Tourte voyageuse

Ectopistes migratorius

Pour les articles homonymes, voir tourte.

Ectopistes migratorius
Juvénile, mâle et femelle
Classification (COI)
Règne Animalia
Embranchement Chordata
Sous-embr. Vertebrata
Classe Aves
Ordre Columbiformes
Famille Columbidae

Genre

 Ectopistes
Swainson, 1827

Espèce

 Ectopistes migratorius
(Linnaeus, 1766)

Synonymes

  • Columba migratoria

Statut de conservation UICN


EX  : Éteint

La tourte voyageuse[1], pigeon migrateur ou colombe voyageuse (Ectopistes migratorius) est une espèce d'oiseaux, aujourd'hui éteinte.

La tourte voyageuse était présente en très grand nombre sur le continent nord-américain au début du XIXe siècle (espèce endémique de ce continent), ses effectifs étant évalués à trois voire cinq milliards d'individus, selon certaines estimations[2], rien que dans les États de l'Indiana, de l'Ohio et du Kentucky. L'espèce fut anéantie en seulement quelques dizaines d'années principalement par les agriculteurs qui la considéraient comme nuisible pour leurs récoltes[3]. Le zoologiste Albert Hazen Wright signala en 1914 que la toute dernière représentante de l'espèce, une femelle baptisée Marta, était morte dans sa cage au zoo de Cincinnati dans l'Ohio le de la même année[4],[5],[6].

Description

La tourte voyageuse est assez différente de la plupart des autres pigeons. Long de 32 à 40 centimètres[7],[8], son corps aérodynamique est joliment dessiné, avec une petite tête et les ailes et la queue longues et pointues. Cette silhouette permettait à l'oiseau de voler vite et avec agilité.[style trop lyrique ou dithyrambique]

Tourte voyageuse naturalisée

Le bec est noir, les pattes rouges. Les parties supérieures sont gris bleuâtre, avec des reflets métalliques sur le cou. Le poitrail et le haut du ventre sont rouge-orangé, et le bas ventre, ainsi que les sous-caudales sont blancs.

Spécimen naturalisé


Répartition géographique

  • Zones de nidification
  • Zones d'hivernage

Au Canada, la tourte était abondante dans le sud-est du pays et a été historiquement aperçue dans sept provinces du pays, soit le Québec, l'Ontario, la Saskatchewan, le Manitoba, l'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse[9][source insuffisante].

Alimentation

Présentes en très grand nombre, elles avaient par conséquent un sérieux impact sur la végétation[10]. Ces oiseaux consommaient des fruits secs de toutes sortes, ainsi que des fruits charnus, des graines, des insectes et d'autres invertébrés.

Comportement

Ectopistes migratorius - Muséum de Toulouse.

Elles nichaient en immenses colonies s'étendant souvent sur des kilomètres. Les plus grandes recensées couvraient soixante-cinq kilomètres carrés mais on estime que la norme était d'une quinzaine de kilomètres carrés. Le nid, léger et peu solide, était composé de brindilles et accueillait un œuf blanc. Le pic de nidification se situait en avril et mai, la saison des nids se situant de mars à septembre.

Les deux parents participaient à la couvaison d'un unique œuf, et les adultes prenaient soin de leur poussin jusqu'à ce qu'il ait deux semaines. Alors, brusquement, les parents s'en allaient, abandonnant dans son nid le juvénile bien dodu. Après avoir appelé en vain un certain temps, le jeune se laissait tomber au sol et prenait finalement son envol trois jours plus tard.

Premières descriptions

Les premières descriptions de vols compacts de tourtes voyageuses sont saisissantes. En 1759, Pehr Kalm écrivait :

« Au printemps 1749, venant du nord, il arriva en Pennsylvanie et au New Jersey un nombre incroyable de ces pigeons. La nuée qu'ils formaient en vol s'étendait sur une longueur de trois à quatre miles et une largeur de plus d'un mile, et ils volaient si serrés que le ciel et le Soleil en étaient obscurcis, la lumière du jour diminuant sensiblement sous leur ombre.
Sur une distance pouvant aller jusqu'à sept miles, les grands arbres aussi bien que les petits en étaient tellement envahis qu'il était difficile de trouver une branche qui n'en était pas couverte. Quand ils s'abattaient sur les arbres, leur poids était si élevé que non seulement des grosses branches étaient brisées net, mais que les arbres les moins solidement enracinés basculaient sous la charge. Le sol sous les arbres où ils avaient passé la nuit était totalement couvert de leurs fientes, amassées en gros tas[11]. »

Vers 1810, Alexander Wilson estime qu'un seul vol comprenait plus de deux milliards d'oiseaux et en 1871 encore, une concentration de cent trente six millions de pigeons niche sur un territoire de deux mille deux cents kilomètres carrés au Wisconsin.

Dans les années 1830, Jean-Jacques Audubon rédige son célèbre récit :

« Le ciel était littéralement rempli de pigeons, la lumière de midi était obscurcie comme par une éclipse ; les fientes pleuvaient comme des flocons de neige fondante. Les pigeons continuèrent à passer en nombre toujours aussi important durant trois jours consécutifs[12]. »

Extinction

Filet destiné à attraper des tourtes voyageuses à Sainte-Anne, dans le Bas-Canada, aquarelle de James Pattison Cockburn, 1829.
Dessin de 1920 d'une tourte voyageuse.

Durant des milliers d'années, les Amérindiens ont chassé ces oiseaux sans mettre l'espèce en péril.

Les tourtes voyageuses étaient si nombreuses qu'il paraissait sans doute impensable que l'espèce s'éteignît un jour. Mais les vols compacts et spectaculaires qu'offraient ces oiseaux les rendaient tout particulièrement exposés et vulnérables lorsque les colons et leurs descendants commencèrent à les chasser. Il était en effet très facile d'atteindre ces oiseaux : il suffisait de pointer un fusil vers le ciel et de presser la détente à l'aveuglette et de manière répétée. On organisa des compétitions de chasse dont l'une offrait une récompense aux chasseurs qui abattaient plus de trente mille oiseaux[3]. Dès lors, l'effectif du pigeon migrateur commença à s'effondrer. L'année 1878 fut la dernière à fournir un important tableau de chasse de cet oiseau[13].

S'ajoutaient à cela la destruction de leurs colonies par le feu, le déboisement intensif et les catastrophes naturelles. En outre, les pigeons migrateurs étaient si bien regroupés que l'espèce subissait d'autant plus les orages de grêle.[réf. nécessaire]

Avec l'abattage de milliers de pigeons, leurs capacités de détection s'amoindrissaient,[réf. nécessaire] rendant de plus en plus difficile la localisation de sources d'alimentation adéquates. En effet, la localisation des zones à faines requiert de nombreuses paires d'yeux (bien que le pigeon migrateur possédât une vue extraordinaire). La survie de l'espèce s'articulant autour de sa nécessité à opérer en troupes aussi imposantes, son déclin fut certainement amorcé à partir du moment où les effectifs passèrent sous un certain seuil (peut-être de plusieurs dizaines de millions d'individus tout de même). Les oiseaux avaient des déplacements erratiques, à la recherche de riches fructifications de faines, glands et noisettes, et quand un site exceptionnellement bon était localisé, les oiseaux étaient attirés en grand nombre. Mais les bonnes fainées et glandées se produisaient irrégulièrement dans le temps et l'espace ; les meilleures récoltes ne se produisaient que tous les deux à cinq ans. Il y avait une certaine production de faines chaque année, mais en des zones dispersées qu'il fallait localiser.

La diminution du nombre de ces oiseaux a aussi joué en défaveur de son mode de reproduction. En effet, la reproduction de masse n'était possible qu'en grandes colonies.

Vers le milieu du XIXe siècle l'espèce se dirigea vers l'extinction. Le déclin devint apparent durant les années 1870 où on pouvait observer ces oiseaux voler en rang séparés, laissant passer la lumière du soleil et, à la fin du siècle, l'espèce disparut à l'état sauvage. Seuls quelques individus survècurent en captivité.

Il semble que le déclin fût également été accéléré par une épizootie de la maladie de Newcastle, un paramyxovirus qui s'attaque à l'appareil digestif et au système nerveux, et qui est connu pour affecter la volaille domestique aussi bien que de nombreuses espèces d'oiseaux sauvages[réf. nécessaire].

Des tentatives de sauvegarde de l'espèce eurent lieu, mais l'oiseau s'acclimatait très mal à la vie en captivité. Les tentatives se soldèrent donc par des échecs[3].

À partir de 1912, des récompenses étaient offertes à qui pourrait repérer une tourte à l'état sauvage. Il y a aujourd'hui, au Canada, six spécimens ayant été naturalisés avant l'extinction de l'espèce. Un de ces spécimens est dans une vitrine au Cégep régional de Lanaudière à Joliette, un autre au Parc régional de la Rivière-du-Nord à Saint-Jérôme, un autre au Musée régional d'Argenteuil à Saint-André-d'Argenteuil, un autre au Musée canadien de la nature, un autre au musée Redpath de Montréal et un autre dans la collection du Père Arnaud de la Société historique de la Côte-Nord. Plusieurs exemplaires sont présentés dans des collections de musées français : muséum d'Autun, de Bordeaux, de Nantes, d'Orléans, de Paris, de Lille, etc. En Suisse, un exemplaire est présenté dans l'exposition du Musée cantonal de zoologie à Lausanne.

Tourte et tourtière

Contrairement à la légende urbaine communément admise au Québec et ailleurs au Canada francophone, le pâté à la viande dénommé tourtière ne doit pas son nom au fait qu'il était cuisiné avec cet oiseau. À une certaine époque, il ne fait certes aucun doute que la tourte voyageuse a pu être massivement utilisée pour sa fabrication. Toutefois, le nom de l'oiseau provient du latin « turturella », qui a aussi donné tourterelle. Quant à « tourtière », ce mot descend du latin « torta » (« tordue », en référence à la pâte), qui a aussi donné « tourte » et « tarte ». La tourte/-ière est un plat traditionnel en France, présent dans la plupart de ses régions comme la tourtière du Limousin.

Notes et références

  1. « Renseignements taxinomiques », sur Ministère des ressources naturelles (consulté le ).
  2. « Espèce disparue - Tourte voyageuse », Environnement Canada, (consulté le ).
  3. Jean Etienne, « Il est mort, le pigeon migrateur américain », Futura-Sciences, (consulté le ).
  4. (en) Robert W. Shufeldt, « Anatomical and Other Notes on the Passenger Pigeon (Ectopistes migratorius) Lately Living in the Cincinnati Zoological Gardens », The Auk, American Ornithologists' Union, vol. 32, no 1, (lire en ligne).
  5. (en) « "Martha," The Last Passenger Pigeon », sur National Museum of Natural History, Smithsonian Institution (consulté le ).
  6. (en) Barry Yeoman, « Why the Passenger Pigeon Went Extinct », Audubon Magazine, mai–juin 2014 (consulté le ).
  7. « Tourte », Musée canadien de la nature, (consulté le ).
  8. Paul Paris, Faune de France, vol. 2 : Oiseaux, Paris, Paul Lechevalier, , 473 p., 16 × 24,5 cm (lire en ligne), p. 419.
  9. Tourte voyageuse | Ectopistes migratorius, http://www.cosepac.gc.ca/fra/sct1/searchdetail_f.cfm?id=11&StartRow=1&boxStatus=All&boxTaxonomic=All&location=All&change=All&board=All&commonName=tourte&scienceName=&returnFlag=0&Page=1
  10. Books 2014.
  11. Fuller, Errol, Extinct birds, Oxford University Press, , 398 p. (ISBN 978-0-19-850837-3, OCLC 45648518, lire en ligne)
  12. (en) John James Audubon, On The Passenger Pigeon, Ulala.org (lire en ligne).
  13. Marie Meister, « Les spécimens d'animaux disparus au Musée zoologique de Strasbourg », Bulletin de l'Association philomathique d'Alsace et de Lorraine, t. 45, , p. 21 (lire en ligne).

Voir aussi

Bibliographie

  • Martha était là / Atak, trad. Olivier Muller-Cyran. Montreuil : Les Fourmis rouges, , 36 p. (ISBN 978-2-36902-058-5)
  • Jonathan Rosen, « Qui a exterminé le pigeon migrateur ? », Books, no 58, (lire en ligne)

Articles connexes

Genre Ectopistes

Espèce Ectopistes migratorius

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