujours à la hausse - Rapport des Nations Unies », sur www.who.int (consulté le )
  2. « Chaque année, 1,3 milliard de tonnes de nourriture gaspillée », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  3. « A partir d’aujourd’hui, l’humanité vit à crédit », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  4. « TRANSITION ALIMENTAIRE : POURRA-T-ON EVITER LE GRAND CARNAGE ? », Agrobiosciences, (lire en ligne)
  5. « RAPPORT : Transition alimentaire : pour une politique nationale et européenne de l’alimentation durable orientée vers les consommateurs, les filières et les territoires | Académie d'Agriculture de France », sur www.academie-agriculture.fr (consulté le )
  6. contributeur, « Transition alimentaire : vers la sobriété savoureuse », sur La fabrique écologique, (consulté le )
  7. « Sans transition alimentaire, pas de transition écologique », sur Reporterre, le quotidien de l'écologie (consulté le )
  8. « Transition alimentaire — Géoconfluences », sur geoconfluences.ens-lyon.fr (consulté le )
  9. Augustin Scalbert, « LA TRANSITION NUTRITIONNELLE », INRA Clermont-Ferrand, (lire en ligne)
  10. Dalibor Frioux, Antoine Hardy, Thierry Pech, Matthieu Vincent, « La viande au menu de la transition alimentaire », Terra Nova, (lire en ligne)
  11. « Les Français veulent s'engager vers la transition alimentaire », sur Snacking.fr (consulté le )
  12. Groupe de travail « Transition alimentaire, filières et territoires », « Transition alimentaire : pour une politique nationale et européenne de l’alimentation durable orientée vers les consommateurs, les filières et les territoires », Académie d’Agriculture de France, , p. 11 (lire en ligne)
  13. « L'incontournable transition alimentaire », sur lsa-conso.fr (consulté le )
  14. « Pour une nouvelle transition alimentaire », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
  15. « Le business de la transition alimentaire », sur La Tribune (consulté le )
  16. « La transition alimentaire : enjeux d’une définition et d’une évaluation pour les acteurs du secteur agroalimentaire », sur i Care & consult (consulté le )
  17. « La transition alimentaire, une responsabilité partagée », sur IDDRI (consulté le )
  18. « Accueil », sur Food and Agriculture Organization of the United Nations (consulté le )
  19. « #EGalim : ce que contient la loi Agriculture et Alimentation », sur agriculture.gouv.fr (consulté le )
  20. « SEPTEMBRE 2019 », sur webcache.googleusercontent.com (consulté le )
  21. « Transition alimentaire », sur Citoyens Territoires Grand Est
  22. « Les enfants à table : accélérer la transition alimentaire dans les cantines scolaires », sur tnova.fr (consulté le )
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