Remplissage capillaire

Le remplissage capillaire[1] ou la recharge capillaire désigne le retour du sang dans un capillaire dont on l'a chassé par pression (acupression en général).

La zone rouge située au centre de ce schéma (zones des artérioles) correspond à celle qui est observée par le « test du temps de recharge capillaire », qui est la mesure du temps qu'il faut pour que le sang recolore la zone après qu'on l'en ait brièvement chassé par une pression de quelques secondes.


Le « temps de recharge capillaire » est un indicateur biologique de l'état cardio-pulmonaire d'un sujet, et un indice ayant une valeur diagnostique importante (Cf. signe de diminution de la perfusion périphérique, c'est-à-dire de la diminution de la circulation du sang dans les zones éloignées du cœur)[2], tout comme le test de la mesure de la température du gros orteil[3],[4] ou d'autres tests tels que la mesure de la différence de température entre l'intérieur du corps et le gros orteil (qui, selon Boerma & al (2008) n'est pas corrélée à la mesure de la microcirculation sublinguale, laquelle est donc un moins bon indicateur)[5].

Chez l'Homme adulte il est souvent mesuré sur le bout de l'index ou dans la région du genou[6].

Définition du test du temps de remplissage capillaire

Le temps de remplissage capillaire (TRC ou CRT pour les anglophones), ou encore temps de recoloration capillaire est défini comme le temps nécessaire pour que la couleur de la peau d'un lit capillaire externe revienne à sa couleur normale, après l'application d'une pression ayant provoqué le blanchiment[2].

Limites du test

Les tests évoqués ci-dessus, ont une fiabilité interobservateur qui est discutée (moins bonne sans chronomètre et pour les mesures moyennes ; la concordance interobservateur étant meilleure pour les TRC de moins d'1 seconde et de plus de 4 secondes, plus faciles à mesurer[7], et ces tests peuvent être influencés par plusieurs facteurs :

Bon éclairage nécessaire

Le test TRC est visuel. Basé sur l'évolution de la couleur de la peau, il nécessite donc un bon éclairage : en lumière naturelle (jour partiellement nuageux, environ 4000 lux), le CRT mesuré est normal chez 94,2% des participants en bonne santé ; mais seuls 31,7% des mêmes sujets sont correctement 'diagnostiqués' si le test est pratiqué sous un clair de lune ou un lampadaire du début des années 1990 (3 lux)[8]. Ce test ne devrait donc pas être utilisé en médecine d'urgence, par exemple pour évaluer la gravité d'un traumatisme, dehors, la nuit, ou dans tout environnement manquant de lumière [8];

Température ambiante et/ou corporelle

La température ambiante, et la température du patient influent sur le TRC[9] : le froid ambiant (l'exposition du patient à un courant d'air...) pouvant rapidement allonger le temps de remplissage, même chez un sujet parfaitement sain[10] ; La CRT baisse de 1,2% par degré Celsius d'augmentation de la température ambiante[11]. La température de la peau du bout des doigts variait selon la température ambiante ; chaque degré en moins de température cutanée induit une augmentation de la CRT (de 0,21 seconde)[10]. Et plonger la main dans de l'eau à 14°C suffit à allonger la TRC[9]

Un lien statistiquement significative est en outre démontré entre le TRC et la température centrale[12] ; il est en moyenne 5% plus court pour chaque degré celcius de plus de la température centrale[11].

Il en va de même chez l'enfant : le TRC d'enfants sains dans un environnement d'environ 26°C est inférieure à 2 secondes. Mais, notait Gorelick en 1993, seuls 31% des enfants sains conservent ce score si la température ambiante est d'environ 19,4°C [13]

Ceci vaut aussi pour les nouveau-nés : leur TRC est plus court quand ils sont dans des incubateurs ou sous radiants[14]) ; le test du temps de remplissage capillaire ne doit donc pas être considéré comme étant mesure diagnostique universelle[2]

Le TRC reste cependant un bon prédicateur en milieu hospitalier où les conditions de température des chambres sont contrôlées.

Âge du patient

Un temps de récupération de 3 secondes est normal chez le nouveau-né[14] (« quels que soient le sexe, la gestation, le poids, la taille pour l'âge gestationnel » ou en contexte de photothérapie[15].

Chez l'enfant la normale est d'environ 2 secondes[15].

Une variation plus large semble concerner l'adulte[16], avec une augmentation moyenne de 3,3% par décennie d'âge supplémentaire[11].
Une étude (1988) a mesuré un TRC pédiatrique médian (0 à 12 ans) de 0,8 seconde[17] passant à 1,0 seconde chez l'adulte, 1,2 seconde chez la femmes adultes ; puis 1,5 seconde chez les plus de 62 ans[17]. La limite supérieure "normale" pour la femme adulte devrait donc être portée à 2,9 secondes et à 4,5 secondes pour les personnes âgées[11].

Durées et lieu de l'acupression

Il n'y a a pas de consensus sur le meilleur endroit où appliquer le test.

Le TRC mesuré sur le talon peut être nettement plus long que sur le doigt[18],[10].

Chez le nouveau-né, la mesure du TRC est plus cohérente entre le milieu du front et la poitrine (plexus) qu'avec le talon ou avec de la paume de la main[14].

La plupart des études se basent sur une phalange distale ; l'OMS recommande l'ongle du pouce ou du gros orteil[19], mais une enquête faite auprès d'agents canadien de santé pédiatrique (en Ontario) montrait en 2008 que 2/3 des interviewés utilisaient la poitrine et 1/3 seulement la pulpe d'une phalange distale[20]. D'autres préfèrent les tissus mous du genou (au niveau de la rotule) ou de l'avant-bras[21]

Hypovolémie

Et selon une étude récente (2014), ce test ne permet pas, chez l'adulte, de détecter une hypovolémie si elle est « légère à modérée »[22].

Signification physiologique

La pression effectuée sur une zone périphérique du corps en chasse le sang (par les veinules). Le réseau de capillaires vide apparait alors comme une zone blanche (car n'étant plus colorée par les globules rouges)[23]. Au relâchement de la pression, ce réseau capillaire se remplira plus ou moins vite selon la souplesse et le tonus des artérioles. Ce tonus dépend, de manière générale, d'un équilibre dynamique délicat entre vasoconstricteur (noradrénaline, angiotensine II, vasopressine, endothéline I et thromboxane A) et des influences vasodilatatrices (prostacycline, monoxyde d'azote et produits du métabolisme local comme l'adénosine). La viscosité du sang (ou du plasma) est aussi un facteur influençant le flux sanguin dans les capillaire les plus fins[23]. Mais un autre facteur, majeur, de la « perfusion capillaire » est la « perméabilité capillaire » (liée à la « densité capillaire fonctionnelle » c'est-à-dire à la quantité de capillaires de la zone effectivement remplis de globules rouges circulant normalement[23].

Intérêt et signification diagnostique

Le « test du remplissage capillaire » présente l'intérêt d'évaluer l'état de la microcirculation, sans matériel particulier, rapidement, de manière non-invasive et au moindre coût[24].

Il est reconnu comme signe de plusieurs états de santé et pathologies, dont par exemple[2] :

Mise en œuvre du test

chez l'humain adulte

Il peut être mesuré en tenant la main du patient plus haut que le niveau de son cœur, et en appuyant assez fortement sur la pulpe de l'extrémité d'un doigt (ou sur un ongle) jusqu'à ce qu'une couleur blanche apparaisse sous la zone de pression.
On chronomètre ensuite le temps nécessaire pour que la couleur normale revienne, une fois la pression relâchée. Le temps normal de remplissage capillaire est chez l'humain normalement inférieur à 2 secondes.

Une étude récente (2014) a montré qu'en hôpital, sur des patients atteints de choc septique, « le CRT est hautement reproductible, avec une excellente concordance inter-juges » (80% [73–86] pour l'indice CRT) et 95% [93–98] pour le genou CRT[6]. Il était « significativement liée aux paramètres de perfusion tissulaire tels que le taux de lactate artériel et le score SOFA »[6].
Dans ce cas, le taux de mortalité à 14 jours était de 36%, et le CRT mesurée sur les deux sites était significativement plus élevée chez les non-survivants que chez les survivants (respectivement 5,6 ± 3,5 secondes vs 2,3 ± 1,8 secondes). Le CRT semble donc fortement prédictif de la mortalité à 14 jours chez les victimes de choc toxique. Les auteurs ajoutent que « les changements de CRT pendant la réanimation de choc étaient significativement associés au pronostic ». Il est qu'en 1979, un autre test (un peu plus difficile à mettre en œuvre), consistant à mesurer la différence de température entre l'air extérieur et la peau du gros orteil, s'est aussi montré prédictif du risque de mortalité pour les mêmes types de pathologies[3].

Chez le nouveau-né humain

Le temps de remplissage capillaire peut être mesuré chez le nourrisson en appuyant 5 secondes sur son sternum avec un doigt (pouce en général), puis en notant le temps nécessaire pour que la couleur revienne une fois la pression relâchée.
Chez le nouveau-né, ce temps ne devrait pas dépasser 3 secondes[30].

Chez l'animal (mammifère)

Le « temps de remplissage capillaire » et généralement évalué de la même manière chez l'animal que chez l'Homme (par acupression), mais en appuyant sur la gencive (car le sternum est généralement recouvert de fourrure)

Perspectives, prospective

Selon Amelia Pickar et ses collègues (2011) la mesure du temps de remplissage capillaire (CRT), peut aussi intéresser les anesthésistes[15]. Aujourd'hui faite visuellement, pourrait bientôt être faite, plus précisément et de manière automatisée, via des technologies de vidéographie numérique ou grâce à des sondes de saturation en oxygène modifiées[15].

Voir aussi

Articles connexes

Notes et références

  1. « temps de remplissage capillaire » (consulté le )
  2. David King, Robert Morton et Cliff Bevan, « How to use capillary refill time », Archives of Disease in Childhood. Education and Practice Edition, vol. 99, no 3, , p. 111–116 (ISSN 1743-0593, PMID 24227793, DOI 10.1136/archdischild-2013-305198, lire en ligne, consulté le )
  3. R. J. Henning, F. Wiener, S. Valdes et M. H. Weil, « Measurement of toe temperature for assessing the severity of acute circulatory failure », Surgery, Gynecology & Obstetrics, vol. 149, no 1, , p. 1–7 (ISSN 0039-6087, PMID 451819, lire en ligne, consulté le )
  4. (en) Henri R. Joly et Max Harry Weil, « Temperature of the Great Toe as an Indication of the Severity of Shock », Circulation, vol. 39, no 1, , p. 131–138 (ISSN 0009-7322 et 1524-4539, DOI 10.1161/01.CIR.39.1.131, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) E. Christiaan Boerma, Michael A. Kuiper, W. Peter Kingma et Peter H. Egbers, « Disparity between skin perfusion and sublingual microcirculatory alterations in severe sepsis and septic shock : a prospective observational study », Intensive Care Medicine, vol. 34, no 7, , p. 1294–1298 (ISSN 0342-4642 et 1432-1238, PMID 18317733, PMCID PMC2480600, DOI 10.1007/s00134-008-1007-x, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) H. Ait-Oufella, N. Bige, P. Y. Boelle et C. Pichereau, « Capillary refill time exploration during septic shock », Intensive Care Medicine, vol. 40, no 7, , p. 958–964 (ISSN 0342-4642 et 1432-1238, DOI 10.1007/s00134-014-3326-4, lire en ligne, consulté le )
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