Transcendantalisme (États-Unis)

Le transcendantalisme est un mouvement littéraire, spirituel, culturel et philosophique qui a émergé aux États-Unis, en Nouvelle-Angleterre, dans la première moitié du XIXe siècle. Une des croyances fondamentales des transcendantalistes était la bonté inhérente des humains et de la nature. Ils croyaient aussi que la société et ses institutions — particulièrement les institutions religieuses et les partis politiques — corrompaient la pureté de l'humain, et qu'une véritable communauté ne pouvait être formée qu'à partir d'individus autonomes et indépendants.

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Origine

Le mouvement[1],[2] a démarré avec la création du Transcendental Club[3],[4] à Cambridge (Massachusetts) le par quelques intellectuels[5] réputés, notamment Henry David Thoreau, George Putnam, Ralph Waldo Emerson, Margaret Fuller, Theodore Parker, et Frederick Henry Hedge (en)[6],[7]. L'ouverture de ce club intervenait en réaction à l'état général de la culture et de la société de l'époque, et plus particulièrement comme une protestation contre la position majoritaire des intellectuels de Harvard et contre la doctrine de l'église unitarienne enseignée à la faculté de théologie d'Harvard.

Le mouvement transcendantaliste trouve ses racines dans la doctrine transcendantale d'Emmanuel Kant[8], et plus généralement dans l'idéalisme allemand, qui furent adoptés comme alternatives à l'empirisme et au sensualisme, de Locke particulièrement, prônés par leurs pères et par l'église unitarienne. Les transcendantalistes voulaient fonder leur religion et leur philosophie sur des principes transcendantaux, qui reposent sur l'essence spirituelle et mentale de l'être, sans dépendre des sens ni se modifier par l'expérience des sensations. Selon Kant, tout savoir est transcendantal s'il dépend non des objets mais de notre manière d'appréhender les objets. Les transcendantalistes ignoraient à peu près tout de la philosophie allemande et s'appuyaient sur cette question, en deuxième main, sur les travaux et écrits de Thomas Carlyle, Samuel Taylor Coleridge, Victor Cousin, ou de Madame de Staël. Ils étaient en revanche très familiers des romantiques anglais et on peut considérer à ce titre le mouvement transcendantaliste comme un romantisme tardif et américain. Il faut enfin mentionner l'influence du spiritualisme mystique d'Emmanuel Swedenborg.

Influences

La publication en 1836 de l'essai d'Emerson, Nature, est habituellement considérée comme un tournant à partir duquel le mouvement transcendantaliste devient un mouvement culturel majeur, à la hauteur de l'ambition de l'écrivain : « C'est sur nos propres pieds que nous marcherons, c'est avec nos propres mains que nous travaillerons, ce sont nos propres idées que nous exprimerons… Une nation d'hommes existera pour la première fois, parce que chacun se croit inspiré par l'âme divine, qui inspire aussi tous les hommes »[9]. L'essai se termine par un appel à une révolution de la conscience humaine à partir de la nouvelle philosophie idéaliste.

Henry David Thoreau[10], Margaret Fuller, Orestes Brownson, Bronson Alcott et Theodore Parker, Jones Very sont les autres grandes figures du transcendentalisme américain. L'essai d'Emerson intitulé Friendship[11] (L'Amitié), qui est le sixième essai de la First Series, publié en 1841, donne la conception emersonienne de l'amitié, telle qu'il voulait qu'elle structure le cercle transcendantaliste. Dans cet essai, il souligne notamment la nécessité de ne pas trop voir en personne ses amis, mais d'entretenir des relations épistolaires avec eux, de manière à permettre à la meilleure partie de leur personne (leur intelligence) de s'exprimer, et à la partie accidentelle de leur personne (leurs faiblesses humaines) de s'estomper.

Dans le poème de l'Américain Walt Whitman intitulé Song of Myself (1881), la théorie du transcendantalisme est évoquée dans la toute première section.

Les transcendantalistes ont été fortement influencés par les philosophies orientales (bouddhisme, hindouisme, taoïsme) et grecques (notamment Pythagore et les néoplatoniciens). Henry David Thoreau avait la Bhagavad-Gîtâ comme livre de chevet et Ralph Waldo Emerson considérait le transcendentalisme comme lié, entre autres, au bouddhisme. Leurs utopies (nature, pacifisme, végétarisme…) influenceront la beat generation dans les années 1950, puis les hippies dans les années 1960.

Le philosophe américain Stanley Cavell redonne vigueur aux thèmes transcendantalistes, non seulement dans sa lecture de Thoreau et d'Emerson, dont il restitue la pertinence philosophique, mais aussi dans toute une dimension de la vie morale et politique qu'il appelle le perfectionnisme[12] et qu'il voit à l'œuvre également dans la philosophie continentale. Le transcendantalisme issu d'une interprétation du romantisme allemand et anglais s'accompagnerait-il dans cette version d'un retour de la philosophie à ses sources littéraires ?

Critiques

Dans son roman Valjoie (The Blithedale Romance), Nathaniel Hawthorne offre une satire du mouvement transcendantaliste, fondée sur sa courte expérience d'une communauté utopiste, à Brook Farm, appliquant les principes transcendantaux.

Notes et références

  1. (en) « Transcendentalism | philosophy », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  2. (en) « Transcendentalism | Definition, Origins, & Influence », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  3. Blesson, Mathieu, « « Aux origines du transcendantalisme américain : un autre regard sur l'écologie d'aujourd'hui », », L'Homme & la Société, vol. 192, no. 2, (lire en ligne)
  4. Amfreville Marc, Cazé Antoine, Fabre Claire, « VII. Le transcendantalisme (1840-1870) », Histoire de la littérature américaine, (lire en ligne)
  5. Russell Goodman, « Transcendentalism », dans The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Metaphysics Research Lab, Stanford University, (lire en ligne)
  6. (en-US) « Transcendentalism », sur encyclopedia.com (consulté le )
  7. (en) David M. Robinson, « Transcendentalism », Oxford Research Encyclopedia of American History, (DOI 10.1093/acrefore/9780199329175.013.116, lire en ligne, consulté le )
  8. Encyclopædia Universalis, « TRANSCENDANTALISME », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
  9. Traduction libre de : « We will walk on our own feet; we will work with our own hands; we will speak our own minds. A nation of men will for the first time exist, because each believes himself inspired by the Divine Soul which also inspires all men. »
  10. « Henry David Thoreau (1/4) : Qu'est-ce que le transcendantalisme ? », sur France Culture (consulté le )
  11. L'amitié. Postface et trad. de Thomas Constantinesco, Editions Aux forges de Vulcain/Essais, 2010.
  12. http://study.stanley-cavell.org/

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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